jeudi 6 avril 2017

Le chemin de fer de Baume à Erquelinnes

Le chemin de fer de Baume à Erquelinnes
                                                                                                                                       Alain Graux

Dès 1e 22 mars 1835, des ingénieurs et arpenteurs sillonnent la région du Centre jusqu’Erquelinnes avant d’entamer les travaux préliminaires d’une ligne allant d’Ecaussinnes à Erquelinnes qui allait s’appeler « Chemin de fer du Centre ».
Pour atteindre une plus grande prospérité, les habitants appelaient de tous leurs vœux l‘établissement d'une voie ferrée qui les mit en communication avec les autres localités importantes de la Belgique; ce qui resta longtemps à s'accomplir.
Malgré une loi datant du  21-5-1845, promulguant une concession, des difficultés surgirent, et c’est grâce à l'influence du sénateur de Robiano, de Gustave Wanderpepen et de quelques autres, on se mit enfin à l'étude. En 1851, lorsque le gouvernement soumit à la Législature un vaste projet de travaux d’utilité publique, les localités qui avaient compté sur la réalisation de la concession votée en 1845, s’adressèrent aux Chambres pour que celles-ci prennent des mesures qui faisant droit à la légitime impatience d’être dotées de la voie ferrée qui leur avait solennellement promises.
La Compagnie du chemin de fer du Centre, société anonyme, fut approuvée par arrêté royal du 3 septembre 1853. Ses buts étaient la construction et l’exploitation d’un chemin de fer traversant les charbonnages du Centre.
Le vicomte de l’Espine fit apport de la concession, ainsi que d’une convention verbale avec des entrepreneurs Lamie Murray et Marsury de Aguirre, ces associés offraient la livraison du chemin de fer comme apport du capital social.
Au nombre des administrateurs du début de la société, on compte notamment le prince de Chimay, le comte de Robiano, le vicomte de l’Espine, le représentant Faignart, le bourgmestre Wanderpepen, les maisons de banque Place (de Paris) et Delloye-Tiberghien (de Bruxelles).
La concession du chemin de fer du Centre, de Haine-Saint-Pierre Baume à Erquelinnes fut accordée par arrêté royal du 27 septembre de la même année. Il s'agissait primitivement d'un chemin.de fer reliant le bassin houiller du Centre à la frontière française.
En 1854, l’assiette de l’œuvre, surtout importante entre Leva1 et Ressaix, était déjà érigée mais la construction du pont qui devait enjamber la rue de Namur n’était pas encore entamée. Il sera construit durant les années 1854-1855.
Pendant la session de 1854-1855, le ministre des travaux publics soumit à l'approbation des chambres législatives le projet de la compagnie concessionnaire, qui fut accepté sans opposition. On ne tarda guère à mettre en adjudication l'entreprise de la construction projetée ; elle fut accordée à deux entrepreneurs, MM. Marsus et Leborgne.
Le 10 juin 1856, la concession reçut un accroissement important pour ce qui touche les transports en direction de Bruxelles, la ligne du Centre fut prolongée jusqu’à la station d’Ecaussinnes, mais il faudra attendre 1865 pour que les portes de la capitale nous soient ouvertes. Il était temps car de plus en plus, l’amélioration des techniques aidant, la houille s’entassait sur les « carreaux », des charbonnages (au nord, de la Haine surtout) et il fallait parfois réduire la production et chômer partiellement pour éviter 1e risque d’étouffer dans son charbon.
La section de Baume à Erquelinnes, longue de 22 Km 601 a été livrée à l’exploitation le 2-8-1857. Auparavant un train d’essai fut organisé le 10-7-1857, et une inspection par les ingénieurs de l’Etat eut lieu le lendemain afin d’ouvrir la ligne officiellement[1].
Le premier train inaugurant la ligne fut appelé « Prince de Chimay ».
Pendant six semaines le service s’est fait aux frais de l’entreprise générale des travaux, de sorte que c’est à partir du 18-9-1857, que les recettes et les dépenses se sont effectuées pour le compte de la compagnie concessionnaire.
Quant à la section d’Ecaussinnes à Baume, elle a été ouverte au transport des marchandises le 20-1-1860 et au transport des personnes, le 20 février suivant. Cette 2e section mesure 13 Km 126m.
Le chemin de fer dans son ensemble a donc un développement de 33 Km 727m, il est établi à simple voie.
A la date du 31-12-1860, l’exploitation du Centre employait 5 locomotives, 10 voitures pour voyageurs et 673 wagons à bagages ou marchandises[2]
Chacune des stations et des haltes intermédiaires, que l’on créa sur cette ligne, correspondaient en quelque sorte soit à une concession charbonnière, soit à une exploitation industrielle. A 1’origine, en effet, le chemin de fer n’avait été conçu que pour le seul transport du charbon et des marchandises; on ne tarda cependant pas à reconnaitre qu’il pouvait aussi être fort utile pour le transport des personnes et notamment pour amener chez nous un complément de main-d’œuvre.
En  1879, il fut remédié à la pénurie de travailleurs grâce à l’instauration du système d’abonnements en chenin de fer. L’arrivée en masse des ouvriers flamands commença à cette époque, elle allait donner un nouvel élan au peuplement de nos villages. De plus en plus et partout, la voie ferrée, moyen de locomotion rapide, économique et régu1ier, allait supplanter la route pour le transport des voyageurs, des marchandises et du courrier postal.

L’embranchement du charbonnage de Ressaix
Cet embranchement établi entre 1868 et 1870, opérait la jonction entre la station de Ressaix  et le plateau industriel, situé sur le territoire de Ressaix : les charbonnages de Ressaix et de Leval, avec les fours à coke Coppée.

L’embranchement du charbonnage Saint-Eloi
En 1866, un embranchement partant du charbonnage  de Carnières-Sud dit fosse  Saint-Eloi reliait la gare de Cronfestu.
Une dérivation desservant la fosse n°1 de Mont-Sainte-Aldegonde était reliée à cet embranchement.
La  «Société du charbonnage de Morlanwelz –Mont-Sainte-Aldegonde » date de 1846. Elle commença réellement ses activités en 1857 au « Trou Marie » appelé aussi « Vieille fosse », puits n° 1 de Sainte-Aldegonde qui sera plus tard englobé dans les cimenteries de Cronfestu.
A côté des voies de raccordement et de garage, de l’excentrique, d’une autre aiguille de déraillement, il y a une barrière au passage à niveau  manœuvrée de la gare. Le préposé aux manœuvres est payé par la compagnie du centre et par les charbonnages 2 Fr. par jour.

La ligne de chemin de fer du charbonnage du Piéton
En 1865, la compagnie du chemin de fer du Centre reçut la concession du chemin de fer de Piéton. Cette ligne commençait à Leval, coupait le Chemin de Haine-Saint-Pierre, la rue Vierset, allant vers Morlanwelz, frôlait le charbonnage Saint-Eloi, atteignait la station de Carnières, décrivait ensuite une large courbe pour éviter la butte trop raide du « Bois des Faux » de cette localité et atteignait enfin Piéton après avoir franchi la route de Bascoup et côtoyé les installations de la « Fosse du Piéton ».

La gare de Cronfestu
Eugène Dufossez et l’ingénieur Henry, ingénieurs de l’Ecole Centrale de Paris créèrent  une cimenterie à proximité du gisement  de craie blanche de Cronfestu. Le 7 juin 1876, ils formèrent une société sous la dénomination « Cimenteries Dufossez et Henry ». Elle est la première usine à fabriquer du ciment Portland en Belgique et obtint dès lors un succès immédiat, ses installations sont reliées au chemin de fer assez proche. Les installations des cimenteries Levie sont, elles aussi, reliées au chemin de fer. C’est en 1881 que les élites catholiques  créent cette entreprise, sur le territoire de Mont-Sainte-Aldegonde. Elle est dirigée par Charles Bailly (député catholique), Locose et Levie, le prince Louis de Looz-Corswarem et Alfred Masy.
La gare fut d’abord appelée Morlanwelz-Sud et ensuite Cronfestu elle comprenait un modeste bâtiment pour voyageurs, un hangar pour marchandises, un pour le piqueur et une loge pour le passage à niveau[3].

La gare de Leval dite Saint-Joseph
Vers 1870, on mettait la main à l’installation d’une véritable station de chemin de fer qui n’était qu’une simple « maison de garde » qui était bâtie sur 40 ca. La gare ne sera construite qu’en 1905 et inaugurée en octobre 1911.

L’embranchement de Sainte-Barbe
Le 30-10-1865, un raccordement était établi entre le puits Sainte-Barbe à Péronnes et la gare de Leval. La société charbonnière acquiert des actions de la Compagnie du chemin de fer du Centre pour l’exécution de cette convention. Si le chemin de fer de Leval à Mons était concédé à la compagnie du Centre, l’embranchement de Péronnes ferait partie de chemin de fer, auquel on en ferait apport. En compensation de la construction de la gare Sainte-Barbe, à titre d’échange, la Société de Péronnes fait abandon de la gare de Leval dite Saint-Joseph à la compagnie du Centre.
La société de Péronnes fait l’avance des fonds pour la construction contre 400 actions privilégiées de la Compagnie du Centre.

L’embranchement du charbonnage Sainte-Marie
La S.A. « charbonnage Sainte-Marie » à Péronnes-lez-Binche allait relier ses installations à la voie ferrée reliant Manage à Erquelinnes en 1868[4]
Ce chemin de fer industriel était greffé sur notre ligne en son croisement avec le Chemin de Saint-Vaast (plan Popp). Il était d’une longueur de 1270 mètres.

La gare de Binche
Le 22 mars 1855, l'ouverture des travaux de la nouvelle voie ferrée donna lieu à une belle fête dont on garde à Binche un doux souvenir. La cité des Gilles, toujours si fraîche et si coquette aux jours de réjouissances publiques, s'était parée dès le matin, afin de recevoir dignement dans ses murs les notabilités qui devaient assister à la cérémonie. On annonça celle-ci par le son des cloches et du carillon, ainsi que par des salves d'artillerie. A une heure de relevée, l'administration communale reçut dans le grand salon de l'hôtel de ville les membres du conseil d'administration du chemin de fer du Centre et les autorités qui avaient été invitées à prendre part à la solennité. Immédiatement après cette réception, le cortège se forma sur la Grand-Place et il se dirigea vers le lieu des travaux par la rue de Notre-Dame, la Grand-rue, la rue et le faubourg de Charleroi, la chaussée de Merbes vers la rue de Versailles, à l'endroit où devaient s'élever les bâtiments de la station. Là, se dressait un pavillon destiné aux autorités. La bénédiction des travaux et les cérémonies d'usage étant terminées, le cortège rentra dans la ville, en suivant la rue de Saint-Paul. Un banquet de cent couverts, offert par la société concessionnaire, réunit au grand salon les autorités et d'autres personnes notables. Vers le soir, s'ouvrit le bal populaire dont l'entrain fut remarquable; il fut interrompu par un superbe feu d'artifice, tiré sous l'habile direction de M. Mauvy, arquebusier du roi. Une brillante illumination termina cette belle fête dont la ville garde encore la mémoire.
Au bout de deux ans et demi employés à la construction du chemin de fer du Centre, la section d'Erquelinnes à Haine-Saint-Pierre (Station Baume-Etat) se trouva achevée et l'on résolut d'en faire l'inauguration avec beaucoup de solennité. Cette nouvelle fête eut lieu le 2 août 1857. Le duc de Brabant, héritier de la couronne royale, y assista au milieu de l'allégresse générale. A neuf heures du matin, un convoi d'honneur partit de Bruxelles pour se diriger vers Charleroi et de là sur Erquelinnes. Dans ce train avaient pris place :
MM. Dumon, ministre des travaux publics, Mathieu et Licot de Nismes, membres de la chambre des représentants, Poncelet, Van Espen, ingénieurs, et de nombreux invités. Les hôtes de la compagnie du railway du Centre ne consacrèrent que peu d'instants à la visite de la station d'Erquelinnes. A Bonne-Espérance, on fit une halte. Le président du séminaire, à la tête du corps professoral et des nombreux élèves de cet établissement, adressa à M. le ministre des travaux publics une harangue qui fut vivement applaudie. A une heure, ce haut fonctionnaire pénétrait dans la station de Binche avec ses compagnons de voyage.
Les détonations de l'artillerie communale, les joyeuses fanfares de la ville annoncèrent aussitôt la réception officielle. Le second convoi d’honneur arrivant de Baume vint grossir le nombre des étrangers qui avaient déjà envahi la cité des Gilles. Alors se forma la députation chargée de recevoir et de complimenter le duc de Brabant. Le train spécial qui l'amenait fut signalé à une heure et demie. L'auguste voyageur fut vivement acclamé par la foule immense qui encombrait les abords de la station.
Aux harangues qu'on lui adressa, il répondit de la manière la plus heureuse. Le clergé procéda ensuite à la bénédiction des locomotives et aussitôt après cette cérémonie religieuse, le prince royal inaugura le nouveau railway au milieu de l'allégresse générale. Au banquet qui fut servi dans le grand salon, vinrent prendre place cent cinquante convives. Des toasts furent portés au roi et à l'héritier présomptif du trône.
Vers cinq heures, S. A. R. reprit la route de Bruxelles pour assister au concert du Jardin zoologique. Un bal magnifique suivi d'un feu d'artifice termina cette belle journée qui fut pour Binche le point de départ d'une nouvelle ère de prospérité.


Un corps central  rythmé au rez-de-chaussée par trois portes surplombées d’une balustrade et par trois fenêtres à l’étage,  reliait deux pavillons plus imposants, ceux-ci sont continués par des annexes.
L’année 1880, vit la création d’une gare aux marchandises de la station.
La vue ci-dessous nous montre une partie de cette bâtisse, sise sur la gauche de la gare.
En 1903, la gare, vite devenue vétuste, on décida la création d’une nouvelle gare. Une gare provisoire fut installée, rue de Versailles en attendant la désaffection de l’ancienne et le début des travaux du nouveau bâtiment.
Le bureau de poste ayant quitté le relais de la diligence, Grand-rue, fut installé dans la gare provisoire jusqu’en 1896, date de création de l’hôtel des postes, rue de Charleroi.
M. Pierre Langerock, architecte, restaurateur de l’hôtel de ville et de la collégiale Saint-Ursmer, dressa les plans d’un nouvel édifice.
Les travaux commencèrent en 1905 et durèrent  cinq ans. Le bâtiment est créé dans un style néogothique plus brabançon qu’hainuyer.
La gare est une composition symétrique dont les deux ailes basses et longues, rythmées de fenêtres en croisée, enserrent un corps central à pignon, où se multiplient les moulures, pinacles et redents A chaque extrémité, un pavillon plus modeste, mais de même inspiration sous toiture à quatre versants De hautes bâtières d’ardoises animent sur deux rangs un jeu de lucarnes.

L’inauguration eut lieu le 1er octobre 1911[5], en présence du ministre Michel Lévie, ministre des Finances et du Hubert, ministre des Communications.

Le bâtiment est complété de deux kiosques entre les voies 2 et 3, et plus tard d’un couloir sous voies et d’abris parapluies artistiques.
Nous voyons ici, le bâtiment de la gare provisoire, rue de Versailles


Une marquise en fer forgé tout à fait exceptionnelle a été installée.

Quelques usines implantées à proximité de la gare de Binche bénéficient d’un raccordement au chemin de fer :
Les verreries de Binche, actives de 1860 à 1931, elles se situaient face à la gare.
La brasserie Leroy fonctionna de 1873 à 1955, elle possédait un raccordement à proximité de la rue de Buvrinnes.
La tannerie et corroierie Lefèvre possédait des entrepôts le long du chemin de fer, ce qui facilitait l’écoulement de ses produits.
Le transport de passagers de Binche à Erquelinnes a cessé le 4 novembre 1962, celui de marchandises en 1984 : la gare de Binche est donc aujourd'hui un terminus.
En 1965, le lion qui sommait le pignon central a été retiré, car il risquait de tomber.
Le 23 mai 1983, l’électrification de la ligne est inaugurée par le ministre des Communications, Herman Decroo.
En 1986, le bâtiment réservé aux marchandises et au dépôt des colis est rasé pour faire place à un parking.
Actuellement, son trafic s'est considérablement réduit, puisqu'elle n'accueille qu'un train IR et quelques trains P. Ce faible trafic a d'ailleurs justifié la mise à voie unique de la ligne depuis février 2002.

LE PERSONNEL
Le personnel du 7e groupe des chemins de fer de l’Etat belge est établi dans la gare. Un ingénieur en chef de service des voies et travaux (M Goffin) et un directeur-chef de service de l’exploitation sont attachés à cette administration.
En 1912 le personnel est composé de :
Tellier Joseph-Louis, chef de section principal du chemin de fer
Charon Jules, chef de section du chemin de fer
Desoil Théophile-Joseph, chef de station
Huberland Emile-Jacques, sous-chef de station
Hoyaux Léon-Louis, employé
Schauwers Aloïs, employé
Schauwers Armand, garde salle
Clara Dieudonné, garde salle.
Petit à petit, les services de l’entretien du chemin de fer vont quitter Binche, le service de la voie qui y était installé depuis 1919 va s’installer à Haine-Saint-Pierre vers 1930. Le dernier chef de section quitte Binche pour Haine-Saint-Pierre en 1946.
En 1928, le chef de station est Fernand Léonard, le sous-chef de station est Emile Deboule.

La gare d’Erquelinnes
La gare d'Erquelinnes est le terminus de la ligne, mais reliée au réseau de chemin de fer du Nord, français.

[1] MATTHIEU E. Les œuvres sociales et chrétiennes des arrondissements de Mons et de Soignies, Bruxelles 1908, p.4.
[2] ANDRE L., Rapport décennal sur la situation administrative de la Belgique (1851-1860), Bruxelles 1863, p.92.
[3] A.M. Marré-Muls et A. Biaumet, Le hameau de Cronfestu, 2011, p. 22.
[4] BURGEON R. et LEMAIRE E., Miettes levalloises, t.1, p. 28.
[5]  GRAUX A., De la terre « Pipine » à la gare de stationnement, dans bull. SAAMB avril 2003, n°8, pp.3-11.

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