JEAN-JOSEPH GENICOT, Clerc de Binche AU XVIIIe siècle
Alain GRAUX
En faisant une
recherche généalogique sur ma famille, j’ai retrouvé la trace d’un de mes
ancêtres qui fut clerc et marguillier du
chapitre et de la cure de Saint-Ursmer à Binche.
Personnage intéressant que ce
bouillonnant Jean-Joseph Genicot, pas toujours bien vu de ses supérieurs.
Il naquit à Binche le 9
décembre 1690 et y décéda le 14 février 1755. Il épousa à Binche le 10 février
1728, Marie-Gérardine de Buisseret, née à Binche le 12 juin 1702 et y mourut le
15 juin 1748, elle lui donna huit enfants.
Le 19 novembre 1713 « Jean Joseph Genicot, chantre, demande à
Messieurs du Magistrat, la charge de clercq vacante par la morte de Me Nicolas
Dupuis »[1].
En 1725, il se fait agresser
« A Jean-Baptiste Dussart, huissier
de Messieurs, payez la somme de 45
L . pour fraix et sallaires engendrez à cause de
l’information tenue à la charge de Jean-Antoine Froinu pour avoir maltraittez à
coup de sabre Joseph Jenicot clercq et marghelier de cette ville, ayant esté
condamnez de prison qui fut exécutée »[2].
La charge de clerc était
attribuée par le Magistrat de Binche de 6 en 6 mois. Le 21-6-1725, suite à cet
incident sa charge lui est retirée :
« Joseph Genicot, clercq marguillier fait devoir de représenter les clefs
comme de coutume.
Conclud
de suspendre ledit Genicot de sa charge jusqu’à nouvel ordre pendant lequel
temps Philippe Henry fera ses fonctions auquel les clefs seront mises en main »[3].
Il retrouva sa charge le 27
juin 1726[4].
Mais le 19 octobre suivant, le doyen Portemont se plaint au Magistrat :
« Se représente que nonobstant plusieurs corrections admiables et
admonition faitte à ce bureau en plain corps au clercq Genicot, il ne laisse
point que de se déranger à son ordinaire en boisson surtout pendant la nuict,
au scandale de tout le publique.
Pourquoy
se demande de quel manière on doit se ménager avec luy ?
Conclud
de l’appeler et d’entendre Mr le doyen-curé à ce sujet et les clefs ne seront
pas rendues jusqu’à ce qu’il soit ouÿ et qu’il en sera autrement disposé »[5].
Le doyen Portemont fut entendu
à l’hôtel de ville le 26-10-1726, les effets de la dive bouteille sont
reprochés au clerc « …d’autant plus
que l’on a remarqué en luy de peu de soumission envers ses supérieurs… »
Le 31-10-1726, Jean-Joseph
Genicot « supplie le Magistrat de
luy remettre les clefs et qu’à l’avenir il s’abstiendra de tout ce qu’on
l’accuse.
Messieurs
ayant veu en luy une plus grande soumission que cy devant ont résolu de luy
remettre les clefs »[6]
La charge du clerc était
faiblement payée comme l’indiquent ces deux extraits des registres d’audience
du Magistrat :
Le 10-10-1723, Jean-Joseph
Genicot « requiert supplément
d’assistance n’ayant que pour reconnaissance deux rasières de vaireuxx sur
l’hôpital, a une autre rasière sur le bassin, pourquoy on demande ce quy
convient d’accorder,
Conclud
de luy accorder pour supplément pareilles deux mesures de même grain sur
l’hôpital et une autre sur le bassin, le tout sans conséquence et sur le bon
plaisir du Magistrat »
Le 30, 10-1724, il « représente qu’il n’a de gage de la ditte
ville, que vingt livres mais comme cela est fort modique et qu’il est dans
l’obligation de nourrir son père, il prie Messieurs de luy accorder
augmentation.
Eu
égard aux soins qu’il prend de son père, Messieurs du Magistrat voulant bien
contribuer ont accordé au père du remontrant vingt livres par an à commencer le
1er de l’an 1725 » [7].
En fait, qu’elle était la
charge du clerc ? Sous le régime autrichien, les écoles populaires étaient
généralement confiées aux clercs laïques, qu’on désigne sous le nom de magister.
Il devait faire une profession
de foi conformément au placard édicté par Philippe II en date du 1er
juin 1587, les autorités lui imposent le règlement suivant :
« Art 1. Le clerc de la paroisse devra se représenter
chaque année à la Saint-Jean-Baptiste, il s’oblige à remettre les clefs ledit
jour sur la table aux sieur curé, jurés et représentants de la communauté pour
être continué ou remercié, sans être obligés de lui en dire les raisons.
Art.2. Il lui est défendu de tenir cabaret ou auberge, de prendre de
ferme à bail, d’être garde des bois, sergent ou d’être d’une profession
contraire aux fonctions de clerc.
Art.3. Il est établi au lieu et place du clergé ; il doit en avoir
les vertus et montrer le bon exemple.
Art.4. Il est le ministre du curé et des prêtres en charge du soin des
âmes, pour l’administration des sacrements. Il doit les accompagner tant de
jour que de nuit, lorsqu’il en sera requis. Pour la célébration de la messe, il
doit se trouver à toutes les messes chantées, même basses, pour servir les
prêtres avec zèle et dévotion.
Art.5. Il ne pourra sonner à la messe, sans être venu à la cure pour
savoir si le révérend n’est pas incommodé, ou aux malades, ou hors d’état de dire
la messe.
Art.6. Il ne peut s’absenter de la paroisse sans la permission de son
curé, et sans avoir quelqu’un pour suppléer à sa place au gré du pasteur.
Art.7. Il sera obligé de tenir
la collégiale propre et de la balayer au moins une fois par semaine ; il
ôtera la poussière de dessus les autels et les murs, nettoiera le pavé, mettra
les ustensiles de l’église à leur place et fera tout ce que la décence du lieu
requiert de lui.
Art.8. Il sera tenu de nettoyer au moins une fois par semaine les burettes
pour le vin et l’eau qui doivent servir au saint sacrifice de la messe ;
il veillera à ce que la bouteille soit bien bouchée, aura soin que le vin ne
soit pas aigre ou éventé, versera lui-même le vin dans la burette, et
conservera le pain de manière qu’il ne soit pas moisi ou taché.
Art.9. Il est de la décence et du devoir du clerc de changer souvent les
nappes de l’autel, les aubes, les amicts et de les replier chaque fois qu’on
dira la messe.
Art.10. Quand il viendra à la paroisse des prêtres pour célébrer la messe,
le clerc devra leur préparer les ornements nécessaires, même les servir à
défaut d’autres.
Art.11. Il doit avoir un grand soin des ornements, en les tirant de
l’armoire et en les y remettant, il avertira quand il y en aura des déchirés,
afin qu’on les raccommode avant de s’en servir à l’autel.
Art.12. Il préparera les ornements sur l’armoire avant que le prêtre entre dans la sacristie pour célébrer la
messe.
Art.13. Il s’occupera de tout
ce qui peut contribuer à la propreté de la collégiale par son zèle, en ce
point, il montrera combien il a à cœur la solennité de Dieu où habite sa
gloire.
Art.14. Il s’oblige à ouvrir
les portes du cimetière et celles de la collégiale au premier son de cloche
afin que toutes les personnes aient la facilité de venir à la messe et aux
offices divins, il les fermera après l’office pour empêcher les enfants de
pénétrer dans le lieu saint ainsi que les bestiaux ezt les voleurs.
Art.15. Il devra avoir soin du clocher et des cloches et mettra à celles-ci
des cordes quand il en manquera.
Art.16. Il sera obligé de tribouler les veilles des grandes fêtes, à midi et
au soir, pour annoncer au peuple la solennité du lendemain et sonnera les
dimanches et fêtes à la messe et aux offices de la paroisse.
Art.17. Le clerc s’oblige à
tenir bonne école, avec prudence, modestie et charité et d’enseigner la foi
catholique, apostolique et romaine. La porte de l’école sera ouverte à huit
heures du matin et fermera à quatre heures du soir, où les enfants auront droit
de se retirer pour être exempts des injures de l’air, se chauffer et manger ce
qu’ils auront apporté de chez eux.
Art.18. Il ne permettra qu’aucun enfant ait de mauvais livres, contraires à
la foi ou déshonnêtes, mais des livres de piété et de dévotion, de bonnes mœurs
et de civilité.
Art.19. Outre la lecture et l’écriture, il enseignera les prières et le
catéchisme, trois ou quatre fois par semaine et plus si nécessaire.
Art.20. Il n’aura aucune
préférence pour les enfants tant pauvres que riches, ils seront enseignés avec
le même zèle et attention et le magister leur rendra justice selon leur mérite.
Art.21. Il commencera son
école par la prière du Saint-Esprit pour invoquer son assistance et finira par
la même prière.
Art.22. Il corrigera les enfants avec patience et charité, sans emportement,
sans colère, sans jurement et sans malédiction. Il commencera par la douceur.
Si ses élèves demeurent entêtés ou opiniâtres, le maître lèvera le son. S’ils
persévèrent dans leur méchanceté, il pourra les reprendre sans brutalité, les châtier
sans les maltraiter, le tout avec charité. On défend très sérieusement de les
frapper ni à coups de pieds, même avec la main, ni avec un bâton, mais le
magister devra se servir uniquement de verges, faire mettre les coupables à
genoux les bras en croix, ou infliger tout autre châtiment convenable à la
faute qui aura été commise.
Art.23. S’il arrivait que des enfants eussent des ordures à l’école, le
magister devra les avertir de se nettoyer, s’ils continuent à se négliger, il
en avertira les parents. Il en sera de même pour ceux qui auront des maladies
ou incommodités contagieuses. Le même fera tout cela sans bruit et toujours
avec beaucoup de prudence.
C’est à quoi le magister s’est
obligé sur dix sols de peine et le cran renforcé sur vingt sols et toutes
clauses et conditions bien expliquées. ».
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