vendredi 12 mai 2017

Evolution du quartier du faubourg saint-Paul et du rempart Saint-georges au XIXe siècle

EVOLUTION DU  QUARTIER DU FAUBOURG SAINT-PAUL
ET DU REMPART SAINT-GEORGES DU  XIXe s.
                                                                                                                                Alain GRAUX
La ville de Binche, à l’étendue limitée par son enceinte médiévale est ceinte de ses faubourgs qui n’excédaient les murs de la ville que de quelques centaines de mètres. Au XVIIIe siècle, le plan de cabinet du comte de Ferraris illustre très bien le paysage quasiment vierge au delà des murs de la ville, offrant des aspects bucoliques. Cette ceinture verte, est composée de vergers, houblonnières et prairies.
C’est principalement au delà de la porte Saint-Paul que plusieurs branches d’industries s’implantèrent.
Nous examinerons les lieux en commençant par l’extrémité méridionale des remparts, à proximité de la tour sur Roc formant le coin du parc communal, de hauts murs cachaient les jardins en contrebas du rempart, ils seront détruits lors du dégagement de l’enceinte. Un chemin étroit et pierreux serpentait entre ces murs et la rivière la Samme qui longeait les fortifications. A cet endroit s’étendait « el Blanchirie », blanchisserie de toiles appartenant à la famille Huart[1]. En 1848, la veuve Huart[2] s’opposa à l’installation d’une machine à vapeur dans la brasserie Pourbaix [3] (voir infra) craignant le manque d’eau pour ses équipements en temps de sécheresse. L'ingénieur du service des mines du district de Charleroi, Jochamps, ayant ouvert une enquête et effectué un rapport au gouverneur du Hainaut le 7-10-1848, prouva qu'il n'en était rien car la pompe d'alimentation de la chaudière prenait ses eaux dans un puit creusé dans la cour de la brasserie[4]. La blanchisseuse s’inquiétait aussi des retombées de la cheminée de l’usine qui pourraient ternir les linges étendus sur le curoir[5].
La topographie de l’endroit ne changea guère si ce n’est en 1888, la suppression de la ruelle de la Blanchisserie[6] appelée aussi ruelle de Bonne-Espérance.
Découvrons succinctement l’histoire de la brasserie :
Le 26-10-1836, André Joseph Pourbaix[7],  demande l'autorisation d'établir une brasserie sur une partie de terrain qu'il a acquis de la ville de Binche, Faubourg Saint-Paul, tenant à la rivière "la Samme", au chemin du boulevard assez près de la blanchisserie de la dame Vve. Huart. Il y eut une enquête commodo-incommodo le 22-11-1836. La demande fut accueillie favorablement pourvu que la cheminée de la machine à vapeur ne s'élève à plus de 11 m. du sol [8].
Suite à l'arrêté royal du 1-4-1842 qui énonce que les propriétaires d'usines doivent empierrer les abords de leur établissement, André Pourbaix proposa le 2-9-1842 de faire paver à ses frais les cent mètres de rue longeant la brasserie qu'il vient de faire construire, la ville lui fournirait les pavés, il fournirait le sable et la main d'œuvre [9].
En 1845, André Pourbaix fit paver le sol de la rivière qui passait dans sa propriété, aussitôt des oppositions affluèrent: Mr de Haussy, propriétaire du moulin situé an aval (voir infra) estimait que ce pavement aurait pour effet de faire refluer l'eau sur la rue. Le commissaire voyer R. Pâris écrit au bourgmestre de Binche le 26-9-1845:
" ..J'ai été appelé par Mr Fayt et Mr Gaillard à constater le mauvais état de la rivière qui coule le long de la blanchisserie Mme Huart. J'ai reconnu nécessaire la suppression d'un pavement qu'exécute en ce moment Mr Pourbaix-Seghin sur le sol de la rivière qui passe dans sa brasserie, lequel pavement se trouve immédiatement en aval de la butte servant à la prise d'eau qui alimente la blanchisserie de la veuve Huart .." [10].
En 1848, André Pourbaix, demande l'autorisation d'établir un moulin à vapeur de 12 cv. alimenté par la houille et destiné à l'usage d'un moulin à blé, sur la parcelle section C 65 d'une propriété lui appartenant tenant à la Samme, au chemin du boulevard, à celui de la ruelle à Mourdreux et à Mr François Paradis. Le conseil communal s'opposa à la demande le 14-8-1848, arguant que cette parcelle n'est distante que de 20 m. du parc qui souffrirait considérablement par la fumée des  machines à vapeur [11]. Le 21-10-1848 la Députation de la province de Hainaut appuyant l'Administration communale, refusa l'installation fondant son refus sur ce que la machine du Sieur Pourbaix nuirait notablement à une blanchisserie.

 Le faubourg Saint-Paul et ses cheminées d’usines : à gauche la cheminée de la brasserie Pourbaix,suivie de la malterie, plus loin la cheminée de la tannerie Brichot, à sa droite celle du moulin de Haussy.

André Pourbaix construisit quand même le bâtiment pour la chaudière. Le Collège des bourgmestre et échevins du 17-8-1848 signale le fait à la Députation permanente du Hainaut:
"..que les bâtiments pour placer la machine à vapeur sont en partie construits au mépris des lois et des autorités". Le brasseur se démena contre les autorités communales et provinciales, il possédait un droit de recours auprès du ministre des Travaux publics. Une contre expertise eut lieu, l'ingénieur des mines qui en fut chargé raille les voisins opposants "..entre autre le Sieur Monnier qui avait déclaré que la poussière faisait mourir son cerisier. Le jardin de Mr Monnier est recouvert dans toutes ses parties d'une végétation vraiment remarquable et, quant au cerisier qui se meurt, je crois qu'il serait plus exact de dire  que c'est sa greffe qui a éprouvé ce malheur soit parce qu'elle a mal été faite soit parce qu'elle est étouffée par de vigoureux saules, et non par son pied qui était plein de vie" [12]. Il obtint par arrêté royal, une autorisation provisoire pour un an à partir du 21-10-1848, à condition que la cheminée de la machine à vapeur doive être construite en briques et avoir une hauteur de 30 m. pourvue à sa base d'un pavillon[13]. La chaudière fut construite par les Ets. Ignace Duez à Jemappes [14].
Le 15 août 1850 suite aux pluies torrentielles qui tombèrent sur tout le pays, la rivière la Samme déborda et inonda la brasserie dont certains bâtiments s'écroulèrent. Les caves renfermant plus de mille tonneaux furent envahies par les eaux. Le brasseur Victorien Pourbaix-Dulière (il n'est pas parent avec André Pourbaix) mit sa brasserie à la disposition de son confrère dans le besoin[15].
En octobre 1850, le brasseur demande l'autorisation au gouverneur du Hainaut d'effectuer une dérivation des eaux de la Samme afin de pouvoir exploiter plus facilement sa brasserie, il s'explique:
"Le soussigné, industriel à Binche, a l'honneur de venir vous exposer qu'il serait infiniment utile tant pour lui que pour les propriétés en amont, de pouvoir conserver en même temps  que la rivière actuelle, la dérivation des eaux face à son habitation. Il serait évident, Monsieur le gouverneur qu'ainsi dans le cas où le pont sous ses bâtiments ne pourrait prendre les eaux de la rivière, cette dérivation pourrait empêcher l'inondation des terres situées depuis les arches du moulin Mr de Haussy jusqu'à son usine. Par ce moyen on préviendrait aussi le retour de la catastrophe récente qui a entrainé la ruine de la brasserie du soussigné.
Le soussigné pense ce travail d'autant plus nécessaire que depuis la mise en culture d'une certaine étendue du bois Lecomte et depuis l'établissement de la route de Merbes, il descend continuellement plus d'eau dans la rivière de Binche. Il s'engagerait à faire à ses frais ce travail.."
De même il écrit à la Ville pour obtenir l'autorisation de faire cette dérivation " près de sa propriété cadastrée 63bis, 64, 64bis, 65. au moyen d'un acqueduc en maçonnerie établi sur la voie publique du chemin dit du Boulevard Saint-Paul à la ruelle à Mourdreux"
L'autorisation fut refusée parce qu'elle était jugée préjudiciable à la prise d'eau du Sieur Huart, car la prise d'eau est en aval et de plus elle mettrait à découvert le tuyau de plomb servant à l'alimentation des fontaines publiques de la ville sur tout le long de cette dérivation, mais aussi qu'elle devrait avoir lieu sur la propriété communale en dessous du chemin des Boulevards de la porte Saint-Paul à la ruelle à Mourdreux
Comme on le voit ce brasseur entreprenant fut souvent en conflit avec ses voisins et en butte aux tracasseries de la Ville, qui ne lui était pas trop favorable. A son décès, en 1865, Désiré Joseph[16], son fils lui succéda. Il continuera l'exploitation de la brasserie jusqu'en 1870.
Le 1-2-1867, il veut agrandir son usine en achetant à la Ville de Binche une parcelle d'1 a. 27 ca. [17], Le 13-5-1868 il sollicite l'autorisation d'établir une chaudière à vapeur de 6 cv. pour le service  de sa brasserie. Il y fut autorisé le 16-5-1868 [18]. La chaudière fut construite par les Ets. Coffin, Chaussée de Mons à Cureghem.
Mais les projets d’agrandissements de Désiré Pourbaix furent contrariés par son divorce survenu en 1869 ; nous reviendrons sur ce personnage un peu plus loin.
Le 10-4-1871, Jules Paternotte[19] négociant à Buvrinnes, acheta la brasserie de Désiré Pourbaix, pour la somme de 50.000 fr. pour les immeubles et 6.900 fr. les meubles. L'acte est rédigé comme suit:
Une maison, brasserie, appendances et dépendances, compris le vide intérieur d'une ancienne tour, une cantine, une écurie, le tout contigu, cadastrés C 64 bis, 63 bis b, 63 bis c. tenant au chemin de Binche à Bonne-Espérance, audit Pourbaix par le couloir du jardin tenant à sa malterie, à la Ville de Binche et au chemin de ronde appelé "la Succursale".
Tous les biens sont vendus avec les mécanismes, y compris les accessoires, meubles attachés à la brasserie et servant à son exploitation sans excepter ni réserver autres que les camions, chariots, charrettes, roue enfer et excentrique, tombereau, bascules, 2 petits robinets en cuivre, lit domestique, ventilateur ou diable, porte à deux ouvrants. Sur le grenier: harnais, 2 cruches en grès.
Ces biens avaient été attribués au vendeur par acte de partage passé devant le notaire Fontaine le 29-7-1866. L'acheteur jouit de suite de la brasserie, dépendances et d’une partie de la maison, l'autre partie fut disponible 15 mai suivant [20].
Face à la brasserie de André Seghin, son beau-fils, Eugène Lengrand [21], employé au chemin de fer du Centre, fit ériger un moulin à farine à vapeur. On retrouve cette usine sur le plan Popp vers 1867, cadastré 61f. et faisant 3 a 70 ca. La maison contiguë est cadastrée 61k, fait 5 a. 49 ca. La matrice du plan le cite propriétaire.
Jules Paternotte qui acheta la brasserie de Désiré Pourbaix, acheta aussi le moulin à farine de sa sœur, il créa ainsi une brasserie-malterie importante nommée "Brasserie, malterie Saint-Paul".
L'entreprise reçut en 1897, la médaille d'or de l'exposition universelle. L'en-tête de la brasserie malterie renseignait que l'on produisait du malt indigène, de la levure pressée ou liquide, et que l'on vendait en plus de la production, des bières du pays, des bières étrangères: Stout et Pale-ale. Il fit bâtir une magnifique maison de maître[22] entourée d’un parc d’agrément.
Désiré-Jh. Pourbaix  continua ses activités dans la malterie juxtaposée à son ancienne brasserie
Il vendit la malterie le 27-7-1876, sur l’acte de vente il est nommé "ci-devant fabricant de malt à Binch actuellement brasseur à Mignault"
La rue Saint-Paul telle qu’elle apparaissait encore au début du XXe s. Au fond  pignon de la malterie Roulez, suivent les maisons ouvrières de Philippe Jamez. A gauche, l’ancienne corroierie Brichot.

La malterie comprend, outre ses dépendances, 1100 m. de germoirs et caves, 2 bacs, 2 tourailles à double plateau avec de grands aspirateurs, une écurie pour 5 chevaux, des remises pour voitures, etc.
Deux maisons d'habitation...le tout bâti sur 1ha. 16a. 15 ca. et jardins, section C 68a, 68b, 69, 70, tenant au parc de Binche, à la rue et à Jamez.
La malterie fut adjugée pour la somme de 30.000 fr. à la "S.A. Banque de Gilly" ayant son siège dans cette commune[23]. Cette banque ne l’acheta que pour en faire une    transaction commerciale profitable
Ce fut Rodolphe Roulez [24]qui racheta l’usine, celle-ci continua son activité jusqu’en 1930, date où elle fut incendiée.
L’importante propriété qui se trouvait entre la fausse rivière et la   rue  du  faubourg Saint-Paul appartenait à Jean-Baptiste[25] Brichot, c’était une  tannerie qui lui revenait par succession de son père. En 1847, il fit reconstruire la tannerie familiale[26] et  transforma la tannerie en corroierie, il la géra jusqu’en 1879, mais il avait déjà quitté Binche en avril 1871. Elle passe ensuite aux mains de Eugène Roulez-Roucloux, marchand de grains qui continua l’activité de corroierie jusqu’en 1884[27]. Le 14-8-1878, ce dernier demanda l’autorisation de bâtir sur le terrain situé entre le moulin de Haussy et la propriété qu’il venait d’acheter à la veuve Brichot. Le Conseil communal décida « Attendu que la propriété de ce coin de terrain  est contestée par les héritiers de Haussy et que ce terrain non bâti, en face d’une rue fréquentée, offre un très vilain coup d’œil et ne sert qu’à laisser croupir l’ eau qui exhale une odeur très malsaine…autorise le Sieur Roulez à construire sur ce terrain, conformément à nos indications, et ne lui cédons que les droits que nous pouvons avoir sur cette propriété.. »[28]. Le 15-5-1884, une demande d’alignement est effectuée par le malteur pour dix maisons qu’il se propose de faire construire. La demande fut approuvée le 20-5-1884 [29].
Le bief de dérivation de la rivière la Samme appelé « fausse rivière » (voir supra) commençait au bout d’un étang de retenue d’eau qui se situait à proximité de la porte Saint-Paul, il rejoignait la rivière plus loin au lieu-dit Pont d’Arcole situé entre le moulin à vapeur Lengrand et la brasserie Pourbaix. Ce bras de rivière alimentait le moulin Saint-Paul et  la tannerie Brichot.
Le moulin Saint-Paul dont l’origine remonte à la naissance de la ville[30] fait partie intégrante du décor. Le 20-7-1844, l’avocat de Haussy [31] demanda l’autorisation d’établir, dans le moulin à farine qui lui appartient[32],  une machine à vapeur faisant tourner trois tournants qu’il a fait construire à neuf en 1843. Cette machine devait suppléer dans les temps de sécheresse à l’insuffisance de la force motrice du cours d’eau. Le 20-3-1845 il y annexa une paire de meules destinées au meulage des écorces à tan qui seraient mises en mouvement par l’excédent du four de la machine à vapeur.
Le Conseil communal du 22-3-1869, prit des décision visant à supprimer le barrage qui entravait l’écoulement des eaux de la Samme, suite à l’arrêt de l’usine, les eaux ne passaient plus par le bief de décharge, ce qui rendait les lieux insalubres [33].
Le 8-3-1879, les héritiers de Haussy vendirent pour 7.500 fr. à François Sebille-Pollet [34] « un moulin à eau et dépendances, sis à Binche près de la porte Saint-Paul, avec une maison, résultant de l’action de l’huissier Gaillard, de Binche, du 30-7-1843 » [35].
François Sebille possédait aussi une tannerie [36]  qu’il avait héritée de son père[37] et qui était alimentée par les eaux de la Samme arrivant du pont barrage de Saint-Paul au bas duquel un second étang de retenue régulait les eaux de l’usine et qui continuait son cours vers le moulin Lengrand et ensuite vers la brasserie Pourbaix.
Contre l’étang, en dessous du pont Saint-Paul, se situait la tannerie[38] Victor Ghislain-Dubois[39]  à qui succédera Isidore Dubois qui travaillait déjà de son métier à proximité[40]. Cette exploitation était juxtaposée à celle de la famille Hupin, ce fut d’abord Antoine Hupin qui y travailla et ensuite vers 1880, son fils Charles aidé de ses sœurs.
La vue des remparts était complètement occultée par une série de maisons ouvrières qui furent bâties entre 1830 et 1860 l’initiative du tanneur Jamez [41].
La porte Saint-Paul fut démolie en 1837, le Conseil communal avait décidé:



« Attendu que la porte Saint-Paul est trop étroite et peu élevée pour servir à une grande route et que le portique se compose d’une certaine quantité de grès qui étant façonnés seront propres au pavage de la dite traverse.
Attendu que la dite porte est dans un état voisin de la vétusté, arrête ce qui suit :
La porte Saint-Paul sera démolie afin de donner plus de développement à la route de Binche à Merbes-le Château… »[42]
Cette décision fut adoptée contre l’avis du conseiller Derbaix, n’étant pas assez éclairé sur la nécessité de démolir la porte Saint-Paul. Au vu de la gravure représentant la porte Saint-Paul vers 1825[43], on reconnaît que c’était une mesure propre à tirer de l’isolement ce quartier industriel.
La courbe de la rue Saint-Paul qui s’amorçait à partir de la ruelle du Pont de Bois disparut en fonction du plan d’aménagement des rues aboutissant à la Station du chemin de fer présenté par l'architecte provincial le 9-4-1864, un nouvel alignement remplace l’ancien chemin venant de la porte Saint-Paul et menant à Buvrinnes et Sart-la Buissière. Cette rue est tirée en ligne droite jusqu’à rue Neuve de la Station créée alors. De nombreuses maisons sont construites suivant ce nouvel alignement. Le 6-5-1877, Alfred Pourbaix, banquier, demande de lui concéder l’entreprise de l’élargissement du pont du Faubourg Saint-Paul afin qu’il puisse arranger la propriété riveraine qu’il a acheté à Mme Soete et à M. Romain Rodebach [44]. Aucune décision ne fut prise.
En août 1884, le conseil communal décida l’élargissement le pont Saint-Paul :
« Vu les plans estimatifs et cahiers de charges des travaux d’élargissement du pont du Faubourg Saint-Paul, attendu que le devis estimatif des travaux pour une construction en fer s’élève à 7.181 fr. et celle en brique à 4.661 fr., décide d’approuver la construction en maçonnerie »[45]
Les travaux sont adjugés à Emmanuel Houssière, Alexis Delsame et Julien Courte pour la somme de 3.850 fr.[46]
Le 16-10-1884, Adrien Pollet écrit au Collège échevinal :
« En présence des travaux que la Ville fait exécuter rue Saint-Paul, je vous rappelle la convention verbale passée entre moi et le feu le bourgmestre Wanderpepen, aux termes de laquelle la Ville s’engage à ne prendre sur l’ancien bief que le terrain nécessaire à l’élargissement du pont, l’alignement de la rue Saint-Paul et le prolongement de la rue Saint-Georges jusqu’à la dite rue Saint-Paul ; à me céder gratuitement l’excédent du bief et une petite partie de terrain inutile à la voie publique se trouvant derrière l’ancien moulin et à me faire un aqueduc jusqu’au dit moulin.
Il est entendu qu’en ratifiant cette convention, l’administration communale ne me reconnaît aucun droit à réclamer soit à la Ville, soit à n’importe quel particulier, des indemnités relativement au moulin appartenant ci-devant à M. de Haussy…Veuillez me faire savoir si nous sommes bien d’accord sur tous ces points.. »[47]
En 1889, M. Pollet fit recouvrir par un aqueduc le bief de la Samme près de son usine, bien qu’il n’en ait pas reçu l’autorisation. En novembre 1887 Jules Paternotte avait fait la même demande afin de voûter une partie de la rivière Princesse [48]
En juillet 1885, Lion Desale fait approprier trois maisons partant de l’aile du pont jusqu’à la maison Fourmanois[49]. Le  25-8-1885, il demandait l’autorisation de clôturer sa propriété par un mur longeant la rivière, Il y fut autorisé le 11-9-1885.
La veuve Sebille-Pollet, demanda, elle aussi, l’autorisation de reconstruire la chapelle Notre-Dame de Tongres, rue Saint-Paul, sur le terrain qui lui appartient près de la rivière, contre le mur du parapet du pont. Elle y est autorisée le 27-5-1886. Le tailleur Auguste Dessart-Richard fait démolir une maison pour la reconstruire dans l’alignement en février 1887, il en fait bâtir une autre en mars 1888, bref petit à petit la rue prend son aspect actuel.
Suite à la décision de supprimer la fausse rivière en 1869, le bras de l’étang supérieur qui s’étendait le long de la rue Saint-Paul était devenu inutile, aussi l’étang n’avait-il plus la même importance qu’auparavant, la rivière fut canalisée en supprimant l’étang, à son emplacement de nouveaux bâtiments servant d’école communale pour filles furent aménagés en 1894. L’école était installée auparavant dans les locaux de l’ancien couvent des Récollets, et ce,  depuis 1879.
Vues partielles de l’école communale et de la rue Saint-Paul



Les plans du nouveau bâtiment furent dessinés par les architectes Mahieu[50] et Charbonnelle[51].
Le 1-6-1874, messieurs Daneau et Labrique demandent l’autorisation de bâtir dans l’impasse Blaivie[52] située à proximité du quartier de l’Inquiétude. Ils n’y sont autorisés qu’à condition de donner à cette impasse une largeur de 6 mètres et de bâtir en adoptant le nivellement de la nouvelle rue[53].
Le Conseil communal du 5-10-1874, vu le plan, dressé par l’architecte Mahieu, de la ruelle Blaivie reliant le quartier de l’Inquiétude au faubourg Saint-Paul, approuve ce plan et décide de traiter avec M. Pennart pour l’acquisition ou la cession gratuite du terrain nécessaire à l’ouverture de cette rue [54]. En date du 20-10-1874 M. Pennart consent à vendre  le terrain à prendre dans sa propriété (2a 90 ca.) dont 50 ca seront rachetés par M. Daneau, pour l’établissement de la rue reliant le quartier de l’Inquiétude au faubourg Saint-Paul, à raison de 125 fr. l’hectare.
Dans ces conditions l’établissement de cette partie de la rue qui aurait 75 m. de long coûterait 8.025 fr. env., soit :
-Terrain (20,46 ca, à 125 fr./ha) :                               3075 Fr.
- 75 m. de pavage                                                      1800 Fr.
- Trottoirs, 150 m de pavage                                       900 Fr.
- Trottoirs, 150 m. de bordures                                   750 Fr.
- Distribution d’eau, 75 m de tuyaux                          750 Fr.
- égouts, 75 m.                                                             750 Fr.
Total                                                                          8025 Fr. [55]

La continuation de la rue Saint-Georges ne se fit pas immédiatement.
An 1877, Auguste Daneau-Navez, négociant, demande l’autorisation de faire démolir  de suite la partie du rempart qui fait saillie sur la voie publique afin de lui permettre la construction de deux maisons, offrant de permettre d’étendre les terres et décombres dans les cours de ces maisons afin d’éviter les voiturages. La ville lui permet d’abattre le rempart et lui accorde même la somme de 200 fr. pour ces travaux[56]. Le 1-9-1887, Il demande encore l’autorisation d’y construire huit maisons [57]
Le 13-10-1896 Conseil communal considère que pour achever le prolongement de la rue St.-Georges, il est nécessaire d’acquérir un jardin bordé par la rivière La Samme, cadastre C. 92b. et 111b. faisant 14 a. 60 ca à Mme Julie Williams, épouse Edouard Carlier et Mme Marie Williams, épouse Joseph Squilbin.[58]. Le passage ne fut réalisé qu’en …1928, il devint un square et berceau de la société de tir à l’arc « la Gaieté ».

Conclusion

Comme on a pu le constater, la rivière la Samme fut le fil conducteur de l’évolution des diverses exploitations qui s’implantèrent dans le faubourg Saint-Paul, qui était un quartier essentiellement industriel, telles que la blanchisserie, la brasserie, la tannerie, la corroierie, la meunerie, etc.
Actuellement, la rivière détournée, ne ceinture plus la ville, toutes ces industries sont généralement disparues ne laissant que l’habitat ouvrier qu’elles générèrent.


[1] Blanchisserie de toiles créée par Jean-Antoine Huart, ° Binche 17-7-1732, y † 17 pluviôse an XIII (6-2-1805), x Petre Marie-Françoise, ° Ecaussines 1738, † Binche 29-6-1808.
[2] Huart Marie-Catherine-Joseph, ° Binche 11-4-1774, y † 11-8-1855, veuve de Ferdinand-Joseph Huart, ° Mons 1775, † Binche 17-9-1832.
[3] A.V.B. 01-01-09-968.
[4] A.V.B. 01-04-09-968.
[5] GRAUX A., Teintureries et blanchisseries binchoises, dans bull. SAAMB , déc. 1999, p5.
[6] Sentier n° 15  de l’atlas vicinal. A.V.B. 01-00-01-../4991.
[7] Pourbaix André Joseph, ° Solre-sur-Sambre 18-4-1807, † Binche 14-8-1865, x Binche 8-11-1826, Seghin Cécile, ° Binche 8-2-1806, y † 24-5-1865.
[8] A.V.B. 01-00-01-10 cote 472.
[9] A.V.B. 01-04-09-1038.
[10] A.V.B. 01-10-03-9. Lettre du 22-9-1845.
[11] A.V.B. 01-00-01-10 /933.
[12] A.G.R. Mines, 1ère IGM 106, décembre 1849.
[13] A.V.B. 01-04-09-698.
[14] A.V.B. 01-04-09-1038.
[15] Journal "l'Education populaire" du 9-2-1899.
[16] Pourbaix Désiré-Jh., ° Binche 4-10-1833, y † 9-10-1878, x 1°- Anderlues 8-8-1853, Ponselet Florence-Octavie, ° Anderlues 17-2-1833, † Binche 1875, Divorce 28-12-1869. x 2°- Binche 28-12-1870, Navir Désirée, ° Binche 22-2-1850, y † 21-8-1879, servante, cabaretière.
[17] A.V.B. 5442.
[18] A.V.B. 01-04-09-976.
[19] Paternotte Jules, ° Buvrinnes le 22-6-1845, † Binche 8-7-1911, x Laitem Marie Céline, ° Stambruge 1-6-1851, † Binche 1889. Il possédait tout un réseau de débits de boissons pour écouler sa production.
Jules Paternotte mena beaucoup d'activités au cours de sa vie. Il fut membre fondateur de l'Association des brasseurs du Hainaut, membre de la Fédération des brasseurs belges et du Cercle brassicole du Centre, il en était le vice-président. Administrateur des verreries de Binche (voir notre article sur les verreries,         bull. S.A.A.M.B.-avril 1991). Commissaire des forges et laminoirs de Baume à Haine-Saint-Pierre. Il était un membre actif du parti Libéral et soutenait la Société royale des Chasseurs.
[20] A.E.M. Enr. A.C.P. 159.
[21] Lengrand Eugène Pierre Auguste, ° Hornu 10-3-1830, † Binche 6-1-1872, x Binche l6-3-1860, Pourbaix Louise Cécile-Thérèse, ° Binche 25-3-1829. Cette dernière quitta Binche pour Saint-Josse-ten-Noode en 1887.
[22] Actuellement académie de musique.
[23] A.E.M. Enr. A.C.P. 178.
[24] Roulez Rodolphe-Oscar, ° Binche 4-3-1859.
[25] Brichot Antoine-Jean-baptiste-Guillaume, ° Binche 29-1-1840
[26] La tannerie proprement dite était cadastrée C. 72. Elle longeait la fausse rivière qui servait à l’usine. La vaste maison avec magasins, cadastrée C. 74a, était à front de rue, une série de 14 maisons ouvrières la remplace actuellement.
[27] GRAUX A. Binche et l’industrie du cuir, dans Les Cahiers Binchois, n°11, 1993, p.25
[28] A.V.B. 01-00-01-18./ 3771.
[29] A.V.B. 01-00-02-17/ 8660.
[30] GRAUX A., Binche, des métiers et des hommes, [la meunerie]dans Les Cahiers Binchois, n°16-1998,
pp.12-38.
[31] de Haussy François-Philippe-Louis-Hyacinthe, ° Fontaine-l’Evêque 1789, y † 1869, avocat, premier gouverneur de la banque nationale de Belgique, industriel, membre du Congrès national, puis du sénat. Il fut ministre de la justice en 1847.
[32] Bâtiment établi sur la parcelle cadastrée C. 56a  se trouvant à front de la rue et longeant la fausse rivière qui commençait au bout de l’étang de retenue qui se situait de l’autre côté de la rue et qui rejoignait la rivière la Samme plus loin au lieu-dit Pont d’Arcole.
[33] A.V.B. 01-00-01-15.
[34] Sebille François-Jean-Baptiste, ° Binche 6-5-1834, y † 3-2-1886, x Pollet Célinie, ° Estinnes-au-Mont 28-11-1834
[35] GRAUX A., Binche des métiers…o.cit, pp.19-20.
[36] Bâtiment cadastré C.54, longeant la rivière, actuellement chemin de la Gargotte établi sur le lit de la rivière.
[37] Sebille Jean-Baptiste, ° Binche 24-3-1802, y † 5-11-1867, x Binche 17-4-1833, Bourgeois Adèle-Joséphine.
[38] Tannerie cadastrée C 44c
[39] Ghislain Victor-Gustave, ° Thieusies 22-8-1822, † Binche 14-2-1857, x Binche 15-8-1844, Dubois Augustine-Victoire, ° Binche 22-10-1828, marchande, partie habiter Valencienne en 1853.
[40] Bâtiments cadastrés 44, 45 et44q.
[41] Jamez Philippe-Jh., † Binche 4-7-1884, x Binche 22-11-1848, Leclercq Valentine-Eugénie.
[42] A.V.B. 01-00-01-09. Conseil communal du 23-6-1837
[43] Dessin du général de Howen , lithographie de Madou, extrait de Voyage pittoresque dans le royaume des Pays-Bas, dédié à S.A.I. et R.  Madame la princesse d’Orange, rédigé par de Cloet, Bruxelles, de l’imprimerie lithographique et typographique de J.B.A. Jobard, 1ère éd. De 1825, t. II, pl. 142. Voir supra.
Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, Cabinet des estampes, S.III 21065.
[44] A.V.B. 01-00-01-18./3569. Conseil communal du 18-6-1877.
[45] A.V.B. 01-00-01-19./4582. Conseil communal du 4-8-1884.
[46] A.V.B. 01-00-01-18/ 4.610. Conseil communal du 2-12-1884.
[47] A.V.B. 01-00-01-19./4626 Conseil communal du 23-12-1884.
[48] A.V.B. 01-00-02-17. Collège échevinal du 7-11-1887.
[49] Coin formant l’hôtel des Remparts, actuellement abandonné.
[50] Mahieu Emile, ° Peruwelz 14-12-1845,† Bruxelles 4-6-1895, x 1°- Flore Elise-Marie-Pélagie, ° Estinnes-au-Val 16-8-1845, † Binche 27-5-1873 ; x 2°- Lebrun Ermance-Françoise-Philippine, ° Binche 3-2-1852.
[51] Architecte provincial, il n’habitait pas Binche.
[52] Actuelle rue Saint-Georges
[53] A.V.B. 01-00-01-17/3096.
[54] A.V.B. 01-00-01-17/3179
[55] A.V.B. 01-00-01-17.
[56] A.V.B. 01-00-01-18./3532. Conseil communal du 21-2-1877.
[57] A.V.B. 01-00-02-17.
[58] A.V.B. 01-00-01-21

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