mardi 19 décembre 2017

A propos des statues du square Eugène Derbaix

A PROPOS DES STATUES DU SQUARE EUGENE DERBAIX
                                                                                                                                                       Alain GRAUX

Les vols répétés des statues du square Eugène Derbaix sont d’autant plus regrettables que ces bronzes formaient un ensemble magnifique mettait en valeur les abords de la gare de Binche.
Il nous a semblé intéressant de retracer la petite histoire de la balustrade monumentale qui encadre le square.
Suite à une proposition de la Commission des Monuments et Sites, le Collège échevinal de Binche se décida à créer un square vers 1910 :
«…la gare qui semble enterrée apparaîtrait sensiblement exhaussée, cette surélévation  donnerait à la construction un aspect du meilleur aloi ; il serait désirable de donner à la terrasse à partir du trottoir de la gare une inclinaison identique à celle de la rampe.
L’emplacement du jeu de balle nécessitant une emprise sur le square projeté, M. l’architecte Languerock[1] soumettra à l’avis du Collège un projet en même temps que ceux d’une clôture monumentale du square de la hauteur d’un mètre, l’une en pierre, l’autre en fer forgé. L’architecte a été invité  pour la création de ces clôtures à s’inspirer de celle qui existe au square du Petit Sablon à Bruxelles et de choisir les sujets appelés à décorer le faîte des colonnes parmi les personnages historiques de la ville de Binche… »[2].
Les sculpteurs choisis pour ce travail furent Auguste De Wever et Franz Vermeylen. M. De Wever  décéda avant la mise en route du projet et fut remplacé par Edmond de Valériola[3].
Les deux artistes se partagèrent la besogne comme nous l’apprend la lettre de l’architecte Languerock au bourgmestre Derbaix :
« …mais je suis d’accord avec M. Vermeylen, il est content de céder quatre statues à M. de Valériola. M. Vermeylen exécutera donc  la sculpture des chapiteaux et des colonnes, les deux lions, les statues de Charles-Quint, Marguerite d’York, Guillaume de Baavière et Arnould de Binche.
Il restera donc pour edmond de Valériola les statues de Marie de Hongrie, Baudouin le Bâtisseur, Yolande de Gueldre et Gilles de Binche… »[4].
Le 7 avril 1910, la commission émit l’avis que le projet en pierre était le meilleur, que les colonnes devraient être remplacées par des piédestaux réduits et que les lions fussent  exécutés à l’échelle des personnages couronnant les colonnes.
Le coût prévu  de la balustrade étant  de 8.000 Fr., le Ministère  fit connaître qu’il était disposé à intervenir à concurrence  des deux tiers, soit 6.400 Fr.[5]
Le statuaire de Valériola fit connaître au ministre Schollaert , le 30 mai 1911, qu’il se trouvait dans une situation difficile, car les moyens lui manquaient pour entreprendre l’exécution matérielle de la commande. Il sollicita à cet effet une avance de 1.000 Fr.
Le 23 juillet 1911, Edmond de Valériola écrivit une lettre au bourgmestre pour lui décrire son travail : « …trois de mes statues sont actuellement à la fonderie, ma dernière, c’est-à-dire Gilles de Binche, sera terminée pour la fin de ce mois ci…je puis promettre trois statues en bronze pour le 17 septembre. Si la quatrième n’est pas coulée pour l’inauguration, nous pourrons mettre provisoirement Gilles de Binche en plâtre doré… » ,
A la même époque Franz Vermeylen écrivit au bourgmestre :
« …pour vous satisfaire j’ai fait l’impossible et finalement vous aurez l’ensemble des statues. Une des miennes ne sera qu’en plâtre teinté, car je ne puis  arriver qu’au tout dernier moment. Je viens de recevoir la visite de M. Van Aerschot, le fondeur, au sujet de la patine à donner aux statues. Il en avait parlé à M. Languerock qui lui avait soumis l’idée de las faire en doré comme les statues de la maison du roi, place de Bruxelles, qu’en pensez-vous ?
M. Van Aerschot me demande 120 à 125 Fr., pour cette dorure…
Nos conditions sont également faites pour livrer les statues, mais non d’en faire le placement. Pourrions-nous envoyer un ouvrier monteur et un tailleur de pierres à vos frais pour ce travail ? Toutes les pièces sculptées en pierre bleue seront exécutées pour la fin  de la semaine prochaine. Le reste est-il placé  et prêt pour recevoir les sculptures ?... »[6].
Les statues des deux artistes furent coulées par la fonderie nationale des bronzes, Verbeyst, rue Stephenson à Bruxelles.
Le coût final des statues fut pour les huit sculptures en bronze ; 9.600 Fr. Les sculptures en plâtre placées pour l’inauguration  coûtèrent 4.400 Frs.[7]
Le 1er octobre 1911 eut lieu l’inauguration de la gare et du square par le ministre des Finance, Michel Levie et celui de l’Industrie et du Travail, Armand Hubert[8].
La Commission royale de Monuments et des Sites procéda à l’examen des statues le 14 janvier 1912. Elle estima que seules les statues de Franz Vermeylen justifiaient la liquidation des subsides promis, les trouvant particulièrement bien interprétées, fouillées et réussies. Le travail du sculpteur de Valériola ne parut pas acceptable « il laisse à désirer » dit la commission qui regretta de n’avoir pas été appelée à examiner les maquettes de ses statues[9].

Vue partielle de la balustrade avec les statues de Yolande
de Gueldre et de Gilles Binchois
  
Voyons qui sont les deux statuaires :

Franz Vermeylen
Il naquit à Louvain le 25 novembre 1857, fils et élève du sculpteur Jans-Franz Vermeylen, avec qui il restaura des églises à Anvers et à Liège. Il fut aussi l’élève d’Auguste Dumont à Paris
Il sculpta surtout des bustes, médaillons et portraits. Il travailla aux statues du square du Petit Sablon à Bruxelles, fit le Charles-Quint du palais du Grand Conseil de Malines. Binche lui confia aussi les statuettes  des poutres de la collégiale Saint-Ursmer.
Franz Vermeylen habitait rue des Récollets à Louvain où il mourut le 18 décembre 1922.

Edmond de Valériola
Edmond-Alfred de Valériola est né à Schaerbeek le 7 février 1877 et décéda à Bruxelles en 1956.
Il fut élève de l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles de 1894 à 1904. Il participa au concours pour le Prix de Rome en 1900, 1903 et 1906. Il était tout autant portraitiste que médailleur. On connaît de lui le Buste de Jules Bordet, celui  d'Edmond Serneels à Etterbeek, le monument James Ensor commandé par la ville d’Ostende et celui de  Prosper-Henri Devos dans le Parc Astrid à Anderlecht.


Vue partielle de la balustrade avec les statues de Marguerite d’York
et d’Arnould de Binche


[1] Langerock  Pierre François Clément Isidore, né à Gand 19 septembr1859,  décédé à Louvain, le 14 septembre1923. Ses œuvres appartiennent principalement au style néo-gothique.  Il a également effectué de nombreuses restaurations, notamment celles de l’hôtel de ville, de la collégiale Saint-Ursmer et de la chapelle du Vieux cimetière.
[2] 20.10-1910, lettre de M. Lagasse de Locht, président de la Commission royale des Monuments et Sites au Ministre des Sciences et des Arts, François Schollaert.
[3] 9-3-1910, lettre du Ministère des Sciences et des arts au bourgmestre Eugène Derbaix
[4] Lettre du 19-2-1911.
[5] 20-9-1910, lettre du Ministère des Sciences et des Arts au bourgmestre Derbaix.
[6] Les pierres de la balustrade ont été fournies par les carrières et scieries de petit granit Veuve Vincent Gauthier et Cie., de Soignies
[7] A .V.B. 01-10-04-33.
[8] N. DELPORTE, Binche et sa région à travers les âges, Binche, 1937, p. 194.
[9] Rapport de la Commission royale des Monuments et des Sites au Ministre des Sciences et des Arts, Paul Lambotte.

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