LES CONFLITS ENTRE
LES ABBES DE LOBBES
ET LE CHAPITRE
SAINT-URSMER DE BINCHE
Alain GRAUX
Théodulphe Barnabé[1]
fut élu abbé de l’abbaye Saint-Pierre de Lobbes le 8 mars 1728, et le 26 juin
1734, il prit possession de la prévôté du chapitre de Binche.
Le 30 mai précédent, il avait déjà fait acte
d’autorité prévôtale en députant un de ses religieux pour assister en son nom à
l’ouverture de la châsse de Sainte
Amalberge en présence de messire Goulart, official de cambrai et du président
de Marbais, délégué de la gouvernante générale des Pays-Bas, l’archiduchesse
Marie-Elisabeth.
Le 25 août 1739, désirant visiter Binche et sa
collégiale, l’archiduchesse fut reçue en grandes pompes ; l’abbé
Théodulphe se trouvait à la tête du chapitre, il félicita la princesse au nom
du chapitre, il voulait par là protester contre les prétentions des chanoines
de Binche qui lui contestaient le titre de prévôt de leur collégiale avec
première voix délibérative.
La dispute entre le chapitre et l’abbé
s’envenima.
Au commencement de 1752, Dom Barnabé s’étant
présenté pour occuper sa stalle dans la collégiale, le gouverneur de Binche,
messire Emmanuel de Gongnies, escorté de quatre soldats, voulut l’en empêcher.
L’abbé passa outre, mais les soldats le forcèrent à quitter sa place.
Le monastère de Lobbes adressa immédiatement
une plainte au Conseil souverain du Hainaut.
Celui-ci porta le 11 février 1752, la sentence
suivante :
« Le grand Bailly, président et les gens
dudit Conseil souverain ont déclaré et déclarent qu’il n’a point été permis à
l’intimé de tenter d’empêcher audit abbé l’entrée de la forme dont il s’agit,
employant à cet effet quatre soldats armés, qui se trouvaient par hasard en la
ville de Binche, moins encore de se servir des mêmes soldats armés pour l’obliger
de sortir de ladite forme, défense à lui de le troubler à l’avenir en sa
possession, l’y maintenant jusque à ce que, sur conclusion prise par qui il
appartient, autrement soit ordonné, condamnent l’intimé pour ces voies de fait
et violences à l’amende de trois cent florins et aux dépens »
Théodulphe Barnabé ne survécut pas longtemps à
cet affront, il mourut à la fin de l’année.
L’abbé Paul Dubois[2]
lui succéda à la tête de l’abbaye de Lobbes le 4 janvier 1753.
L’avènement de cet abbé réveilla les prétentions
des chanoines de Binche qui refusaient de le reconnaître au titre de prévôt du
chapitre Saint-Ursmer.
Il fut néanmoins installé comme prévôt quelques
jours après avoir été béni, mais les chanoines lui refusèrent l’exercice des
droits attachés à cette dignité sous prétexte que depuis longtemps les abbés de
Lobbes n’en avaient fait aucun usage.
L’abbé Dubois et ses religieux présentèrent
alors au gouverneur général, le prince Charles de Lorraine, une requête
accompagnée d’un long mémoire argumentant et prouvant leurs droits en cette
matière :
Ils prouvaient par des diplômes des empereurs
Othon Ier en 973, d’Henri II en 1101, des bulles des papes Innocent II en 1131,
d’Eugène III en 1150, que le chapitre Saint-Ursmer a été fondé par le monastère de Saint-Pierre
et placé sous la direction de l’abbé qui y confère les prébendes et que
celui-ci est reconnu comme prévôt-né du chapitre.
Que lorsque le chapitre a été transféré à
Binche en 1409, aucun changement n’a eu lieu.
Que l’archiduc Albert reconnut à l’abbé de
Lobbes le titre de collateur et de prévôt du chapitre Saint-Ursmer.
Qu’en maintes circonstances, les abbés de
Lobbes ont posé des actes par lesquels ils se reconnaissaient véritablement les
prévôts du chapitre de Saint-Ursmer.
Ils citent la prise de possession des abbés
Guillaume Gilbart, Raphaël Baccart, Barthélémy de Boussu, Lambert Veris, Pierre
de la Hamaide, etc.
Ces abbés ont officié solennellement comme la
première dignité de la collégiale, tel en 1608, la translation des reliques
sous les archiducs Albert et Isabelle, et en 1740 aux funérailles de l’empereur
Charles VI.
C’est donc à tort que le chapitre de Binche
refuse à l’abbé de Lobbes ses droits de prévôt « parce qu’il n’a point de mémoire qu’il les ait exercés depuis
1534 », ce que nous avons dit prouve le contraire »
Ils donnent encore des exemples de l’exercice
de ce droit en 1741, 1750, etc.
Ce mémoire donna raison à la requête de l’abbé
et du monastère de Lobbes que le gouverneur lui accorda au détriment du
chapitre de Binche.
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