lundi 6 février 2017

La gendarmerie à Binche


PETITE HISTOIRE DE LA GENDARMERIE A BINCHE
                                                                                                                                       Alain GRAUX
Introduction
A l'heure où de nombreuses réformes viennent de restructurer les différents corps de maintien de l’ordre, il m'a paru intéressant de retracer l'histoire de la gendarmerie dans notre ville au cours du dix neuvième siècle.
La gendarmerie héritière de l'ancienne maréchaussée fut créée en 1795.
Les provinces belges sont intégrées à la France celte année là. Le 30-10-1795. le général de brigade Wirion, commandant de la gendarmerie nationale dans l'année de Sambre ct Meuse, est chargé de l'organisation de nouvelles divisions de la Gendarmerie dans la partie des Pays-Bas annexée à la France. La Gendarmerie nationale est créée selon le modèle français le 16-2-1791.
C'est un corps uniforme, dépendant de l'administration centrale, conçu comme un réseau sur l'ensemble du pays.
C'est un organisme structuré militairement avec des missions civiles. Le 28 thermidor an VI (10 juillet 1796) un décret de l'Assemblée nationale constitue la première base légale de l'organisation et du fonctionnement de la Gendarmerie.
De nombreuses directives émanent des autorités supérieures au Directoire du canton.
Le 6 ventôse an VI (24-2-1797) une lettre émanant du ministre de l'intérieur est lue au Directoire du canton, elle nous indique que les rouages de l'institution ne sont pas encore bien huilés, elle stipule entre autres « ...sur l’emploi que nous faisons souvent mal à propos des services de la gendarmerie, laquelle ne doit être employée soit pour porter des lettres et paquets et n'a d'autre attribution que celles reprises ci-dessous :
La répression du vagabondage et de la mendicité, la visite des passeports, et  la surveillance des routes et des campagnes, l'escorte  des deniers publics, la translation et la conduite des prisonniers, la recherche de voleurs, assassins et brigands[1]

Depuis quand Binche possède-il un corps de gendarmerie?
Le l2 thermidor an X (31-7-1801), le maire de la ville, Nicolas Coquiart, réclame au sous-préfet du département le payement de la location du collège Saint-Augustin « les gendarmes l'ayant utilisé comme caserne depuis le premier jour du mois de nivôse an V (21-12-1796) tous ces bâtiments ont été occupés un espace de cinq années el sept mois... »[2].
Le collège avait été auparavant occupé par un corps de chasseurs à cheval qui avait occasionné de nombreux dégâts dans la partie qui lui fut dévolue[3].
Le bâtiment est alors partagé entre l'administration municipale du canton, par la gendarmerie et la partie latérale louée par le notaire Lecocq.
La municipalité n'apprécie pas la proposition de l'administration centrale du département d'y prévoir un casernement définitif. Elle souhaite installer les gendarmes au couvent des Sœurs noires. L'autorité supérieure ne voit pas la chose du même œil,  « ...i1 lui semble que le collège conviendrait mieux à ce casernement en le divisant néanmoins de manière à ne pas toucher aux classes et sans empêcher le cours des études... »[4].
Elle décide « ...que les douze places, qui se trouvent dans le corridor au premier bâtiment en dessus des classes...jusqu'à une cloison pratiquée dans ledit corridor, seront mises sur les champs à la disposition du brigadier des gendarmes.., avec quatre places au troisième pour y mettre le foin, l'avoine et la paille, ainsi que l'écurie el le puits qui se trouve dans lu cour... »[5].
Le département intervient encore le 22 germinal an V (11-4-1797) par un arrêté[6].
Des travaux sont rendus nécessaires et le l3 mai les gendarmes n'ont toujours pas leur casernement.

La première caserne est logée dans l’ancien collège des Augustins

La municipalité écrit de nouveau à l'administration centrale « ...et lequel local nous devons employer au logement de la dite brigade et de nous faire expédier un mandat pour toucher la somme de 732 livres de France pour faire les réparations… »[7].
A force d'atermoiements, l'administration centrale décide de faire arrêter les travaux le l4 prairial an V (2-6-1797). La gendarmerie occupera les lieux jusqu'au 1er floréal an XI (21-4-1802)[8].

De combien d'agents était composée la brigade de Binche ?
Elle fut dirigée premièrement par le lieutenant Thuillier, celui-ci s'impatientait de la longueur des travaux et s'efforça vainement d'accélérer le processus d'implantation de la caserne dans le collège.
Le recensement de l'an IV (1795) renseigne le commandant Butor arrivé à Binche en 1796 et vivant avec son épouse. Il a sous ses ordres quatre gendarmes dont les noms ne sont pas précisés[9]. Le 28 pluviôse an V (16-2-1797) le Commissaire Long se plaint de son manque de collaboration lors d'une perquisition effectuée à l'auberge du sieur Milcamps soupçonné d'être dépositaire de fausse monnaie. Il aurait tenu des propos insultants pour les officiers municipaux et déclaré « qu'il n'étoit point subordonné à l'autorité qui l'accompagnoit »[10].
Le chanoine Milet relate « l'exploit » du commandant Butor qui, le l4 brumaire an VI, suivi d'une troupe de musiciens, parcourut la ville et se rendant à la collégiale Saint Ursmer, y ouvrit les portes et annonça « qu'il alloit faire ouvrir sa Mère la Sainte Eglise » et se mit à faire sonner les cloches.
Cette scène fut vivement critiquée et une enquête fut ouverte à son encontre, il ne semble pas avoir été inquiété, car le l0-l-1798, il est chargé par la nouvelle municipalité d'organiser des patrouilles pour dissiper « un rassemblement de vagabonds dans les communes du canton »[11].

Où s'installe alors la brigade de gendarmerie ?
Le sous-préfet invite la mairie de Binche à s'occuper avec zèle et persévérance à chercher un local propre et ayant les commodités.
Le 4e jour complémentaire de l'an X (2l-9-1802) on proposa aux gendarmes le couvent de Sœurs noires, rue Saint-Jacques[12].
Les propriétaires, d'abord consentants, marquent ensuite des réticences[13]. Le l4 brumaire an XI (5-11-1802), un autre propriétaire, Constant Rossignol, refuse aussi sa maison sise rue de Trois Escabelles. Le 17 brumaire on suggère encore un autre endroit «ce local a été présenté avec détail, il se trouve dans la géolerie », c'est la maison d'arrêt de la rue de la Halle-aux-Filets.
Finalement on leur a trouvé un logis convenable, près de la porte de Bruxelles, dans la propriété de Jean-Baptiste Dejardin. Le bail commencera le premier floréal (21-4-1803).
Le 12-6-1806, le maire de Binche, Nicolas Coquiart et le maréchal des logis de la gendarmerie impériale, Carette, procèdent à l'inspection de la caserne de gendarmerie, sise au faubourg de la ville à 150 m. de la porte dite de Bruxelles, les bâtiments sont neufs
Le 26-10-1814, sous le régime hollandais, Guillaume d'Orange approuve un nouveau projet d'organisation de la Maréchaussée, refusant la dénomination de gendarmerie. Un arrêté est signé le 30-l-1815, réglementant la Maréchaussée, il aura force de loi jusqu'en 1957.
Le 30-7-1814, Dieudonné Debaise, aubergiste et cabaretier, passe une convention avec le maire de Binche, pour louer sa maison pour servir de caserne, l2 Grand-rue de Binche, section Nord. En réalité cette maison appartient à Charles Blairon et Adrien Latteur, qui louent la maison à D. Debaise[14].
Le l4-l-1815, une expertise avait été demandée par la ville à Joseph Ramboux, menuisier, N. Schmidt, vitrier et Ursmer Delhaye, maître maçon, afin de voir ce que coûteraient les réparations à faire à la halle aux blés, sur la Grand-Place, pour placer et établir une caserne. Suite aux frais d'intervention, la halle n'est pas retenue.
Le maire atteste que la brigade de maréchaussée stationnée en cette ville est composée de 3 hommes dont un à cheval et deux à pieds, elle est logée chez le nommé Dieudonné Debaise au prix de 1 Fr. 53 par jour et pour chaque homme, avec obligation de fournir chambre, lit, lumière, feu et écurie au total pour 4 Fr. 59 depuis le premier août 1814, il certifie que la ration de pain et de fourrage a été régulièrement donnée[15].
Le bail est renouvelé le l4-2-1815, cette fois pour un an, il commence le l5 courant pour la somme de 380 Fr. l'an.
Il fournira les trois chambres nécessaires pour les hommes de la brigade, une écurie suffisamment grande, des greniers bien couverts et fermés pour contenir les fourrages, des hangars ou caves pour l'approvisionnement en combustibles et comestibles.
Il se réserve pour lui et sa famille le surplus de la maison à l'exception d'une petite chambre de discipline[16]. Il y a à ce moment un sous-officier et quatre gendarmes[17]. Le bail est renouvelé d'année en année jusqu'en 1820. Un bail est conclu le23-l l-1820, commençant le 3l-12-1821 pour le prix de 220 florins l'an[18]. Suivi le 23-11-1826, par un bail de six ans commençant le l-l-1827, et conclu entre Charles Blairon, marchand de vins; son beau-frère Adrien Latteur, pharmacien, et le Collège de bourgmestre et échevins de la ville de Binche, pour une maison sise à Binche, l2 Grand-rue, consistant en deux bâtiments à étage, avec cour, caves, puits avec pompe, écurie, jardin, et issue, telle qu'elle se contient pour servir de caserne de maréchaussée royale, pour 232 florins des Pays-Bas, par an.
Une plainte des propriétaires nous fait connaître le nom des gendarmes. Ils se plaignent des dégradations faites à leur maison servant de caserne, le bourgmestre de Binche fait alors une visite des lieux, on signale dans le procès-verbal[19]:
La chambre de Meuter, 5 carreaux cassés.
1er  étage, chambre de Mahye, rien de dégradé.
Chambre de Beumier, une porte abîmée.
Chambre de Lahy, deux carreaux cassés, dégradations aux murs.
Le 25-l-1823, un état de service signale que la brigade est commandée par Caussin, il succède au nommé Sion (1819). Les gendarmes s'appellent Beumier, Hourdisse, Dujardin et Segard.
Après la révolution belge de 1830, la Gendarmerie nationale est créée le 26 décembre de la même année. Les gendarmes exercent leur mission sur tout le territoire belge se conformant au règlement édicté par Guillaume 1er des Pays-Bas.
Le même bail est encore signé le 2l-4-1832 commençant le 1-1-1833, par Charles Blairon, Maximilienne-Désirée Lattcur et Henri-Adrien-Ursmer Latteur, avocat, propriétaires, et Maximilien de Biseau de Hautteville, bourgmestre, Louis de Sebille et Nicolas Lambret. échevins. Le bail est souscrit pour 250 florins des Pays-Bas (Cette monnaie court encore, bien que le Régime hollandais ait été aboli[20].
Le 12-9-1832, le commandant pour la province de Hainaut, Blochausson,  écrit au bourgmestre de Binche que « le brigadier Huart est remplacé, vu l'état désespéré dans lequel se trouve le commandant de la brigade de Binche. Je me vois forcé d'envoyer le brigadier Warnant ». Comme il ne se trouve pas de logement libre dans la caserne de Binche à ce moment, il est logé chez l'aubergiste Degrève, à raison de 5 cents par jour[21].
Le 6-9- 1839, le gouverneur du Hainaut écrit au bourgmestre de Binche :
« Le bâtiment destiné de caserne à la brigade de gendarmerie stationnée à Binche, est paraît-il en mauvais état et surtout l'écurie. Comme l'entretien des travaux et des réparations incombe aux propriétaires, ainsi qu'il conte du bail actuellement existant, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien, ensuite de décision de la députation permanente du l4 de ce mois, vous aboucher avec le propriétaire, pour que les ouvrages reconnus indispensables puissent s'effectuer… » [22].
A cette époque la brigade est composée du brigadier Dujardin et des gendarmes Desmet, Clara, William et Mahieu.
Le 20-11-1840, le Sieur Leroy écrit au bourgmestre  « qu'il a eu connaissance que le bail de la caserne va expirer incessamment et que la Ville recherche un nouveau logement. Je propose une propriété longeant la chaussée pavée du Faubourg Saint-Jacques, à 20 m. de la porte de la dite ville. Cette habitation se composerait de l2 à l3 pièces dont 8 à faire feux, 6 caves, une sellerie, une salle de police, une écurie pour huit chevaux, 5 grands greniers, une cour d'une longueur de 190 m. env., un abreuvoir et un jardin de 900 m. environ, l'eau nécessaire à la brigade serait puisée de la rivière dite la Samme qui traverse un coin de la cour sans sortie de cette dernière...je me contenterais d'un loyer de 850 Fr. annuellement... ».
Sa proposition fut trouvée trop onéreuse.
Une autre proposition est fournie le 16-2-1839 par le Sr. Navez, elle n'est pas retenue. Suivies de celles de MM. C. Demaret, Durieu, rejetées elles aussi.
En novembre 1840, le commissaire voyer, Malengreau, écrit au Collège de Régence de la ville « Une proposition émane de M. Devergnies, il offre huit ou quatre maisons bien bâties au faubourg Saint-Jacques, le bâtiment est pour ainsi dire enclavé au mur de la ville. Il réunit autant d'avantages que le bâtiment de M. Derbaix-Degueldre (la foulerie) mais qui a l'inconvénient d'être éloigné de 4 de lieue de la ville. On n'y peut y aborder que par des chemins épouvantables en cas d'incendie, de rixe.
Le bâtiment de M. Devergnies tenant à la porte de la ville, la brigade peut être sur pied à l'instant.
Dans le cas où les propositions de M. Devergnies ne seraient pas acceptées on pourrait louer le bâtiment nouvellement construit aussi au faubourg Saint-Jacques, par le Sr François Walbrecq... ».
Cette demande est rejetée elle aussi, car cette maison se trouve placée au bas d'une rue montante, dangereuse pour les chevaux sortant en hiver, de plus elle est insuffisante pour le logement.
Ce fut la proposition présentée le 20-l l-1840 par le Dr. Jourdain qui fut acceptée. Il offre un beau bâtiment sis au centre de la ville, rue de la Biche, qui paraît convenable pour loger la brigade. Il propose de faire construire une écurie-sellerie dans la cour et d'y faire exécuter divers travaux d'appropriation. Il demande un loyer annuel de 800 Fr.[23]
Le bail de la caserne expirait le 3l-12-1845, et c'est dans le bâtiment de la rue de la Biche qu'elle fut replacée. Le plan Popp montre que vers 1862, la gendarmerie cadastrée B.50, appartient à la province de Hainaut.
Nous avons encore tous connus ce bâtiment qui abrita le service des travaux de la ville de Binche qui succéda à la gendarmerie en 1907.


C'est cette année là que l'on créa à la rue de Merbes une nouvelle caserne beaucoup plus spacieuse, de style néo-renaissance.


[1] A.V.B. 01-00-01-1
[2] A.V.B. 01-00-01-43, pp. 59-60
[3] GLOTZ S. Le quatrième centenaire de l’enseignement secondaire binchois (1570-1970), mons 1971, p.53.
[4] GLOTZ S. Le quatrième centenaire…o. cit. pp.53-54. A.E.M. Fonds français, reg. 115, 14 ventôse an V (4-3-1797).
[5] A.V.B. registre non coté, 4 germinal an V (24-3-1797)
[6] GLOTZ S. Le quatrième centenaire…o. cit. p. 54. A.E.M. Fonds français, reg. 232, 22.
[7] A.V.B. registre non coté, 24 germinal an V (13-5-1797)
[8] GLOTZ S. Le quatrième centenaire…o. cit. p. 56.
[9] A.V.B. 2723.
[10] MILET A. Fêtes républicaines et mentalité populaire à Binche (1794-1799), dans Les cahiers binchois, n°5, 1982, p.25, n85.
[11] MILET A. Fêtes républicaines..0. cit. 16-17
[12] A.V.B. 01-00-01  (reg.43), p.72.
[13] A.V.B. 01-00-01  (reg.43) 11 brumaire an XII (2-11-1802).
[14] La maison servant de caserne fut vendue, devant le notaire Hubert Wanderpepen, par Henri-Adrien-Ursmer Latteur, avocat et propriétaire, domicilié à Mons, et Maximilienne Latteur, propriétaire demeurant à Binche.
Ils vendirent cette maison en 1838 « composée de cinq pièces à rez-de-chaussée, et quatre à l’étage, avec cave, cour, écurie et jardin contenant sept ares soixante centiares, située en la ville de Binche, Grand-rue numéro trois cent septante sept, tenant à Monsieur De Rome, Babusiaux, Lebrun, De Buisseret et Fontaine » à M. Pierre-Joseph Jadot, négociant domicilié à Battignies et son épouse Adélaïde Lefrancq, leurs héritiers et ayant cause.
La propriété est vendue pour la somme de 8.000fr.. Une clause de l’acte de vente stipule :
La maison ci-dessus vendue étant occupée par la brigade de gendarmerie, il est conditionné que la députation des états de cette province ou qui de droit pourra quand bon lui semblera abandonner la jouissance de cette maison au dit sieur Jadot, acquéreur, six mois d’avance, sans pouvoir exiger aucune indemnité.
La caserne de gendarmerie était située sur la grand-rue, section B parcelles 683d, maison, et 682a, jardin. Le plan Popp confirme qu’elle appartient toujours à P. Jadot vers 1862.
[15] A.V.B. 5838.
[16] A.V.B. 5834.
[17] A.V.B. 5832.
[18] A.V.B. 5833.
[19] A.V.B. 3317
[20] A.V.B.5839.
[21] A.V.B.5839.
[22] A.V.B.3318.
[23] 3317

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