jeudi 23 novembre 2017

De la firme Debaise à Codetex

De la firme Debaise à Codetex
                                                                                                               Alain GRAUX
DEBAISE-BUISSERET
Alexandre Debaise[1] marchand tailleur, fit d[2]es études de coupe à Paris. Il créa sa maison de confection en 1860[3].
La liste du personnel occupé dans les entreprises pour l'année 1903 renseigne la veuve. Debaise-Buisseret: 6 ouvriers[4].

DEBAISE-VAN WICHELEN
Robert Debaise, fils du précédent, fut d’abord marchand tailleur, dans l’entreprise de ses parents au n° 10-12, rue des Passages (actuelle rue Buisseret).
Il demande le 13 octobre 1920 l’autorisation de construire un atelier de tailleur dans l’immeuble lui appartenant. Il y est autorisé le 30 octobre 1920.
Il partit ensuite  au 21, rue de Robiano, avant de revenir s’installer dans la demeure paternelle, rue des Passages. Demeure qui deviendra plus tard le siège des Etablissements Debaise-Hannecart.

DEBAISE-HANNECART
René Debaise[5],marchand tailleur, fils de Robert Debaise-Van Wichelen, continua dans l'établissement du 12, rue des Passages, devenu 10 rue Buisseret, qui devint le siège social d'une entreprise qui fut la plus importante de Binche.
Le 14 avril 1931, il est autorisé à agrandir l'atelier paternel[6], mais demeure alors au 131 de l'avenue Wanderpepen, il est autorisé à y créer le 2 février 1937 de vastes ateliers[7].
Le 17 mai 1938, René Debaise reçoit l'autorisation d'établir une chaudière de 15 m² de surface de chauffe et d'une pression de 10 Kg au cm² pour ses ateliers de l'avenue Wanderpepen ainsi que le 1er juillet 1938, il peut établir une cabine électrique destinée à actionner 21 moteurs électriques d'une force totale de 33 HP[8].
Il obtint de la firme "Thierry" de Saint-Ghislain, une série de patrons qui lui permirent d'établir les premiers costumes "faits à l'avance".
Il fut le premier à mécaniser la production. L'expansion de cette firme alla toujours croissant, sortant avant la guerre 1940-1945, en moyenne 350 vêtements par jour. Cette production s'écoulait principalement vers la Hollande et les pays scandinaves.
Pendant la guerre, il fut bourgmestre de Binche et fit tourner ses usines pour l’occupant, il devra en répondre devant le conseil de guerre de Charleroi et fut condamné à des peines sévères[9]
Après la guerre l’activité reprit de plus belle, en 1949, l'établissement déclare employer 389 ouvriers, 112 demis-ouvriers, 31 employés et 5 demi-employés[10]. Il y a alors 112 moteurs électriques dans l'usine.
Après la guerre 1940-1945, la firme suite à des difficultés financières, opéra la reconversion de sa politique commerciale en offrant directement sa production au public par le truchement d'une chaîne de magasins de détail sous la marque  "Marvan". Le premier point de vente s'ouvrit à Courtrai en 1949 (voir supra).

DEBAISE-HANNECART S.P.R.L.
La S.P.R.L "Etablissements René Debaise-Hannecart" fut créée devant le notaire Alfred Joux à Beaumont le 29-7-1952 par René Debaise-Hannecart, industriel, et Albert Rahier, expert-comptable à Genval.
La société a pour objet toutes les opérations se rattachant directement ou indirectement à l'industrie et au négoce de tissus, et spécialement la confection, l'achat et la vente de vêtements, tant en gros qu'en détail.
Le siège social est fixé au 10, rue de Buisseret.
Le capital social est fixé à 2.000.000 Fr., représentant 2.000 parts de 1.000 Fr. chacune.
L'avoir est formé par l'apport de René Debaise:
Il consiste dans la propriété du fonds de commerce et d'industrie qu'il exploite à Binche, à l'exclusion des immeubles, tant par nature que par destination, du matériel tant fixe que mobile et du mobilier tel que ce fonds existait au 31-12-1951.
Ces biens se composent de:
- Une souscription en espèces.
- Les matières premières, approvisionnements, produits finis et en cours de fabrication.
- Les avoirs du compte en banque.
- Les créances commerciales, les cautionnements et provisions versés, les Frais généraux payés d'avance.
- La clientèle et l'achalandage, le bénéfice de tous contrats et commandes en cours.
- La marque de fabrique "Everbest" déposée au greffe du tribunal de Charleroi le 30-6-1949.
L'apport est fait sous les charges et clauses suivantes:
- La société prendra à charge le passif de 37.441.026 Fr.
- Elle paiera à René Debaise en retour de son apport 4.415.163 Fr., remboursable dans les 10 ans à 8%.
La société est constituée pour 30 ans prenant cours le 1-1-1952, elle est gérée par un ou plusieurs gérants, associés ou non. René Debaise est nommé gérant pour une durée indéterminée[11].
La firme devient actionnaire de la S.A "Marvan" créée en 1951, les deux firmes se confondent.
Le 5 octobre 1967, l'assemblée générale extraordinaire, suite au décès de René Debaise, survenu le 3 mai 1968, décide que sa veuve, Hélène Hannecart, deviendra ipso facto gérante de la société et jouira des mêmes pouvoirs que ceux de son défunt mari[12].
Le 25 mars 1969 Hélène Hannecart, gérante,  délègue à sa fille Jeanne Smeyers-Debaise la qualité de fondé de pouvoirs[13]. Le 16 octobre 1969, la gérance de la société décida le transfert du siège social du 10 rue Buisseret au 60 avenue Wanderpepen. L'acte est signé par Jeanne Debaise, gérante[14].


MARVAN S.A.
Le 22 février 1951, devant le notaire Léon Bertaux à Mons, comparurent:
* René Debaise, industriel, Binche.
* Hélène Hannecart, son épouse.
* Paul Smeyers, docteur en droit, Binche.
* Jeanne Debaise, son épouse.
* Max-Raoul Coussaert, employé, Binche.
* Fernand Delhalle, employé, Buvrinnes.
* Lucien Stalon, employé, Marcinelle.
* Marcel Pierart, ingénieur commercial, Marchienne-au-Pont.
Ils créent une société anonyme pour le terme de 30 ans, sous la dénomination "Marvan".
Le siège social est établi 10 rue Louis Buisseret.
La société a pour objets:
1. l'achat et la vente en gros ou au détail de tissus, vêtements confectionnés et articles d'habillement en général.
2. L'achat, la vente et le commerce en général des matières premières, approvisionnements, objets de consommation, marchandises et produits divers en vue de la fabrication ou la transformation faisant partie du paragraphe 1.
3. La représentation de firmes belges et étrangères ayant un objet en tout ou en partie similaire ou connexe.
Le capital social est fixé à 1.000.000 Fr. représenté par 100 actions de 10.000 Fr. Ces dernières sont souscrites par:
- René Debaise: 38 actions.
- Mme Debaise-Hannecart, en fonds propre: 38 actions.
- Mr et Mme Smeyers: chacun 10 actions.
- MM. Cousaert, Delhalle et Pierart, chacun 1 action.
Les comparants déclarent et reconnaissent que les 100 actions souscrites en numéraires ont été libérées chacune à concurrence de 20% et qu'en conséquence la somme de 200.000 Fr. se trouve dès à présent à la disposition de la société.
Le bénéfice net sera réparti comme suit:
- 5% à la réserve légale, ce prélèvement cessera lorsque cette réserve atteindra le 1/10e du capital.
- Les bénéfices restants seront distribués aux actionnaires ou affectés à des réserves spéciales.
L'assemblée générale qui suivit la constitution de la société appela aux fonctions d'administrateurs Mme Debaise-Hannecart, Smeyers et Coussaert. Commissaire: Marcel Pierart.
Le conseil désigne René Debaise comme directeur-gérant.
La société anonyme "Marvan" augmenta son capital social à 1.800.000 de Francs, dont 800.000 Fr. restent à libérer.
* Max coussaert vendit son action à la S.P.R.L. Etablissements Debaise-Hannecart et Marcel Pierart, la sienne à Albert Rahier expert-comptable à Genval.
Le 2 janvier 1953, le conseil d'administration délègue à Hélène Hannecart, administrateur de la société domiciliée 10 rue Louis Buisseret, la signature sociale, et le pouvoir d'acheter et vendre toutes marchandises, de passer des marchés, et en général de gérer la société.
* Lucien Stalon, administrateur, 6 rue d'Hurtebise, de signer la correspondance journalière et de s'occuper de l'administration journalière.
* Paul Smeyers, administrateur, domicilié 60 avenue Wanderpepen, de signer la correspondance journalière[15].
En 1953 la firme acquit 90 % des parts sociales de la société anonyme "Les 9 provinces". Cette société compte parmi les plus anciennes entreprises de distribution de vêtements du pays.
Lors du conseil d'administration du 16-5-1968, Mme Jeanne Smeyers-Debaise est nommée administrateur en remplacement de son père René, décédé. On confie la gestion journalière de l'établissement à Paul Smeyers (M.B. 2170.7/1968).
Le conseil d'administration du 16-10-1969 décida le transfert du siège social du 10 rue de Buisseret au 60 avenue Wanderpepen (M.B. 2651.21/1969).

CODETEX S.A.
Le 1er avril 1954, devant le notaire Albert Rauch à Bruxelles, l'assemblée générale des actionnaires de la S.A. Marvan décida le changement de dénomination de l'entreprise en société anonyme "Codetex"[16].
L'assemblée générale du 20 mai 1954, réélit pour 3 ans les mandats d'administrateurs d’Hélène Hannecart, Paul Smeyers, Lucien Stalon et d'Albert Rahier comme commissaire[17].
Une enquête commodo-incommodo tenue le 30 avril 1965, fait mention d'une" fabrique de vêtements pouvant occuper 1200 personnes et comportant des dépôts de mazout, d'essence, un atelier de menuiserie avec dépôt de bois, un atelier de réparation mécanique, 2 transformateurs, une cabine électrique, trois chaudières à vapeur, une machine à décatir, un ascenseur, un garage pour 5 camions, des presses à vapeur et divers moteur.
L'ensemble du personnel comprend 1100 personnes dont 700 ouvrières mécaniciennes et 55 coupeurs et presseurs.
Au décès de René Debaise l'entreprise fut gérée par son beau-fils, Paul Smeyers[18], directeur et fondé de pouvoir. Il était secondé par un directeur technique M. Paulin Delhalle.
Ce dernier avait un adjoint, M. Lefèbvre qui était responsable des chefs d'ateliers de production. Il y avait aussi un chef de bureau technique, fondé de pouvoir Hubert-Henri Niehe[19].
L'assemblée du 18 mai 1961, ratifie la nomination de René Debaise en qualité d'administrateur, en remplacement de Lucien Stalon[20].
Les administrateurs sont en 1961:
* Paul Smeyers, docteur en droit, 80 avenue Wanderpepen.
* Hélène Debaise-Hannecart, 10 rue Louis Buisseret
* René Debaise, industriel, 10 rue Louis Buisseret
Commissaire: A. Rahier, expert-comptable à Genval[21]
En 1969, Paul Smeyers commanda une étude à la firme américaine "Capelin" afin d'améliorer la productivité dans la fabrication. Elle nous révèle les diverses facettes de cette entreprise:
Les usines "Marvan" disposent de deux immeubles reliés entre eux par des corridors passant de 9.000 m² à 12.500 m².
L'un, le plus ancien avenue Wanderpepen et l'autre récemment bâti et formant un angle obtus avec le premier, est situé rue de Ressaix. Les sous-sols des deux immeubles logent les réfectoires, les stocks de matière première, les chaudières et les ateliers mécaniques et d'entretien.
Le rez-de-chaussée comprend les bureaux, l'atelier de pantalon, les stocks de tissus avec installations de contrôle et de décatissage (dans l'immeuble ancien) et le stockage et l'expédition des produits finis (dans le nouvel immeuble).
Le premier étage est occupé par la coupe, le thermocollage, la mise en paquets et l'atelier de piquage A des vestons, les presses de finition et le stockage intermédiaire vers le nouvel immeuble.
Le deuxième étage de ce bâtiment loge l'atelier de piquage des vestons.
Les ateliers comprennent 375 machines à coudre et 77 presses à vapeur. L'entreprise fait partie des 100 premières entreprises belges.
La politique de vente de la maison prévoyait la livraison d'un costume au même prix que le prêt-à-porter.
Vers 1982 la société Codetex augmenta son capital social, celui-ci passa de 40 à 175 millions de Francs grâce aux apports du principal actionnaire, Mme Jeanne Debaise (fille de René) et de ceux de la S.N.S.N. (Société nationale pour la restructuration des secteurs nationaux) qui a en outre accordé un prêt à long terme. Cette aide de l'Etat fut assortie d'un plan de restructuration dans le cadre du "Plan textile", car la firme commençait à être confrontée avec des difficultés, une quarantaine de personnes furent licenciées et pré pensionnées.
Le conseil d'administration de la nouvelle société est présidé par Jeanne Debaise. En sont membres, C. Debrulle; J. Wizel; P. Smeyers administrateur général; E. de Vicq de Cumptich; Jean de Coster.
La société connut de plus en plus de difficultés, en 1980 on fabriquait encore 532 pantalons et 950 vestons par jour, au début 1984 la production était tombée à 332 pantalons et 506 vestes et le 4 juin 1984 la faillite est déclarée, l'usine est immédiatement fermée.
En juin 1984, Codetex occupait 60 employés à Binche et 170 dans ses magasins et 230 ouvriers en activité[22].
Des négociations furent entreprises avec le ministre des Affaires économiques, Mark Eyskens, en vue de sauver l'usine, mais elles échouèrent. Les employés de l'usine ne l'entendirent pas de cette oreille, ils décidèrent d'occuper l'usine, la chaussée fut dépavée et une barricade fut dressée devant l'usine.
Les employés éditèrent un tract:
"Les employés de Marvan occupent l'entreprise et les magasins:
1. Parce que l'Etat central spolie une fois de plus la Wallonie au profit de la Flandre.
2. Pour que 242 employés ne se retrouvent pas au chômage sans que leur dû ne soit payé.
3. Pour que plus de 100 personnes âgées de 50 ans ne deviennent pas des chômeurs à vie.
4. Pour que les jeunes Binchois ne voient pas leur avenir réduit à néant."
Le Collège échevinal de la ville de Binche réuni en séance extraordinaire vota une motion:
- Se déclare solidaire des travailleurs en lutte;
- Constate que cette nouvelle perte d'emplois se situe dans une région très frappée par le chômage.
- Exige du ministre des Affaires économiques que des mesures rigoureuses soient prises, afin de sauvegarder l'emploi des établissements Marvan afin d'opérer une véritable politique de relance économique[23].
Les curateurs de la faillite signalèrent que les stocks déclarés pour le montant de 140 millions, sont en réalité évalués à 80 millions, ce qui diminue fortement l'actif.
Les 24 et 25 octobre 1984, eut lieu la vente publique de l'outillage et des stocks de l'usine: 250 machines à coudre, 50 surjeteuses, 20 piqueuses à boutons et boutonnières, 30 tables à repasser, 20 presses à vapeur, 1 ordinateur à dessin, 50.000 m de tissus et fils, un atelier de ferronnerie, de menuiserie et d'imprimerie, etc. (Catalogue de vente publique de la firme Delporte-Troostwijk à Verviers).
Une solution partielle fut envisagée: la création dans les locaux de l'entreprise de trois sociétés distinctes, le groupe Reiners Mode, le groupe Sarbach, la société Delhaye.
Ce plan permettrait de sauver 250 travailleurs. Pour concrétiser cette initiative due à M. Rambout, attaché du ministre Eyskens, l'Etat se dit prêt à injecter 250 millions dans cette affaire[24].
Le 31-1-1983, devant le notaire Gilberte Raucq à Bruxelles, Paul Smeyers déclare que les Etablissements René Debaise-Hannecart sont devenus successivement propriétaires de toutes les actions de la société Codetex, et que par la réunion entre leurs mains de toutes ces actions, la société est dissoute à partir de ce jour[25].



[1] Debaise Alexandre, ° Binche 24-7-1843, x , 17-5-1869, Elise Buisseret,
[2] J. LEKEU, Enquête ouvrière à travers le Centre, Bruxelles, 1907, p. 83.
[3] S.GLOTZ, Histoire de la confection binchoise jusqu’en 1951, Louvain, 1972, p.330
[4] A.V.B. 01-02-11-35
[5] Debaise René-Alexandre-Jean, ° Binche 17-5-1899, y † 3-5-1968, x Binche 3-4-1923, Hannecart Hélène-Jeanne, ° Binche 11-6-1899, y † 11-9-1969.
[6] A.V.B. 01-00-02-21
[7] A.V.B. 01-00-02-23
[8] A.V.B. 01-00-02-271
[9] Le Binchois samedi 29 septembre 1945
[10] A.V.B. 01-02-11-34, taxes industrielles
[11] M.B. 19732/1952
[12] M.B. 1852.11/1967 et 2565.1/1968
[13] M.B. 853.10/1969
[14] M.B. 2651.23/1969
[15] M.B. 980/1953
[16] M.B. 8912/1954
[17] M.B. 20286/1955
[18] Smeyers Paul-Ernest ° Mont-Saint-Amand 16-6-1924, † Woluwe 26-10-1991, x Binche 19-9-1950, Jeanne-Renée Debaise, ° Binche 9-2-1927
[19] Niehe Hubert-Henri, ° Amsterdam 9-4-1907, x Venlo 23-4-1934, Pannemans Joséphine
[20] M.B. 19281/1961
[21] M.B.19280/1961
[22] W SIMON,  A part les gilles, il ne reste plus rien à Binche, dans « Solidaire », hebdomadaire du Parti du Travail de Belgique, en date du 27-6-1984
[23] A. LIETAR, Rue dépavée, barricade...Marvan: la colère gronde, dans: La Dernière Heure, 17-6-1984.
[24] La faillite de Marvan. Occupation des bureaux par le personnel. Dans: Le Peuple, 26-9-1984.
[25] M.B. 663.10.11.12./1983

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