PETITE HISTOIRE DE LA CHAPELLERIE BINCHOISE
Alain GRAUX
L'histoire du vêtement nous
apprend que les bourgeois du XVIIe siècle portaient le Bourdalou, chapeau
tronconique entouré d'une tresse. Avec le temps, la coiffure s'orna de plumes[1]. La
fabrication des chapeaux est souvent dictée par la mode, et est toujours
artisanale. Les premières mentions de fabrication de chapeaux n'apparurent dans
notre ville qu’au XVIIIe siècle, les exemples abondent:
« Pour ung chapeau avecq ung cordon et une plume qu'il (Antoine Durant) a
livret pour donner à la jeunesse le lendemain de 1a procession/ payez....XXIII
fl. »[2].
« A Jean Lermiseau pour deux trousse de plume et ung cappeau qu'i1 at
vendu et livré pour le capitaine de la jeunesse que comme l'alfer par ordre,
payez…XXXVIII L. »[3].
« A Nicolas de Longueval pour la
livrance d'ung chappeau avecq plume qu'il at fait pour thirer 1es jeusnes gens
le lendemain de la procession...X L. X s. »
« A Philippe Ducloz pour une plume qu'il at livré pour mettre sur ledit
chapeau de la jeunesse at esté payez X L. IIII s. »[4].
« A Jean Delcoutte pour avoir livré un chapeau avecq une panasse pour la
jeunesse et trois aultres pour les huissiers et sergeans... » [5].
Les chapeliers ne faisaient pas
partie d'un corps ou d'une confrérie, bien qu'ils se p1açaient sous 1e
patronage de Sainte-Barbe[6].
Au XVIIIe siècle, le Conseil des
finances les obligea à faire « marquer » leur production:
« Messieurs du Magistrat de la ville de Binch, en conformité du contenu
des lettres de S.A. royalle le duc Charles de Lorraine et de Baar, Gouverneur
et capitaine général des Pays-Bas, en date du 9 février 1752 leur revenue le 12
courant, ont ordonné et ordonnent que tout chapelier, mercier et autres
bourgeois et habitants de cette ville qui fait profession d'y vendre des chapeaux,
de faire marquer endéans trois jours de la publication de la présente, tous les
chapeaux qu'ils ont en leur pouvoir, chez eux ou ailleurs, du cachet aux armes
de cette ville, applicable en cire rouge en dehors de l'endroit du cordon à
peine de confiscation des chapeaux non pourvus de cette marque et d'une amende
de 12 florins pour chacun de ceux non marqués...et ordonnant à tous chapeliers
établis en cette ville de se rendre en corps jeudy 15 du courant à leur
prochaine audience pour recevoir le règlement et de pretter les serments comme
par les dites lettres,
Fait au bureau le 16 may 1752.
Par ordonnance est signé, Bourgeois »[7].
Le recensement industriel de 1764
renseigne qu'il y avait à Binche 4 chapeliers établis depuis longtemps. La
chapellerie employait 12 ouvriers y compris les maitres. Leur production était
annuellement de 3.000 chapeaux communs de différentes qualités pour hommes et
enfants.
Ils vendaient leurs chapeaux dans
la ville, aux foires de Soignies, Merbes-le-Château, Beaumont, Braine-le-Comte,
le Roeulx. Parfois aussi à Thuin.
Les matières premières venaient
d'Anvers et de Bruxelles par Mons.
Les chapeaux réalisés dans 1a
ville sont marqués avec un cachet aux armes de la ville et les chapeaux venus
de l'extérieur sont estampillés avec un cachet aux armes de l'empereur[8].
En 1777, le Magistrat confie
cette tâche au sieur Carebin:
« Se représente qu'on a confié à Carebin, maitre chapelier en cette
ville, le cacher (cachet) pour les chapeaux qui s'est chargé de apposer le
cachet gratis aux chapeaux des autres maitres de cette ville et ensuitte de
décret qu’il auroit obtenu du Conseil des finances de sa Majesté.
Ledit Carebin s'étant engagé de mettre ledit cachet gratis pour les
autres chapeliers parmi que ceux lui fournissent la cire et lumier, conforme à
l'impression ci-placée »
En marge, dans fa cire rouge, un
sceau rond d'1 ½ cm, présente l'écu au lion, surmonté de l'inscription BINCH et
entouré de la date 1777. Le tout dans un cercle dentelé [9].
Les marchands-chapeliers cités au
recensement de 1797 sont:
Rue Saint-Jacques: Antoine Bury
Rue de la Triperie: Charles
Courtois
Grand-rue: Louis Degouy et
Ferdinand Delmotte
Rue du Cygne: Philippe Lechien
Rue de Million: Jacques Navez
Rue des Trois Escabelles:
Philippe Redon
Rue Saint-Jacques: Antoine
Wautier[10].
Les chapeliers Joseph Meunier,
Ursmer Hallez et Martin Fontaine, 1ogèrent des soldats prussiens en 1815[11].
Le dictionnaire de Ph.
Vandermaelen signale en 1833, neuf chapeliers[12].
On connait vers cette époque[13]:Antoine-Joseph Meunier, maître chapelier, 57 ans en 1822.
Dieudonné Hamaide, 33 ans, époux
de Marie Joseph Termolle.
Nicolas Deliège, il avait 30 ans
en 1827.
Antoine Navez, 43 ans en 1837.
Laurent Bourgeois, époux de
Rosalie Honoré (1837).
Le « journal de Binche »
du 4-11-1860 signale:
« Et puisque nous sommes
occupés à parler des confections, n'oublions pas une vingtaine au moins de
fabricants de chapeaux et de casquettes qui exportent également à l'étranger
les produits de leur fabrication... »
Une fabrique de chapeaux de
pail1e et feutre est signalée le 28-10-1892 (M. Fifis?). C'est peut-être la
fabrique de chapeaux de C. Delwart-Ramboux, 26, rue Neuve de la Station,
portant comme enseigne "Au chapeau français". Une publicité de cette
maison dit: "Fabrique de chapeaux en tous genres, chapeaux en soie,
feutre, pai1le, casquettes fantaisies"
Le recensement des industries et
des métiers du 31-10-1896 renseigne[14]:
Ateliers de confection de
casquettes: 6.
Personnel exploitant autre que
les ouvriers: 4 hommes et 1 femme
Personnel ouvrier: 1 homme
Ateliers de confection de
casquettes faisant confectionner à domicile: 2.
Ateliers de confection de casquettes à domicile pour le compte de fabricants: 6.
Personnel exploitant autre que
1es ouvriers : 5 hommes et 1 femme
Personnel ouvrier: 5 hommes et 2
femmes
Ateliers de confection de
chapeaux de paille: 1
Personnel exploitant autre que
les ouvriers : 2 hommes
Personnel ouvrier: 1 femme
Personnel exploitant autre que les ouvriers : 1 homme
La liste électorale de 1914[15]
renseigne 2 chapeliers et 6 casquettiers:
* Alfred Bourgeois-Mauroy, 2 rue
Notre-Dame [16].
* Joseph Cordier-Navez, 29 rue
Halle-aux-Filets [17].
* Delhaye Auguste, 92 rue du
Posty[18].
* Alfred Delwart-Babusiaux, 31,
rue de la Régence[19].
* Louis Demars-Hamaide, 52 rue de
Mons[20].
* Adolphe Leclercq-Pouillart, 5
rue de la Station[21].
Chapeliers:
* Jean Constant-Bourgeois, 2 rue
Notre-Dame[22].
* Clément Defwarte-Ramboux, 26
rue de Robiano[23].
Les décades qui suivirent virent
la disparition des casquettiers, il n'y aura plus que deux chapeliers:
La Maison Constant-Bourgeois et
1a Maison Derave se faisant face 1'une et 1'autre, avenue Albert 1er (Avenue Charles Deliège actuellement).
Le 1-1-1925 Armand Derave-Empain[24] (24)
cède son fonds de commerce à sa fille Yvonne Derave[25],
épouse Georges Autenne, pour la somme de 10.000 Fr.[26].
C'est à ce moment là que cesse la
fabrication de chapeaux.
[1] La grande encyclopédie. Le costume, Paris, 1913, éd.
Larousse, PP. 3389- 3390.
[2] A.V.B. 00-01-00-48,
Massarderie comptes années 1675-1616.
[3] A.V.B. 00-00-01-13,
Registre d'audience années 1611-1618.
[4] A.V.B. 00-01-00-61,
Massarderie, comptes années 1624-1625.
[5] A.V.B. 00-01-00-61,
Massarderie, comptes années 1629-1630.
[6] J.J. HEIRWEEGH et J.L VAN
BELLE, Les Saints Patrons des Métiers en Wallonie, Braine-1e-Château, 7984, p.
19.
[7] A.G.R. C.F. 1738
[8] A.G.R.-C.F. 4392, p.821.
[12] P.
VANDERMAELEN| Dictionnaire géographique de fa province de Hainaut, Bruxelles,
1933.
[15] A.V.B. 4287
[16] Bourgeois Alfred, °Binche
30-9-1844
[17] Cordier Joseph, ° Binche
4-12-1872, x Navez Maria, °Binche, 1-5-1871.
[18] Delhaye Auguste, ° Binche 2-5-1854.
[19] Delwart Alfred, ° Binche
1-1-1849.
[20] Demars Louis, ° Binche
2-6-1851, x Hamaide Désirée, °Binche 4-1-1857.
[21] Leclercq Adolphe, ° Binche 15-3-1871, x Pouillart
Stéphanie, ° Binche 15-7-1870.
[22] Constant Jean, ° Dison 28-1-1819, x Bourgeois Laure,
° Battignies 13-12-1877.
[23] Clément Delwarte-Ramboux,
° Binche 8-2-1850.
[24] Derave Armand-Louis, ° Binche 16-7-1870, x Binche
8-8-1891, Empain Elise, ° Binche 8-5-1871
[25] Derave Yvonne, ° Binche
27-12-1895, x Autenne Georges, ° Henzinnes 4-6-1900.
[26] A.E.M. Enr. A.S.S.P. Reg.
76.
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