A PROPOS DU JUBÉ DE LA COLLEGIALE DE BINCHE
Alain
GRAUX
Suite à la prise de la ville en
1578, et la désolation qui s'ensuivit il fallut restaurer la collégiale
Saint-Ursmer. Les ancrages de la tour du clocher indiquent l'année 1583.
En 1589, on décida d'ériger un
« doxal » jubé simple et harmonieux, participant à l'aménagement
intérieur de l'édifice.
Le greffier de la ville Philippe
Jeumont s'occupa des démarches pour sa création:
« A Philippe Jeumont, pour avoir conponset (composé) un contract du
doxalle et (fait) trois pouillet
d'écriture, doibt XIII livres »[1]
Le jubé, monument de style
Renaissance de marbre et pierre blanche, clôturait le chœur pour isoler les
célébrants de l'assemblée des fidèles. Il revêt l'allure d'élégant portique à
trois arcades d'égales dimensions, surmonté d'une balustrade.
Au centre un écusson, dont les
armoiries (probablement de Philippe II) ont été arrachées lors de la Révolution
française, est entouré de la toison d'or, porte le millésime 1592.
A droite et à gauche, dans deux
niches, les statues en albâtre de l'Espérance et de la Charité.
Ces deux statues sont inspirées
du jubé de Mons créé par Jacques du Brœucq entre 1535 et 1548. Le sculpteur de
Binche se dégage du verticalisme et crée des mouvements joliment contrastés. On
admirera particulièrement la statue de « la Charité »[2]
Sur les chapiteaux des quatre
colonnes supportant les trois arcades du jubé sont placées quatre statuettes en
bois qui semblent d'une époque postérieure.
Les comptes de la massarderie
indiquent que trois sculptures surmontaient le jubé:
« A Jean Camen filz, pour despenses faictes par luy soutenues de
pluisieurs ouvraiges et d'avoir faict deseur le doxalle le Christ, la Vierge
Marie et Saint Jean.
A estez ordonnet audit ouvrier XVI Livres »[3].
Lors de l'audience du Magistrat
du 13 juillet 1617 « Les confrères de la confrairie de Nostre-Dame qui
estoit derrière le grand autel ont requis place convenable dans l'église pour
faire eslever ung autre autel ».
Ils réitérèrent leur demande le 7
décembre 1617, qui cette fois fut attendue : « Les confrères de la
chappelle Nostre Dame derrière le grand autel du cœur ont requis leur permettre
remettre ladite chappelle sur le doxal de ladite église. Fiat »[4]
L'assemblée du Magistrat du 7
janvier 1738 décide « on a fait examiner l'orgue de la paroisse par des
organistes facteurs d'orgues lesquels ont jugé qu'à cause de la caducité elle
n'étoit plus en usage, pourquoi se demande ce qu'il convient de faire. Conclud
de faire ou acheter une nouvelle orgue suivant les plans exhibez et montrez et
ne point épargner cent florins pour la rendre complète agissant cependant en
bon pères de ville ».
Lors de l'assemblée de l'ancienne
et nouvelle loi du 30 janvier 1738, « Mre
Dartevelle, chanoine de l'abbaye de Saint-Feuillien du Rœux ayant estez priez
de notre parte de nous donner une déclaration de la forme et des jeux de l'orgue,
après avoir examiné laendroit avec Estienne Lebrun ont jugé d'acheter et pour
la placer ont jugé le plus convenable a mettre sur le jubé de marbre, scavoir
la tourelle au milieu soubs le pied du crucifix, les monstres ou plattes faces
et les deux aultres grandes tourelles à costez tant pour la décoration de
l'église que pour l'harmonie de la ditte orgue, joint aux balustrades du costez
de la grande neve (nef) â cause que le chœur intercepteroit du son de la ditte
orgue ou si on aime mieux de la placer du costez du chœur il trouve bon qu'elle
soit soubz le crucifix en la place de l'autel de la Vierge, cependant il trouve
ces inconvéniens pour la mettre dans ce dernier endroit qu'il ne trouve dans le
premier, scavoir que dans ce cas l'orgue ne pourra avoir la hauteur convenable
par rapport à l'arcade qui sépare le lambris du chœur avec la voûte de la
grande neve et d'aultre part que le premier corps de l'orgue devra estre plus
élevé et exigerat plus de décoration estant détaché de la balustrade de marbre
et revenir à la forme et les jeux qui doivent contenir la ditte orgue
Et comme Thiry, facteur d'orgue très habile demeurant à Mons, s'est présenté
pour faire led. orgue iceluy a déclaré qu'elle devoit être placée sur le jubé
de marbre au pied du crucifix...et come il se rencontre une difficulté pour
placer led. orgue à l'endroit désigné cy dessus à cause de l'autel qui s'y
trouve, le doyen Brunebarbe à écrit à Cambray pour enlever cette difficulté et
placer cet autel dans un autre endroit... »[5].
Le contrat avec le facteur J-C.
Thiry fut établi pour la somme de 1300 florins.
Lors de l'audience du 31 juillet
1738, « les confrères de Notre Dame
retro altare sur le jubé de l'église de cette ville aiant estez appelés, on
leur a fait lecture de la lettre des vicaires généraux de Cambrai pour le
transport et démolition de l'autel sur led. Jubé pour y placer l'orgue. Ensuite
de laquelle ils ont prié Messieurs du Magistrat de permettre qu'ils placent
leur image et tout ce qui en dépend à la chapelle S. Jean l'Evangéliste.
Accordé »[6]
Les comptes de l'église ne fournissent
que quelques éléments de ces travaux :
« A Laurent de Bancq, tailleur de pierre a été payé soixante sols pour
une journée et demy employée au doxal de ladite église.
A Marie-Thérèse Augerin à été payez soixante sols pour plomb livré pour
plomber les pierres du doxal.
A Joseph Mortier a été payez vingt et un sols pour avoir nettoyé le chœur
après la démolition du jubé.
A Jean Descamps maître charpentier a esté payez six livres tant pour sa
journée que pour avoir livrez des cordes pour la descente du sommier qui estoit
sur le jubé »[7].
En 1756, il fut démonté et replacé dans le fond de l'édifice, il est
adossé au grand portail roman[8] :
"A mademoiselle Waroquier pour marchandises de bois sciés
quelle a livré pour la construction du banc de la fabrique et pour le docsalle,
piliers destaille et autres, et nourri ledit Degroid cent et dix jours pendant
le temps qu'il a travaillé audit docsalle, ensemble quatre cent cinquante cinq livres
deux sols.
A Philippe François Degroidt pour reste du payement du contract qu'il a
fait avec Messieurs du Magistrat pour démolir, transporter et remonter le jubé.
Cent septante trois livres.
Ledit Degroidt avoit receu de Messieurs le prix de la vieille orgue en
tant moins de sa convention.
Audit Philippe-François Degroide et ses ouvriers pour ouvrages faits de
leur styl, quarante deux journées emploiées à les deux fenêtres du pignon et
pirpits du docsalle et môlle, du contour, les cailies à commander, le forme et
les châssis de la fenêtre, marquer les soufflets : cent dix-huit livres.
A Pierre Puissant pour pierres bleues pour le docsalle et l'escailler du
chœur et autres ouvrages de son styl : cinq cent douze livres.
A Gille Navez pour vingt trois mille quatre cent briques qu'il a livré
pour le docsalle : cent soixante trois livres seize sols.
A Joseph Charles maître maçon et son manœuvre pour ouvrage de son styl
et livré trois cent carreaux pour paver
le docsalle ensemble quarante livres quatre sols.
A A-J. Lion pour avoir démonté, remontez et nettoyé l'orgue par
convention qu'il a fait avec Messieurs du Magistrat, cent cinquante six livres »[9]
Un grand orgue du jubé, dépourvu
de buffet, y fut placé en 1907, il provient de la grande synagogue de Berlin.
[1] A.V.B. 00-01-00-24, f° 16v°. Massarderie, comptes de
1589
[2] Mambour J., Incidence
de l'œuvre de Jacques du Brœucq sur la sculpture hainuyère, dans Jacques du Brœucq, Europalia 1985, p.154.
[3] A.V.B. 00-01-00-25, f° 44v°. Massarderie comptes de
1592
[4] A.V.B. 00-00-01-13.
[5] A.V.B. 00-01-00-30, f° 98.
[6] A.V.B. 00-01-00-31, f° 3.
[7] A.V.B. 00-08-01-44. Comptes de l'église de 1738
[8] A.V.B. 00-08-01-44 Comptes de l'église.
[9] A.V.B. 00-08-01-63. Comptes de l'église de 1756
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire