lundi 30 janvier 2017

La balle pelote à Binche


BINCHE ET  LE JEU DE PAUME DIT DE  BALLE PELOTE 

                                                                                                                                   Alain GRAUX
LE JEU DE PAUME SOUS L’ANCIEN RÉGIME
Le jeu de paume est un jeu très ancien créé au XIIe. Siècle, la paume courte (en terrain clos) et longue (en terrain ouvert), à mains nues d’abord, avec raquette et filet ensuite. En 1650, on dénombrait à Paris cent quatorze jeux de paume, il n’en restait que  dix en 1780 [1].
Vers 1774, le jeu de balle dit jeu de paume était déjà un des amusements préféré des Binchois. L’administration communale voulait récompenser les joueurs par  une balle d’argent, attirant ainsi des équipes venant de l’extérieur, afin d’en retirer un profit pour le commerce de la ville. Le magistrat demanda donc à l’autorité supérieure, s’il pourrait dégager une somme pour ce trophée.
« Se représente que comme la ville tient les maltotes de cette ville et pour les fructifier et augmenter il conviendroit d'exposer une balle d'argent pour inviter plusieurs villages et com­munautés à l'exemple de la ville de Mons, on espère de là que lesdites fermes pourront augmenter.
Conclut d'exposer la dite balle gratis » [2].
Le Conseil des finances répondit :
« Très chers Srs et spéciaux amis, aiant vu votre représentation du 2 de ce mois touchant la balle d'argent que vous nous pro­posez de donner le jour de la dédicace prochaine, nous vous faisons la présente pour vous dire que le fermier des moyens courans étant principalement interessé dans cette affaire, devroit aussi en supporter la dépense, mais que pour autant que la ville pourroit aussi y avoir quelqu' intérêt, vous pourrez y contribuer pour la moitié, laquelle sera en conséquence passée dans le compte de votre administration…
De Bruxelles au Conseil des domaines et finances de l'Empereur et Roi le 26 juin 1781 » [3].

A la fin du XVIIIe s. La ville récompensait les joueurs de paume par une somme d’argent :
« à MM. du magistrat de la ville de Binch.
Remontrent très humblement les jeunes gens de la ville de Binch qu'il était de coutume que la ville leur accordait en vertu d'autorisation du gouvernement une somme de quattre pis­toIles pour être employée à acheter des prix pour jouer à la balle pendant la quinzaine de la carmesse, ce qui causoit un divertissement pour cette ville; et comme la carmesse, est à présent remise après la quinzaine des pasques, tems peu favorable pour ce jeu à cause du froid et mauvais tems qu'il fait ordinairement dans cette saison, pourquoi ils vous supplient MM. de vouloir bien leur accorder cette année la même somme pour être convertie en achat des prix pour les jouer pendant les dimanches de l'été et commencer dimanche prochain ou autre jour qu'il vous plaira leur designer et en cas que vous trouverés n'être pas au pouvoir de le faire, ils vous supplient d'en faire la demande en leur nom au gouvernement.
Conclut d'en écrire au gouvernement »  [4].
 « Les jeunes gens de la ville de Binch se sont présentés au bureau pouvoir jouer à la balle le 5 de ce mois, répondu que nous regardons le dimanche prochain 5 du mois égaux à tous ceux de l'année et qu'étant la coutume que les jeunes gens se divertissent à ce jeu presque tous les dimanches de l'été. ils peuvent jouer sans s'adresser au magistrat.
Par dépêche du 9, le conseil royal du gouvernement refuse d’approuver la dépense de 4 pistolles pour le prix du jeu de balle » [5].

LES RÈGLEMENTS COMMUNAUX

Les luttes de jeu de balle,  de jeu de quilles, et de jeu de fers constituent l’un des éléments attractifs de la ducasse. Ces joutes passionnent bien entendu joueurs et supporters qui viennent assister aux affrontements.
Pour éviter les litiges, c'est l'autorité municipale qui établit les règles de ces jeux populaires[6], tel règlement du jeu de balles pour 1806[7] 
« Règlement pour le jeu de balle
Le six juillet 1806 à quatre heures et demi de relevée, les joueurs qui se sont fait inscrire se réuniront dans la salle des séances de la mairie pour prendre connaissance du règlement dont il leur sera donné lecture.
Le sort, règlement, l’ordre dans lequel les parties devront jouer et celui avec qui elles devront concourir , on suivra à cet égard l’indication numérique des billets qui seront échus à chacune d’elles.
Les billets seront déposés dans un vase en pareil nombre qu’il y aura de parties inscrites. Elles seront appelées pour tirer au sort suivant l’ordre de leur inscription.
Celles qui n’ont point requis leur inscription avant la fermeture de la liste ne seront point admises à concourir .
Chaque commune ne peut fournir que deux joueurs qui la compose, doivent y avoir la résidence déterminée par les lois de l’Empire pour acquérir domicile.
Ils ne peuvent être pris dans une commune étrangère.
En cas de contestation les joueurs devront justifier de leur résidence par un certificat du maire de la commune, constatant leur inscription au tableau de population de l’an 1805, ou par tout autre moyen que le maire ou le commissaire de police du jeu trouvera bon.
Si le nombre des parties inscrites était impair, celle à qui le sort assignera le plus haut numéro demeurera au chapeau, mais celle qui aura joui de ce bénéfice au premier tour de rôle ne pourra plus l’obtenir au second tour, et aucune deux fois de suite, de manière que celui qui aura le chapeau pour un tour de rôle sera censé être échu au tirage suivant au billet premier, et conséquemment devra concourir contre la partie échue au billet numéro deux.
Lorsqu’une des deux bandes qui doivent combattre ensemble ne se présentera pas ou ne se présentera qu’en nombre incomplet après l’intervalle d’une heure écoulée, entre le moment fixé pour son tour de rôle, elle sera censée battue et la bande qui se sera rendue sur le jeu en tems utile sera la partie victorieuse.
La première ne pourra se représenter en aucun tems. Ledit commissaire pourra admettre des exceptions lorsque des accidens en des circonstances imprévues non imputables aux joueurs absens réclameront en leur faveur. Mais ces exceptions n’auront lieu qu’en tems que les joueurs absens se représenteront avant un nouveau tirage au sort entre les vainqueurs
Au surplus, lorsque les bandes appelées  pour jouer ne seront pas rassemblées, à l’instant même, le commissaire pourra appeler les bandes suivantes afin qu’il n’y ait pas d’interruption de jeu et que le public puisse jouir pleinement du plaisir qu’il avoit en vue en se rendant sur le lieu du jeu aux heures fixées, sauf à rétablir l’ordre entre les bandes proposées par l’appel à faire après chaque partie et à charge pour les bandes qui auront été proposées pour ne s’être pas trouvée à l’appel de se représenter au dit commissaire dans l’heure qui aura suivi leur appel pour juger de leur diligence et présence, à peine d’être réputées battues, comme dit cy plus haut.
On ne pourra faire aucun changement de joueurs sans motifs graves et constatés, tel que le cas de maladie, de manière que les cinq joueurs qui auront commencé le concours se devront de le terminer et ne pourront être remplacés.
Toute contestation relative au jeu se décidera sur le champs par le commissaire préposé à la police du jeu et les arbitres choisis et nommés à cet effet.
Les parties devront se soumettre à leur décision.
Les experts une fois choisis et mis en activité ne seront plus libres à l’une ou l’autre partie de les réussir ni à ceux-ci de se retirer sans le consentement des deux parties et du commissaire préposé à la police du jeu.
M. de Biseau, maire adjoint, ayant bien voulu s’en charger, est nommé commissaire.
Toute balle qui touchera l’arbre de la Liberté sera réputée bonne lorsqu’elle tombera dans le jeu.
Les prix se distribueront pour la partie gagnante : une balle en argent et cinq demi douzaines de cuillères et la partie concurrente aura également cinq paires de boucles en argent.
Le maire ou l’un de ses adjoints de la ville fera la distribution de ces prix, la balle sera donnée à celui qui aura fait le dernier coup pour le grain de la partie, et les cuillères et boucles seront distribuées à la partie gagnante en commençant par le grand milieu, le petit, la droite, la gauche et le derrière, et il en sera de même pour la partie concurrente.
                                                                     Binche le 6 juillet 1806 »

Le 15 août 1807, est organisée la fête de l’empereur, date de son anniversaire, les autorités communales organisèrent un jeu de balle exclusivement réservé aux amateurs de la ville. Les prix consistent en une médaille d’argent à l’effigie de l’empereur et de Joséphine destinée à être offerte par les gagnants à Notre-Dame du Mont Carmel et en cinq services d’argent pour la partie gagnante [8]
Le règlement de l’an 1824 stipulait entre autres:
Art.1.  Qu’en suite de notre règlement du 19 juin courant, il se pourra y avoir plus de deux parties de chaque ville ou commune en général sans cependant qu’aucun des joueurs puisse jouer dans deux parties.
Les étudiants de la ville de Binche pourront indépendamment qu nombre ci-dessus fixé former une partie...
Art. 9. Si cependant il arriva que deux parties de la même ville ou commune restassent victorieuses  avec une seule partie d’une autre commune, en ce cas le sort sera tiré et si son résultat porte que les deux parties de la même ville ou commune doivent jouer l’une contre l’autre, elles devront obéir audit résultat.
Art. 20.  Les heures pour jouer seront annoncées par trois sons de cloches de l’hôtel de ville et fixées par le collège des bourgmestre et échevins, qui se retient encore le pouvoir de fixer les heures ou les jeux devront finir...
Art. 22.  On jouera avec des balles dites d’Ath qui seront délivrées gratis aux joueurs. Ils ne pourront cependant en faire usage de plus de quatre, le surplus sera à leurs frais.

Les joueurs de l’année 1824 sont
Pour Binche : Henri Biche, Désiré Seghin, Félix Winance, Maximilien Goffaux, Eugène Masuy.
Les étudiants de Binche : Duvivier, Lecrinier, Monnoyer, Scoupermanne, Gravez.
Pour Battignies : François Navez, Adrien Haine, Auguste Chevalier, Adrien Outelet, Maximilien Gallez.
On remarquera que tous ces joueurs sont issus de la bourgeoisie binchoise.
Mais proviennent aussi de nombreuses communes hainuyères :
Anderlues, Buvrinnes, Carnières, Fontaine-l’Evêque, Haulchin, Leval-Trahegnies, Lobbes, Mons, Mont-Sainte-Aldegonde, Morlanwelz, Péronnes, Thuin, Vellereille-lez-Brayeux [9]
Le programme de la ducasse de 1827, stipule pour le jeu de paume que les joueurs ne pourront jouer avec des gants munis de plaques.
Vers 1830, on commence à faire la différence entre les concours dits de grosse balle et ceux dits de petite balle, soit la balle au tamis, ces luttes sont dotées  de prix par l’administration communale. Ces jeux, se jouant pendant et après la kermesse principale de la ville, se perpétueront jusqu’à notre époque.

COUTUME DES JOUEURS DE BALLE

En 1840, les joueurs de balle-pelote représentant la ville de Binche, Gustave Wanderpepen, Gustave Ramboux, Adolphe Leroy, Adolphe Laloyaux et Joseph Dessars, participèrent à un tournois à Bruxelles, ils le remportèrent, et reçurent une balle d’argent. Revenus en ville, contrairement à l’usage, ils déposèrent cette balle à l’hôtel de ville.
Le 4-11-1850, les membres de la confrérie de Saint-Hubert écrivirent au bourgmestre :
« MM. Les joueurs de balle de notre ville vous ont fait don du prix royal qu’ils ont remporté à Bruxelles, et certes, en vous le confiant, ils étaient certains qu’il serait inviolablement conservé, cependant il a toujours été d’usage en cette ville et de temps immémorial, que les trophées de l’adresse des joueurs de balle étaient offerts à l’église et dédiés aux saints.
Si en 1840, les joueurs de balles ont agi autrement, c’était dans des circonstances exceptionnelles , ils ont craint alors de voir détourner cette balle. Maintenant que cette crainte est dissipée , nous vous prions M.M. de vouloir l’offrir à notre paroisse et de la dédier au glorieux Saint-Hubert.
Soyez persuadés, M.M., que c’est le vœu de tous les Binchois qui verront avec joie et orgueil promenée majestueusement dans nos rue pendant nos imposantes et nombreuses processions…
Signé : U. Masuy, Doyen ; A. Seghin, H. Biche, Nicolas Lebeau, C. Brichot, J. Leblanc, Depret, Quinet, Dessart-Duvivier » [10]
De même, les connétables et confrères de la confrérie de Saint-Ursmer, demandèrent de pouvoir disposer de la balle d’argent.

LA SOCIÉTÉ DE JEU DE PAUME

Une société de jeu de balle-pelote fut créée en 1871, comme nous l’apprend cette lettre adressée au bourgmestre :
« Nous avons l’honneur de vous exposer qu’il existe depuis le premier septembre 1871, une société constituée sous le nom « Société de jeu de paume » dont le local est établi chez Mme Veuve Rombaux, Grand-Place.
Cette société avait l’intention d’offrir cette année un concours aux amateurs du jeu de balle, mais ses ressources étant insuffisantes, elle vient avec confiance vous prier de lui accorder la direction d’un concours donné par la Ville… »
Cette lettre est signée A. Van Ginderdeuren, Art. Buisseret, G. Lardurière, G. Jaupart, Gaillard, Ar. Houssière, G. Fayt. [11]
Plus tard cette société s’appela « Société du jeu de balle" 
Le 18-4-1881, lors de l’hommage rendu à Gustave Wanderpepen pour ses 25 ans de mayorat, Armand Houssière, président du Jeu de paume représente sa société.
Le 28-6-1885, M. Duysschaeve, informe la Ville qu’il pourrait construire le jeu de balle en pavés bleus. Sa demande fut rejetée.
Le 5-10-1903, le Collège échevinal décide que la cloche dite Binette qui était employée dans le carillon n’est plus disponible pour la sonnerie du jeu de balle[12].
Avant la seconde guerre mondiale, la balle-pelote connaissait un grand succès dans les quartiers de notre ville comme dans la plupart des communes  avoisinantes. On jouait à la balle, soit sur la Grand-place, soit sur l’avenue de Burlet face à la gare.
Pendant la 1940-1945, de nombreuses équipes amateurs étaient s’affrontaient. La ville, privée de ses activités traditionnelles, allait mani­fester un engouement considérable pour ce sport opposant deux équipes de cinq joueurs en des « luttes » de 15 « jeux » ou phases, aux durées indéterminées.

BINCHE RENOUVEAU
C'est ainsi qu'au début de l'année 1942, un comité appelé « Binche Renouveau » mit sur pied la première équipe professionnelle locale; affiliée à la Fédération Belge de Balle Pelote, et dont le siège se situait au café Deleuze, sur la Grand-Place, à droite de l’hôtel de ville. Par la suite, il fut transféré chez « Naveaux », café qui s’appela plus tard le « Fernandel Belge », et nommé actuellement « Les Inséparables et dans les derniers temps, au « Manneken Pis » actuellement « Le Diapason ».
Les matches se déroulaient bien évidemment sur la Grand-­Place devant une assistance regroupant souvent plusieurs centaines de personnes.
Ils se trouvaient d'ailleurs parmi les rassemblements populaires les plus intenses de cette époque.
Au départ, les joueurs avaient pour noms Boulanger, Franc, Lefèvre, Fontignies et De Mersman.
D'abord présidé par Léon Gaillard (avec Marcel Lescalier, pour président d'honneur, Franz Weber pour trésorier et Henri Andris pour secrétaire), le club allait rapidement passer de la deuxième division régionale (réser­vant celle-ci aux cadets) à la 1ère,

BINCHE JEU DE PAUME

Dès 1943, l’équipe se hissa en Promotion générale.
« Binche Jeu de Paume » fut la nouvelle appellation de la société .
Par deux fois, il s'en fallut de peu pour que les Binchois raflent la « Coupe du Centre », à l'issue de deux finales mémorables, une première en déplacement à Chapelle en ­1943, une seconde chez nous face à LevaI, à l'été 1944, où nos voisins ne l'emportèrent que par un point d'écart.
L'équipe était composée de Bailly, Vens et Mertens et en 1945, Rubens, Fassiaux et Cambier.
Les joueurs de notre ville demeurèrent de longues années dans les premières places du classement. Malheureusement, en 1951, « Binche Jeu de Paume » cessa officiellement d'exister.
De 1953 à 1954 d'autres amateurs tentèrent de monter une nouvelle équipe au « Café du Théâtre », mais leurs efforts furent sans lendemain. Le jeu continua toutefois à se pratiquer quelque peu dans différents coins de la cité, puis il tomba définitivement en désuétude [13].

Le jeu de balle pelote de la gare vers 1920


Le comité de « Binche renouveau » en 1942 : de gauche à droite: R. Naveau, H. Andris, Gaillard, F. Weber, M. Lescalier, M. Deparadis, M. Vanderhage, E. Depasse.
L'équipe: R. Boulanger, L. Franc, A. Lefèvre (debout), P. Fontignies et G. Demershman (accroupis) .


[1]: Le sport, dans  La grande encyclopédie Larousse, Paris, 1976, p.11.312.
[2] A.V.B. 00-00-01-36. Conseil du 16-6-1774
[3] A.V.B. 00-00-01-37. Conseil du 5-7-1781
[4] A.V.B. 00-00-01-39. Conseil du 15-6-1789.
[5] A.V.B. 00-00-01-39. Conseil du 30-7-1789.
[6] REVELARD M., Jeux populaires et divertissements à Binche avant 1900, dans La Plume du coq, n° 36, juin 19999, pp.21-22.
[7] A.V.B. 01-12-02-23.
[8] REVELARD M., Fêtes et réjouissances publiques à Binche du XVIIIe. Siècle au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans Jeux et réjouissances populaires d’antan, Binche, 1997, p.23.
[9] A.V.B. 01-12-02-23. Les Archives de la ville conservent les noms de tous les joueurs de ces équipes
[10] A.V.B. 01-12-02-6.
[11] A.V.B. 01-12-02-6.
[12] A.V.B. 01-00-01-21.
[13] CORDIER F. La balle pelote à Binche (1942-1954), dans Binche Evénement, n° 3, 1996, pp. 6.

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