mercredi 18 janvier 2017

L'éclairage public de Binche


PETITE HISTOIRE DE L’ECLAIRAGE PUBLIC A BINCHE
                                                                                                                                          Alain GRAUX
Jusqu'au XIXe siècle, l'éclairage des rues était presque inexistant.
Au XVIe siècle, on employait, dans certaines villes, les « pots à poix », marmites en fonte dans lesquelles brûlait un corps gras. Au siècle suivant, cet éclairage primitif fut remplacé par les lanternes à chandelles.

L'éclairage Au gAz
L'éclairage au gaz devait apporter une amélioration sensible.
Dès la fin du XVIIIe siècle, on savait que la houille, soumise dans un vase fermé à l'action du calorique, laisse dégager un gaz susceptible de s'enflammer. Un professeur de l'Université de Louvain, Jean-Pierre Minckeleers, se servant d'un canon de fusil comme appareil de distillation, obtenait, en 1784, du gaz de houille qu'il utilisait pour l'éclairage de son laboratoire.
En 1796, l'ingénieur français Philippe Lebon construisait une lampe pour la fabrication du gaz par la distillation du bois. Mais, le premier à exploiter pratiquement le gaz comme mode d'éclairage fut l'Anglais Murdoch. En 1792, son habitation était éclairée au gaz et, en 1807, le premier réverbère s'allumait dans les rues de Londres.
François- Hyppolyte Wilmart, de Binche, formulait une demande Le 20 septembre 1836 afin d’établir une usine au gaz pour l'éclairage de la ville de Binche, la ville Lui en accorda la concession mais l'usine devra se situer en dehors des murs de la ville[1].
L'usine, s'installa à Battignies, rue de Péronnes, sur une terre lui appartenant, mesurant 1ha 56  a 80 ca, tenant au chemin de Péronnes, au chemin de dessous la ville et aux sieurs Thibaut et Ottelet[2]. L’autorisation fut obtenue le 16-5-1837.
Le gaz à  hydrogène ne fut pas satisfaisant. Charles-Félix Hiroux, propriétaire à Mons, demanda l’autorisation d’établir dans les bâtiments du moulin à vapeur de Fidèle Pourbaix, les appareils pour la production du gaz hydrogène carboné nécessaire à l’éclairage de la ville de Binche.
L’enquête commodo-incommodo eut lieu le 14-3-1842. Il fut autorisé d’établir son usine par le conseil communal de Battignies le 15-4-1842. L’autorisation stipule qu’il ne pourra être jeté aucun résidu ou eaux provenant de la fabrication ou épuration du gaz, sur la voie publique[3]
Parallèlement à son activité dans l'industrie meunière, Augustin Lengrand dirigeait une usine de production de gaz qui jouxtait son moulin, rue de Péronnes. Il est le successeur de François Wilmart.
En 1857, un gazomètre est construit en même temps que des bâtiments à usage d’usine à gaz[4]-[5].
Le 11-4-1861, Eusèbe Augustin Lengrand est cité directeur, concessionnaire de l'éclairage au gaz de la ville de Binche[6].
Eusèbe Lengrand décéda en 1862, sa mère Julie Willot, vend l’usine le 9 août 1862, à Charles Desmoulin, constructeur de gazomètre à Valenciennes et à François Coyette, pour le prix de 100.000 Fr. Suite au décès de ce dernier, Charles Desmoulin rachète le 6-12-1870, la moitié indivise de l’usine à la veuve Coyette, au prix de 40.000 Fr.
L’usine est décrite comme ceci :
a)      Une usine à gaz comprenant maison d’habitation et autres dépendances faisant 25a 83ca, sis à Battignies, Champ de la Justice, section A du cadastre parcelles 122g, 122h, 122k, tenant au chemin de Péronnes, à la veuve Louis Tiberghien et aux héritiers Outelet-Paris.
b)      Un gazomètre ou cloche en tôle avec sa suspension, quatre épurateurs avec grilles, un tambour, deux laveurs, des barillets, trompettes et tuyaux monteurs, chapeaux de cornes, châssis de fourneaux, hui cornues réfractaires et tuyaux de distribution.
De septembre 1870 à mai 1871, 84.350 heures d’éclairage pour une dépense par la Ville de Binche de 2.530 Fr.50 cts est annoncée.
Le 1er mars 1871, Charles Desmoulin revend l’usine  et la concession qu’il devait encore exploiter en principe pour 23 ans, pour la somme de 100.000 Fr. à la ville de Binche, représentée par le bourgmestre Gustave Wanderpepen et les échevins Adrien Leclercq et Philippe Derbaix.
En passant l’acte la Ville paie 18.000 Fr. en argent et 24.000 Fr. en obligations de la Ville de Binche. Le 7 juillet suivant 9.000 Fr. en argent et 9.000 Fr en obligations et le 21-11-1871, 5.000 Fr ; furent payés à Mme Coyette à valoir sur l’inscription hypothécaire de 40.000 Fr. que cette dame avait prise sur l’usine contre C. Desmoulin. Le reste fut payé par tranches jusqu’en 1878.
En mai 1871, une convention fut passée entre Paul Fontaine, industriel à Haine-Saint-Paul et le Collège échevinal pour le renouvellement des conduites de gaz dans la ville. Les travaux commencèrent le 5 avril 1871.
Dès la reprise de l’éclairage au gaz par la Ville, celle-ci engrangea un bénéfice de 10% du capital de 150.000 Fr. engagé dans cette affaire.
L’usine distribuait le gaz à 300 abonnés consommateurs privés.
En 1876, la ville décide la construction d’une nouvelle cloche, le projet prévoit pour ses dimensions 7m de hauteur et 14m de diamètre pour une contenance de 1070m³. Lors des travaux de terrassement le terrain s’avérant trop spongieux, on dut modifier les travaux, et la cloche définitive mesura alors 6m de hauteur et 15m de diamètre pour une même contenance.
La S.A. « Chaudronneries de Houdeng-Goegnies » obtint la construction du gazomètre.
Le nouveau gazomètre fut inauguré le 31 janvier 1877[7]. Un banquet fut donné à cette occasion.
Les réverbères étaient, au début, équipés du bec « papillon », à flamme nue.


Un allumeur, une échelle sur le dos, circulait dans les rues, la nuit tombante, et faisait la lumière.
En 1891, la ville était éclairée par 198 réverbères à partir du soir tombant jusque 10 h30, et par 63 réverbères le reste de la nuit. La dépense pour cet éclairage était de 12.141 Fr. et le bénéfice 11.360 Fr.
La progression de réverbères est très lente, en 1900 il y avait 218 réverbères allumant jusque 10h30 et 89 réverbères le reste de la nuit et en 1910, 292 réverbères allumant jusque 10h et 137 réverbères allumant le reste de la nuit.
La « Société d’éclairage du Centre », racheta l’usine et la concession de l’éclairage public en vertu de l’arrêté royal du 11-6-1896, pour la somme de 100.000 Fr. considérée comme avantageuse.
Cette société ayant son siège 22 rue des Palais à Bruxelles, possède de nombreuses usines à gaz dans tout le pays.
La direction de La Louvière comprend les usines de Binche, La Louvière, Fontaine-l'Evêque, Enghien et Grammont.
Le recensement du 31-10-1896 renseigne que l'usine emploie y compris avec ses services extérieurs 2 cadres et 34 ouvriers. En 1897, la société demande de pouvoir établir un gazomètre de 16,300 m. de diamètre sur 18 m. de hauteur, dans son usine de la rue de Péronnes cadastrée D. 120v. Cette autorisation fut obtenue après enquête commodo-incommodo, le 25-5-1897[8].
Des travaux sont alors entrepris :
Amélioration et agrandissement de l’usine et des installations pour la somme de 100.000 Fr.
Mise en état et renforcement des canalisations, pour 200.000 Fr. et chez les abonnés pour 100.000 Fr. de plus 30.000 Fr. ont été nécessaires pour des installations aux frais de l’usine et des installations de location. Il faut ajouter à ces immobilisations le fonds de roulement, marchandises en magasin, etc. la somme de 35.000 Fr.
L’usine de gaz a donc nécessité pour sa reprise et sa remise en état un capital de 465.000 Fr.
Le 16-10-1903, elle sollicite l'autorisation d'établir une chaudière à vapeur dans l'usine de la rue de Péronnes. Cette chaudière horizontale a un foyer intérieur avec deux tubes bouilleurs, un diamètre d'1,75 m., la surface de chauffe est de 22 m², elle est de 5 atmosphères et est munie de deux soupapes, d'un manomètre, d'un sifflet d'alarme.
Il y avait en 1906, 735 abonnés, les installations des anciens abonnés étaient défectueuses ou insuffisantes, elles ont été en majeure partie entièrement renouvelées. L’éclairage public est doté du bec Auer, l’améliorant considérablement et coûtant la moitié de l’éclairage fourni par l’usine communale.
En 1910, indépendamment des tractations prises par la Ville pour installer l’éclairage électrique, les édiles communaux constatent que l’exploitation du gazomètre en régie avait donné des résultatsdéfavorables et qu’il était du devoir du Conseil communal d’y mettre fin. L’éclairage public coûte alors 8.726 Fr par an à la Ville, c’est le double de ce que coûte l’éclairage public depuis la cession de l’usine, l’éclairage est alors étendu à toutes les soirées
Dans les maisons particulières l’usage du gaz ne se répandit que petit à petit. La Plupart de nos artisans travaillant à domicile employaient encore la lampe à pétrole; devant celle-ci, ils plaçaient une carafe sphérique remplie d'eau de source. Notre savoureux langage donnait le nom de « lampe à scrèner » à cet éclairage renforcé.

L’ECLAIRAGE ELECTRIQUE et AU GAZ  SE FONT CONCURRENCE
En 1895, Fernand Levie, conseiller communal qui produisait le courant électrique dans sa fabrique de chocolat, rue de fontaine, offrit à la ville de conduire un éclairage électrique, au parc à l’occasion des fêtes communales, au moyen de lampes à arc, ce fut un événement.
La « Société d’éclairage du Centre », est devenue concessionnaire de l’éclairage public en vertu de l’arrêté royal du 11-6-1896,  les débuts furent lents, car le prix était élevé et les « manchons » de gaz n’étaient pas détrônés
La « Société d’éclairage du Centre » cède en 1910, sa concession à la « S.A. de gaz et d’électricité du Hainaut », cette société a des installations proches de Binche, à Bascoup, et conclut donc un contrat intéressant.
Cette cession a permis à la Ville d’entrer en négociations pour que la ville bénéficie de l’éclairage électrique à Binche, qui tout en transformant l’éclairage public, puisse aussi mettre à la disposition des artisans de la ville la force motrice à domicile au prix de 50 centimes par kw/h pour l’éclairage privé.
 Le 1er janvier 1911, un éclairage électrique permanent renforçant l’éclairage par le gaz, qui continue à subsister, fut installé dans les principales artères de la ville on installa des canalisations dans toutes les rues, quatre cabines de transformation, trente lampes à arc dans les rues principales.
La société anonyme "Société de gaz et d'électricité du Hainaut" ayant son siège 33 rue du Congrès à Bruxelles possède des usines à Audenarde, Binche, La Louvière, Fontaine-l'Evêque, Grammont et Montignies-sur-Sambre.

Le 3-11-1916, le directeur demande à l'administration communale de Binche de pouvoir installer dans l'usine de Binche, une deuxième chaudière à vapeur horizontale de 1 m. de diamètre sur 3,2 m. de long et aux parois de 10 mm d'épaisseur. La pression maximum est de 5 atmosphères. La surface de chauffe est de 6 m². Il indique que cette chaudière a été en usage dans l'ancienne usine d’Alost qui n'existe plus et son origine est inconnue[9].
En 1925 de nouvelles améliorations ont lieu pour l’éclairage public, 75 lampes de 30 Watts jusque 11h du soir, et puis par 200 becs Auer.
Le 25-11-1927 la société demande le renouvellement le renouvellement de l'autorisation d'exploiter l'usine à gaz comprenant 4 fours à cornues, 1extracteur, des épurateurs, et deux gazomètres d'une contenance de 1.000 et 2.000 m3., ainsi que d'une cabine de transformation électrique comprenant 1 transformateur statique 2.600-220 v. d'une puissance de 155 KVA. Force motrice: machines à vapeur. L'autorisation est accordée à la "Société de gaz et d'électricité du Hainaut" le 24-1-1928[10].
La concession  fut étendue progressivement et, en 1935, toutes les rues de notre ville étaient pourvues d’un puissant éclairage électrique. En 1939, le contrat intercommunal fut mis en application avec des conditions spéciales avantageuses pour la ville. En 1946, les réverbères au gaz étant tout à fait supprimés, on installa un éclairage réduit pour les heures de la nuit.
En 1949, l'usine à gaz, 13 rue de Péronnes, emploie 4 ouvriers et 2 employés[11].


Le 23-9-1958, la société "Gaz et électricité Hainaut-Liège" sollicite l'administration communale de se maintenir en activité, 25 rue de Péronnes à Binche. Elle possède :
- Un gazomètre à gaz de ville, d'une capacité de 2.000 m³, un régulateur d'émission et une vanne automatique de réception.
- Une cabine de transformation électrique avec un transformateur de 155 KVA. - 6.000 v-220 v.
- Un préposé surveille le fonctionnement de l'établissement et un cabinier est préposé aux manœuvres de la cabine électrique[12].
C'est l'instauration de l'électricité qui provoqua le déclin de l'industrie gazière, mais comme nous l'avons vu les sociétés gazières prévirent cette évolution en adaptant progressivement leurs usines au nouveau mode d'éclairage et de force motrice.

[1] A.V.B. 60-61-71.
[2] A.V.B.02-00-01-2/3, registre des conseils communaux de Battignies (1832-1842)
[3] A.V.B.02-00-01-2/36.
[4] Plan cadastral et matrice Popp, parcelles 122i, 122g, et A.V.B., 02-02-08-1. (Battignies).
[5] A.V.B. 02-02-08-1.
[6] A.V.B. 00-00-01-13.
[7] Le progrès de Charleroi, 1-2-1877,  article signé V.C.
[8] A.V.B. 01-02-11-728.
[9] A.V.B. 01-02-11-940.
[10] A.V.B. 01-00-02-1030 et 21
[11] A.V.B. 01-02-11-34
[12] A.V.B. 01-02-11-88

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