LA Statue de Yolande de Gueldre, réalisÉe
par Edmond de
ValérioLA[1]
Alain GRAUX
Face
à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910,
s’étend une imposante esplanade, appelée place Eugène Derbaix, au centre de
laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance ; autour de ce
monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la
moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue,
sculptée, de style néo-gothique d’où émergent huit colonnes de pierre,
elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze. Destiné à mettre la gare
davantage en évidence tout en atténuant harmonieusement le dénivelé du terrain,
le square a été aménagé en respectant les indications très précises de la
Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises,
ses représentants pour veiller à la bonne exécution des travaux (adjugés à
60.000 francs de l’époque). Soutenu par les autorités locales, et en
particulier par le bourgmestre Eugène Derbaix, le projet de square s’inspire de
celui du Petit Sablon, à Bruxelles,
avec ses colonnettes gothiques et ses statuettes évoquant « l’histoire
nationale ».
Œuvres des sculpteurs Vermeylen et
Valériola, désignés en mai 1911, les 8 statues représentent « des personnages
illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le
souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). Quatre sont
dues au ciseau de Frantz Vermeylen : Guillaume de Bavière, Marguerite d’York,
Arnould de Binche et Charles-Quint (toutes les statues de droite, quand on fait
face à la gare). Les quatre autres ont été réalisées par Edmond de Valériola
(1877-1956) : Baudouin le Bâtisseur, Gilles Binchois (disparue en 2014),
Yolande de Gueldre et Marie de Hongrie dont la statue a été volée en 1993. Dans
le projet initial, présenté en octobre 1910, Yolande de Gueldre, comme
d’ailleurs Gilles Binchois et Guillaume de Bavière, n’avait pas été retenue.
Figuraient alors Albert, Isabelle et Jacques Du Broeucq qui, sur décision du
conseil communal de Binche et d’Eugène Derbaix en particulier, furent remplacés
dans la version définitive du projet, arrêtée au printemps 1911.
Formé à l’Académie des Beaux-Arts de
Bruxelles (1894-1904), de Valériola est le cadet de 20 ans de Frantz Vermeylen
avec lequel il travaille sur le chantier binchois. Plusieurs fois candidat au
Prix de Rome, le Bruxellois s’est spécialisé dans les portraits (surtout les
jeunes filles et les femmes) et les médailles. La ville d’Ostende lui a confié
le monument James Ensor (1930), celle d’Etterbeek celle de Constantin Meunier
(1931) et il est aussi l’auteur d’un buste en marbre de Jules Bordet (Académie
royale de Médecine, 1950). Comme beaucoup de sculpteurs de son époque, il fut
sollicité pour réaliser des monuments commémoratifs des événements de 14-18,
puis de la Seconde Guerre. Il semble cependant que les critiques émises lors de
la présentation de son lieutenant général Bernheim (inauguré à Bruxelles, au
square Marie-Louise, en 1936) aient quelque peu porté préjudice à sa
réputation. Cela ne l’empêche pas de réaliser de nombreuses œuvres
personnelles, l’artiste travaillant le marbre autant que le bronze suivant son
inspiration qui trouva aussi à s’épanouir comme médailliste. À Binche, en 1910,
ce sont cependant quatre statues qu’il réalise dont une Yolande de Gueldre,
située à gauche lorsqu’on fait face à la gare et qui se trouve entre Gilles
Binchois (la plus éloignée par rapport à la gare) et Baudouin le Bâtisseur qui
n’est autre que son fils.
Dans l’histoire de la ville de Binche, tant Yolande que Baudouin occupent une
place particulière. À la première, on attribue en effet d’avoir choisi le site
d’où est née une ville neuve au début du XIIe siècle : bâtie sur un éperon
rocheux, au pied de la Samme, Binche sera fortifiée par le second dans les
années 1140. Veuve de Baudouin III de Hainaut (1088-1120), Yolande de Gueldre
avait épousé, en 1107, le 4e héritier du comté de Hainaut depuis que Baudouin
Ier avait acquis le titre en 1051. Leur fils exercera un long règne sur le
Hainaut, héritant de son père en 1120 et gardant son titre jusqu’à son décès en
1171. Née dans la famille des comtes de Gueldre, Yolande de Wasseberg
(1089-1140) épousera en secondes noces Geofroy, seigneur d’Ostrevan.
BiBLIOGRAPHIE
Centre d’archives privées de Wallonie,
Institut Destrée, Revues de Presse
Le Journal de Charleroi, 31 octobre 1910 et 16 mai 1911, Journal
de Bruxelles, 3 octobre 1911
Eugène DERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie,
1920, p. 38-39
Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche,
Libraire de la Reine, 1999
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe
et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 460© Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée ©
Sofam