PETITE HISTOIRE DE LA GENDARMERIE A BINCHE
Alain
GRAUX
Introduction
A l'heure où de nombreuses
réformes viennent de restructurer les différents corps de maintien de l’ordre,
il m'a paru intéressant de retracer l'histoire de la gendarmerie dans notre
ville au cours du dix neuvième siècle.
La gendarmerie héritière de
l'ancienne maréchaussée fut créée en 1795.
Les provinces belges sont
intégrées à la France celte année là. Le 30-10-1795. le général de brigade
Wirion, commandant de la gendarmerie nationale dans l'année de Sambre ct Meuse,
est chargé de l'organisation de nouvelles divisions de la Gendarmerie dans la
partie des Pays-Bas annexée à la France. La Gendarmerie nationale est créée
selon le modèle français le 16-2-1791.
C'est un corps uniforme,
dépendant de l'administration centrale, conçu comme un réseau sur l'ensemble du
pays.
C'est un organisme structuré
militairement avec des missions civiles. Le 28 thermidor an VI (10 juillet
1796) un décret de l'Assemblée nationale constitue la première base légale de l'organisation
et du fonctionnement de la Gendarmerie.
De nombreuses directives émanent
des autorités supérieures au Directoire du canton.
Le 6 ventôse an VI (24-2-1797)
une lettre émanant du ministre de l'intérieur est lue au Directoire du canton,
elle nous indique que les rouages de l'institution ne sont pas encore bien
huilés, elle stipule entre autres « ...sur
l’emploi que nous faisons souvent mal à propos des services de la gendarmerie,
laquelle ne doit être employée soit pour porter des lettres et paquets et n'a
d'autre attribution que celles reprises ci-dessous :
La répression du vagabondage et de la mendicité, la visite des
passeports, et la surveillance des
routes et des campagnes, l'escorte des
deniers publics, la translation et la conduite des prisonniers, la recherche de
voleurs, assassins et brigands.»[1]
Depuis quand Binche possède-il un corps de gendarmerie?
Le l2 thermidor an X (31-7-1801),
le maire de la ville, Nicolas Coquiart, réclame au sous-préfet du département
le payement de la location du collège Saint-Augustin « les gendarmes
l'ayant utilisé comme caserne depuis le premier jour du mois de nivôse an V
(21-12-1796) tous ces bâtiments ont été occupés un espace de cinq années el
sept mois... »[2].
Le collège avait été auparavant
occupé par un corps de chasseurs à cheval qui avait occasionné de nombreux
dégâts dans la partie qui lui fut dévolue[3].
Le bâtiment est alors partagé
entre l'administration municipale du canton, par la gendarmerie et la partie
latérale louée par le notaire Lecocq.
La municipalité n'apprécie pas la
proposition de l'administration centrale du département d'y prévoir un
casernement définitif. Elle souhaite installer les gendarmes au couvent des
Sœurs noires. L'autorité supérieure ne voit pas la chose du même œil, « ...i1 lui semble que le collège
conviendrait mieux à ce casernement en le divisant néanmoins de manière à ne
pas toucher aux classes et sans empêcher le cours des études... »[4].
Elle décide « ...que les douze places, qui se trouvent dans
le corridor au premier bâtiment en dessus des classes...jusqu'à une cloison
pratiquée dans ledit corridor, seront mises sur les champs à la disposition du
brigadier des gendarmes.., avec quatre places au troisième pour y mettre le
foin, l'avoine et la paille, ainsi que l'écurie el le puits qui se trouve dans
lu cour... »[5].
Le département intervient encore
le 22 germinal an V (11-4-1797) par un arrêté[6].
Des travaux sont rendus
nécessaires et le l3 mai les gendarmes n'ont toujours pas leur casernement.
La première caserne est logée dans l’ancien collège
des Augustins
La municipalité écrit de nouveau
à l'administration centrale « ...et lequel local nous devons employer au
logement de la dite brigade et de nous faire expédier un mandat pour toucher la
somme de 732 livres
de France pour faire les réparations… »[7].
A force d'atermoiements,
l'administration centrale décide de faire arrêter les travaux le l4 prairial an
V (2-6-1797). La gendarmerie occupera les lieux jusqu'au 1er floréal
an XI (21-4-1802)[8].
De combien d'agents était composée la brigade de Binche ?
Elle fut dirigée premièrement par
le lieutenant Thuillier, celui-ci s'impatientait de la longueur des travaux et
s'efforça vainement d'accélérer le processus d'implantation de la caserne dans
le collège.
Le recensement de l'an IV (1795)
renseigne le commandant Butor arrivé à Binche en 1796 et vivant avec son
épouse. Il a sous ses ordres quatre gendarmes dont les noms ne sont pas
précisés[9]. Le
28 pluviôse an V (16-2-1797) le Commissaire Long se plaint de son manque de
collaboration lors d'une perquisition effectuée à l'auberge du sieur Milcamps
soupçonné d'être dépositaire de fausse monnaie. Il aurait tenu des propos
insultants pour les officiers municipaux et déclaré « qu'il n'étoit point subordonné à l'autorité qui l'accompagnoit »[10].
Le chanoine Milet relate
« l'exploit » du commandant Butor qui, le l4 brumaire an VI, suivi d'une
troupe de musiciens, parcourut la ville et se rendant à la collégiale Saint
Ursmer, y ouvrit les portes et annonça « qu'il alloit faire ouvrir sa Mère la Sainte Eglise » et se mit
à faire sonner les cloches.
Cette scène fut vivement
critiquée et une enquête fut ouverte à son encontre, il ne semble pas avoir été
inquiété, car le l0-l-1798, il est chargé par la nouvelle municipalité d'organiser
des patrouilles pour dissiper « un
rassemblement de vagabonds dans les communes du canton »[11].
Où s'installe alors la brigade de gendarmerie ?
Le sous-préfet invite la mairie
de Binche à s'occuper avec zèle et persévérance à chercher un local propre et
ayant les commodités.
Le 4e jour complémentaire de l'an
X (2l-9-1802) on proposa aux gendarmes le couvent de Sœurs noires, rue
Saint-Jacques[12].
Les propriétaires, d'abord
consentants, marquent ensuite des réticences[13]. Le
l4 brumaire an XI (5-11-1802), un autre propriétaire, Constant Rossignol,
refuse aussi sa maison sise rue de Trois Escabelles. Le 17 brumaire on suggère
encore un autre endroit «ce local a été
présenté avec détail, il se trouve dans la géolerie », c'est la maison
d'arrêt de la rue de la Halle-aux-Filets.
Finalement on leur a trouvé un
logis convenable, près de la porte de Bruxelles, dans la propriété
de Jean-Baptiste Dejardin. Le bail commencera le premier floréal (21-4-1803).
Le 12-6-1806, le maire de Binche,
Nicolas Coquiart et le maréchal des logis de la gendarmerie impériale, Carette,
procèdent à l'inspection de la caserne de gendarmerie, sise au faubourg de la
ville à 150 m .
de la porte dite de Bruxelles, les bâtiments sont neufs
Le 26-10-1814, sous le régime
hollandais, Guillaume d'Orange approuve un nouveau projet d'organisation de la
Maréchaussée, refusant la dénomination de gendarmerie. Un arrêté est signé le
30-l-1815, réglementant la Maréchaussée, il aura force de loi jusqu'en 1957.
Le 30-7-1814, Dieudonné Debaise,
aubergiste et cabaretier, passe une convention avec le maire de Binche, pour
louer sa maison pour servir de caserne, l2 Grand-rue de Binche, section Nord.
En réalité cette maison appartient à Charles Blairon et Adrien Latteur, qui
louent la maison à D. Debaise[14].
Le l4-l-1815, une expertise avait
été demandée par la ville à Joseph Ramboux, menuisier, N. Schmidt, vitrier et
Ursmer Delhaye, maître maçon, afin de voir ce que coûteraient les réparations à
faire à la halle aux blés, sur la Grand-Place, pour placer et établir une caserne.
Suite aux frais d'intervention, la halle n'est pas retenue.
Le maire atteste que la brigade
de maréchaussée stationnée en cette ville est composée de 3 hommes dont un à
cheval et deux à pieds, elle est logée chez le nommé Dieudonné Debaise au prix
de 1 Fr. 53 par jour et pour chaque homme, avec obligation de fournir chambre,
lit, lumière, feu et écurie au total pour 4 Fr. 59 depuis le premier août 1814,
il certifie que la ration de pain et de fourrage a été régulièrement donnée[15].
Le bail est renouvelé le
l4-2-1815, cette fois pour un an, il commence le l5 courant pour la somme de
380 Fr. l'an.
Il fournira les trois chambres
nécessaires pour les hommes de la brigade, une écurie suffisamment grande, des
greniers bien couverts et fermés pour contenir les fourrages, des hangars ou
caves pour l'approvisionnement en combustibles et comestibles.
Il se réserve pour lui et sa famille
le surplus de la maison à l'exception d'une petite chambre de discipline[16]. Il
y a à ce moment un sous-officier et quatre gendarmes[17]. Le
bail est renouvelé d'année en année jusqu'en 1820. Un bail est conclu le23-l
l-1820, commençant le 3l-12-1821 pour le prix de 220 florins l'an[18].
Suivi le 23-11-1826, par un bail de six ans commençant le l-l-1827, et conclu
entre Charles Blairon, marchand de vins; son beau-frère Adrien Latteur,
pharmacien, et le Collège de bourgmestre et échevins de la ville de Binche,
pour une maison sise à Binche, l2 Grand-rue, consistant en deux bâtiments à
étage, avec cour, caves, puits avec pompe, écurie, jardin, et issue, telle
qu'elle se contient pour servir de caserne de maréchaussée royale, pour 232
florins des Pays-Bas, par an.
Une plainte des propriétaires
nous fait connaître le nom des gendarmes. Ils se plaignent des dégradations
faites à leur maison servant de caserne, le bourgmestre de Binche fait alors
une visite des lieux, on signale dans le procès-verbal[19]:
La chambre de Meuter, 5 carreaux
cassés.
1er étage, chambre de Mahye, rien de dégradé.
Chambre de Beumier, une porte
abîmée.
Chambre de Lahy, deux carreaux
cassés, dégradations aux murs.
Le 25-l-1823, un état de service
signale que la brigade est commandée par Caussin, il succède au nommé Sion
(1819). Les gendarmes s'appellent Beumier, Hourdisse, Dujardin et Segard.
Après la révolution belge de
1830, la Gendarmerie nationale est créée le 26 décembre de la même année. Les
gendarmes exercent leur mission sur tout le territoire belge se conformant au
règlement édicté par Guillaume 1er des Pays-Bas.
Le même bail est encore signé le
2l-4-1832 commençant le 1-1-1833, par Charles Blairon, Maximilienne-Désirée
Lattcur et Henri-Adrien-Ursmer Latteur, avocat, propriétaires, et Maximilien de
Biseau de Hautteville, bourgmestre, Louis de Sebille et Nicolas Lambret.
échevins. Le bail est souscrit pour 250 florins des Pays-Bas (Cette monnaie
court encore, bien que le Régime hollandais ait été aboli[20].
Le 12-9-1832, le commandant pour
la province de Hainaut, Blochausson,
écrit au bourgmestre de Binche que « le brigadier Huart est remplacé, vu l'état désespéré dans lequel se
trouve le commandant de la brigade de Binche. Je me vois forcé d'envoyer le
brigadier Warnant ». Comme il ne se trouve pas de logement libre dans
la caserne de Binche à ce moment, il est logé chez l'aubergiste Degrève, à
raison de 5 cents par jour[21].
Le 6-9- 1839, le gouverneur du Hainaut
écrit au bourgmestre de Binche :
« Le bâtiment destiné de caserne à la brigade de gendarmerie stationnée à
Binche, est paraît-il en mauvais état et surtout l'écurie. Comme l'entretien
des travaux et des réparations incombe aux propriétaires, ainsi qu'il conte du
bail actuellement existant, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien,
ensuite de décision de la députation permanente du l4 de ce mois, vous aboucher
avec le propriétaire, pour que les ouvrages reconnus indispensables puissent
s'effectuer… » [22].
A cette époque la brigade est
composée du brigadier Dujardin et des gendarmes Desmet, Clara, William et
Mahieu.
Le 20-11-1840, le Sieur Leroy
écrit au bourgmestre « qu'il a eu connaissance que le bail de la
caserne va expirer incessamment et que la Ville recherche un nouveau logement.
Je propose une propriété longeant la chaussée pavée du Faubourg Saint-Jacques,
à 20 m .
de la porte de la dite ville. Cette habitation se composerait de l2 à l3 pièces
dont 8 à faire feux, 6 caves, une sellerie, une salle de police, une écurie
pour huit chevaux, 5 grands greniers, une cour d'une longueur de 190 m . env., un abreuvoir et
un jardin de 900 m .
environ, l'eau nécessaire à la brigade serait puisée de la rivière dite la
Samme qui traverse un coin de la cour sans sortie de cette dernière...je me
contenterais d'un loyer de 850 Fr. annuellement... ».
Sa proposition fut trouvée trop
onéreuse.
Une autre proposition est fournie
le 16-2-1839 par le Sr. Navez, elle n'est pas retenue. Suivies de celles de MM.
C. Demaret, Durieu, rejetées elles aussi.
En novembre 1840, le commissaire
voyer, Malengreau, écrit au Collège de Régence de la ville « Une proposition émane de M. Devergnies, il
offre huit ou quatre maisons bien bâties au faubourg Saint-Jacques, le bâtiment
est pour ainsi dire enclavé au mur de la ville. Il réunit autant d'avantages
que le bâtiment de M. Derbaix-Degueldre (la foulerie) mais qui a l'inconvénient
d'être éloigné de 4 de lieue de la ville. On n'y peut y aborder que par des chemins
épouvantables en cas d'incendie, de rixe.
Le bâtiment de M. Devergnies tenant à la porte de la ville, la brigade
peut être sur pied à l'instant.
Dans le cas où les propositions de M. Devergnies ne seraient pas
acceptées on pourrait louer le bâtiment nouvellement construit aussi au
faubourg Saint-Jacques, par le Sr François Walbrecq... ».
Cette demande est rejetée elle
aussi, car cette maison se trouve placée au bas d'une rue montante, dangereuse
pour les chevaux sortant en hiver, de plus elle est insuffisante pour le
logement.
Ce fut la proposition présentée
le 20-l l-1840 par le Dr. Jourdain qui fut acceptée. Il offre un beau bâtiment
sis au centre de la ville, rue de la Biche, qui paraît convenable pour loger la
brigade. Il propose de faire construire une écurie-sellerie dans la cour et d'y
faire exécuter divers travaux d'appropriation. Il demande un loyer annuel de
800 Fr.[23]
Le bail de la caserne expirait le
3l-12-1845, et c'est dans le bâtiment de la rue de la Biche qu'elle fut
replacée. Le plan Popp montre que vers 1862, la gendarmerie cadastrée B.50,
appartient à la province de Hainaut.
Nous avons encore tous connus ce
bâtiment qui abrita le service des travaux de la ville de Binche qui succéda à
la gendarmerie en 1907.
C'est cette année là que l'on
créa à la rue de Merbes une nouvelle caserne beaucoup plus spacieuse, de style
néo-renaissance.
[1] A.V.B. 01-00-01-1
[2] A.V.B. 01-00-01-43, pp. 59-60
[3] GLOTZ S. Le quatrième centenaire de l’enseignement
secondaire binchois (1570-1970), mons 1971, p.53.
[4] GLOTZ S. Le quatrième centenaire…o. cit. pp.53-54. A .E.M. Fonds français,
reg. 115, 14 ventôse an V (4-3-1797).
[5] A.V.B. registre non coté, 4 germinal an V (24-3-1797)
[6] GLOTZ S. Le quatrième centenaire…o. cit. p. 54. A .E.M. Fonds français,
reg. 232, 22.
[7] A.V.B. registre non coté, 24 germinal an V
(13-5-1797)
[8] GLOTZ S. Le quatrième centenaire…o. cit. p. 56.
[9] A.V.B. 2723.
[10] MILET A. Fêtes
républicaines et mentalité populaire à Binche (1794-1799), dans Les cahiers binchois, n°5, 1982, p.25,
n85.
[11] MILET A. Fêtes
républicaines..0. cit. 16-17
[12] A.V.B. 01-00-01
(reg.43), p.72.
[13] A.V.B. 01-00-01
(reg.43) 11 brumaire an XII (2-11-1802).
[14] La maison servant de caserne fut vendue, devant le
notaire Hubert Wanderpepen, par Henri-Adrien-Ursmer Latteur, avocat et
propriétaire, domicilié à Mons, et Maximilienne Latteur, propriétaire demeurant
à Binche.
Ils vendirent cette maison en 1838 « composée de cinq
pièces à rez-de-chaussée, et quatre à l’étage, avec cave, cour, écurie et
jardin contenant sept ares soixante centiares, située en la ville de Binche,
Grand-rue numéro trois cent septante sept, tenant à Monsieur De Rome,
Babusiaux, Lebrun, De Buisseret et Fontaine » à M. Pierre-Joseph Jadot,
négociant domicilié à Battignies et son épouse Adélaïde Lefrancq, leurs héritiers
et ayant cause.
La propriété est vendue pour la somme de 8.000fr.. Une
clause de l’acte de vente stipule :
La maison ci-dessus vendue étant occupée par la brigade de
gendarmerie, il est conditionné que la députation des états de cette province
ou qui de droit pourra quand bon lui semblera abandonner la jouissance de cette
maison au dit sieur Jadot, acquéreur, six mois d’avance, sans pouvoir exiger
aucune indemnité.
La caserne de gendarmerie était située sur la grand-rue,
section B parcelles 683d, maison, et 682a, jardin. Le plan Popp confirme
qu’elle appartient toujours à P. Jadot vers 1862.
[15] A.V.B. 5838.
[16] A.V.B. 5834.
[17] A.V.B. 5832.
[18] A.V.B. 5833.
[19] A.V.B. 3317
[20] A.V.B.5839.
[21] A.V.B.5839.
[22] A.V.B.3318.
[23] 3317
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