samedi 14 janvier 2017

La restauration de l'hôtel de ville en 1771


La restauration de l’hôtel de ville de Binche en 1771
                   Alain GRAUX
Théophile Lejeune, dans sa monumentale Histoire de la ville de Binche, situe la restauration de l’hôtel de ville en 1774. D'autres documents signalent la transformation du bâtiment en 1770. Nous avons voulu vérifier dans les archives disponibles la véracité de ces allégations et en savoir un peu plus sur les travaux réalisés à cette époque :

Le premier document connu à ce propos est celui-ci[1]:

« se représente qu'on vient d'examiner la mauvaise situation de l'hôtel de ville qui est très caduque et à la veille de s'écrouler par sa devanture et couverture.
Le bien public en soufriroit sans ressource, si elle venoit à périr, puisque c'est le dépôt de tous /es papiers et titres gui intéressent les habitans et qui par conséquent feroit naître de fortes difficultez si ces titres et papiers venoient à tomber sous les ruines et exposez à tout événement pour ne rien prétendre à soy. L'occasion vient de se présenter par le passage en cette ville du sieur Dewez architecte de la cour, qui a bien voulu en faire la visite depuis le bas jusqu'en haut et a effectivement trouvé que cette maison menaçoit ruine et que les réparations qu'on pouroit faire n'apporteront rien de solide si on ne commençoit pas à jeter bas la couverture et devanture et la remonter avec toute l'économie possible et à moins de fraix.  Qu'à cet effet il voudroit bien se presser et que même il en feroit un rapport au gouvernement, qu'il croit ne faire aucune difficultez d'autoriser le Magistrat de cette ville à faire ces ouvrages utiles et indispensables..."
Il faut se remémorer qu'à cette époque, ce qui était considéré comme hôtel de ville était la partie supérieure du bâtiment actuel, le bas étant réservé à la boucherie (halle des bouchers) et à la prison (pour les incarcérations de courte durée). Lors de l'assemblée du 29 mai 1771[2], le Magistrat de la ville décide :
"... et pour les réparations de l'hôtel de ville qu'il s'agisoit de faire visitte d'experts et arrêter le montant de ce que la réparation pouroit couter et de l'envoier au gouvernement qui pouroit autoriser de le faire sur fond d'amortissement."
Les responsables du gouvernement autorisent par décret à pouvoir commencer les travaux comme nous l'apprend l'audience du 1g juillet 1771[3] :
"On vient de recevoir un arrêt du conseil des finances en datte du 6 juillet 1771 par lequel il nous autorise de pouvoir emploier la somme de dix sept cens quarante trois livres pour la réparation de notre hôtel de ville... ». La somme allouée n'est pas prévue pour faire des travaux de grande envergure car elle est des plus juste, les édiles "se demandent de quelle façon on devra s'arranger et conclut que les maîtres d'ouvrages se dirigeront avec ta plus grande économie...".
Les travaux débutèrent aussitôt, ils sont connus par les comptes du massard Jean-Jacques Charlier pour l'année 1771[4] :
"Payé 1348 livres pour une partie des dépenses faites pour ta réparation de l'hôtel de ville en conformité de l'autorisation par décret du 6 juillet 1771, ensuitte de la visitte d'experts commencée en juillet 1771. Pour dépaver le grenier, démolir le haut de la façade, préparer la chaux et les hourdages et payer aux rnassons pour 12 journées de maîtres et 15 pattars de manœuvres                  451. 4s. 6d.
Pour ôter les cartouches de la tour et réparer les vuides, 121. 6s. 6d.
Pour démonter la façade, l'escouper et la coqque du pignon 6 ¼  j. de maître, 72 ½ de manœuvre, 149l.  0s. 9d.
Pour réparer le reste de la tour jusqu’au toit 5 ¼  j. de maître et 6 ¼  de manœuvres 18 1.7s. 9d.
Pour remonter la porte d'entrée en pierre de taille 5 ½ j. de maître et 19 ¼ j. de manœuvres, 241. 0s.6d.
Payé pour 9.100 briques à 7 l. le mil  63 1. 14s.
Payé pour 33 muids et 17 ½  de chaux,   50 l. 5s.
Payé à Charles Deneufbourg pour voiturer 7.200 briques, 10 1. 1s. 6d.
Audit pour transport de décombres, 20 l.
Payé à P. Puissant, tailleur de pierre, 96 journées à 17 pattars employées selon détail         163 l. 4s.
Payé audit pour 59 muids de pierres qui manquoient pour fermer les corniches en conformité des anciennes, 147 1.
Payé pour pierres venantes de Ch. Delmoitié  45 1.
Payé à C. Lebrun pour 1.000 litres de plâtre de Montmartre, compris les Voitures,  33 l.8s.
Charpentes et couvertures, fenêtres et portes du salon : payé à P. Ramboux, charpentier, 37 ½ jours de maîtres à 15 pattars et 79 d'apprentis à 6 pat. employés à hourder, étançonner à la charpente et au befroid,  671 l. 38 s.
Total : 864 1.9s. 6d.
Payé à Georges Godefroid et Massard pour 66 ½  de journées de maîtres à 15 pattars et 42 ½ de manœuvres à 8 pat. employés à démolir, à faire la couverture de l‘hôtel de ville; réparer celle du befroid, celle du quartier de derrière et celle de la maison voisine, délabrée par ta démolition, 133 l. 3s. 6d.
Payé à N. Caudron pour 10.200 ardoises, 1731. 8s.
Payé à A. Lebrun pour le bois de hourdage de la charpente et la couverture, de châssis et fenêtres de salon et à la veuve Debièvre pour cloux, fers et 22 feuilles de blanc fers pour la garniture, 149 l. 14s.
A elle pour plomb à la gouttière, 129 1. 0s. 6d.
Payé à P. Canivet, ferronnier, pour ouvrages détaillés à l'état, 86 1. 6s.
Payé à Emmanuel Leheu, vitrier,  38 l.10s.
Payé à C. Sibille pour boissons livrées aux ouvriers,  64 l. 8s.
Total : 2.056 l. 76s. 6d.

Au cours du travail les maîtres d'ouvrages constatent des déficiences à la base du bâtiment ; on doit donc pourvoir à des travaux non prévus initialement :
« Les trois arcades qui formoient  les portes de la boucherie, le corps de garde, ayant été reconnues sans fondations et la fondation du reste en mauvais état. Ayant observé au surplus que la façade étoit hors de plomb de 5 pouces et de 6 en quelques endroits au coin de ta boucherie et que te poids étoit augmenté proportionnellement à l’augmentation de la hauteur. Il a été d'une nécessité absolue de rempiéter la muraille, de remplir le vuide des arcades en massonnerie de façon à former un appui solide au reste du bâtiment, d'y faire des portes ce qui conduit au changement des prisons, à un vestibule et par conséquent les dépenses imprévues lors de la première visitte ont suivi nécessairement I' autorisation. ».
Payé aux massons pour 19 ½ j. à 15 pat. et 25 ¼  à 14 pat. et pour 28 ½ de manœuvres à 6 pat. et 33 ¼  à 7 pat. :  46 l. 19s.
Payé pour 14.400 briques à 7 l. le 1.000 :100 l. 16s.
Payé pour 29 muids de chaux,43 l. 10s
Payé à P. Puissant tailleur de pierre pour 25 ½  journées à 17 pattars, 43 l. 15s.
Audit pour viglennes à paver le vestibule et seuils,  120 l. 18s.
Payé à P. Ramboux, charpentier pour les châssis des portes, l'escalier et les portes des prisons,  61 l. 14s. 6d.
Payé à A. Lebrun pour bois scié, 67 l. 2s.
Payé à ...Notau pour couleur à l'huile et le temps employé,  175 l. 18s. 6d.
Payé à ...Gallez, cabaretier pour boissons livrées aux ouvriers, 18 l. 0s. 6d.
Récapitulation : les ouvrages pour lesquels il n'étoit pas requis d'autorisation du gouvernement : ...la somme de 908 livres ; les ouvrages fait en conséquence d'autorisation du gouvernement, y compris la partie pour mémoire ...1a somme de 2.090 livres 13 sols 6 deniers.

En guise de conclusion nous constatons que la restauration de l'hôtel de ville qui est généralement présentée comme l'œuvre de l'architecte Dewez n'est pas tout à fait de sa main. Sur un avis qu'il donna en septembre 1770, un groupe d'experts fut désigné en mai 1771. Les travaux de restauration de la partie haute du bâtiment et du beffroi furent entrepris sur base de leurs constatations. Au cours de ces travaux la partie basse de l'édifice dut être transformée à son tour donnant à l'hôtel de ville l'allure néo-classique qu'elle connut jusqu'en 1896.



[1] A.V.B. 00-00-01-36, registre d'audiences, p.43 v°-44r°
[2] A.V.B. 00-00-01-36, registre d'audiences, p, 77 v°.
[3] A.V.B.  00-00-01.36, registre d'audiences, p. 89 v°.
[4] A.V.B. 00.01.00.199, Comptes de Massarderie.

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