LES
REPRÉSENTATIONS RELIGIEUSES SUR CHARS LORS
DES PROCESSIONS DU XVIe s.
Alain GRAUX
Le 4 juin 1411, le pape Jean
XXIII, invitait le chapitre de Binche à célébrer annuellement l’arrivée dans la
ville des reliques des corps saints de Lobbes. La fête de la dédicace en est
donc l’anniversaire de cette translation.
Les archives signalent que lors
des sorties processionnelles de la dédicace au XVIe siècle, des représentations
religieuses ou bibliques étaient présentées sur des chars traînés par des
chevaux.
Le
héraut.
Ces tableaux étaient soit présentés
par un héraut « en mandille » (uniforme) annonçant les chars, soit
par les comédiens dialoguant entre eux.
Les
diables
Trois diables supportaient une
« hure », tête de bête, dont l’armature
était en osier et portaient également une masse:
« A Ambroise de La Place….pour trois hur de diables avecq une masse pour
les joeur retorrichiens…. »[1].
« A
Siprin de Pares wannier luy a esté payet pour trois hurres et une teste pour
saint Jan pour les joeux de la procession VII
L.»[2].
Ces diables devaient
probablement servir de gardien de l’ordre, de même que les chevaux d’osier[3].
Le
fou
Un « fou »,
personnage que l’on rencontre fréquemment au moyen-âge, faisait partie du
cortège :
« A Gabriel Sebille pour la fachon….(pour) deux paires de badechasse et
la robe du fol aparant par billet et seignez les deux maistres CX s. »[4].
Le massard paye 20 livres pour quatre
aunes « de bleu estainette »
pour la robe du « folx »[5].
Il portait une marotte[6],
fabriquée, elle aussi par Ambroise de la Place en 1588-1589.
« A Martin Dufrasne pour
estoffe qu’il a livret pour faire une robe au folz à la procession IX
L.»[7]
« A Philippe de Lebecq pour
quattre aulne de bleu estamette qu’il a livret à la ville pour faire une robe
de folx à V s. l’aune
XX L. »[8]
Les
musiciens
« Aux juweurs des haultbois pour avoir jowé à la procession de binch
comme de coustume leur a testé payé XIIII L. »
« A luy (Ursmer Le Clercq, tamboureur) pour les joeurs retoricquiens d’avoir joet ung jeu, payez
VI L. »[9].
« A ung joeur de fif (fifre) dudit
lieu luy a esté payet à l’ordonnance de Tahon XX s. »[10].
Nous savons avec certitude
qu’il y eut sept chars, deux de comédie bibliques, les autres représentant la
passion du Christ :
Ces prophétesses païennes étaient représentées sur un char en
1614 :
« A sire André Alabarte ayant enseigné aulcuns filz et aulcunes filles
pour leur faire représenter les preofestes et sebilles ayant prophétisé la
venue et morte de Nostre Seigneur ensemble son sallaire d’aulcuns esquipaiges
qu’il a faict pour leds rethoriciens luy a esté payet XVI L. »[12].
En 1618, on apprend qu’elles taient accompagnées de joueurs de
hautbois :
« Aux joeurs de haubois
ayant conduict les sebilles le thour de la procession comprins leur sallaire
d’avoir jouet sur le théâtre de la court à la comédie payez pour tout
X L. »[13].
Le char des prophètes
Les prophètes avaient annoncé
les souffrances et la passion du Christ, nous venons de voir que des
garçons qui les représentaient,
instruits eux aussi par André Alabarte,
probablement prêtre du chapitre ou professeur du du collège.
Les
chars de la passion
Les participants :
Suite au sac de Binche, les acteurs s’interrogent afin de savoir si l’on
organisera encore des chars à la procession :
« Les jeuweurs sur kar
requièrent savoir se l’on jeura l’istore de la passion à la procession de
Binch. Fiat »[14].
Les acteurs recevaient 4
livres tournois pour leur participation :
« Aux jeuweurs sur kars à Bins led. Jour de le pourcession pour aucunes
remonstrances par eulx faites touchant la passion de Nre Seigneur, donné comme
de coutume
iiii L. » [15].
« A Jacques Courbet et ses
compaignons pour l’histoire faicte par eulx sur kers le jour de la procession a
esté payé iiii L.t »[16].
« Anthoine Gilbart requiert
ou nom des compaignons jeuweurs sur kar estre payet de leurs ghaiges
accoustumés dont il est respondant. A penser jusques à ce que l’on auera parlet
ou massart »[17].
« Les juweurs sur kar requièrent s’il plaist à Messieurs qu’ils monstrent
le mistère de la passion avecq autres ystoires qu’ils puissent monstrer ledit
jour. Fiat à l’accoustumé »[18].
Le Christ
« A Franchois Le Maire marchant de thoille…pour une robe de camelot
canette servant pour vestir Dieu faisant l’histoire de la passion à la
procession de Binch »[19].
« A Michel Gillebart pour
trois aulnes et demie de draps à lii s. l’aune qu’il a livret pour la robe Dieu
joer à la procession IX
L. II s. »[20].
Saint-Jean
« A Franchois Lemaire demorant à Binch pour xvi aulnes et demi de
thoilles rouge et jaulne qu’il a livret pour faire les accoustremens de sainct
Jehan jeuwant à la procession de Binch en lieu des aultres perdus par les
Franhoys à vi s. chacune »
« A Michiel Gillebault cousturier demorant à Binch la somme de cent solz
tournoys, et ce pour par marchiet faict avecq luy pour avoir faict et coussut
deux robbes et trois accoustremens avec aucunes testières[21] servant à la
procession de Binch l’une pour vestir Dieu et l’autre pour St-Jehan et les
trois aultres pour les tirans pour ce icy la somme de C. s.t. »[22].
Pilate
« Les jeuweurs du mister de la passion au jour de la procession
requièrent que l’on vueille avoir une robbe pour Pilatte. Fiat »[23].
Les tyrans
« Les joueurs de la passion requièrent que leur soit faict des
accoustremens pour les tirans offrant advancher la matelotte d’1 brassin »[24].
Les Juifs
« A Josse de Bourgoigne et ses confrères pour l’estoffe des accoustremens
des Juyf pour jouer la passion à la procession de binch xiiii L. iii S. vi D. »
«
A Jean de la Place pour besoigne par luy faict enthour les accoustremens des
juyf »
« A
Gabrielle Sebille pour la toille noire pour les accoustremens des juyf »[25].
« A Philippe Bourgois pour trois
paires de sorlier qu’il a faict pour les juifs de la procession de Binch
cy rendu
iiii L. » [26].
« A Henry de Faulx pour quattre paire de sorlier les juifs joer à la
procession avecq deux pièces de cuyre VI L. XII s.
A
Anthoine Sebille pour chincq cyer de jaune toille qu’il a livret pour faire des
basdechosse (bas de chausses) aux juyf joer la passion à la procession comme appert
par billet
XXV s. »[27].
Les accessoires :
« A Simon le Maire carrereur pour par luy avoir livret à la procession de
Binch trois gros bastons pour servir au hour des jeuweurs sur kars luy a esté
payé
VI s.t. »[28].
« A Georges de Sars
carpentier….pour la fachon d’une croix pour porter li jour de la procession,
une aultre pour mettre Dieu en croix sur le hourt emprès l’église et deux pour
les larrons »[29].
Le même artisan fabrique la
scène « pour avoir fait le hour ou
l’on jeuwe lors la passion XV s.»
« A Jean de la Place pour avoir verny deux verges pour les joeurs de la
procession »[30].
« A philippe le Pierre pour la fachons de la croix pour jouer ladite
passion XXXV s.
A
Gille Gille pour avoir faict les croix à jouer la passion XVI s. »[31].
« A Ambroise de la Place pour avoir painct une bannerole de guidon (bannière), une lanche (lance), encorre
deux déadèmes l’une argentée, un chapeau d’espines, la croix de la
resurrection…et huitte verge pour porter messieurs à la procession… »[32].
Idem dans bulletin S.A.A.M.B.
avril 2001, n°1, pp.4-9.
[6] Marotte : sceptre, surmonté d’une tête
grotesque, coiffée d’un capuchon garni de grelots, attributs de la folie.
[21] Testière : Coiffe de
toile
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire