A PROPOS DES STATUES DU SQUARE EUGENE
DERBAIX
Alain GRAUX
Les
vols répétés des statues du square Eugène Derbaix sont d’autant plus
regrettables que ces bronzes formaient un ensemble magnifique mettait en valeur
les abords de la gare de Binche.
Il
nous a semblé intéressant de retracer la petite histoire de la balustrade
monumentale qui encadre le square.
Suite
à une proposition de la Commission des Monuments et Sites, le Collège échevinal
de Binche se décida à créer un square vers 1910 :
«…la
gare qui semble enterrée apparaîtrait sensiblement exhaussée, cette
surélévation donnerait à la construction
un aspect du meilleur aloi ; il serait désirable de donner à la terrasse à
partir du trottoir de la gare une inclinaison identique à celle de la rampe.
L’emplacement
du jeu de balle nécessitant une emprise sur le square projeté, M. l’architecte
Languerock[1]
soumettra à l’avis du Collège un projet en même temps que ceux d’une clôture
monumentale du square de la hauteur d’un mètre, l’une en pierre, l’autre en fer
forgé. L’architecte a été invité pour la
création de ces clôtures à s’inspirer de celle qui existe au square du Petit Sablon
à Bruxelles et de choisir les sujets appelés à décorer le faîte des colonnes
parmi les personnages historiques de la ville de Binche… »[2].
Les
sculpteurs choisis pour ce travail furent Auguste De Wever et Franz Vermeylen.
M. De Wever décéda avant la mise en
route du projet et fut remplacé par Edmond de Valériola[3].
Les
deux artistes se partagèrent la besogne comme nous l’apprend la lettre de
l’architecte Languerock au bourgmestre Derbaix :
« …mais je suis d’accord avec M. Vermeylen, il
est content de céder quatre statues à M. de Valériola. M. Vermeylen exécutera
donc la sculpture des chapiteaux et des
colonnes, les deux lions, les statues de Charles-Quint, Marguerite d’York,
Guillaume de Baavière et Arnould de Binche.
Il restera donc pour edmond de Valériola
les statues de Marie de Hongrie, Baudouin le Bâtisseur, Yolande de Gueldre et
Gilles de Binche… »[4].
Le
7 avril 1910, la commission émit l’avis que le projet en pierre était le
meilleur, que les colonnes devraient être remplacées par des piédestaux réduits
et que les lions fussent exécutés à
l’échelle des personnages couronnant les colonnes.
Le
coût prévu de la balustrade étant de 8.000 Fr., le Ministère fit connaître qu’il était disposé à
intervenir à concurrence des deux tiers,
soit 6.400 Fr.[5]
Le
statuaire de Valériola fit connaître au ministre Schollaert , le 30 mai 1911,
qu’il se trouvait dans une situation difficile, car les moyens lui manquaient
pour entreprendre l’exécution matérielle de la commande. Il sollicita à cet
effet une avance de 1.000 Fr.
Le
23 juillet 1911, Edmond de Valériola écrivit une lettre au bourgmestre pour lui
décrire son travail : « …trois de
mes statues sont actuellement à la fonderie, ma dernière, c’est-à-dire Gilles
de Binche, sera terminée pour la fin de ce mois ci…je puis promettre trois
statues en bronze pour le 17 septembre. Si la quatrième n’est pas coulée pour
l’inauguration, nous pourrons mettre provisoirement Gilles de Binche en plâtre
doré… » ,
A
la même époque Franz Vermeylen écrivit au bourgmestre :
« …pour
vous satisfaire j’ai fait l’impossible et finalement vous aurez l’ensemble des
statues. Une des miennes ne sera qu’en plâtre teinté, car je ne puis arriver qu’au tout dernier moment. Je viens
de recevoir la visite de M. Van Aerschot, le fondeur, au sujet de la patine à
donner aux statues. Il en avait parlé à M. Languerock qui lui avait soumis
l’idée de las faire en doré comme les statues de la maison du roi, place de
Bruxelles, qu’en pensez-vous ?
M.
Van Aerschot me demande 120 à 125 Fr., pour cette dorure…
Nos
conditions sont également faites pour livrer les statues, mais non d’en faire
le placement. Pourrions-nous envoyer un ouvrier monteur et un tailleur de
pierres à vos frais pour ce travail ? Toutes les pièces sculptées en
pierre bleue seront exécutées pour la fin
de la semaine prochaine. Le reste est-il placé et prêt pour recevoir les
sculptures ?... »[6].
Les
statues des deux artistes furent coulées par la fonderie nationale des bronzes,
Verbeyst, rue Stephenson à Bruxelles.
Le
coût final des statues fut pour les huit sculptures en bronze ; 9.600 Fr.
Les sculptures en plâtre placées pour l’inauguration coûtèrent 4.400 Frs.[7]
Le
1er octobre 1911 eut lieu l’inauguration de la gare et du square par
le ministre des Finance, Michel Levie et celui de l’Industrie et du Travail,
Armand Hubert[8].
La
Commission royale de Monuments et des Sites procéda à l’examen des statues le
14 janvier 1912. Elle estima que seules les statues de Franz Vermeylen justifiaient
la liquidation des subsides promis, les trouvant particulièrement bien
interprétées, fouillées et réussies. Le travail du sculpteur de Valériola ne
parut pas acceptable « il laisse à désirer » dit la commission qui
regretta de n’avoir pas été appelée à examiner les maquettes de ses statues[9].
Vue partielle de la balustrade avec les statues de Yolande
de Gueldre et de Gilles Binchois
Voyons qui sont les deux statuaires :
Franz Vermeylen
Il
naquit à Louvain le 25 novembre 1857, fils et élève du sculpteur Jans-Franz
Vermeylen, avec qui il restaura des églises à Anvers et à Liège. Il fut aussi
l’élève d’Auguste Dumont à Paris
Il
sculpta surtout des bustes, médaillons et portraits. Il travailla aux statues
du square du Petit Sablon à Bruxelles, fit le Charles-Quint du palais du Grand
Conseil de Malines. Binche lui confia aussi les statuettes des poutres de la collégiale Saint-Ursmer.
Franz
Vermeylen habitait rue des Récollets à Louvain où il mourut le 18 décembre
1922.
Edmond de Valériola
Il
fut élève de l’Académie royale des beaux-arts de
Bruxelles de 1894 à 1904. Il participa au concours pour
le Prix de Rome en 1900, 1903 et 1906. Il
était tout autant portraitiste que médailleur.
On connaît de lui le Buste de Jules Bordet,
celui d'Edmond
Serneels à Etterbeek,
le monument James Ensor commandé par la ville d’Ostende
et celui de Prosper-Henri Devos dans le Parc Astrid à Anderlecht.
Vue partielle de la balustrade avec les statues de
Marguerite d’York
et d’Arnould de Binche
[1]
Langerock Pierre François Clément Isidore, né à Gand 19 septembre 1859, décédé à Louvain, le
14 septembre1923.
Ses œuvres appartiennent principalement au style néo-gothique. Il a également effectué de
nombreuses restaurations, notamment celles de l’hôtel de ville, de la
collégiale Saint-Ursmer et de la chapelle du Vieux cimetière.
[2] 20.10-1910, lettre de M. Lagasse de Locht,
président de la Commission royale des Monuments et Sites au Ministre des
Sciences et des Arts, François Schollaert.
[3] 9-3-1910, lettre du Ministère des
Sciences et des arts au bourgmestre Eugène Derbaix
[4] Lettre du 19-2-1911.
[5] 20-9-1910, lettre du Ministère des Sciences et
des Arts au bourgmestre Derbaix.
[6] Les pierres de la balustrade ont été
fournies par les carrières et scieries de petit granit Veuve Vincent Gauthier
et Cie., de Soignies
[7] A .V.B. 01-10-04-33.
[8] N. DELPORTE, Binche et sa région à travers les âges, Binche, 1937, p. 194.
[9] Rapport de la Commission royale des
Monuments et des Sites au Ministre des Sciences et des Arts, Paul Lambotte.
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