Le chemin de fer de Baume à Erquelinnes
Alain Graux
Dès 1e 22 mars 1835, des ingénieurs et
arpenteurs sillonnent la région du Centre jusqu’Erquelinnes avant d’entamer les
travaux préliminaires d’une ligne allant d’Ecaussinnes à Erquelinnes qui allait
s’appeler « Chemin de fer du Centre ».
Pour
atteindre une plus grande prospérité, les habitants appelaient de tous leurs
vœux l‘établissement d'une voie ferrée qui les mit en communication avec les
autres localités importantes de la Belgique; ce qui resta longtemps à
s'accomplir.
Malgré
une loi datant du 21-5-1845, promulguant
une concession, des difficultés surgirent, et c’est grâce à l'influence
du sénateur de Robiano, de Gustave Wanderpepen et de quelques autres, on se mit enfin à l'étude. En 1851,
lorsque le gouvernement soumit à la Législature un vaste projet de travaux
d’utilité publique, les localités qui avaient compté sur la réalisation de la
concession votée en 1845, s’adressèrent aux Chambres pour que celles-ci prennent
des mesures qui faisant droit à la légitime impatience d’être dotées de la voie
ferrée qui leur avait solennellement promises.
La
Compagnie du chemin de fer du Centre, société anonyme, fut approuvée par arrêté
royal du 3 septembre 1853. Ses buts étaient la construction et l’exploitation
d’un chemin de fer traversant les charbonnages du Centre.
Le
vicomte de l’Espine fit apport de la concession, ainsi que d’une convention
verbale avec des entrepreneurs Lamie Murray et Marsury de Aguirre, ces associés
offraient la livraison du chemin de fer comme apport du capital social.
Au nombre
des administrateurs du début de la société, on compte notamment le prince de
Chimay, le comte de Robiano, le vicomte de l’Espine, le représentant Faignart,
le bourgmestre Wanderpepen, les maisons de banque Place (de Paris) et
Delloye-Tiberghien (de Bruxelles).
La
concession du chemin de fer du Centre, de Haine-Saint-Pierre Baume à
Erquelinnes fut accordée par arrêté royal du 27 septembre de la même année. Il
s'agissait primitivement d'un chemin.de fer reliant le bassin houiller du
Centre à la frontière française.
En 1854, l’assiette de l’œuvre, surtout
importante entre Leva1 et Ressaix, était déjà érigée mais la construction du
pont qui devait enjamber la rue de Namur n’était pas encore entamée. Il sera
construit durant les années 1854-1855.
Pendant la session de 1854-1855, le ministre
des travaux publics soumit à l'approbation des chambres législatives le projet
de la compagnie concessionnaire, qui fut accepté sans opposition. On ne tarda
guère à mettre en adjudication l'entreprise de la construction projetée ; elle
fut accordée à deux entrepreneurs, MM. Marsus et Leborgne.
Le 10 juin 1856, la concession reçut un
accroissement important pour ce qui touche les transports en direction de
Bruxelles, la ligne du Centre fut prolongée jusqu’à la station d’Ecaussinnes,
mais il faudra attendre 1865 pour que les portes de la capitale nous soient
ouvertes. Il était temps car de plus en plus, l’amélioration des techniques
aidant, la houille s’entassait sur les « carreaux », des charbonnages
(au nord, de la Haine surtout) et il fallait parfois réduire la production et
chômer partiellement pour éviter 1e risque d’étouffer dans son charbon.
La section de Baume à Erquelinnes, longue de 22 Km 601 a été livrée à l’exploitation
le 2-8-1857. Auparavant un train d’essai fut organisé le 10-7-1857, et une
inspection par les ingénieurs de l’Etat eut lieu le lendemain afin d’ouvrir la
ligne officiellement[1].
Le premier train inaugurant la ligne fut appelé
« Prince de Chimay ».
Pendant six semaines le service s’est fait aux
frais de l’entreprise générale des travaux, de sorte que c’est à partir du
18-9-1857, que les recettes et les dépenses se sont effectuées pour le compte
de la compagnie concessionnaire.
Quant à la section d’Ecaussinnes à Baume, elle
a été ouverte au transport des marchandises le 20-1-1860 et au transport des
personnes, le 20 février suivant. Cette 2e section mesure 13 Km 126m.
Le chemin de fer dans son ensemble a donc un
développement de 33 Km
727m, il est établi à simple voie.
A la date du 31-12-1860, l’exploitation du
Centre employait 5 locomotives, 10 voitures pour voyageurs et 673 wagons à
bagages ou marchandises[2]
Chacune des stations et des haltes
intermédiaires, que l’on créa sur cette ligne, correspondaient en quelque sorte
soit à une concession charbonnière, soit à une exploitation industrielle. A
1’origine, en effet, le chemin de fer n’avait été conçu que pour le seul
transport du charbon et des marchandises; on ne tarda cependant pas à
reconnaitre qu’il pouvait aussi être fort utile pour le transport des personnes
et notamment pour amener chez nous un complément de main-d’œuvre.
En 1879,
il fut remédié à la pénurie de travailleurs grâce à l’instauration du système
d’abonnements en chenin de fer. L’arrivée en masse des ouvriers flamands
commença à cette époque, elle allait donner un nouvel élan au peuplement de nos
villages. De plus en plus et partout, la voie ferrée, moyen de locomotion
rapide, économique et régu1ier, allait supplanter la route pour le transport
des voyageurs, des marchandises et du courrier postal.
L’embranchement du charbonnage de Ressaix
Cet embranchement établi entre 1868 et 1870, opérait
la jonction entre la station de Ressaix et le plateau industriel, situé sur le
territoire de Ressaix : les charbonnages de Ressaix et de Leval, avec les
fours à coke Coppée.
L’embranchement du charbonnage Saint-Eloi
En 1866, un embranchement partant du
charbonnage de Carnières-Sud dit
fosse Saint-Eloi reliait la gare de
Cronfestu.
Une dérivation desservant la fosse n°1 de
Mont-Sainte-Aldegonde était reliée à cet embranchement.
La «Société du charbonnage de
Morlanwelz –Mont-Sainte-Aldegonde » date de 1846. Elle commença
réellement ses activités en 1857 au « Trou Marie » appelé aussi
« Vieille fosse », puits n° 1 de Sainte-Aldegonde qui sera plus tard
englobé dans les cimenteries de Cronfestu.
A côté des voies de
raccordement et de garage, de l’excentrique, d’une autre aiguille de
déraillement, il y a une barrière au passage à niveau manœuvrée de la gare. Le préposé aux
manœuvres est payé par la compagnie du centre et par les charbonnages 2 Fr. par
jour.
La ligne de chemin de fer du charbonnage du Piéton
En 1865, la compagnie du chemin de fer du
Centre reçut la concession du chemin de fer de Piéton. Cette ligne commençait à
Leval, coupait le Chemin de Haine-Saint-Pierre, la rue Vierset, allant vers
Morlanwelz, frôlait le charbonnage Saint-Eloi, atteignait la station de
Carnières, décrivait ensuite une large courbe pour éviter la butte trop raide
du « Bois des Faux » de cette localité et atteignait enfin Piéton
après avoir franchi la route de Bascoup et côtoyé les installations de la
« Fosse du Piéton ».
La gare de Cronfestu
Eugène Dufossez et l’ingénieur
Henry, ingénieurs de l’Ecole Centrale de Paris créèrent une cimenterie à proximité du gisement de craie blanche de Cronfestu. Le 7 juin
1876, ils formèrent une société sous la dénomination « Cimenteries
Dufossez et Henry ». Elle est la première usine à fabriquer du ciment
Portland en Belgique et obtint dès lors un succès immédiat, ses installations
sont reliées au chemin de fer assez proche. Les installations des cimenteries Levie sont, elles aussi, reliées au
chemin de fer. C’est en 1881 que les élites catholiques créent cette entreprise, sur le territoire de
Mont-Sainte-Aldegonde. Elle est dirigée par Charles Bailly (député catholique),
Locose et Levie, le prince Louis de Looz-Corswarem et Alfred Masy.
La gare fut d’abord appelée
Morlanwelz-Sud et ensuite Cronfestu elle comprenait un modeste bâtiment pour
voyageurs, un hangar pour marchandises, un pour le piqueur et une loge pour le
passage à niveau[3].
La gare de Leval dite Saint-Joseph
Vers 1870, on mettait la main à l’installation
d’une véritable station de chemin de fer qui n’était qu’une simple « maison
de garde » qui était bâtie sur 40 ca. La gare ne sera construite qu’en
1905 et inaugurée en octobre 1911.
L’embranchement de Sainte-Barbe
Le 30-10-1865, un raccordement était établi
entre le puits Sainte-Barbe à Péronnes et la gare de Leval. La société
charbonnière acquiert des actions de la Compagnie du chemin de fer du Centre
pour l’exécution de cette convention. Si le chemin de fer de Leval à Mons était
concédé à la compagnie du Centre, l’embranchement de Péronnes ferait partie de
chemin de fer, auquel on en ferait apport. En compensation de la construction
de la gare Sainte-Barbe, à titre d’échange, la Société de Péronnes fait abandon
de la gare de Leval dite Saint-Joseph à la compagnie du Centre.
La société
de Péronnes fait l’avance des fonds pour la construction contre 400 actions
privilégiées de la Compagnie du Centre.
L’embranchement du charbonnage Sainte-Marie
La S.A. « charbonnage Sainte-Marie »
à Péronnes-lez-Binche allait relier ses installations à la voie ferrée reliant
Manage à Erquelinnes en 1868[4]
Ce chemin de fer industriel était greffé sur
notre ligne en son croisement avec le Chemin de Saint-Vaast (plan Popp). Il
était d’une longueur de 1270
mètres .
La gare de Binche
Le 22 mars 1855, l 'ouverture des
travaux de la nouvelle voie ferrée donna lieu à une belle fête dont on garde à
Binche un doux souvenir. La cité des Gilles, toujours si fraîche et si coquette
aux jours de réjouissances publiques, s'était parée dès le matin, afin de
recevoir dignement dans ses murs les notabilités qui devaient assister à la
cérémonie. On annonça celle-ci par le son des cloches et du carillon, ainsi que
par des salves d'artillerie. A une heure de relevée, l'administration communale
reçut dans le grand salon de l'hôtel de ville les membres du conseil
d'administration du chemin de fer du Centre et les autorités qui avaient été
invitées à prendre part à la solennité. Immédiatement après cette réception, le
cortège se forma sur la Grand-Place et il se dirigea vers le lieu des travaux
par la rue de Notre-Dame, la Grand-rue, la rue et le faubourg de Charleroi, la
chaussée de Merbes vers la rue de Versailles, à l'endroit où devaient s'élever
les bâtiments de la station. Là, se dressait un pavillon destiné aux autorités.
La bénédiction des travaux et les cérémonies d'usage étant terminées, le
cortège rentra dans la ville, en suivant la rue de Saint-Paul. Un banquet de
cent couverts, offert par la société concessionnaire, réunit au grand salon les
autorités et d'autres personnes notables. Vers le soir, s'ouvrit le bal
populaire dont l'entrain fut remarquable; il fut interrompu par un superbe feu
d'artifice, tiré sous l'habile direction de M. Mauvy, arquebusier du roi. Une
brillante illumination termina cette belle fête dont la ville garde encore la
mémoire.
Au bout de deux ans et demi employés à la
construction du chemin de fer du Centre, la section d'Erquelinnes à
Haine-Saint-Pierre (Station Baume-Etat) se trouva achevée et l'on résolut d'en
faire l'inauguration avec beaucoup de solennité. Cette nouvelle fête eut lieu
le 2 août 1857. Le duc de Brabant, héritier de la couronne royale, y assista au
milieu de l'allégresse générale. A neuf heures du matin, un convoi d'honneur
partit de Bruxelles pour se diriger vers Charleroi et de là sur Erquelinnes.
Dans ce train avaient pris place :
MM. Dumon, ministre des travaux publics,
Mathieu et Licot de Nismes, membres de la chambre des représentants, Poncelet,
Van Espen, ingénieurs, et de nombreux invités. Les hôtes de la compagnie du
railway du Centre ne consacrèrent que peu d'instants à la visite de la station
d'Erquelinnes. A Bonne-Espérance, on fit une halte. Le président du séminaire,
à la tête du corps professoral et des nombreux élèves de cet établissement,
adressa à M. le ministre des travaux publics une harangue qui fut vivement
applaudie. A une heure, ce haut fonctionnaire pénétrait dans la station de
Binche avec ses compagnons de voyage.
Les détonations de l'artillerie communale, les
joyeuses fanfares de la ville annoncèrent aussitôt la réception officielle. Le
second convoi d’honneur arrivant de Baume vint grossir le nombre des étrangers
qui avaient déjà envahi la cité des Gilles. Alors se forma la députation
chargée de recevoir et de complimenter le duc de Brabant. Le train spécial qui
l'amenait fut signalé à une heure et demie. L'auguste voyageur fut vivement
acclamé par la foule immense qui encombrait les abords de la station.
Aux harangues qu'on lui adressa, il répondit de
la manière la plus heureuse. Le clergé procéda ensuite à la bénédiction des
locomotives et aussitôt après cette cérémonie religieuse, le prince royal
inaugura le nouveau railway au milieu de l'allégresse générale. Au banquet qui
fut servi dans le grand salon, vinrent prendre place cent cinquante convives.
Des toasts furent portés au roi et à l'héritier présomptif du trône.
Vers cinq heures, S. A. R. reprit la route de
Bruxelles pour assister au concert du Jardin zoologique. Un bal magnifique
suivi d'un feu d'artifice termina cette belle journée qui fut pour Binche le
point de départ d'une nouvelle ère de prospérité.
Un corps central rythmé au rez-de-chaussée par trois portes surplombées
d’une balustrade et par trois fenêtres à l’étage, reliait deux pavillons plus imposants,
ceux-ci sont continués par des annexes.
L’année 1880, vit la création
d’une gare aux marchandises de la station.
La vue ci-dessous nous montre une
partie de cette bâtisse, sise sur la gauche de la gare.
En 1903, la gare, vite devenue
vétuste, on décida la création d’une nouvelle gare. Une gare provisoire fut
installée, rue de Versailles en attendant la désaffection de l’ancienne et le
début des travaux du nouveau bâtiment.
Le bureau de poste ayant quitté
le relais de la diligence, Grand-rue, fut installé dans la gare provisoire
jusqu’en 1896, date de création de l’hôtel des postes, rue de Charleroi.
M. Pierre Langerock, architecte,
restaurateur de l’hôtel de ville et de la collégiale Saint-Ursmer, dressa les
plans d’un nouvel édifice.
Les travaux commencèrent en 1905
et durèrent cinq ans. Le bâtiment est
créé dans un style néogothique plus brabançon qu’hainuyer.
La gare est une composition
symétrique dont les deux ailes basses et longues, rythmées de fenêtres en
croisée, enserrent un corps central à pignon, où se multiplient les moulures,
pinacles et redents A chaque extrémité, un pavillon plus modeste, mais de même
inspiration sous toiture à quatre versants De hautes bâtières d’ardoises
animent sur deux rangs un jeu de lucarnes.
L’inauguration eut lieu le 1er
octobre 1911[5], en présence du ministre
Michel Lévie, ministre des Finances et du Hubert, ministre des Communications.
Le bâtiment est complété de deux
kiosques entre les voies 2 et 3, et plus tard d’un couloir sous voies et
d’abris parapluies artistiques.
Nous voyons ici, le
bâtiment de la gare provisoire, rue de Versailles
Une marquise en fer forgé tout à
fait exceptionnelle a été installée.
Quelques usines implantées à
proximité de la gare de Binche bénéficient d’un raccordement au chemin de
fer :
Les verreries de Binche, actives
de 1860 à 1931, elles se situaient face à la gare.
La brasserie Leroy fonctionna de
1873 à 1955, elle possédait un raccordement à proximité de la rue de Buvrinnes.
La tannerie et corroierie Lefèvre
possédait des entrepôts le long du chemin de fer, ce qui facilitait
l’écoulement de ses produits.
Le transport de passagers de Binche à Erquelinnes
a cessé le 4 novembre 1962, celui de
marchandises en 1984 :
la gare de Binche est donc aujourd'hui un terminus.
En 1965, le lion qui sommait le
pignon central a été retiré, car il risquait de tomber.
Le 23 mai 1983, l’électrification
de la ligne est inaugurée par le ministre des Communications, Herman Decroo.
En 1986, le bâtiment réservé aux
marchandises et au dépôt des colis est rasé pour faire place à un parking.
Actuellement, son trafic s'est
considérablement réduit, puisqu'elle n'accueille qu'un train IR et quelques
trains P. Ce faible trafic a d'ailleurs justifié la mise à voie unique de la
ligne depuis février 2002.
LE PERSONNEL
Le personnel du 7e groupe des
chemins de fer de l’Etat belge est établi dans la gare. Un ingénieur en
chef de service des voies et travaux (M Goffin) et un directeur-chef de service
de l’exploitation sont attachés à cette administration.
En 1912 le personnel est composé
de :
Tellier Joseph-Louis, chef de
section principal du chemin de fer
Charon Jules, chef de section du
chemin de fer
Desoil Théophile-Joseph, chef de
station
Huberland Emile-Jacques,
sous-chef de station
Hoyaux Léon-Louis, employé
Schauwers Aloïs, employé
Schauwers Armand, garde salle
Clara Dieudonné, garde salle.
Petit à petit, les services de
l’entretien du chemin de fer vont quitter Binche, le service de la voie qui y
était installé depuis 1919 va s’installer à Haine-Saint-Pierre vers 1930. Le
dernier chef de section quitte Binche pour Haine-Saint-Pierre en 1946.
En 1928, le chef de station est
Fernand Léonard, le sous-chef de station est Emile Deboule.
La gare d’Erquelinnes
La gare d'Erquelinnes est le terminus de la ligne, mais reliée au réseau de chemin
de fer du Nord, français.
[1] MATTHIEU E. Les
œuvres sociales et chrétiennes des arrondissements de Mons et de Soignies,
Bruxelles 1908, p.4.
[2] ANDRE L., Rapport
décennal sur la situation administrative de la Belgique (1851-1860),
Bruxelles 1863, p.92.
[3] A.M. Marré-Muls
et A. Biaumet, Le hameau de Cronfestu, 2011, p. 22.
[5] GRAUX A., De la terre « Pipine » à la gare
de stationnement, dans bull. SAAMB avril
2003, n°8, pp.3-11.
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