mercredi 4 janvier 2017

Les écoles d'adultes de Binche


LES Ecoles d’adultes DE BINCHE
                                                                                                                                         Alain GRAUX

Dans certaines villes, des cours d’adultes virent le jour dès 1850. Ces écoles n’avaient jamais reçu de principes d’organisation. Le ministre de l’Intérieur, Alphonse Vandepeereboom était particulièrement sensible à cette situation D'autre part, un assez grand nombre de parlementaires libéraux, de même que les milieux laïcs, étaient désormais partisans de la révision de la loi de 1842, jugée trop favorable à l'Église et à ses conceptions éducatives. Cette double évolution conditionnera d'ailleurs pour une bonne part ce que, bien plus tard, Albert Devèze appellera .une période émouvante de notre histoire[1], celle qui, de 1866 à 1868, à l’aube d'un grand règne, mettra notre personnel politique aux prises avec le problème militaire, récurrent dans ce pays, l'affaire du Luxembourg, la question linguistique déjà, le suffrage universel, les troubles sociaux, la tension avec la Hollande à propos du barrage de l'Escaut.

Quelles furent les motivations d'A. Vandenpeereboom dans sa décision d'organiser des écoles d'adultes? Nous les connaissons à la fois par le rapport au Roi introduisant le texte de l'arrêté et par le discours qu’il  prononça au cours des séances de la chambre des 26 et 27 mars 1868, lors de la discussion du budget de l'Intérieur[2]. À ce moment - on le verra plus loin -, le cabinet est tombé depuis le 21 décembre 1867 et un nouveau gouvernement est entré en fonction le 3 janvier 1868, sous la direction de Frère-Orban; Eudore Pirmez, succédant à Vandenpeereboom, y détient le portefeuille de l'intérieur.

Il s'agit essentiellement de lutter contre la scolarisation insuffisante et, partant, contre l‘analphabétisme.

" En 1866, 273 miliciens sur 1000 étaient encore complètement illettrés. C'est la moyenne pour le pays entier, mais il est des provinces où le nombre de ces miliciens ignorants est plus élevé encore: dans une province[3], il est de 343 et même de 391 sur 1000 dans une autre[4] ».

Constatation importante: l'ancien ministre observe que trop d’écoles d’adultes n'enseignent guère[5].

"Il a été constaté que presque toutes ces écoles [c'est-à-d.ire les écoles d'adultes dominicales organisées par les congrégations religieuses], les 4/ 5 des écoles d'adultes sont ouvertes dans un but de moralisation et que l’enseignement proprement dit est à peu près nul [. . .]. Programmes incomplets, méthodes vicieuses »[6]

Par conséquent « les écoles organisées par l'arrêté royal du 1er septembre 1866 sont destinées sans doute à donner l'instruction primaire aux personnes âgées de vingt ans et plus, qui sort totalement illettrées, à compléter l’instruction des adultes majeurs dont l'éducation a été insuffisante ou qui ont oublié le peu qu'ils ont pu apprendre dans leur jeunesse; mais, dans ma pensée, ces écoles sont encore destinées à donner l’instruction, soit le soir, soit à midi, soit à certains jours, à de nombreux enfants âgés de moins de quinze ans qui, prématurément arrachés à l'école primaire, sont, dès leur jeune âge, condamnés aux travaux forcés dans les mines, dans les ateliers, dans les fabriques ou dans les champs.

Soucieux de démontrer la parfaite régularité légale de son arrêté, 1'ex-ministre, faisant référence à d'illustres prédécesseurs catholiques et libéraux modérés, poursuit: " L'honorable M. Rogier […] a toujours décidé, comme ses prédécesseurs et spécialement comme MM. J-B. Nothomb et de Theux, que les écoles dont parle l'article 25 de la loi de 1812 [c'est-à-dire les écoles d'adultes] tombent sous l'application de cette loi et que l'article 26 est applicable à ces établissements »

Et de conclure: " Messieurs, en proposant au Roi le projet d'arrêté du 1er  septembre [1866], je n'ai eu qu'un but, celui de vaincre l'ignorance [...]. Aujourd'hui encore, j’ai soutenu la légalité et l’utilité du règlement du 1er septembre […]

Quoi qu'il en soit, le Moniteur belge du 10 septembre 1866 publie l'arrêté royal du 1er septembre 1866 portant règlement général pour les écoles d'adultes. Ce règlement, dans le droit fil de 1a loi de1842, autorise les communes à adopter des écoles privées, comme dans le cas des écoles primaires. Quant aux dispositions spécifiques aux éco1es communales, elles sont contenues dans les dix-huit premiers articles de l'arrêté; en voici les principales:

- Article 1er : «  Les conseils communaux seront invités à établir des écoles spéciales pour adultes;

- Article 2:"Il y aura des écoles distinctes pour chaque sexe. Elles seront administrées et surveillées d'après les mêmes principes que les écoles primaires.

- Article 3: « L'enseignement sera donné aux adultes dans les locaux des écoles primaires et par le personnel de ces écoles [...]. Les Locaux seront convenablement chauffés et éclairés [...];

- Article 5: « Chaque école d'adultes se compose de deux divisions, une division élémentaire et une division supérieure. Les deux divisions recevront l’instruction séparément " ;

- Article 6: "Le programme de la division élémentaire comprendra les notions dont l'enseignement est obligatoire aux termes de l'art. 6 de la loi du 23 septembre 1842 [disposition incluant l'enseignement de la morale et de la religion]. Dans la division supérieure, on enseignera nécessairement:

1° la langue française, flamande ou allemande;

2° l‘arithmétique;

3° le dessin;

4° les éléments de la géographie et de l'histoire, principalement de la géographie et de l‘histoire de la Belgique;

5°des notions de droit constitutionnel, au moyen de lectures expliquées

6° des notions d’hygiène.

Les notions de droit constitutionnel seront remplacées par des notions d’économie domestique pour les femmes »

 Article 8 : Nul ne sera admis avant l’âge de 14 ans.

Article 12 : Indépendamment d’une rétribution par élève, l’instituteur chargé d’un cours d’adultes recevra une indemnité annuelle qui ne peut être moindre de cinquante francs.



Conformément à la délibération du Conseil communal du 8 Novembre 1868 et à l'arrêté Royal du 1er  septembre de la même année, le Collège du bourgmestre et des échevins a organisé des écoles d'adultes pour les hommes et pour les femmes.

Les écoles d'adultes sont et resteront pendant longtemps encore, de véritables écoles primaires. Dans l'état actuel de l’enseignement elles sont utiles aux enfants qui fréquentent irrégulièrement l'école primaire et à ceux qui avant l'âge indiqué par la loi, ont abandonné l'école pour aller  travailler dans les ateliers ou dans les champs. Elles sont nécessaires aux jeunes gens de plus de quinze ans, que la paresse, une éducation négligée ou les circonstances ont maintenus dans l’ignorance primaire[7].



Le succès des écoles d’adultes fut immédiat, la curiosité n’était pas étrangère à ce succès foudroyant, mais avec le temps il s’émoussa  comme on peut s’en rendre compte ci-après.



Ecole d'adultes pour Garçons.

A partir de 1871 jusqu’à la guerre 1914-1918, les cours sont donnés à l'École communale des Garçons, les Mardi, Mercredi et Vendredi de chaque semaine, de 7 heures et demie à 9 heures et demie du soir, à partir du premier octobre jusqu'aux Pâques.

L'école est fréquentée par      108 élèves en 1871

38 élèves en 1897

38 élèves en 1898

68 élèves en 1900.

Ecole d'adultes pour Filles.

Des cours sont également donnés pour les femmes à l'Établissement du Sacré-Cœur, le dimanche et lundi de chaque semaine, de 5 et demie à 6 h du soir, pendant toute l‘année.

L'école est fréquentée par      165 élèves en 1871    

96 élèves en 1897

48 élèves en 1898
                                               5o élèves en 1900.                            


[1] Préface à Jules Garsou, Les Débuts d'un grand Règne - Notes pour servir à l‘histoire de la Belgique contemporaine, tome II. De la démission du général  Chazal à la retraite de Rogier et, Vandenpeereboom, Bruxelles, 1934, p.5. Les deux tomes de l’ouvrage sont rédigés d’après le journal d'Alphonse Vandenpeereboom, dont le manuscrit est conservé à 1a bibliothèque de l'Université de Gand, mais dont la première partie seule- _celle qui nous concerne ici -, s'étendant du I6 octobre 1864 aux funérailles. de Léopold 1er  (16 décembre 1865), fut publiée  sous le titre « La fin d'un règne »
[2] Ce discours.fut publié dans A. VANPEEREBOMM « Écoles d'adultes - Discours prononcé dans  les séances de la chambre des Représentants les 26 et 27 mars 1868 »
[3] Il s'agit de la Flandre orientale.
[4].Le Hainaut.
[5] A. VANDENPEERÈBOOM, o. cit. (supra.2), p.7;A.R. du 1er septembre 1866, Rapport au Roi
[6] A. VANDENPEERÈBOOM, o. cit. (supra.2), p.7;A.R. du 1er septembre 1866, Rapport au Roi
[7] Rapport sur l’administration et la situation des affaires de la Ville de Binche, 11-12-1871.

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