mercredi 8 février 2017

Le jubé de la collégiale de Binche


A PROPOS DU JUBÉ  DE LA COLLEGIALE DE BINCHE
                                                     Alain GRAUX

Suite à la prise de la ville en 1578, et la désolation qui s'ensuivit il fallut restaurer la collégiale Saint-Ursmer. Les ancrages de la tour du clocher indiquent l'année 1583.
En 1589, on décida d'ériger un « doxal » jubé simple et harmonieux, participant à l'aménagement intérieur de l'édifice.
Le greffier de la ville Philippe Jeumont s'occupa des démarches pour sa création:
« A Philippe Jeumont, pour avoir conponset (composé) un contract du doxalle et (fait) trois pouillet d'écriture, doibt XIII livres »[1]
Le jubé, monument de style Renaissance de marbre et pierre blanche, clôturait le chœur pour isoler les célébrants de l'assemblée des fidèles. Il revêt l'allure d'élégant portique à trois arcades d'égales dimensions, surmonté d'une balustrade.
Au centre un écusson, dont les armoiries (probablement de Philippe II) ont été arrachées lors de la Révolution française, est entouré de la toison d'or, porte le millésime 1592.
A droite et à gauche, dans deux niches, les statues en albâtre de l'Espérance et de la Charité.
Ces deux statues sont inspirées du jubé de Mons créé par Jacques du Brœucq entre 1535 et 1548. Le sculpteur de Binche se dégage du verticalisme et crée des mouvements joliment contrastés. On admirera particulièrement la statue de « la Charité »[2]
Sur les chapiteaux des quatre colonnes supportant les trois arcades du jubé sont placées quatre statuettes en bois qui semblent d'une époque postérieure.
Les comptes de la massarderie indiquent que trois sculptures surmontaient le jubé:
« A Jean Camen filz, pour despenses faictes par luy soutenues de pluisieurs ouvraiges et d'avoir faict deseur le doxalle le Christ, la Vierge Marie et Saint Jean.
A estez ordonnet audit ouvrier XVI Livres »[3].
Lors de l'audience du Magistrat du 13 juillet 1617 « Les confrères de la confrairie de Nostre-Dame qui estoit derrière le grand autel ont requis place convenable dans l'église pour faire eslever ung autre autel ».
Ils réitérèrent leur demande le 7 décembre 1617, qui cette fois fut attendue : « Les confrères de la chappelle Nostre Dame derrière le grand autel du cœur ont requis leur permettre remettre ladite chappelle sur le doxal de ladite église. Fiat »[4]
L'assemblée du Magistrat du 7 janvier 1738 décide « on a fait examiner l'orgue de la paroisse par des organistes facteurs d'orgues lesquels ont jugé qu'à cause de la caducité elle n'étoit plus en usage, pourquoi se demande ce qu'il convient de faire. Conclud de faire ou acheter une nouvelle orgue suivant les plans exhibez et montrez et ne point épargner cent florins pour la rendre complète agissant cependant en bon pères de ville ».
Lors de l'assemblée de l'ancienne et nouvelle loi du 30 janvier 1738, « Mre Dartevelle, chanoine de l'abbaye de Saint-Feuillien du Rœux ayant estez priez de notre parte de nous donner une déclaration de la forme et des jeux de l'orgue, après avoir examiné laendroit avec Estienne Lebrun ont jugé d'acheter et pour la placer ont jugé le plus convenable a mettre sur le jubé de marbre, scavoir la tourelle au milieu soubs le pied du crucifix, les monstres ou plattes faces et les deux aultres grandes tourelles à costez tant pour la décoration de l'église que pour l'harmonie de la ditte orgue, joint aux balustrades du costez de la grande neve (nef) â cause que le chœur intercepteroit du son de la ditte orgue ou si on aime mieux de la placer du costez du chœur il trouve bon qu'elle soit soubz le crucifix en la place de l'autel de la Vierge, cependant il trouve ces inconvéniens pour la mettre dans ce dernier endroit qu'il ne trouve dans le premier, scavoir que dans ce cas l'orgue ne pourra avoir la hauteur convenable par rapport à l'arcade qui sépare le lambris du chœur avec la voûte de la grande neve et d'aultre part que le premier corps de l'orgue devra estre plus élevé et exigerat plus de décoration estant détaché de la balustrade de marbre et revenir à la forme et les jeux qui doivent contenir la ditte orgue
Et comme Thiry, facteur d'orgue très habile demeurant à Mons, s'est présenté pour faire led. orgue iceluy a déclaré qu'elle devoit être placée sur le jubé de marbre au pied du crucifix...et come il se rencontre une difficulté pour placer led. orgue à l'endroit désigné cy dessus à cause de l'autel qui s'y trouve, le doyen Brunebarbe à écrit à Cambray pour enlever cette difficulté et placer cet autel dans un autre endroit... »[5].
Le contrat avec le facteur J-C. Thiry fut établi pour la somme de 1300 florins.
Lors de l'audience du 31 juillet 1738, « les confrères de Notre Dame retro altare sur le jubé de l'église de cette ville aiant estez appelés, on leur a fait lecture de la lettre des vicaires généraux de Cambrai pour le transport et démolition de l'autel sur led. Jubé pour y placer l'orgue. Ensuite de laquelle ils ont prié Messieurs du Magistrat de permettre qu'ils placent leur image et tout ce qui en dépend à la chapelle S. Jean l'Evangéliste. Accordé »[6]
Les comptes de l'église ne fournissent que quelques éléments de ces travaux :
« A Laurent de Bancq, tailleur de pierre a été payé soixante sols pour une journée et demy employée au doxal de ladite église.
A Marie-Thérèse Augerin à été payez soixante sols pour plomb livré pour plomber les pierres du doxal.
A Joseph Mortier a été payez vingt et un sols pour avoir nettoyé le chœur après la démolition du jubé.
A Jean Descamps maître charpentier a esté payez six livres tant pour sa journée que pour avoir livrez des cordes pour la descente du sommier qui estoit sur le jubé »[7].
En 1756, il fut démonté et replacé dans le fond de l'édifice, il est adossé au grand portail roman[8] :
"A mademoiselle Waroquier pour marchandises de bois sciés quelle a livré pour la construction du banc de la fabrique et pour le docsalle, piliers destaille et autres, et nourri ledit Degroid cent et dix jours pendant le temps qu'il a travaillé audit docsalle, ensemble quatre cent cinquante cinq livres deux sols.
A Philippe François Degroidt pour reste du payement du contract qu'il a fait avec Messieurs du Magistrat pour démolir, transporter et remonter le jubé. Cent septante trois livres.
Ledit Degroidt avoit receu de Messieurs le prix de la vieille orgue en tant moins de sa convention.
Audit Philippe-François Degroide et ses ouvriers pour ouvrages faits de leur styl, quarante deux journées emploiées à les deux fenêtres du pignon et pirpits du docsalle et môlle, du contour, les cailies à commander, le forme et les châssis de la fenêtre, marquer les soufflets : cent dix-huit livres.
A Pierre Puissant pour pierres bleues pour le docsalle et l'escailler du chœur et autres ouvrages de son styl : cinq cent douze livres.
A Gille Navez pour vingt trois mille quatre cent briques qu'il a livré pour le docsalle : cent soixante trois livres seize sols.
A Joseph Charles maître maçon et son manœuvre pour ouvrage de son styl et livré trois cent carreaux  pour paver le docsalle ensemble quarante livres quatre sols.
A A-J. Lion pour avoir démonté, remontez et nettoyé l'orgue par convention qu'il a fait avec Messieurs du Magistrat, cent cinquante six livres »[9]
Un grand orgue du jubé, dépourvu de buffet, y fut placé en 1907, il provient de la grande synagogue de Berlin.


[1] A.V.B. 00-01-00-24, f° 16v°. Massarderie, comptes de 1589
[2] Mambour J., Incidence de l'œuvre de Jacques du Brœucq sur la sculpture hainuyère, dans Jacques du Brœucq,  Europalia 1985, p.154.
[3] A.V.B. 00-01-00-25, f° 44v°. Massarderie comptes de 1592
[4] A.V.B. 00-00-01-13.
[5] A.V.B. 00-01-00-30, f° 98.
[6] A.V.B. 00-01-00-31, f° 3.
[7] A.V.B. 00-08-01-44. Comptes de l'église de 1738
[8] A.V.B. 00-08-01-44 Comptes de l'église.
[9] A.V.B. 00-08-01-63. Comptes de l'église de 1756

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