mardi 21 février 2017

La disette de la ville de Binche en l'an 4


LA DISETTE DE LAVILLE DE BINCHE EN L’AN IV
                                                                                                                                         Alain GRAUX

La bataille de Fleurus en juin 1794[1] livra notre pays aux armées de la révolution française ; les exactions commises par les troupes contraintes à vivre sur le pays ont singulièrement refroidi les sympathies de Belges pour les Français.
Des réquisitions arbitraires, des contributions de guerre seront le lot que nous infligèrent les révolutionnaires qui suivent en cela Lazare Carnot[2] qui dit « Jetez l’épouvante chez les ennemis, menacez la Belgique d’une destruction totale, que la terreur vous précède, Bruxelles ne mérite aucuns ménagements… ».
Binche devait subir ces terribles injonctions dès la première invasion ; le dénuement était tel que notre canton si agricole dut importer du froment.
Le 6 nivôse an III (26 décembre 1794) le citoyen Fidèle-Armand Honorez expose qu’il est urgent de s’assurer des subsistances des habitants, il propose des visites domiciliaires pour connaître combien de jours la ville peut tenir en cas de disette. Le lendemain, l’agent national du district, Jean-Baptiste Godart, reçoit des plaintes concernant le manque de pain et de sel. Les autorités redoutent des troubles dus à cette situation. Le 14 nivôse, le commandant temporaire de la place demande qu’on retire des mains des habitants toutes espèces d’armes ; la municipalité fait obligation de dénoncer ceux qui cacheraient des armes. Elle est obligée de réglementer la distribution des pains. Le 19 nivôse elle décrète que « les grains sont limités à une livre et demie pour une ou deux décades, les bons ne pourront excéder la quantité de grains ou de farine que la municipalité a reçu pour éviter la confusion. Il sera nommé un ou deux boulangers pour la cuisson du pain qui se fera à l’hôpital ; le citoyen Honorez est nommé commissaire à l’inspection de la cuisson des pains, ceux-ci coûteront dix sous pour trois livres ».
Le 24 nivôse, le receveur de l’orphelinat, Jacques-François Haine, expose les difficultés qu’il a de se procure des grains pour nourrir les orphelins. Les municipaux décident en conséquence qu’on lui en procurera mais que le pain devra être composé d’un tiers de froment, un tiers de vaireux et un tiers de succorion.
En floréal an III, les boulangers refuseront de livrer du pain si on ne leur fournit pas le grain. Les administrateurs communaux font alors une pétition au district pour obtenir six quintaux de créréales, moitié froment, moitié seigle.
Treize boulangers se partagent le marché du pain dans notre ville : Bernard Buisseret, rue du Cerf ; Joseph Claise, rue de la Tripperie ; Englebert Courtois, Grand-rue ; Louis Delrue et Philippe deprez, rue de la Caillerie (rue de Mons) ; Ursmer deneufbourg et François Virlet, rue Saint-Paul ; Philippe Michel, rue Margot du Fayt ; Louis Moreau, Joseph Leblanc, N. Médart et N. Navez.
Binche comptait alors 178 familles nécessiteuses.
Le 23 nivôse an III, le citoyen Cohendos propose que les contributions devraient peser sur les notables, les riches propriétaires et les ecclésiastiques car il y a en ville plus de trois quarts de fmilles indigentes et d’un cinquième de familles semi aisées ; en fait il y a 2763 indigents pour une population de 3683 habitants.
Des réquisitions en grand nombre montrent le dénuement de notre cité. Des chariots sont réquisitionnés par les municipaux pour aller chercher du charbon pour les nécessiteux aux houillères de la Haine mais aussi pour les besoins de l’armée : foins, avoines sont demandés pour les cavaliers qui traversent la ville ou qui y stationnent.
Le 24 nivôse, Estinnes-au-Mont est réquisitionnée de quinze quintaux d’avoine à fournir dans les trois jours car Binche est démuni de foins, d’avoine et de viande. Battignies a fourni une vache mais ce n’est pas suffisant. D’autre part les soldats logent chez l’habitant, ils se plaignent d’être très mal logés et chauffés vu la rigueur de la saison. Ils demandent qu’on ne les loge plus chez des indigents.
Ces quelques traits brossés de la vie courante nous prouvent la rudesse de la vie de notre ville sous la période révolutionnaire.

Références
Archives :
A.V.B. 00-00-01-42. Registre d’audiences de la mairie de Binche du 19 frimaire an 3 au 25 prairial an 8.
A.V.B. 2723. Tableau contenant la liste des habitants par professions et par rues.
Publications :
R. DARQUENNES, Histoire économique du département de Jemappes, in A.C.A.M., t. LXV
A. MILET, Fêtes populaires et mentalité populaire à Binche (1794-1799), in « Les Cahiers Binchois », n°5, 1982


[1] La bataille de Fleurus du 8 messidor an II (26 juin 1794) a lieu entre les coalisés (Royaume-Uni, Saint-Empire, Électorat de Hanovre) et la France. 
[2] Lazare Carnot, né à Nolay (province de Bourgogne, actuelle Côte-d'Or) le 13 mai 1753 et mort en exil à Magdebourg (actuelle Allemagne) le 2 août 1823, est un mathématicien, physicien, général et homme politiquefrançais. Membre de la Convention nationale et du Comité de salut public, il est surnommé « L'Organisateur de la Victoire » ou « Le Grand Carnot ». 

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