mercredi 3 août 2022

A propos d'une armure de Charles-Quint

 

A PROPOS D’UNE Une armure de Charles Quint

                          

Cette armure réalisée à Augsbourg vers 1525, fait partie d'une grande et complexe garniture partiellement hétérogène, elle fait partie de la collection de la Real Armeria de Madrid[1] qui permet, grâce à ses pièces de renfort et de rechange, 1a création d'ensembles destinés soit à la guerre, soit au tournoi.

L’armure comprend les pièces suivantes: armet[2] de style ancien avec sa caractéristique mentonnière en deux pièces qui se ferme sur le menton, visière pivotante, ample renfort de frontal ajouré et rondelle sur la nuque, colletin[3], plastron avec arrêt de cuirasse, doté d'une lame de ceinture et braconnière[4] soutenant les tassettes[5] symétriques; dossière[6] avec lame de ceinture et garde reins; épaulières asymétriques, la droite avec rondelle protégeant l'aisselle et la gauche munie d'une grande buffe[7] portant les initiales « KD », brassards ouverts à la pliure du bras, mitons[8]; la défense des jambes consiste en cuissards, grèves et solerets[9] à éperons.

Du point de vue stylistique, c'est une des plus belles armures de Charles-Quint et de son temps. Le jeu subtil des surfaces lisses est rehaussé par des bandes de contour, richement gravées et dorées, bordées de listels torsadés ou à écailles et parfois ornés de pointes de diamant en relief. La richesse ornementale de l’armure augmente sur les épaulières, la rondelle axillaire, les cubitières et tassettes, avec des rosettes en relief, des cannelures radiales et des feuillages en volutes. Ce dernier motif figure également sur les tempes de l'armet, encadrant les orifices destinés à l'ouïe et à l'aération.

Deux motifs significatifs de l'armure sont directement 1iés à 1'empereur Charles Quint: 1e collier de la Toison d'Or qui orne l'encolure du plastron et de la dossière, et surtout les voyantes initiales « KD » qui s'entrelacent sur la buffe de l'épaulière gauche.

Ces initiales signifient probablement Karolus Divus (le Divin Charles), en tant que titre impérial. A ce propos, rappelons qu'en 1549, pendant les somptueuses fêtes données à Binche par Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint et régente des pays-Bas, en 1'honneur de l'empereur et de son fils, le futur philippe II, on avait dressé un arc de triomphe portant l’inscription: Diyo Carolo Quinto Caesari Imperatori Maximo.

De même en 1550, sur le portrait de Charles Quint dans un cadre en arc de triomphe gravé par Enea Vico de Parma, l'empereur porte le titre de Divo Carolo V.

L'armure  a subi des modifications anciennes et modernes. Au cours du temps, elle en vint même à perdre son identité et, vers le milieu du XIXe siècle, on l'attribuait à Don Juan d'Autriche, fils naturel de Charles Quint. Cette attribution imaginaire ne fut pas la seule: el1e en remplaçait une autre encore plus étrange, remontant à la frn du XVIIIe siècle, selon laquelle les lettres « KD » auraient signifié Kalatayud (Calatayud), localité de la province de Saragosse connue traditionnellement pour la fabrication des armes.

Cette armure est considérée depuis longtemps comme une des rares oeuvres signées du fameux armurier d'Augsbourg, Kolman Helmschmid, dont le poinçon, joint à celui d'Augsbourg figure à l'extrémité de l'appendice du timbre de l'armet qui fait office de couvre-nuque. Toutefois, la présence d'un poinçon d'armurier à cet endroit est tout à fait inhabituelle; en outre, celui-ci figure sur une pièce ajoutée, découpée en trèfle et rivetée à l'extrémité cassée du couvre-nuque. Si Kolman Helmschmid avait eu l'intention de signer son œuvre, i1 eut été très étonnant qu'il se soit contenté de cet emplacement secondaire, à la fois caché et délicat, vu que cette pièce est susceptible de se briser, et qu'il n'ait mis son poinçon sur aucune autre des nombreuses pièces de l'armure. La problématique inhérente à cette plaquette poinçonnée, ajoutée probablement à la fin du XIXe siècle, jette inévitablement le doute sur 1'attribution présumée de cette œuvre maîtresse de 1'art de l'armure à Kolman Helmschmid. D'autre part, d'un point de vue purement stylistique, on note, à l'appui de cette attribution, le fait que la haute qualité de cette armure correspond tout à fait à celle des autres armures de Kolman des années 1520.

 

Bibliographie

Jubinal & Sensi, Collection des principales pièces de la galerie d’armes anciennes de Madrid (vers 1839), II, p. 15, pl. 17.

Martinez del Romero, Catalogue de la Real Armeria de Madrid, 1849, pp. 16-18, n° 383, 402, 421.

Boeheim W., Kolman Helmschmid, maître armurier d’Augsbourg, 1891, p. 176, fig.8.

Conde de Valencia de Don Juan, 1898, pp.15-21, pl.ll;

Thomas, Gamber et Schedlmann, Armi e armature europee, Milan, 1974, p.251, fig.75 (A.27);

Gamber O.,  Kolman Helmschmid, 1975, pp. 9-10, 21-22, 35-37,fig.15-16, 55.

Charles-Quint. Tapisseries er armures des collections royales d’Espagne, Crédit Communal, 1980.



[1] N° d’inventaire A.19/36

[2] Armet : Casque en métal en usage du XVe au XVIIe siècle.

[3] Colletin : Petite pèlerine  courte couvrant les épaules

[4] Braconnière : pièce de l’armure qui protégeait le bassin et les cuisses.

[5] Les tassettes protégeaient les cuisses.

[6] Dossière : partie du dos  de la cuirasse

[7] Buffe : pièce de l’armure protégeant le cou et servant d’épaulière

[8] Miton : gantelet de plaques (parfois de mailles)  dont le pouce seul était libre

[9] Soleret partie de l’armure qui protège le pied

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