1814-1819, QUAND
LES PRUSSIENS ET LES RUSSES NOUS ENVAHIRENT
Alain GRAUX
Toute la région, et notamment Binche, fut
encombrée à plusieurs reprises par les troupes russes et prussiennes. Le 1er
février1814, les cosaques sont à Charleroi et à Mons le 6. La brutalité des
troupes, les incommodités de leur logement, leurs exactions et leurs
réquisitions ruineuses exaspèrent les populations de nos
« libérateurs ».
Le général-major, commandant en chef de l’armée
russe, Winzingerode[2], arriva à Binche le 2
février 1814.
Le 10-2-1814, le chirurgien Paul Courtois fut
réquisitionné d’un cheval « sellé et bridé » pour un courrier du
général Winzingerode. Il fut indemnisé, 47, 25 florins.
Le même jour, la veuve du tanneur Charles
Gailliez, dut donner, elle aussi, un cheval, pour les mêmes raisons, elle en
reçut 50 florins.
Le 18-2-1814, Nicolas Lambret, propriétaire,
dut fournir un cabriolet à un colonel russe pour aller à Chimay, il fut
indemnisé pour la somme de 7, 50 florins.
Les troupes des coalisés sont cantonnées dans
la région comprise entre Mons et Anderlues.
Sur les abords de la nouvelle route menant de Mons
à Charleroi, presque terminée, les cosaques sont stationnés,
Leval-Trahegnies garde en souvenir ces
stationnements par le lieu dit « Côte de Moscou ».
C’est dans cette localité qu’eut lieu un
incident fâcheux :
Un certain Hardas, habitant de la rue de
Fontaine, tua un cosaque qu’il surprit en train de violer sa femme. Il fut
emmené par les soldats, et on n’entendit plus parler de lui. Sa maison fut
rasée[3].
Les officiers sont logés chez les notables
binchois[4],
comme nous l’apprend le Registre des
assemblées du collège de Régence : Etat de répartition pour le logement des troupes prussiennes en
1815.
Non seulement on dut les loger, mais on dut
aussi leur fournir la nourriture, un Etat
de répartition de la somme de 2504 francs pour logement et nourriture fournis
aux troupes prussiennes pendant l’an 1815 » nous apprend quels sont
les 341 Binchois qui durent y contribuer. Ils furent indemnisés les 25 et 26 mai 1818[5].
De nombreuses réquisitions eurent lieu, elles
ne furent indemnisées par la Régence de Binche qu’en avril 1827:
Narcisse Leghait, voiturier, perdit un harnais,
donné à un officier russe pour son cheval, il en reçut 4, 50 florins.
Le 7-6-1815, le chirurgien Courtois refusa sa
porte aux militaires prussiens de passage, en conséquence, trois militaires
sont logés chez Séverin Cordier, aubergiste du « Cheval blanc », rue de Mons, aux frais du dit courtois[6].
Mais ils logent aussi à l’hôtel du Roi d’Espagne: « A l’aubergiste Sainte Marie 45
florins 10 s. pour un lit qu’il a fourni pour coucher le chef de la patrouille
de la garde russe de l’empereur Alexandre… » [7].
Le 16-3-1814 eut lieu une
rixe entre soldats russes, pris de boissons, dans le cabaret Jean Lechien[8], rue
de la Triperie.
De
même, une altercation eut lieu entre des Binchois et des soldats prussiens dans
l’estaminet de la veuve Louis Navez[9], rue
de la Triperie.
On se rappellera que le mot « bistro » vient de cette époque,
où les soldats russes demandaient des boissons en en disant bistro, bistro =
vite, vite.
Louis Pouillart, journalier, dut fournir un
tombereau à l’armée prussienne en juin 1815, il fut dédommagé par 6 florins.
Un tableau des réquisitions faites par les
Prussiens à leur passage du 20 au 26 juin 1815 renseigne :
20-06-1815 : 8 tonneaux de bière, cette
bière ayant été requise par divers officiers a été prise de vive force par
divers corps qui sont passés dans le même temps. C’est pourquoi les officiers
n’ont pas fourni de bons.
20-06-1815 : 474 litres de genièvre,
réquisition ordonnée par M. Thomas, commissaire du corps de cavalerie du roi de
Prusse.
20-06-1815 : 100 livres de sel, 2600
rations de pain et 435
litres de genièvre, ordonné par M. Sallé commissaire de
guerre de la 13e brigade du corps d’armée prussien.
20-06-1815 : 200 litres de genièvre
et 8 chevaux, par le commissaire de guerre du 4e corps d’armée
prussien.
21-06-1815 : 193 rations de fourrage et 10 litres de
genièvre, ordonné par M. Besserer,
commandant prussien de la 12e batterie à cheval.
23-06-1815 : 90 pains et 30 tonneaux de
bière, ordonné par le commandant Gervais du détachement du 22e
régiment d’infanterie, composé de 70 hommes.
Il a été fourni de plus grandes quantités, mais ayant été pillés par les
troupes, on en a pas reçu de bons de réquisitions.
26-06-1815 ; 35 rations de fourrage et
avoine, ordonné par M. Hortiel commissaire expéditionnaire de la cavalerie de
réserve, brigade du 2e corps d’armée [10]
En octobre 1818, suite à la débâcle de
Waterloo, l’empereur Alexandre Ier de Russie, et le roi Guillaume III de Prusse
passèrent par notre ville, pour loger ensuite à Mons à l’hôtel de la Couronne.
A cette occasion toutes les communes des
environs furent réquisitionnées : des chevaux, et des guides devaient être
prêts pour le passage des monarques, ils devaient être prêts dans les cours des trois hôtels principaux de
la ville : Lion d’Or, Roi
d’Espagne et Cornet d’Or.
En octobre 1818, le gouverneur écrit au maire
de Binche :
« Le
18 de ce mois, le duc de Wellington passera par votre ville, il ne s’y arrêtera
pas ; le lendemain l’empereur de Russie, le roi de Prusse et les princes
impériaux de Russie et le prince royal des Pays-Bas y passeront.
Ils y seront emmenés
sans relais de Charleroy et arriveront à Mons.
Il faudra pour le
service des deux souverains 61 chevaux et 36 pour le service des princes. Je
charge les maîtres de poste d’Anderlues et de Bray de se rendre à Binche pour
diriger ce service avec leurs chevaux, ainsi que ceux de Haisne et de la Noire Bouteille en tout, 26 chevaux. Il s’agira donc de se procurer 80 chevaux
dans les communes voisines »
Alexandre Ier, Tsar de Russie (1777-1825) par le Baron François Gérard
Commune Chevaux.
Guides. Lieu indiqué pour se rendre
Binche 18 2 Cornet d’Or
Anderlues 22
3 Lion d’Or
Battignies 5 Roi d’Espagne
Buvrinnes 6 id
Carnières 10 id
Estinnes-au-Mont 13 2 id
Haulchin 10 id
Haine-st-Pierre 5 Lion d’Or
Leval-Trahegnies 6 id
Leval-Trahegnies 6 id
Mont-Ste-Aldegonde 4 Cornet
d’Or
Morlanwelz 10 1 Roi d’Espagne
Ressaix 3 Lion d’Or
Vellereille-L-B. 8 id
Waudrez 6 id
Waudrez 6 id
------ -----
116 8
1er détachement de convalescents (373 hommes):
373, pains, légumes, sel, viande de
97 rations pour chevaux à ration forte, de
foin, paille
8 voitures fournies, à deux colliers.
Division de l’état-major (4 hommes)
4, pains, légumes, sel, viande de 8 onces , eau de vie
4 rations pour chevaux à ration forte, de foin,
paille
2 voitures fournies, à deux colliers.
Officiers du régiment d’Alexpol (2 officiers)
2, pains, légumes, sel, viande de 8 onces , eau de vie
1 voiture fournie, à deux colliers.
2e détachement de convalescents (169 hommes)
169, pains, légumes, sel, viande de 8 onces , eau de vie
4 rations pour chevaux à ration forte, de foin,
paille
4 voitures fournies, à deux colliers.
3e et dernier détachement (174 hommes)
174, pains, légumes, sel, viande de 8 onces , eau de vie
6 voitures fournies, à deux colliers.
Le conseil de Régence de la ville de Binche
décide le 3 décembre 1819, qu’il sera mis à disposition du secrétaire communale,
la somme de 252 florins, pour être distribuée aux individus qui y ont droit,
pour le logement de 722 hommes de l’armée impériale russe à raison de 35
centimes par homme et par jour, à la présentation des billets de logement.
De même la somme de 41 florins est attribuée
par la caisse du receveur des convois et transports militaires pour les ayant-droit
à raison de 87 cent. pour la réquisition de voitures à deux colliers.Il est accordé 3 jours aux habitants de la ville pour recevoir les montants alloués, passé ce délai, il ne sera plus fait de suite aux requêtes.
[1] La bataille de Leipzig dite
« bataille des Nations »eut lieu du 16 au 19 octobre 1813, défaite de
Napoléon devant les Russes, les Autrichiens, les Prussiens, auxquels s’était
joint Bernadotte.
[2]
Winingerode Ferdinand, baron de -, ° Wurtemberg 1770, † Wiesbaden 1818,
maréchal et diplomate russe. Il négocia l’entrée de la Russie dans la coalition
de 1805. Chef de cavalerie audacieux. Il fut le premier à libérer Moscou en
1812, mais se fit prendre par les soldats de Mortier. Bientôt libéré, il se battit de nouveau contre Napoléon jusqu’en 1814.
[4] A.V.B. 01-00-02-1. Registre
des assemblées du collège de Régence : Etat de répartition pour le logement des troupes prussiennes en
1815.
[6] A.V.B. 01-00-04-108.
[7] A.V.B. 00-01-04-109
[8] Le cabaret Jean-Joseph
Lechien et de son épouse Marie-Joseph Huart est déjà cité le
17 fructidor an 5 (3-9-1797) et le 4 fructidor an 10 (22-8-1802).
[9] Payen
Marie-Augustine, ° Waudrez 30-8-1758, † Binche 25-12-1818, vendeuse de
genièvre, x Waudrez 4-6-1782, Navez Louis-Joseph, ° Binche 8-4-1761, † Valenciennes 11-12-1798, boulanger
et cabaretier. Cabaret déjà cité le 9 pluviôse an 6 (28-1-1798).
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