mardi 7 février 2017

Les orgues des églises de Binche


LES ORGUES DES ÉGLISES DE BINCHE
                                                                                                                                         Alain GRAUX
COLLÉGIALE SAINT-URSMER
L'assemblée de la nouvelle et ancienne loi du 30-1-1738 commanda à Jean-Christophe Thiry[1] facteur d'orgue "très habil dnt à Mons" un orgue à deux claviers et vingt-deux jeux. Parmi ceux-ci, il y a sept jeux coupés et deux voies humaines et sans pédalier.
Le buffet disposait de deux tourelles maîtresses, ce qui signifie qu'il s'agissait d'un meuble pourvu de deux grandes tourelles extrêmes et d'une centrale plus petite[2] (2). La commande était assez précise et spécifiait les différents jeux de l'instrument:
Déclaration des jeux et conditions de lorgue:
1. Un bourdon, sonnant à huit jeux, les douze plus gros seront de bois, le reste d'étoffe.
2. Un prestant sonnant a quattre pieds, les plus gros seront d'étain polis et brunis servant à le montre et le reste d'étain et les pieds d'étoffe.
3. Une montre, sonnant en huit pieds dit double prestant, d'étain poli et brunis servante à la devanture, les pieds d'étoffe pour les plus petits et d'étain pour les plus gros.
4. Une flutte sonnant a quattre pieds, le tout d'étoffe.
5. Une doublette d'étain et pieds d'étoffe, coupé.
6. Un nazare, sonnant à la quinte du prestant, le tout d'étoffe coupé.
7. Un cornet de cinq tuÿaux de grosse taille commençant a lordinaire sur le dessus du clavier, le tout d'étoffe.
8. Une tierce sonnante à la tierce de doublette, le tout d'étoffe, aussy coupé.
9. Un flajollet sonnant à l'octave de la doublette,, le tout d'étoffe, coupé.
10. Une fourniture de quattre tuÿaux, le corps d'étain et pied d'étoffe.
11. Un cymbale a trois tuÿaux corps d'étain et pied d'étoffe.
12. Une trompette sonnante en huit pieds, corps d'étain et pied d'étoffe, coupé et languette de cuivre, coupé.
13. Un claron de même qualité que ladite trompette, sauf qu'il ne chante ou sonne qu'en quattre pieds, coupé.
14. Un cromhorn de même qualité que la susdite trompette, coupé
15. Une voix humaine de grosse taille de même qualité que les précédentes, scavoir pied d'étoffe et corps d'étain, coupé.
16. Les deux tourelles maitresses doivent avoir de buse douze pieds ou environ.
17. Tous les jeux doivent être coupez à la réserve du bourdon de la flutte, de la fourniture, et de la cimbale. Entendant par ces jeux coupez ne rien ajouter à l’orgue, mais seulement se procurer l’aisance de varier les jeux et de jouer la basse et le dessus de chaque jeu indépendement l’un de l’autre.
Positif
Il sera composé:
d'un bourdon de quattre pieds
d'un prestant d'étoffe
d'une flutte
d'un nazare
une doublette toutes étoffes
un tierce
une fourniture de deux tuÿaux, corps d'étain et pied d'étoffe.
Une cimbale de deux tuÿaux, corps d'étain et pied d'étoffe.
Un petit cornet a trois tuyaux.
D'un cromhorn de la grande orgue et une voix humaine, corps d'étain et pied d'étoffe.
Lad. voix humaine de petitte taille.
Lequel positif led. Thiry devra renfermer dans le corps de lad. orgue et en ce cas on escompte led. facteur couper les jeux de lad. grande orgue ainsÿ qu'on luÿ avoit conditioné lors[3]-[4].
Le facteur d'orgue "s'est présenté pour faire ledit orgue iceluy a déclaré qu'elle devoit être placée sur le jubé de marbre au pied du crucifix .et come il se rencontre une difficulté pour placer led. orgue à l'endroit cy dessus à cause de l'autel quy s'y trouve... »[5].
L'audience du Magistrat du 31-7-1738 nous apprend:
Les confrères de Nre Dame retro altare sur le jubé de leglise de cette ville aiant etez appelés, ont leur a fait lecture de la lettre des vicaires généraux de Cambraij pour le transport et démolition de lautel sur led. jubé, pour y placer lorgue, icelle reprise en copie de l'assemblée du 20 febr 1738. Ensuite de laquelle ils ont prié Messieurs du Magistrat de permettre quils placent leur image et tout ce qui en dépend à la chapelle de S. Jean l'Evangéliste. Accordé »[6].
Avant son placement, l'orgue fut examiné à Mons le 21-7-1739, par dom Ursmer Bataille, religieux d'Aulne et organiste, et par F.J. Dartevelle, religieux et organiste de l'abbaye de Saint Feuillien à Fosse. Suivant le procès-verbal d'expertise, l'ouvrage fut loin de donner satisfaction, plusieurs tuyaux étaient faibles, ne jouaient pas ou étaient discors. Les reproches ne portaient que sur des questions d'égalité de jeux[7].
Sous la Révolution française, le 17 prairial an 6 (5-6-1798) les orgues avaient été estimées par Fétis[8] à la somme de 350 Fr[9]. Elles comprenaient « vingt jeux de fonds et cinq d'anges »[10].
Le 28-9-1802, elles furent vendues au citoyen Alexandre Hocquart[11] pour le prix de 380 Fr.[12]. Il est probable que l'orgue fut replacé dans le sanctuaire après la période française
Charles Anneessens[13]facteur d'orgues à Grammont, ayant  des usines à Halluin (France) et Menin, répara 2 claviers et le pédale de l'orgue de Binche[14].
Il fut aussi entretenu par Maurice Delmotte en 1935 et 1946. Plusieurs devis de remise en état furent présentés, mais il y avait trop à faire pour que cela soit réalisé[15].
L'instrument a disparu au début du XXe siècle, mais on conserve son souvenir par une photo de l'I.R.P.A. datant des environs de 1900.
Pour le remplacer, un orgue fut livré par la maison Walker E.F. et Cie., entreprise allemande sise à Ludwigsburg-Württ, fondée en 1786.
Cette firme procura plusieurs orgues en Wallonie par le biais de son agent à Ixelles, J. Melcher[16].
On installa un orgue sans buffet, car celui-ci fut bloqué à la frontière et n'arriva jamais à Binche[17]. C'était un ancien instrument provenant de la grande synagogue de Berlin et restauré par Walker. Selon Eugène Derbaix, il fut installé en 1907[18] mais une plaque d'ivoire placée sur l'orgue indique: "Opus 1595. Erbaut 1911".
Actuellement l'instrument monumental ne fonctionne presque plus, il est vermoulu et n'est pas entretenu.

EGLISE DU SACRÉ-CŒUR

L'orgue de l'église du Sacré-cœur fut construit vers 1866 par les frères Gheude, facteurs d'orgues nivellois[19].
Comme l'indique une plaquette sur l'instrument, il fut offert en août 1866 par Mme veuve Diewan à l'orphelinat de Brugelette[20]. Il se trouvait dans les greniers de l'institution quand la firme de Georges Delmotte, de Tournai l'y retrouva et le restaura. On y plaça un nouveau buffet, sauf le côtédroit qui possède encore une partie de l'ancien meuble.
Il fut inauguré le 16-5-1952 dans l'église « de la Gare »[21].


[1] Thiry Jean-Christophe, ° Mons 24-5-1648, y + 21-12-1747.
[2] Il était prévu que si le positif n'était pas commandé, les jeux du grand orgue devaient être "coupés", c’est à dire divisés en basses et dessus.
[3] FELIX J.P., Un orgue du facteur montois Thiry pour la collégiale Saint-Ursmer à Binche en 1739, in L'organiste XII/4, 1980, pp. 163-169.
[4] Archives de l'évêché de Tournai, chapitres, farde Binche.
[5] A.V.B. 00-00-01-30
[6] Idem
[7] FELIX J.P., Un orgue...op. cit.
[8] Louis-Joseph. Fétis (1758-1833) musicien et facteur d'orgue montois.
[9] J.B. Godart, receveur du domaine, accompagné de L. Fétis, appréciateur "pour la partie des orgues",  examinèrent également l'orgue du couvent des Sœurs Noires qui fut estimé 90 Fr. (A.E.M. Fonds français, liasse 476, n° 145).
[10] A.E.M. Fonds français, liasse 477, n°196.
[11] Sur Alexandre Hocquart (1764-1814) négociant à Binche, époux de Marie-Anne Poncelet, voir: MILET A., Fêtes républicaines et mentalité populaire à Binche (1794-1799), in Les Cahiers Binchois, n°5, 1982, p.61 et n.53 p.91.
[12] MILET A., Binche au début de la seconde occupation française (1794). Le commissaire Jasmin Lamotze et la saisie du trésor de la collégiale Saint-Ursmer, in Les Cahiers Binchois, n° 8, 1987, p.61
[13] Anneessens Charles, ° Ninove 1-3-1835, + Cannes (Fr.) 2-2-1903
[14] HAINE M., Dictionnaire des facteurs d'instruments de Wallonie et de Bruxelles du 9e siècle à nos jours, Bruxelles, 1989, p.96.
[15] FELIX J.P. et SERVAIS R., Le grand orgue Walker de la collégiale Saint-Ursmer à Binche, in L'Organiste, XX, 1988/4, pp. 165-179.
[16] HAINE M., Dictionnaire ...op.cit.
[17] Binche, Archives du conseil de fabrique, délibérations.
[18] DERBAIX E. Les monuments de la ville de Binche, Mons, 1928, p. 23.
[19] Florian Gheude, ° Nivelles 27-12-1826, y + ap. 1909; et Jean-Louis Gheude ° Nivelles 1-9-1824, y + 9-12-1899.
[20] HAINE M., Dictionnaire...op.cit, Bruxelles, 1989, p.96.
[21] Le Binchois, à la date.

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