samedi 14 janvier 2017

L'école des pouilleux


L’ECOLE DES POUILLEUX
                                                                                                                                    Fernand GRAUX
Lors d’une conversation entre « gens biens » il a été fait allusion devant moi à cette école de pouilleux autrement dit l’école communale de naguère, disparue à l’heure actuelle de la liste des écoles de notre ville de Binche et, comme j’ai moi-même eu l’honneur de la fréquenter, cette école, cela me fis l’effet d’un coup qui m’atteignis droit au cœur, je ne pouvais laisser cette sorte d’affront, s’il en est, sans défendre mon point de vue sur la question.
Certes, il y a eu, par la force des choses des enfants de très basse condition dans nos écoles communales, rejetés par d’autres écoles moins accueillantes, mais est-ce un crime d’être pauvre ? En tous cas, nos portes leur étaient grandes ouvertes, écoles mises gratuitement au service d’un peuple de trvailleurs trop longtemps tenu en ignorance par une engeance qui ne voulait pas que le niveau intellectuel des classes laborieuses soit trop élevé.
Ce temps là, heureusement est révolu et il me suffit de voir le développement  sans cesse croissant que prend les écoles maternelles ou gardiennes communales pour que l’on se rende compte de l’importance qu’attache une certaine population défavorisée à l’extension de groupes scolaires  ou le libre choix confessionnel est accordé aux parents et cela sans contraintes de toutes sortes.
C’est le dénigrement systématique et très bien orchestré organisé par certaines écoles payantes qui a eu raison de l’esprit indécis et si peu fort des parents à l’époque n’était-ce pas l’école du diable ? Combien de fois ne l’ai-je entendu à mes pauvres petites oreilles d’enfant ?
Je m’adresse ici à tous mes anciens compagnons de l’école communale ; en fait, n’avons-nous pas eu une éducation parfaite, enseignée dans cette école, n’avons-nous pas eu des maîtres attentionnés au plus haut degré pour nous guider, jusque dans nos moindres actes ou pensées sur un chemin qui nous menait aux plus grandes aspirations ? Je n’en veux pour preuve que tous ces hommes ou femmes de mon âge qui, à l’heure actuelle, ont taillé leur place jusque dans les plus hautes sphères de notre société.
Je ne vous ferai pas l’injure de citer des noms, ils vous viendront tout naturellement à l’esprit, et puis il y en a trop !  d’enseignants, d’édiles communaux, de commerçants, de gens occupant des places enviables et bien rémunérées, sans parler de tous ces camarades ouvriers qualifiés, dirigeants syndicaux ou autres, tous sortis de nos écoles publiques. Non ! Pas d’accord pour ce vilain mot de pouilleux, c’est vraiment trop facile, trop gratuit pour que l’on puisse l’admettre.
Il y a peu de temps j’ouvrais ma porte sur un coup de sonnette un peu timide ; quelle ne fut pas ma surprise, me trouvant nez à nez avec mon ancien instituteur de 6ème primaire ; Monsieur Constant Collard se trouvait devant moi me demandant un renseignement, à mes yeux il n’avait pas changé…toujours comme je l’avais connu il y a trente cinq ans, je ne pus cacher mon émotion et le priai d’entrer, il n’en avait que une minute disait-il. Une heure fut vite passée à ressasser nos souvenirs et ma plus grande joie fut de lui montrer que, grâce à lui, à eux, tous ces maîtres ou professeurs de l’école publique, ces petits garçons d’il y a trente ans, sont devenus d’honorables pères de famille ayant élevé leurs enfants avec le même esprit qui en font des hommes forts et conscients de leur avenir.
Je terminerai ici en demandant à tous les anciens de l’école communale que s’ils le désirent, l’occasion leur est donnée de se retrouver à nouveau et ce, en se rendant simplement au bal du printemps donné au profit des écoles publiques et qui aura lieu au théâtre communal de Binche le samedi 18 mai 1967

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