mercredi 30 novembre 2016

Binche, mémoire des rues: la rue des Pavillons


LA RUE DES PAVILLONS
                                                                                                                                          Alain GRAUX

J’ai lu récemment une description de promenade dans Binche où l’on dit, je cite « Vous passez par le quartier des Pavillons, construits par les Allemands après la guerre 1940-1945… »
Je ne pouvais que m’insurger contre ce qui se dit dans ce texte et rétablir la vérité sur ce quartier de Binche.
La première guerre mondiale avait détruit un nombre considérable d’habitations. En 1921, des pavillons du Fonds du Roi Albert furent installés à l’extrémité de la rue du Moulin[1].
La rue des Pavillons relie la rue Ernest Drisse à la rue du Moulin blanc.
Le 7-12-1923, le bourgmestre Charles Derbaix expose au Conseil communal l’organisation du fonds du roi Albert, qui a pour objet la location et la vente de pavillons destinés à pourvoir aux nécessités immédiates créées par la crise du logement.
Sur proposition du bourgmestre, le Conseil décide à l’unanimité de louer pour dix ans, vingt-cinq pavillons du fonds du roi Albert (15 petits et 10 grands) à placer sur le terrain de la Ville, à « la Pépinière »,  et autorise le Collège à signer le contrat de location[2].

LE FONDS DU ROI ALBERT

Le Fonds Albert a été créé en 1916. Son objectif était de reconstituer le noyau des agglomérations détruites au cours des combats, d’y recréer la vie et l’activité et d’aider avant tout au rétablissement des administrations, du culte, des écoles et des divers services publics, de ramener sur place les ouvriers et de servir de point de départ à la reconstruction.
Des fonds sont récoltés en Hollande, en Angleterre et même en Belgique, des fêtes de charité sont organisées en son nom. Après la guerre, on rapatrie des baraquements érigés en Hollande et en France à l’intention des réfugiés, on négocie avec des firmes norvégiennes, suédoises et américaines l’achat de bois, vitres, clous, etc., lesquels sont entreposés dans ces grands baraquements. Le recensement des zones à reconstruire s’étend sur toute la Belgique.
Des principes généraux d’architecture furent appliqués à l’ensemble des constructions qui, bien que de modèles parfois très différents, avaient des éléments communs.En 1919, 35 firmes ont fabriqué 2.965 maisons de 6m x 6 m., 14 firmes ont fabriqué 500 maisons de 9m. x 6 m. et 4 firmes ont fabriqué 220 maisons de types spéciaux. [3].

LES PAVILLONS

Les principes généraux d’architecture des « baraques Albert » peuvent se résumer ainsi :
1. Habitabilité et salubrité de la construction : il fallait mettre les habitations à l’abri des intempéries et des variations de température de l’air extérieur et par conséquent construire des pavillons à paroi double avec matelas d’air isolant de 7 centimètres. Les édifier sur des fondations résistantes, installer le plancher à une certaine hauteur au- dessus du sol, des piliers intermédiaires supportant le gîtage du plancher. Pourvoir les pavillons d’un plafond et d’une toiture étanche.
2. Solidité de l’abri : Quoique ces pavillons ne dussent avoir qu’un caractère provisoire, on pouvait prévoir que la durée de la reconstruction définitive de la Belgique serait de plusieurs années. D’autre part, pour augmenter leur rendement, il était bon d’envisager leur utilisation ultérieure. La charpente de la toiture fut d’ailleurs étudiée de façon qu’elle pût dans la suite supporter une couverture en tuiles. Celles-ci faisaient totalement défaut en 1919. C’est pourquoi les pavillons furent couverts, à l’origine, avec du carton bitumé et du feutre asphalté.
3. La facilité de transport des éléments constitutifs jouait un rôle prépondérant, en raison des nombreux transferts et manutentions qu’ils devraient subir en vue de l’érection des pavillons dans les régions dévastées aux routes et voies d’accès difficiles. Il fallait donc que le poids des panneaux et des divers éléments fût réduit au minimum.
4. La facilité du montage ainsi que du démontage et de remontages ultérieurs formait aussi une condition indispensable, de façon à ne pas exiger la main- d’œuvre de spécialistes. Il fallait pour cela des éléments constitutifs, peu compliqués, légers et interchangeables.
5. Il fallait choisir un type de pavillons relativement peu coûteux et pouvant être fabriqué en série.

Lors de la pénurie de logements en 1922, le Fonds fut une nouvelle fois mis à contribution en offrant des habitations coquettes, confortables et saines aux personnes en difficulté financière. Les nouveaux pavillons étaient montés sur des fondations en maçonnerie et munis d’une aire de cuisine en carrelages. Ils sont supérieurs et de meilleure qualité que ceux qui ont été construits à l’armistice. Combien de temps, le Fonds a-t-il continué d’exister ? Nous n’avons pas encore la réponse mais il semble qu’il existe encore bel et bien lorsqu’il faut reloger les populations belges suite aux terribles bombardements de la seconde guerre mondiale.
Les maisons qui composent le quartier des Pavillons étaient de modestes pavillons en bois réalisés par le Fonds du Roi Albert pour ses « Vétérans ». La plupart sont maintenant reconstruits en briques.
                 
La rue des Pavillons, vue actuelle

[1] DELPORTE N., Binche et la région à travers les âges, Anderlues, 1937, p.240.
[2] A.V.B. 01-00-01-23
[3] Joset C., une Œuvre de guerre belge : Le Fonds du Roi Albert, Bruxelles ,1923.

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