AUSSI VIEILLE QUE
LA « PETITE BONNE »
Fernand GRAUX
Lundi gras, la tradition qui consiste à faire
« une sortie à la viole » par tous les temps, qu’il vente ou qu’il
neige et l’on peut dire franchement : viole que viole ! La journée
doit se faire et …on la fait avec un plaisir réel, mêlant d’un commun accord
l’amusement à la joie de donner, en effet qui n’a pas arboré son bouquet de
mimosa épinglé à la boutonnière, et la carte de soutien vendue au profit des
œuvres des partis fixée au chapeau, tout cela fait partie du rituel en usage à
Binche et l’on s’exécute de bonne grâce devant le sourire des jolies vendeuses
bénévoles qui vous les proposent.
Et si le temps n’est pas tout à fait clément,
les cœurs, eux, sont radieux et c’est sans vergogne que les crissements
cadencés des semelles quelque peu gorgées d’eau montrent avec quel engouement
rieur et avec les « hé, hé, hé » répétés qui animent les participants
de cette sortie et les fait rire à gorges déployées.
Une mention spéciale doit être accordée aux
brillants musiciens qui par leur bonne humeur et leur bonne volonté exécutaient
d’entraînantes marches ou valses avec un brio étonnant aux coins de rues ou aux
points d’arrêts des joyeuses bandes.
J’ai suivi cette année la viole du
« Baraquie » comme on l’appelle. A ce propos saviez-vous que le
« petite bonne », sa viole, est la seule qui reste sur les quelque
trente que la ville de Binche s’enorgueillissait de posséder. Ces orgues de
Barbarie se sont disséminées : vendues à des amateurs d’antiquités ou
simplement détruites avec le temps, ainsi que le disait son actuel
propriétaire ; on lui a offert récemment la modique somme de cent mille
francs pour la sienne, tout simplement, il a refusé cette alléchante proposition…par
amour…pour sa boîte de musique et surtout m’a-t-il dit , avec une petite larme
à l’œil : « d’in l’fond
es’qu’on est d’Binche waie ou bie non ? » « eyé si d’je l’vind, i n’arat pu d’viol
vraimint Binchourde ».
Force « demis » ingurgités et réceptions
aux petits verres chez certains mandataires ou sympathisants notoires ont fait
que l’amusement était à son comble et…il fallut qu’une malencontreuse
« drache » dispersa vers le treize heures les participants quelque eu
frustrés de leur plaisir en rentrant chez eux, dare dare.
Belle journée en vérité malgré tout,
l’après-midi apporta aux enfants costumés avec recherche leurs récompenses sous
forme de médailles offertes avec prodigalité par les organisations de jeunesses
à cette ribambelle d’enfants
La soirée fut agréable à suivre et le feu
d’artifice du haut quartier qu’est la place Eugène Derbaix fut une apothéose
appréciée de tous et la foule plus houleuse, ce me semble, que les autres
années redescendit satisfaite, vers le bas de la ville, se promettant « de
remettre çà » pour le lendemain mardi-gras
février 1970
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