LE FOLKLORE DES CORDONNIERS DE BINCHE
Les cordonniers fêtent saint Crépin et
saint Crépinien, martyrs soissonnais du troisième siècle. On raconte que
Romains, ils étaient venus en Gaule pour y répandre la foi tout en exerçant le
métier de cordonnier. Ils subirent le supplice du chevalet; suspendus à un
instrument de torture, on détacha de leurs flancs de larges bandes de peau. Des
poinçons ou des alênes leur furent enfoncés dans le corps[1].
La Révolution française supprima
corporations et confréries religieuses, néanmoins l'antique usage de se réunir
lors des fêtes des saints patrons continua.
Saint Crépin Saint
Crépinien
Statues de bois
polychrome de la collégiale Saint-Ursmer, XVIIe s.
Sous le régime hollandais, des bals
étaient donnés comme nous l'apprend ce texte:
"Sur
la demande de plusieurs sociétés de cordonniers établies chez les sieurs
Goffaux Maximilien, Lettelier Emmanuel, Leroy Philippe, Cussac Mathieu et
Degrève Ursmer, cabaretiers tendant à obtenir la permission pour quelques bals
les 25-26 et 28 octobre
1827.
Attendu qu'il est coutume chaque année à
l'occasion de Saint CréPin, accordons la permission.
- de Biseau d'Hautteville, Bourgmestre »
[2].
Avec le
temps, d'habitude ne se perd pas comme en témoigne "Le Journal de Binche"
du 28 octobre 1860 [3]:
"Le
25 courant au matin,
de nombreux cortèges, musique en tête, circulaient dans la rue et se
dirigeaient vers la paroisse où ils allaient assister à une messe solennelle.
C'étaient les cordonniers qui célèbrent chaque année à Pareil jour, la fête de
leur patron Saint Crépin. Cette fête a ici tout le caractère d'une fête
publique et dure trois jours consécutifs. Chaque société, et elles sont
nombreuses, donne deux banquets et deux bals ".
De ces fêtes vient l'expression: "il
a chuchî tout m'Saint Crépin" (il m'a ruiné).
De nombreuses chansons se chantaient lors
des banquets des sociétés :
Saint
CréPin mon cousin
Les
cordonniers sont prêts
Pour
aller voir Kerpin
En pure
et sans chemise
Ah les
dragons, les dragons, les dragons,
Les dragons d'Espagne
Variante:
Saint Crepin
mon cousin
Les
cordonniers se frisent
Pour aller
voir Saint Crepin
En pure
et en chemise
Variante:
El d'jou d'Saint Crepin
Les
cordonniers font fiete
Pou d'aller
vir Saint Crepin m'cousin
In pure
et in qu'miche
Ah les
dragons, les dragons d'Espagne (3x)
Variante:
Saint Crepin
mon cousin
Les
cordonniers se frisent
Saint Crepin
mon cousin Les cordonniers ont faim
Saint
Hommebon rigodons
Les tailleurs ont du bon
El cordonnie c'est stin bon mestie
Quant î plû, il est s"ta iiute
El cordonnie c'est s'in bon mestie
Quant î
gèle, i n'a ni frou
Amis les cordonniers
Aujourd'hui Plus d'alènes
Le cœur
joyeux discret
Chantons
sans perdre haleine
D'une commune voix
Chantons ce
gai refrain
Vive
notre patron
Notre bon
Saint Crepin
Comptine:
Mon Père est
cordonnier Ma mère est demoiselle
On tire
la ficelle
Variante :
Mon père est cordonnier
Ma mère est demoiselle
Tire la
ficelle
Bonjour
Madame, ou allez vous comme ça!
Bon cordonnier, je m'en vais promener
Hélas, Madame, vous usez vos souliers
Cette autre
chanson fut publiée dans "Le Binchois" vers 1929.
Ma mère, ma bonne mère
Si je viens à tomber
Un terme militaire
sera vite
écoulé
Ma mère, ma bonne mère
Ne vends pas
ta chaumière
Je serai militaire
Je n’suis qu’un ouvrier
Vive notre patron
Notre bon Saint Crépin
Ma mère ma bonne mère
Je t’ai déjà dit
Les jambes sont bien faites
Et les jolis mollets
Qu’on voit dans notre métier
Mais il faut être discret
[1] J.J. HEIWEGH et J.-L. VAN BELLE,
"Les saints patrons des métiers en Wallonie", Braine-Ie-Château,
1984, p.23.
[2] A.C.B. 01.00.02.4., conseils communaux
art. 738 - 1827
[3] « Joumal de Binche » du
28.10.1860 1ère année n° 23.
[4] Ce qui veut dire que les cordonniers sont
considérés comme des prolétaires en comparaison des tailleurs.
[5] Nous remercions Mme Hinnemans-Meurisse
qui nous a transmis ces chansons apprises de Mr Hauy-Petit, ancien ouvrier cordonnier
du grand-père de René Légaux. Celui-ci en publia dans son "T'Avau Binche".
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