vendredi 23 juillet 2021

un poète binchois proche des surréalistes: Jean Glineur

                   UN POÈTE BINCHOIS proche des SURREALISTES: JEAN GLINEUR

                                                                                                                                                          Alain GRAUX

Jean Glineur[1], est issu d'une famille bourgeoise, aisée et cultivée, il fit ses études à Binche, puis à l'Institut Saint-Louis à Bruxelles et à I'U.C.L. où il s'intéressa autant à la médecine (il se spécialisera plus tard dans la gestion hospitalière) qu'à la vie estudiantine, aux cercles littéraires ou à la philosophie ;  en 1926, il décrocha un diplôme de bachelier en philosophie thomiste; plus tard, il entama des études de droit, qu'il interrompit et qu’il reprit à l'université de Liège pour se présenter, enfin, au Jury Central en 1934.

Dès 1923, Il participa à la vie de plusieurs jeunes revues : « les Cahiers de la jeunesse catholique » et « La nouvelle équipe » où il publie ses premiers poèmes.

Vers 1928-1929, il fonda sa propre revue à Charleroi, le Soupirail (six numéros), il s'y montrait accueillant aux esthétiques nouvelles, notamment au surréalisme, saluant le jeune Eluard, présentant l'œuvre picturale de Magritte, Eemans, Frits Van Den Berghe, publiant des poèmes de Verboom, Mesens, commentant Nougé ou les jeunes compositeurs français « les "Six »[2]  et belges : André Souris et le Binchois Marcel Quinet,.

L'estime que valut à la revue, cet esprit d'ouverture ne put cependant la sauver des difficultés matérielles.

L'existence du poète aussi devint plus difficile : la mort de sa mère, encore jeune; un premier mariage  malheureux; la nécessité de prendre un emploi à la Commission d'Assistance Publique de Bruxelles, où il fit d'ailleurs toute sa carrière, et de le doubler de charges supplémentaires (l'enseignement, entre autres). Dans ce climat d'échecs et de tensions, son activité poétique se restreignit peu à peu. Il s'éloigna aussi pour de bon de son éducation catholique comme de la foi, tout en demeurant profondément tolérant.

Il fit la campagne des dix-huit jours sur la Lys (1940). Séparation, divorce, puis rencontre de sa compagne en 1946, Josée De Causemaker, qu'il épousa en 1951.

Ensuite sa vie reprit de l'équilibre, son activité professionnelle se développa, il fut chargé de cours à I'U.L.B. et rédigea nombreux d'ouvrages juridiques.

Dans ces dernières années, Jean Glineur voulut relancer son travail poétique, en faisant plus appel à l'expérience vitale qu'aux feux de l'imagination, mais le destin ne le lui permit pas et seuls demeurent quelques rares poèmes qui ne peuvent rendre compte de son projet mais redisent la tendresse et l'amour qui n'avaient pas cessé de nourrir l'existence de l'homme et du poète[3].

Bibliographie

On sait que Jean Glineur n'a publié de poèmes qu'en revues. Il travailla à plusieurs recueils, sans en faire aboutir aucun. L'examen des manuscrits a cependant permis de déterminer quelques ensembles, certes incomplets mais correspondant à des paliers d'évolution.

Après quelques textes d'inspiration symboliste (un "écolage"), Glineur découvre Rimbaud, Apollinaire et surtout le Manifeste du surréalisme d'André Breton (1924). Il écrit alors des poèmes en prose Morte-saison, 1925 ou en vers libres Contretemps de la mer, suivi de L’œuf de Colombe, 1926 à 1928, largement inspirés par les libertés d'écriture nouvelles et qui relèvent quelquefois de l’ « automatisme », consistant à noter les dictées de l'inconscient en l'absence de tout contrôle rationnel ou autre.

Vers 1930-1935, il publie le recueil « Carnet ».

Jean Glineur rappelait lui-même, vers 1945 :

« animé d'une imperturbable inconscience, bousculé et poussé en avant par je ne sais quelle foule de démons, j'écrivais sur des bouts de papier qui volaient ensuite autour de moi comme des feuilles mortes prises par le vent, les choses les plus folles, les plus incontrôlées « passe-par-la- tête »

 Il retouchait bien certains textes, comme le firent les plus grands surréalistes, mais ce n'est que vers les années 1930 qu'il s'attacha à des révisions plus radicales, à de vraies recompositions. L'inspiration lyrique et onirique demeure mais coulée dans une forme de plus en plus surveillée et régulière.

Son recueil le plus achevé est ainsi Enfance de l'Art (1931-1936) : d'anciennes proses, considérées comme simple matière première, y sont rigoureusement élaguées et voisinent avec des poèmes d'inspiration nouvelle pour tenter de mieux accorder la poésie avec tout l'être, « le sens exact des choses simples, leur chaleur de vie », des « paroles rares et pleines de sens par opposition au bavardage ». Les derniers poèmes de Jean Glineur n'ont d'ailleurs fait que confirmer cette orientation en la teintant d'un intimisme indépendant de toute école.

Après son décès, sa veuve publia « poèmes retrouvés et posthumes », de même, un ami de jeunesse, le Dr Charles-Ernest Renard, révèle une « Liasse de manuscrits, proses et poèmes de Jean Glineur ».

 



[1] Glineur Jean-Louis-Henri-Ghislain, ° Binche 29-5-1906, † Bruxelles 31-5-1969, x 1°- Binche 20-9-1930, Michel Mariette-Lucienne-Madeleine ; x 2°-  1951, De Causemaker Josée.

[2] Le groupe des Six, aussi nommé Les Six, est un groupe de compositeurs réunissant entre 1916 et 1923, Georges Auric (1899-1983), Louis Durey (1888-1979), Arthur Honegger (1892-1955), Darius Milhaud (1892-1974 (1899-1963), Germaine Tailleferre (1892-1983), la seule femme du groupe. Leur musique réagissait essentiellement contre l'impressionnisme et le wagnérisme. Ils étaient très influencés par les idées d'Erik Satie et de Jean Cocteau.

 

[3] DOMS A. Jean Glineur, poète, Bruxelles 1954.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire