LES VITRAUX DE SAINTE GUDULE A BRUXELLES PAR BERNARD VAN ORLEY
Alain GRAUX
Cet
art fut le but constant des efforts de Van Orley, efforts qui finirent par être couronnés par le
succès le plus complet, comme le
prouvent les admirables vitraux de la croisée de l'église de Sainte-Gudule, de Bruxelles, où il déploie
sans efforts, et à un degré éminent, son
talent de dessinateur et de coloriste.
Afin
de faire agréer une composition, il fallait d'abord en exécuter un premier
dessin ou carton, de dimension réduite.
Le sujet adopté, il était nécessaire
d'en exécuter un second, grandeur d'exécution, et suffisamment détaillé pour
servir de guide aux ouvriers. Un simple raisonnement suffit pour comprendre que
ces derniers, quelle que fût leur habileté et leur expérience, ne pouvaient se
contenter d'un croquis, d'une ébauche; il leur fallait un modèle de dimension
suffisante.
C'est
ainsi que pour les verrières de Sainte-Gudule, Van Orley a, non seulement
composé des cartons moindres, mais encore d'autres très développés, grandeur
d'exécution, où toutes les figures et tous les détails d'ornementation sont
dessinés avec une régularité, une élégance qui étonnent et qui le placent
certainement au premier rang des dessinateurs d'une époque qui a laissé
d'admirables modèles en ce genre. Ce dernier travail n'a peut-être pas été fait
entièrement de sa main, mais a certainement été exécuté sous sa direction et
avec sa participation. Il constitue pour lui un véritable titre de gloire.
Il
y avait longtemps que l'église principale de Bruxelles, la collégiale des
Saints Michel et Gudule, était décorée de vitraux peints, mais rien n'y est resté des productions de l'art tel
qu'on le pratiquait au Moyen-âge. Toute l'ornementation de la cathédrale a été,
sous ce rapport, renouvelée au XVIe siècle. Déjà, de 1510 à 1530, elle était
ornée de nouvelles verrières exécutées par Jacques de Vriendt ou Floris, d'Anvers, représentant
le Jugement dernier, lorsque les fabriciens se décidèrent à s'adresser à Bernard Van Orley
pour d'autres travaux du même genre.
Vitrail du couronnement de Charles-Quint et de son épouse Isabelle de Portugal
Un
peut sans doute lui reprocher de ne pas répondre à la pensée qui animait dans
le principe les peintres de vitraux, de ne pas être empreint de cet esprit
religieux ou plutôt mystique, qui dominait au Moyen-âge. On y cherche, plutôt
que l'on y trouve, des détails rappelant la destination des verrières d'orner le temple de Dieu. Mais,
de son temps, on songeait surtout à glorifier les grands de la terre, et la
représentation du prince tenait la place d'honneur. C'est à cette considération
que l'artiste a obéi en ne laissant qu'une place secondaire aux épisodes
religieux. Cette réserve faite quant à la disposition générale des vitraux, on
ne peut qu'en admirer l'ordonnance. Bernard Van Orley les exécuta en 1537 et
1538,
comme l'indique un millésime placé sur chacun d'eux dans le haut. « Au mois de
décembre de cette année (1537), le lendemain de la Saint-Thomas (ou 22
décembre), fut placé, dit une chronique manuscrite de Bruxelles du temps, le
beau vitrail de Sainte-Gudule, près du baptistère. Ce vitrail représentant
Charles-Quint et sa femme, fut fait par maître Bernard Van Orley, peintre, et
bourgeois de Bruxelles. » La verrière qui fait face, et qui date de l'année suivante,
fut entreprise par Bernard pour 375 florins du Rhin, auxquels la fabrique
ajouta encore 50 florins. Pour aider les marguilliers à acquitter cette
dépense, le gouvernement de Charles-Quint leur abandonna 174 florins provenant
d'un billet gagné dans une loterie et dont le domaine avait hérite comme
délaissé par un bâtard. Pendant les troubles de religion, ce vitrail, parait-il,
eut beaucoup à souffrir, car les maîtres d'église de Sainte-Gudule dépensèrent,
à ce qu'ils disent dans une requête de l'année 1614, plus de 1.600 florins pour
le réparer convenablement.
A
la même époque, on construisit à Sainte-Gudule, à côté du choeur principal, une
grande chapelle latérale, érigée en l'honneur du Saint-Sacrement de Miracle, où
l'on devait conserver les hosties poignardées par les juifs, disait-on, en 1370.
Lorsque le plan de cette partie du temple fut adopté, en 1532, ce fut Bernard
Van Orley qui en peignit une reproduction et qui reçut, pour ce travail, 10
florins carolus ou
Chacune
d'elles constitue un don de têtes couronnées. Elles sont dues à la munificence
: la première de Jean, roi de Portugal, et de Catherine d'Autriche, sa femme;
la deuxième de Marie de Hongrie, la troisième de François I", roi de
France, et de sa femme, Éléonore d'Autriche, et la quatrième de Ferdinand, roi
de Hongrie ou des Romains, et de sa femme, Anne de Hongrie. Ces personnages y
sont représentés à genoux, avec leurs saints patrons. Plus haut se passe une
des scènes se rattachant à l'histoire de la profanation des hosties. Le bas est
occupé par des écussons, avec inscriptions et autres détails décoratifs, qui se
répètent dans la partie supérieure.
Près
de François se tient saint François d'Assise, au-dessus duquel plane le crucifix;
de ce dernier partent quatre rayons couleur de sang, qui vont frapper les mains
et les pieds du pieux cénobite. Le tout forme un ensemble du plus bel effet;
car, on le reconnaît.
Le
troisième vitrail, le seul exécuté par Van Orley, reste un modèle, la
décoration architecturale y est plus élégante, la pose des personnages plus gracieuse,
la touche plus légère.
Dès
l'année 1536, le gouvernement de Charles-Quint avait donné au chapitre de
Sainte-Gudule une somme de
Les
autres vitraux ne furent édifiés qu'en 1546 et 1547; ils furent exécutés par
Jean Van Haecht, d'Anvers, d'après les dessins (au moins pour deux d'entre eux)
de Michel Coxie. Mais on peut supposer que celui-ci profita des indications de
son maître, car depuis il ne se livra plus à des compositions du même genre,
soit qu'il ait craint de ne rien faire de comparable aux créations de Van
Orley, soit qu'il ait dédaigné de participer à un art qu'il considérait comme
secondaire.
Il
est d'autant plus regrettable que celui-ci n'ait pu achever l'œuvre qu'il avait
commencée. A sa mort, le chapitre de Sainte-Gudule acheta de son fils Jérôme,
des esquisses qu'il avait préparées dans ce but, et du peintre Gilles Willems,
qui demeurait alors chez lui, le dessin qu'il avait esquissé pour la fenêtre
dont le roi de Portugal avait promis de faire les frais.
Bibliographie
A.
HENNE, Les arts en Belgique sous
Charles-Quint, Bruxelles, 1845.
E.
LEVY, Histoire de la peinture sur verre
en Europe et particulièrement en Belgique, Bruxelles, 1860.
A.WAUTERS, Bernard van Orley, Paris, 1892.
Vitrail représentant Louis II de Hongrie et son épouse
Marie d’Autriche
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