LA « MALADRERIE » DE BINCHE
Alain
GRAUX
La maladrerie de Binche était
située sur le territoire du village de Battignies, approximativement à
« la Barrière Julien », actuellement le rond-point à l’entrée de
Binche au débouché de la chaussée Brunehault et de la rue des Mineurs
On peut situer la maladrerie grâce au
plan de Binche dressé par Jacques de
Deventer en 1552
La « maladrerie » est en fait une léproserie qui
est attestée à Binche dès 1265[1], par
la présence d’un « rendu » ayant acheté le gîte et le couvert à
l’institution en lui laissant son bien :
"Li maisons Andriu, ki se rendi à le Maladrie,
XVIII d. Si les doit li Maladrie u Gillars li Cambiers. " [2].
En 1273, la comtesse Jeanne légua 100 sous en faveur de la
pitance des lépreux afin d’acheter des rentes[3], mais
fut aussi l'objet de libéralités des autres dames douairières de Binche.
L’établissement comprenait dans un enclos muré, percé d’un
double portique, une chapelle avec son clocher et un oratoire. Une grange aux
dîmes et des maisonnettes percées d’une fenêtre, destinées aux ladres, d’abord
couvertes de chaume et ensuite de tuiles. On trouve ensuite la ferme comprenant
le logement d’une servante, une grange, un fournil, une étable, une porcherie
et un pigeonnier.
Les bâtiments de la ferme furent détruits par la
soldatesque de 1574 à 1579 et ne seront pas reconstruits, à l’inverse des
maisonnettes des ladres restaurées immédiatement, la chapelle le fut en 1585,
celle-ci est placée sous l’invocation de Saint-Nicolas. Sa collation appartient
au chapitre Notre-Dame de Cambrai. Le bénéfice Saint-Nicolas qui n’appartient
pas à la maladrerie, est taxé 15
livres tournois. Le chapelain, outre la messe
hebdomadaire, est tenu de réconforter les lépreux et de célébrer leurs
funérailles.
Les malades
Bien qu’elle soit implantée sur le territoire de Battignies, la léproserie
accueille uniquement des malades nés dans la ville de Binche
Un repas de bienvenue est offert au malade à son entrée,
ce dernier ne doit pas verser un droit d’entrée, on lui fournit du mobilier, des
draps, des ustensiles de cuisine et l’habillement. Le conjoint d’un ladre marié
ne peut l’accompagner.
Les malades reçoivent 3 pintes de blé et 12 sols
tournois par semaine. La veille des fêtes solennelles ils reçoivent une
gratification appelée « Bonne nuit », de 4 sols. En outre ils
reçoivent deux fois de la viande de veau par an et, 100 fagots de branchages et
cinquante bûches pour le chauffage.
Les malades, bien qu’ils soient éloignés de la ville, ne
font l’objet d’aucun soin particulier.
Les documents révèlent que la léproserie ne fut occupée
que par quatre ou cinq malades au maximum. Il y eut 75 mentions de malades
entre 1571 et 1636, correspondant à 15 personnes, à savoir 7 hommes et 8 femmes[4].
LE PERSONNEL
a) Les maîtres
La gestion quotidienne de l’établissement est confiée aux
maîtres de la maladrerie (Souvent un juré et un membre du conseil) qui
s’occupent de la bonne tenue des bâtiments, de l’achat des matériaux de
construction ou de réparation. Ils s’occupent du bien-être des malades, achats
de draps, des vêtements, des ustensiles de cuisine.
b) Le receveur
La dotation de cet établissement consistait en rentes et
en bien-fonds. Le contrôle de son administration appartenait conjointement au
curé de Saint-Ursmer et au Magistrat de Binche.
Le receveur leur rend ses comptes annuels à la Noël, il
est nommé pour une période de trois ans, renouvelable. Il doit déposer une
caution, qu’il recouvre après l’apurement de ses comptes en fin de son mandat.
Il reçoit comme rémunération la somme de 17 livres tournois et 2
muids de blé par an.
Il s’occupe de la gestion financière de l’établissement,
ainsi que celle des malades.
c) La servante
La servante s’occupe seule de l’entretien des malades.
Elle est licenciée lorsqu’il n’y a pas de lépreux. Elle occupe un logement
distinct des malades. Elle reçoit 3 pintes de blé par semaine et 8 sols tournois,
ce qui fait 20 livres
tournois l’an. De plus elle reçoit ½ quartier de veau à Pâques et une épaule à
la dédicace. Son habillement n’est pas payé mais on lui fournit des souliers.
d) Le fermier
Le fermier est tenu d’aider les malades. Il obtient la
ferme par bail de 9 ans. Il doit fournir 37 muids de froment à la chandeleur,
la paille pour réparer les toitures et est tenu de réparer les plafonnages, et
doit transporter le bois de chauffage aux ladres.
Lors de la suppression de la léproserie, ses biens furent
attribués à l'hôpital Saint-Pierre
[1] Pour avoir une idée complète de l’histoire de la léproserie, on se reportera utilement à l’étude de Walter DE KEIZER, La léproserie de Binche, du XIIIe au XVIe siècle, dans Liber amicorum Jacques-Henri Lefèbvre, La Louvière 2001, pp.53-70.
[2] DEVILLERS L., Cartulaires des rentes et cens dus au comte de Hainaut, t.2, Mons 1875, p. 92.
[3] HAUTCOEUR E., Cartulaire de l'abbaye de Flines, Lille 1873, t.1, p. 202.
[4] DE KEIZER, La
léproserie…o.cit, p. 65.
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