vendredi 27 avril 2018

Le folklore des cordonniers de Binche


LE FOLKLORE DES CORDONNIERS DE BINCHE 

Les cordonniers fêtent saint Crépin et saint Crépinien, martyrs soissonnais du troisième siècle. On raconte que Romains, ils étaient venus en Gaule pour y répandre la foi tout en exerçant le métier de cordonnier. Ils subirent le supplice du chevalet; suspendus à un instrument de torture, on détacha de leurs flancs de larges bandes de peau. Des poinçons ou des alênes leur furent enfoncés dans le corps[1].
La Révolution française supprima corporations et confréries religieuses, néanmoins l'antique usage de se réunir lors des fêtes des saints patrons continua.



                                          Saint Crépin                                  Saint Crépinien
                        Statues de bois polychrome de la collégiale Saint-Ursmer, XVIIe s.

Sous le régime hollandais, des bals étaient donnés comme nous l'apprend ce texte:
"Sur la demande de plusieurs sociétés de cordonniers établies chez les sieurs Goffaux Maximilien, Lettelier Emmanuel, Leroy Philippe, Cussac Mathieu et Degrève Ursmer, cabaretiers tendant à obtenir la permission pour quelques bals les 25-26 et 28 octobre 1827.
Attendu qu'il est coutume chaque année à l'occasion de Saint CréPin, accordons la permission.
- de Biseau d'Hautteville, Bourgmestre » [2].
Avec le temps, d'habitude ne se perd pas comme en témoigne "Le Journal de Binche" du 28 octobre 1860 [3]:
"Le 25 courant au matin, de nombreux cortèges, musique en tête, circulaient dans la rue et se dirigeaient vers la paroisse où ils allaient assister à une messe solennelle. C'étaient les cordonniers qui célèbrent chaque année à Pareil jour, la fête de leur patron Saint Crépin. Cette fête a ici tout le caractère d'une fête publique et dure trois jours consécutifs. Chaque société, et elles sont nombreuses, donne deux banquets et deux bals ".
De ces fêtes vient l'expression: "il a chuchî tout m'Saint Crépin" (il m'a ruiné).

De nombreuses chansons se chantaient lors des banquets des sociétés :
Saint CréPin mon cousin
Les cordonniers sont prêts
Pour aller voir Kerpin
En pure et sans chemise
Ah les dragons, les dragons, les dragons,
Les dragons d'Espagne

Variante:
Saint Crepin mon cousin
Les cordonniers se frisent
Pour aller voir Saint Crepin
En pure et en chemise

Variante:
El d'jou d'Saint Crepin
Les cordonniers font fiete
Pou d'aller vir Saint Crepin m'cousin
In pure et in qu'miche
Ah les dragons, les dragons d'Espagne (3x)

Variante:
Saint Crepin mon cousin
Les cordonniers se frisent
Saint Crepin mon cousin Les cordonniers ont faim
Saint Hommebon rigodons
Les tailleurs ont du bon
A rigodons! [4] 
El cordonnie c'est stin bon mestie
Quant î plû, il est s"ta iiute
El cordonnie c'est s'in bon mestie
Quant î gèle, i n'a ni frou 
Amis les cordonniers
Aujourd'hui Plus d'alènes
Le cœur joyeux discret
Chantons sans perdre haleine
D'une commune voix
Chantons ce gai refrain
Vive notre patron
Notre bon Saint Crepin

Comptine:
Mon Père est cordonnier Ma mère est demoiselle
On tire la ficelle 
Variante :
Mon père est cordonnier
Ma mère est demoiselle
Tire la ficelle

Bonjour Madame, ou allez vous comme ça!
Bon cordonnier, je m'en vais promener
Hélas, Madame, vous usez vos souliers
Bon cordonnier vous les raccommoderez [5]

Cette autre chanson fut publiée dans "Le Binchois" vers 1929.
Ma mère, ma bonne mère
Si je viens à tomber
Un terme militaire
sera vite écoulé
Ma mère, ma bonne mère
Ne vends pas ta chaumière
Je serai militaire

Je n’suis qu’un ouvrier
Vive notre patron
Notre bon Saint Crépin
Ma mère ma bonne mère
Je t’ai déjà dit
Les jambes sont bien faites
Et les jolis mollets
Qu’on voit dans notre métier
Mais il faut être discret


[1] J.J. HEIWEGH et J.-L. VAN BELLE, "Les saints patrons des métiers en Wallonie", Braine-Ie-Château, 1984, p.23.
[2] A.C.B. 01.00.02.4., conseils communaux art. 738 - 1827
[3] « Joumal de Binche » du 28.10.1860 1ère année n° 23.
[4] Ce qui veut dire que les cordonniers sont considérés comme des prolétaires en comparaison des tailleurs.
[5] Nous remercions Mme Hinnemans-Meurisse qui nous a transmis ces chansons apprises de Mr Hauy-Petit, ancien ouvrier cordonnier du grand-­père de René Légaux. Celui-ci en publia dans son "T'Avau Binche".

Généalogie binchoise: la famille Gauchez


LA FAMILLE GAUCHEZ
                                                                                                                                          Alain Graux
La famille Gauchez n’apparaît qu’au XVIIIe siècle dans notre ville

A.1. PIERRE-PHILIPPE
°1685± † Binche 8-7-1765
X 1°- (LE)FRAN Marguerite
   2°- 6-2-1731, MILCAMPS Anne-Marguerite, ° Buvrinnes 7-3-1693, y † 20-9-1766
Du premier couple (Gauchez-Lefran) :
A.1.1. ANTOINE-JOSEPH
° Binche 13-6-1718
Du second couple (Gauchez-Milcamps) :
A.1.2. TOUSSAINT-JOSEPH
° Binche 13-1-1732, y † 5-12-1770
X Binche 20-5-1756, BUISSEREZ Marie-Augustine, ° Binche 30-5-1734, y † 14-3-1786, d’où :
A.1.2.1. MARIE-ANNE-VICTOIRE-JOSEPH-AUGUSTINE
° Binche 1-4-1757, y † 5-1-1830
X Binche 20-8-1782, MALOUX Charles-Ursmer-Joseph, ° 1745, † Binche 20-12-1795
A.1.2.2. PIERRE-JOSEPH-AUGUSTIN
° Binche 26-1-1759, † Bruxelles 19-4-1845, rentier
X LEFEBVRE Rosalie-Agnès, ° Tournai 2-12-1766, † Bruxelles 25-2-1818, d’où :
A.1.2.2.1. JACQUES-CHARLES-AUGUSTE
A.1.2.2.2. ADOLPHE

A.1.2.3. JOSEPH- NARCISSE
° Binche 20-8-1760, y † 27-10-1769
A.1.2.4. HYACINTHE-JOSEPH-JULIE
° Binche 1-1-1762, y † 10-2-1764
A.1.2.5. CAROLINE-URSMARINE
° Binche 17-4-1763, négociante
X Binche entre le 11 et le 17 brumaire an VI (..-11-1797), de STASSART Jacques-François-Joseph, ° Politzka (Bohême) 25-12-1766, négociant
A.1.2.6. JOISSIN-JOSEPH
° Binche 15-1-1765, y † 27-10-1769
A.1.2.7. ALEXANDRE-JOSEPH-URSMER
° Binche 19-12-1765, y † 27-10-1769
A.1.2.8. ANNE-CATHERINE-FLORENCE
° Binche 21-3-1767
A.1.2.9. MARIE-THERESE-JULIE-ANTOINETTE-JOSEPH
° Binche 23-4-1768
C’est elle qui broda le drapeau des volontaires binchois de 1789
A.1.2.10. MARIE-AUGUSTINE-HENRIETTE-JOSEPH
° Binche 16-10-1769, y † 2-1-1774

A.1.3. (JEAN)-JOSEPH
° Binche 13-3-1734, diacre, chanoine d’Avesnes
A.1.4. URSMER-JOSEPH
° Binche 11-7-1738, y † 9-7-1764





mardi 17 avril 2018

La cordonnerie binchoise du 18e s. à la période française


LA CORDONNERIE BINCHOISE
DU XIIIe SIÈCLE A LA PÉRIODE FRANÇAISE.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Alain GRAUX

L'essor de la fabrication de chaussures lié à celui des tanneurs, mérite qu'on lui consacre un chapitre spécial.
Tout comme les tanneurs, les premiers cordonniers connus sont repris dans le cartulaire des cens et rentes dus au Comte de Hainaut en 1265-1286:
« Li stalage des corduaniers, corbisiers et çavetiers si tels Ke li cuens [Comte] a cascun ki a mis a estalle deluns [lundi] après le Saint Remi après che k'il a ostés II paires de se sollers qu'els k'il velt, le melleur paire après a cascun paire, s'il n'est borois. (C’est-à-dire que le Comte prend la 3e meilleure paire de souliers) Valt entor XV S. par an cis estalages »[1].

L'importance des cordonniers dans la vie de la cité fit qu'on créa une corporation qui perdit ses chartes en 1554 lors du sac de la ville. Les cordonniers et savetiers se dotèrent à la suite des autres corporations, de nouveaux statuts, le 3 novembre 1590, par devant le gouverneur et prévôt de la ville, Charles de la Hamaide en présence des jurés, Cornil Ghobert, Guillaume Fievet, Gilles Tahon et Andrieu Bourlart, et des conseillers François Lemaire, Gabriel Witeau et Antoine le Saige.
Les statuts sont assez semblables dans la forme et dispositions à ceux des autres connétablies, les termes de ces documents ne diffèrent que sur des points de détails, nous publions en annexe la charte des Savetiers conservée aux archives communales de la Ville de Binche[2].

En novembre 1599, les maîtres Cordonniers demandèrent au Magistrat de la ville, de pouvoir façonner des souliers légers avec semelles de mouton retourné dites blanches, comme le voulait la mode du temps, car en principe cela leur était interdit:
« Anciens maistres corduaniers de ceste ville avoient remonstré à Messieurs les Eskevins que les connestables dudit stil leur vouloient levet leurs souliers qu'ils avoient en leurs bouticles, fais à la ligière avecqz blanches semelles pour les bourgeois et aultres seigneurs et gentilzhommes comme journellement se demandoient que lesdits connestables maintennoient ceste contre le contenu de leurs livres de connestablie et qu'ils ne les pouvoient faire.
Ce que lesdits maistres corduaniers avoient confessez, mais allèguoient que lesdits ligiers ouvraiges estoient présentement fort en usance et de continuer d'en porter, voire que c'estoit un moyen de gaignaige et que a faulte de besoigner icy de tels ouvroiges l'on sen pourvoieroit aultrement à Bruxelles et ailleurs au grand dommage desdits corduaniers…».
Les jurés répondirent favorablement à la requête des cordonniers
«… à condition que pour en vendre sur le marché aussy ne podront faire gros ouvraiges des dittes blanches semelles sur paine de les lever et leur estre desffendu de là en après pouvoir en faire » [3].

En cette fin de XVIe siècle, les cordonniers avaient le privilège de poser devant leur maison un râtelier pour poser leurs chaussures alors que les savetiers ne pouvaient que les pendre à des clous, avec le temps ceux-ci enfreignent l'usage. Dès lors, les connétables des cordonniers se plaignent aux Jurés de la ville:
« Messeigneurs Jurez et Conseil de la ville de Binch,
Remonstrent humblement les maistres et connestables du francq Stil du Corps de la corduanerie de ceste ville, com il se perchoit à l’oeil les grands abus, désordres, et confusions que commettent presque tous les chavetiers dicelle, touchant leurs ouvraiges legiers et menus directement concernant les membres de connestablie du corps dudit Stil, ne pouvant distincquer les souliers desdits corduaniers à ceulx desdits chavetiers, attendu qu'iceulx devront mettre hanches vieses contenant trois doigts, ce qu'ils ne font avecq autltres vices infinis touchant le même stil au grand détriment desdits requerrants et de leur possene [orgueil -fierté] pour leur téméraire presomption, devant retelliers a leur porte non plus ni moins et que finisse audits corduaniers lessaon [dommage] de quoy iceulx se reclient à reffuge vers très noble office lequel doibt être prompt a le conservay dis que dessus et qu'ils présenttent avec maintention des mesmes us et coustumes et previlleges qu'ils
ont, orront faict fay de temps preteit et conjointement ceulx du meisme corps du stil desdits corduaniers de la ville de Mons, se conformer a iceluy en sera ordonné méritoire"

Poursuivant leurs efforts de réglementation, ils se dotèrent le 4 juin 1614, d'une ordonnance définissant les matières que peuvent employer les cordonniers et les savetiers, on remarquera qu'il v a deux sortes de cordonniers, ceux dits des grands ouvrages et ceux dits des petits ouvrages, ils insistent sur les privilèges de chacun:
« ...doresnavant corduaniers en prenant l'usaige et manière de faire des villes voisines, polront en leur ouvraige de corduaniers user et mettre en oeuvre cuyrs secq non conré [cuir sec non corroyé] ny mis en sieu [suif], cuyrs de fonds et du hattreau bon et léal pourveu qu'ils ne puissent mettre a allyer gras cuyrs et secqs ensemble mais seront tenus de faire et composer leur ouvraige tout de secq ou tout de gras, en faisant la semelle par desoud de cuyr de dos conré et mis en sieu bon et léal et passant au regard de cette ordonnance.
Quand en manière quilconque usez de cuir vieu dotant se touche et appartient au mestier de chavetiers sur encoure les contrevenants en lamende de six gros pour chacune pairs de sollier; a appliquer ung livre au proffit du Comte de Hainaut, ung livre à connestablie des chavettiers et l'autre livre au proffit des regards, entendu que lesdits corduaniers polront user de bons cuyrs de veau secqs pour brondequins [brodequins], aussy pour empeigne de pantouffles et soulliers devra estre de mesme gras de boef [boeuf] ou de vasche et lesdites bordures d'icelles soient de mesme tenus de faire en veau, pareillement les chavetiers polront ouvrer et mettre en oeuvre l'ouvraige des chavetiers cuyrs et trippes [tissu ordinaire] vieses [vieilles] ou noisres, aussi se bon leur semble faire et mettre en desord semelle entière tout d'une pièce de bon cuyr de dos conré et mis en si eu passant au regard de cette ordonnance en mettant sur la feuille de iceluy talon un vieux quaireau de trois doigts de large ou environ et estre noircy pour montrer la différence du vieux et du noef Entendu aussy que les chavetiers ne po rront faire pantouffles noires sy ce n'est qu'il y ait drap vieu par forme de fourrure par dedans et un vieu quaireau par dessus la semelle par l'amende de vingt gros.
Avecq se polront, les chavetiers ouvrer et mettre en oeuvre en l'ouvraige de chaveterie tous cuyrs et trippes vieses ou noefves.
Item polront lesdits chavetiers faire solliers et pantouffles de cuyr de veau pourveu que le cuyr de deseure soit vieu ou cuyr de veau noef sans polir, mais sy bon sembloit lesdits chavetiers de faire polir et escharner lesdits cuyrs de veau.
Item en polront lesdits chavetiers faire et composer soulliers de trippes ou en buffle noef, pourvieu et moyennant qu'ils seront tenus de mettre un kaireau vieu sur la semelle a quicquoncq contreviendroit a ce que dessus enquerroit des loix de six gros pour chacune paire de soullier et pour chacune fois appliquet moitié au proffit des corduaniers et l' aultre moitié au proffit des regards ou rapporteurs, entendu que les maitres des corduaniers polront et debvront avoir le regard sur leur mestier et sur le mestier des chavetiers et conreurs et lesdits chavetiers recyproquent sur leur mestier et sur cest un dis corduaniers afin qu'ils n'enprengnent l'ung dans l'autre.

Item au regard des corduaniers faisans petits ouvraiges la esté ordonné qu'ils ne polront faire Plus grans solliers que en dessous un poinct de grande poincture quy est douze poincts parché. Pareillement ne polront les corduaniers des grands ouvraigges faire solliers Plus petits que en deseure six poincts parché, soit que bourgeois leur facent faire ou non sur l'amende de dix gros pour chaque paire à départir, la moictié au proffit dudit mestier et l'aultre au proffit des regards.
Item polront lesdits corduaniers des petits ouvraiges mettre en oeuvre touttes sorts de cuyrs soit portant bane [peau de mouton] fera ou non en dessoutz six poincts, réservez, cuyrs de chevaulx, qui appartiennent aux chavetiers.
Et pour pouvoir a ce qu'ils n'emprengnent l'ung sur l'aultre lesdits deux corduaniers et deux chavetiers y ensemble polront visiter les ouvraiges desdits petits corduaniers et semblablement lesdits deux petits corduaniers et deux chavetiers vieux desdits grands corduaniers et ci se estoit aultrun délinquant quy entreprendroit l'ung sur l'autlre ou que lesdits corduaniers des petites ouvraiges usassent de cuyrs de chevaulx, ils escherront de six gros pour chacune paire de solliers ung tiere au proffit du Comte de Hainaut, ung tiere à la connetablie et l' aultre avecq au proffit des regards.
Collutionné le présent estat et trouvé conforme aux status originels par les corduaniers de ceste ville et en cois les chavetiers ne polront avoir restelier dés ore ny déseur leur maison comme font les corduaniers avecq se debvront contenter d'astache à l'amborde avec cloups pour y pendre leurs solliers,
faict le llll juing 1614.
Signé Pasquier, Parmentier, Louys Legrand, Grégoire Glis ».

Un livre de compte d'un marchand de cuirs binchois datant de la période 1681-1686 nous apprend que les cuirs de semelles se vendaient 10 patards la livre. Ce cuir appelé aussi cuir fort, se vend soit à la pièce soit à la botte, le tout est vendu au poids. Si le cuir est médiocre, on fait 1 liard de rabais. Le cuir noir ou le cuir gris pour empeigne était vendu 13 patards la livre. On importait du cuir d'Espagne, celui-ci se vendait 8 patards et demi la livre, le cuir du pays était un patard plus cher: 9 patards et demi.

Examinons les achats de quelques cordonniers:
Armand Dartevelle acheta d'août 1681 à avril 1686, tous les cuirs cités ci avant pour la somme globale de 1640 pattars environ.
André Artillon achète de 1682 à 1683 du cuir fort de semelles, du gris, du cuir d'empeigne marqué n° 5 pour 104 pattars.
Augustin Baudoux achète du cuir empeigne n° 3 et n° l0, du cuir gris et noir pour empeigne, et des bottes de cuir fort valant en général 144 livres pour la somme globale de 1583 livres 20 sols.
Antoine Massart et André Huppez de 1681 à 1689 achètent des cuirs de semelles, des cuirs forts et du pays pour 144 pattars.
Aubert Seghin en 1682 achète 8 patards de cuir du pays.
Charles Seghin achète de 1681 à 1686, du cuir fort et cuir d'empeigne pour 1562 livres 12 sols.
Charles Huguet achète les mêmes cuirs pour 744 livres.
François Franc eut droit à un rabais en avril 1685 – « estant que ledit cuyr estoit démangé des moulons, j'ay rabattu deux livres... ». Il paya de 1681 à 1685, 5092 livres pour les cuirs de semelles, d'empeigne et du pays.
Philippe Seghin achète assez bien de cuir d'Espagne et du cuir d'empeigne gris, ainsi que du cuir de semelle pour 2137 livres au total.
Josse Groize n'achète que cuir du pays de 1681 à 1686 et ce pour 417 livres.
Louis Trigallez achète toutes les sortes de cuirs pour 701 livres en 3 ans. Le compte signale
« que le huictieme jour du mois de mars 1686, Louis Trigallez, cordonnier de son styl et savettier, bourgeois demorant en la ville de Binch cognoit qu'il est loyalement redevable au Sr. Antoine Baron, marchand et tanneur demorant en la ville de Namur, de la somme de 443 livres et 2 deniers ensuitte d'achapt de marchandises de cuirs tant semelles que d'empeigne a lui vendue et livret a son contentement ».
Jacques Blairon doit au même Antoine Baron, 580 livres, il passa ses achats par l'intermédiaire du Sieur Bard de Binche. Ce livre de comptes signale aussi des achats par des cordonniers des environs de la ville, de Merbes-Ie-Château, Haulchin, Mont-Sainte-Geneviève, Chapelle-lez-Herlaimont, Le Rœulx, Trazegnies.
Quelques autres cordonniers sont signalés par des achats de moindre importance: Jean Delcourte, Antoine Delmotte, Philippe Henri, Gilles Mellet le Jeune, Nicolas Jeumont, Jacques Blairon, Hubert Dartevelle, Jaspard Sauvenière, François Brunebarbe et Louis Bataille [4].

Les métiers se réunissaient sous la protection d'un saint patron; en 1590, les savetiers se dotant de statuts disent:
« qu'ils prendront certaine confrérie a l'honneur de Dieu et du Saint qu'ils trouveront mieux convenir en l'église dudit Binch en laquelle tous ceulx de laditte connestablie seront tenu entre eulx rendre et faire confraires, payant par chacune semaine, le maistre chavetier, 6 derniers tournoys et par le serviteur gagnant argent sous maistre... Pour tous iceulx droits estre employés aux luminaires et autres fraix d'entretenue et décoration de leur chapelle. Avec de par chacun diceulx maistre chavetier contribuer aux fraix et despences de ceste connestablie. Sur ce polront engendrer san que ses droix ils soient tenus en rien rendre ny payer aux confrères Saint-Crespin par ce qu'ils en doivent et debvront estre quite et déchargez les payant une pars semaine com dit est. » [5].
La chapelle Saint-Crépin n'occupait pas une place prépondérante dans l'église Saint-Ursmer. En 1789 l'autel Saint-Crépin dut changer de place:
«  Les maitres d’église... représentent en outre qu'il conviendrait... de faire otter les ollels de Saint Crispin et Saint Hubert pour les réunir en la chapelle Saint- Vincent ou l' ottel est en mauvaise état » [6]-[7].
Le revenu de la chapellenie de Saint-Crépin était de 78 florins en 1787, Un mambour la dirigeait comme en témoigne ce texte:
1er juin 1683: « Receu dudit Dartevelle seize pattacons et demy laisser pour les roys brossés de cette année sous le bon plaisir de Monsieur Bard, mambour » [8].
On s'y occupait de l'apprentissage des orphelins:
«  aux maitres connestables de la confrairie Saint Crespin a été payez pour droit d'apprentissage de cordonniers de Pierre Sauvenier, Robert Libert, Jacques Grau et Anthoine Harlez... 5L 12 sols » [9].
ou encore:  
«  A la confrairie Saint Crespin à été payez pour droit d'apprentissage de cordonniers et de W. Combriau... 464 sols » [10].

« A Pierre Canivet a été payé 61.6 sols pour plusieurs ostieux (outils) qu'il at fait pour les orphelins cordonniers... »

La Révolution française devait bousculer l'antique organisation des corporations et confréries de l'ancien régime. Les effets des désordres dus à l'invasion se font diversement sentir par les cordonniers binchois. Il n'est plus possible de trouver du cuir vu les nombreuses réquisitions faites par les Français, mais ceux-ci commandent des chaussures pour leurs troupes. Le 11 pluviôse an 3 (31 janvier 1795), ils décident de réquisitionner 2.800 paires de souliers de soutien, à Binche et à Estinnes Haute (Estinnes-au-Mont). Deux commissaires de la municipalité, les Citoyens Stacquez et Cohendos sont désignés pour le recensement des cuirs [11].
Le 30 ventôse an 3 (21 mars 1795), à la séance du conseil municipal, l'agent national Ghodart annonce que le maire de Binche a convoqué tous les cordonniers de la ville. Ceux-ci soutiennent qu'il est impossible de trouver du cuir tel qu'il est demandé, qu'ils sont prêts à travailler dès qu'on leur fournira les matières premières. La municipalité écrit au directoire du district qu'il est impossible de procurer aux cordonniers la matière première nécessaire à la confection des souliers, attendu que les tanneurs n'en fabriquent pas.
D'après le recensement effectué en l'an 5 (1797) la ville compte alors 44 cordonniers payant une patente de 4 livres. Ils sont répartis comme suit dans la ville:
Sur la Place, 11 cordonniers : Boussart, Chevalier M., Constant N., Dehaye F., Devergnies M., Harlez A., Henry A., Legrand JB., Vanberchies N., Williart A..
Rue de l'Eglise, 2 cordonniers : BombIez A., Lecomte F..
Rue des Pelletiers, 5 cordonniers : Delhaye Ph., Fardel L., Graux L, Hupin A., Graux JB.
Rue du Cygne, 1 cordonnier : Bourgeois J-B.
Rue Saint-Jacques, 5 cordonniers : Cliniez D., Debaise JB., Graux C., Minart V., Vanberchies Jh.
1 cordonnière : Rigaux C.
Grand'Rue, 15 cordonniers : Boulanger F., Boulanger L., Degreve JB., Desalive, Empain F., Groise A., Groise F., Lecomte D., Voyer.
1 cordonnière : Malengrez A.
Rue Sans Raison, (ex-rue des Prêtres, actuelle rue de la Gaieté) 7 cordonniers : Charles U., Cruppe U., Massart U., Ponselet F., Ramboux A., Ramboux J.U., Sori
Rue Halle aux Filets, 1 cordonnier : Marlier L.
Rue de la Lune (actuelle rues des Brasseries), 1 cordonnier : Lecomte N.
Rue de l'Enfer (actuelle rue de l’Oie), 1 cordonnier : Lecomte U.
Rue de la Triperie, 2 cordonniers : Delwart A., Legaux N.
Rue Saint-Paul, 2 cordonniers : Hainaut A., Hainaut F.
Faubourg Saint-Paul, 1 cordonnier : Charles A.
Faubourg de Million, 2 cordonniers : Debaix J., Cambier A.
Rue de Million, 3 cordonniers : Carlier F., Delcourte B., Lecomte U.
Rue des Archers, 1 cordonnier : Delcourt A.
Rue Saint-Ursmer, 2 cordonniers : Empain A., Empain U.
Rue Lion Allart (actuelle rue des Orphelins): 3 cordonniers : Carlier M., Empain F., Dussart A.
Rue Margot du Fayt (actuelle rue de la Biche), 1 cordonnier : Trigallez Jh.
Rue des 3 Escabelles,  2 cordonniers : Cambier J.B., Ramboux Ch.
Rue du Cerf, 2 cordonniers : Gorez L., Maghin U.
Faubourg du Posty, 4 cordonniers : Crombiau A., Crombiau M., Daumery J., Lecomte J.
Rue non définie, 1 cordonnier : Brumain J.
Il y a aussi deux marchands-cordonniers sur la Place: Devergnies A. et Jenicot Jh., et un rue Saint:Jacques, Delwarde N.

Comme on le constate, les cordonniers de la ville sont concentrés dans le centre de la vieille ville, plusieurs membres d'une famille travaillant dans une même rue.



[1] "Cordonniers" est une altération du mot "corduanier" c'est-à-dire marchand de cordoans (cuirs de Cordoue pour les chaussures d'hommes).
"çavetiers" est un cordonnier qui travaillait en basane (peau de mouton tannée)

"Corbisier" est un fabricant de chaussures de femmes (J.L. Van Belle et J.J. Heirwegh. Les saints patrons des métiers en Wallonie" Braine le Château 1984).
[2] A.V.B. 00.04.00.6.
[3] A.E.M. P. 1533- 0rdonnance du 29 novembre 1599.
[4] A.C.B. 00.04.02.5.
[5] A.C.B. 00.04.00.06., "Charte des Chavetiers de la ville de Binche."
[6]A.C.B. 00.00.01.39., Audience du 24 juillet 1789, p.28.
[7] Deux statues en bois polychrome font partie du mobilier de Saint­ Ursmer.
       a) Saint-Crépin, bois polychrome XVIIIe siècle H.60 cm répertoire photographique du mobilier des sanctuaires de Belgique réf.: A.8422 - 7145.
       b) Saint Crépinien, bois polychrome XVIIIe siècle H.61 cm réf A.8422 -8145.
Ces deux saints sont frères, patrons des cordonniers, martyrisés en Gaule en 287 et fêtés le 25 octobre.
[8] A.C.B.00.04.02.5.
[9] A.C.B. 11.00.02.59., "Comptes des Orphelins", année 1739. (l21)A.C.B. 11.00.02.61., "Comptes des Orphelins", année 1741.
[10] Idem.
[11] A.C.B. 00.00.01.42. Registre d'audience - 19 Frimaire an 3 au 25 prairial an 8.