Binche au travers des dictionnaires
géographiques et historiques du XIXe sieclE
Alain GRAUX
La lecture et la comparaison des notices parlant
de Binche dans les dictionnaires géographiques anciens nous révèlent parfois de
surprenantes distorsions entre la situation de la ville et la réalité.
Pour ce qui est de l’histoire de la ville, de
curieuses similitudes apparaissent dans toutes ces publications.
Voyons en détail, par date de parution
chronologique ce qu’ils nous apprennent :
1. En 1819 :
Dictionnaire
géographique du royaume des Pays-Bas ou description physique, historique et
politique des provinces, villes et endroits remarquables de ce royaume
Auteur : M DEWEZ, membre de l’Institut
royal des Pays-Bas, de l’académie royale
des Sciences et des Belles lettres de Bruxelles.
Editeur : Adolphe Stapleaux, Marché aux
Herbes, n° 323, Bruxelles.
Binche, ville du Hainaut sur la Haine, à trois lieues de Mons et de Charleroi, et à deux de Lobbes, où Saint-Ursmer avait fondé en 697, un monastère que Jean de Bavière, évêque de Liège, sur la demande de Guillaume de Bavière, comte de Hainaut, son frère (et non Guillaume lui-même, comme l’avancent les Délices des Pays-Bas), transféra à Binche par un diplôme du 19 mars 1409, et que le pape Jean XXIII confirma par un bref le 3 juin l’année suivante. L’abbé de Lobbes était prévôt de ce chapitre qui était composé d’un doyen et de douze chanoines.
La ville de Binche servait autrefois de dot aux
filles aînées des comtes de Hainaut.
Dans la guerre du roi de France Henri II contre
Charles-Quint en 1554, Binche, qui était mal fortifiée fut obligée de se rendre
à la discrétion du roi, et fut livrée aux flammes et au pillage avec le beau
palais que Marie, reine de Hongrie, sœur de Charles-Quint, gouvernante des
Pays-Bas, y avait fait bâtir.
Binche concourt à la nomination des états de la
province de Hainaut pour un membre.
Population : 3.900.
2. En 1831 :
Dictionnaire
géographique, statistique et administratif de la Belgique et des neuf provinces
qui la comprennent.
Auteur : Jean-Baptiste de Bouge, géomètre
et géographe, auteur de plusieurs ouvrages.
Editeur : J.F. de Greef, rue des Pierres,
n° 46, Bruxelles.
Binche, sur la Haine, 3916 habitants.
Cant. (canton), cur. (cure), mil. (canton de
milice), à 2 6/7 l. (lieues) de Charleroi.
3. En 1832 :
Dictionnaire
géographique de la province de Hainaut
Auteur : Philippe Vandermaelen.
Editeur : Etablissement géographique
Vandermaelen, Faubourg de Flandre, Bruxelles.
Binche, commune
et chef lieu de canton de l’arrondissement et à 5 lieues 1/3 O. de Charleroi et à 14 lieues 2/3 E.S.E. de
Tournai et à 4 lieues E. du chef-lieu de la province. Elle est bornée au N. et
à l’E. par la commune de Battignies, au S.E. par celle de Buvrinnes et au S. et
à l’O. par le territoire de Waudrez.
Cette commune se compose de son chef-lieu situé
sur la grande route de Mons à Charleroi et de ses deux faubourgs, la Roquette
et Versailles.
Hydrographie
Les ruisseaux de Buvrinnes et de
Bonne-Espérance forment en partie la séparation de la ville avec ses faubourgs.
Ces deux petits cours d’eau impriment le mouvement à trois moulins et longent
quelques prés. Il y a trois étangs ou réservoirs dont un alimente une
brasserie, les autres fournissent l’eau nécessaire aux moulins.
Sol
Découpé, d’un aspect très irrégulier. La ville
est bâtie, partie sur le sommet, partie à mi-côte d’une colline. Le terrain
présente beaucoup de sinuosités au S. et à l’O.
La nature du sol n’est point favorable à
l’agriculture : un sable argileux de 5 à 6 pouces de couche
végétale forme les meilleures parties arables ; on trouve sur un grand
nombre de points des terres marneuses, shisteuses ou rocailleuses, extrêmement
sèches, qui tirent leur unique valeur de leur proximité de la ville.
Agriculture
On récolte très peu de froment, plus de seigle
et d’avoine, des fourrages, des pommes-de-terre, des légumes et des fruits. Il
y a quatre bonniers de prés.
On y remarque deux petites sablonnières,
quelques jardins compris dans l’enceinte de la ville et les faubourgs offrent
une culture soignée tant en arbres fruitiers qu’en légumes et plantes
potagères.
Les vergers sont clos de haies et touchent aux
habitations. Ils contiennent des pommiers, des poiriers, des noyers et des
cerisiers.
Il y a une pépinière d’arbres fruitiers et
forestiers et une oseraie. Ce terroir dont la qualité est en quantité peu
productive, s’exploite généralement en petites tenues. On n’y élève point de
chevaux, le gros et le menu bétail est assez rare.
Population : 4993 habitants.
Habitations
Binche est remarquable par la beauté des sites
pittoresques qui l’environnent. Cette ville est entourée de murs percés de
portes. Elle renferme 760 maisons agglomérées dont quelques unes se font
distinguer par l’élégance de leur
bâtisse. Une grande rue se prolonge d’un bout de la ville à l’autre. Il y a une
belle place ornée d’une fontaine, une église, un collège d’humanités, établi en
1725 et qui était régi par des Augustins ; sept écoles primaires ; un
hospice et une sous-commission urbaine de bienfaisance.
Cette ville est la résidence d’un juge de paix,
d’un inspecteur honoraire et d’un commissaire voyer des chemins vicinaux, d’un
receveur d’enregistrement et des domaines, d’un inspecteur, d’un contrôleur et
d’un percepteur des contributions directes des droits d’entrée et de sortie et
des accises, d’un directeur des postes aux lettres, d’un arpenteur-géomètre, de
quatre notaires, de deux médecins, de deux chirurgiens et d’un artiste
vétérinaire.
Marie, reine de Hongrie et sœur de l’empereur
Charles V, affectionnait particulièrement le séjour de Binche. Elle y a fait
construire un château magnifique, dont il ne reste pour tout vestige qu’un
escarpement flanqué de tours sur lequel on a aménagé une terrasse qui présente
aux promeneurs des points de vue fort agréablement variés. Des potagers enclos
de haies vives remplacent les bâtiments somptueux qu’on y admirait jadis.
Commerce et industrie
Binche possède trois fabriques de savon, une
fabrique d’huile, trois raffineries de sel, quatre brasseries, quatre
distilleries de genièvre, neuf tanneries, sept corroieries, neuf chapelleries,
une teinturerie, sept fabricants de couteaux, plus de six cent ouvrières
confectionnent des fleurs à plat, qu’elles vendent principalement aux
fabricants de dentelles à Bruxelles, pour orner les voiles, les fichus et
autres ouvrages de dentelle. Il s’y fabrique aussi une très grande quantité de
souliers, soit pour l’armée, soit pour être vendus aux foires. Cette branche
d’industrie y occupe constamment plus de quatre cent ouvriers.
Foires et marchés
Il s’y
tient le 16 de chaque mois une foire aux chevaux et aux bestiaux, et trois
marchés hebdomadaires, le lundi, le jeudi et le samedi.
Routes et chemins
La grande route de Mons à Charleroi traverse la
ville de Binche. Quelques chemins vicinaux conduisent aux communes
environnantes, ils sont pavés et entretenus avec soin jusqu’à la limite du
territoire.
Histoire
Cette ville, que Baudouin le Bâtisseur fit
entourer de murs, en 1110, servait autrefois de dot aux filles aînées des
comtes de Hainaut.
En 1554, dans la guerre du Henri II, roi de
France, contre l’empereur Charles-Quint elle fut obligée de se rendre à la
discrétion du vainqueur, et fut livrée aux flammes et au pillage avec le beau
palais que Marie, reine de Hongrie, sœur de Charles-Quint, gouvernante des Pays-Bas,
y avait fait bâtir.
Paradin, auteur français, dit que ce château renfermait plusieurs sortes d’amblesmes,
marqueteries, madrures, ouvrages bigarrés de diverses pièces, verreries,
tableaux, médailles, images, statues, le tout, moult gentilment arrangé.
En 1578, elle fut prise deux fois, d’abord par
les Espagnols et ensuite par les Français, sous les ordres du duc d’Alençon.
Les Espagnols l’ayant reprise depuis, la cédèrent à la France par le traité
d’Aix-la-Chapelle. Elle a été rendue à l’Espagne par la paix de Nimègue.
Avant la révolution française, il y avait à
Binche un chapitre composé d’un doyen et de douze chanoines. Ce chapitre qui
avait été transféré de Lobbes en 1409, formait une prévôté qui comprenait 51
villages.
4. En 1845
Dictionnaire géographique
et statistique du Royaume de Belgique
Auteur : Charles MEERTS, professeur
d’histoire et de géographie à l’école normale de Lierre.
Editeur : M. Vanderborght, Marché aux
Poulets, n° 26, Bruxelles.
Binche, ville de la province de Hainaut, arr.
(arrondissement) adm. (Administratif) de Thuin, arr. jud. (Judiciaire) de
Charleroi, elle est ch-l de cant. (Chef-lieu de canton), de mil. (Milice) et de
cant. De j-de-p. (justice de paix).
Pop. (Population) : 5131 hab.
Sup. (superficie) : 78 ha .
Sit. (Situation) : Sur la route de Mons à
Charleroi et à 5 l .
(lieues) O. (Ouest) de cette dernière ville et à 4 l . de la première.
Hydr. (Hydrologie) : Cette petite ville
est arr. (arrosée) par les ruisseaux de Buvrinnes et de Bonne-Espérance,
lesquels la séparent en partie de ses faubourgs.
Industrie et commerce : Les forges, la
coutellerie, la taillanderie, les verreries, les tanneries et corroieries, les
chapelleries, les brasseries, les distilleries, etc. sont les branches
principales de l’industrie des h. (hommes).
Plusieurs centaines de femmes s’occupent
constamment de la confection de fleurs en plat pour orner les voiles, les
fichus et autres ouvrages de dentelle.
Edifices : Binche est aussi riante à l’intérieur
que dans les environs qui sont pittoresques. On y voit plusieurs bâtiments
construits avec élégance ; une grand-rue se prolonge d’un bout de la ville
à l’autre. Il y a une église, une maison communale, un collège, plusieurs
écoles primaires et un hospice.
Histoire : Cette ville était autrefois la
dot des filles aînées des comtes de Hainaut. Elle fut entourée de murs en 1110
par Baudouin le Bâtisseur.
Henri II, roi de France, en guerre avec
l’empereur Charles-Quint s’en rendit maître en 1554 et la livra aux flammes.
Avant la révolution française, il y avait à
Binche un chapitre composé d’un doyen et de douze chanoines. Ce chapitre qui
avait été transféré de Lobbes en 1409, formait une prévôté qui comprenait 51
villages.
5. En 1850
Dictionnaire
géographique et statistique rédigé sur un plan entièrement nouveau.
Auteur : Adrien Guibert.
Editeur : Jules Renuard et Cie, Paris.
Binche, ville de Belgique, Hainaut, arr. et à 25 Km O. de Charleroi ;
sur la Haine.
Pop. En 1837 : 4967 hab.
Ch. L. de canton. Collège.
Industrie importante : fabrication
considérable de souliers occupant 400 ouvriers ; de broderie sur tulle et
dentelles, par plus de 600 ouvrières ; très nombreuses tanneries et
corroieries, savonneries, raffineries de sel.
Belle terrasse sur l’emplacement du magnifique
château bâti par la régente, Marie, sœur de Charles-Quint, et que les Français
détruisirent en livrant la ville aux flammes en 1554.
Conclusion
Les auteurs des différents dictionnaires parus
au cours du XIXe siècle, ont tout simplement plagié les travaux de leurs
devanciers, sans se rendre sur place pour vérifier le bien fondé de leurs
assertions.
Le dictionnaire de Vandermaelen est le seul à
donner des indications plus complètes, prises sur place, et bien renseignées.
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