lundi 16 janvier 2017

Le chaufournage à Battignies


UNE ACTIVITE ECONOMIQUE DE BATTIGNIES : LE CHAUFOURNAGE
                                                                                                                                      Alain GRAUX

obtenue à partir de la calcination de roches calcaires plus ou moins pures, la chaux est utilisée dans la composition des mortiers comme dans celle des enduits et stucs.
Binche connut dès sa création un développement de l’activité des chaufourniers
Les masses énormes de chaux nécessaires à l’édification des remparts de la ville ou des bâtiments tel que le château comtal ou le moustier Sainte-Marie sont de fabrication locales. Les comptes rendus par les receveurs du Domaine de Binche témoignent des nombreux « chaufours » qui servirent à édifier  les bâtiments publics et privés de la ville, les chaufourniers leur devaient une redevance :
« du droict qui se prend et livre sur chacun caulfour que l’on allume à Binch et leanthour de laditte ville qui est de vingt solz blancs par an chacune année… »[1].
En 1723 le compte du Domaine signale que les chaufours de la ville ont été ruinés par les guerres et ne travaillent plus[2].
L’extraction de la marne et son exploitation se faisait principalement dans le village de Battignies situé à proximité des murs de la ville de Binche.
Le village est essentiellement de type rural, néanmoins la nature du sol étant fort crayeuse et sablonneuse à certains endroits on exploita très tôt des fours à chaux.
Ceux-ci se situaient principalement à proximité de la rue de Péronnes (rue de la Princesse) et de la Chaussée Brunehault, et de l’ancien chemin du Roeulx (rue du Cœur Dollent)
Les Binchois appellent ces endroits « les « Caufours » ou encore «Au chaux crotté». On extrayait la chaux de façon  intensive à partir du XIXe siècle.
Philippe Vandermaelen cite deux fours à chaux vers 1830.
L’Almanach du Commerce et de l’Industrie de 1861 à 1870, cite les chaufourniers  A(drien). Delval ; Outlet Ad(rien). et Aug(uste). Celui de 1873 ne cite plus André Delval[3].
Le recensement industriel de 1880 renseigne une exploitation qui outre l’exploitant, emploie trois apprentis.
Il s’y extrait 2.400 m³ pour un chiffre d’affaire de 9.600 Fr.[4].
Le recensement du 31 décembre 1910 énonce que la seule exploitation et extraction de chaux existante emploie 10 ouvriers (Delsame).
On peut encore voir les immenses falaises crayeuses formées dans ces carrières.

LISTE ONOMASTIQUE DES CHAUFOURNIERS[5]

BERTHEMELZ
Les comptes de 1509-1510 citent :
« Jehan de Berthemelz pour l’allumaige de son caufour… »[6]

BLAIRON
Le four à chaux d’Alexandre Blairon était situé rue de Péronnes. Il l’exploitait vers 1842[7].
Le 3 octobre 1851, Marie-Joseph Voituron, veuve d’Alexandre Blairon, loue par bail de 9 ans, passé devant le notaire Fontaine, à André Delval et Joseph Docquier, un terrain de 42a 74ca, sis à Battignies sur lequel se trouve construit un four à chaux, tenant à la veuve Degueldre, à la venderesse, au chemin (chaussée Brunehault) et à Adrien Outelet, au fermage de 150 Fr., l’an[8].

BOUGENEOT
De 1542 à 1545 on cite :
« De Jacquemart Bougeneot, caufournier au lieu de ermelz du Trielz, pour l’allumaige de son caufour, doit payer chacun an au terme Sainct-Rémy, XX solz tournois … »[9].

BUSQUIN
Gustave Outelet, employé à Charleroi, baille pour 3/6/9 ans à partir du 1er août 1897, à Georges Busquin, demeurant rue de Mons à Binche « deux fours à chaux sis à Battignies, avec le terrain tenant à Paris-Debeck, de Sebille, le comte Dillon et Debagenieux, comprenant ensemble 70 ares.
Le preneur s’oblige  « à exploiter convenablement et extraire la marne jusqu’à la terre grise et de niveler le terrain pendant le même temps et de le rendre à la fin du bail en bon état locatif, c'est-à-dire pouvant être cultivé »
Ce bail est conclu moyennant le prix de 25 cts le m³ de chaux extrait[10].
La liste électorale de 1914 renseigne :
Joseph Busquin, chaufournier, demeurant 27, rue de l’abattoir, à Binche[11].

CAUDRON
Le four à chaux de Léopold Caudron est cité le 11 février 1875[12].

CIPLY/BOUGOIGNE
De 1495 à 1545, on cite Jehan Ciply :
« De Jehan Bourgoigne, caufournier, au lieu de Jehan Ciply pour l’allumaige de son caufour dessoub la Justice de Binch, dont l’on paye au terme Saint-Rémy XX solz tournois… »[13]

DE BINS
De 1499 à 1505, on cite :
« Jehan de Bins pour ottel et allumaige de son caufour lez la Noeve porte… »[14] (Porte de Bruxelles à Battignies)

DELSAME
Un fait divers nous fait connaître un four à chaux de Binche :
« Un gamin de 8 ans, fils de M. Bury, demeurant rue de la Gendarmerie, faisait monter un cerf-volant, tirant la ficelle, et comme toujours il avait les yeux fixés sur le cerf-volant, ne songeant pas où il portait ses pas.
Tout à coup, le pauvre petit arrivé près du four à chaux Delsame mit le pied dans le vide et tomba d’une hauteur considérable. Quand on le releva il était gravement blessé, il succomba le soir à ses blessures »[15]
Rodolphe Delsame[16] dirigeait avant 1928 une entreprise de chaufournage dont le siège et les bureaux se situaient rue de Péronnes (actuelle rue de la Princesse)
La chaux était vendue pour les aciéries, les agriculteurs et les maçons[17]. L’expédition était faite par le chemin de fer sous wagons bâchés.
Pendant la guerre 1914-1918, Rodolphe Delsame est le seul propriétaire de fours à chaux. Il en possède trois. L’un est en état de marche et les deux autres sont à l’arrêt. Le four en marche peut produire jusqu’à 50 tonnes de chaux par semaine. La chaux vive intéresse les Allemands, elle permet la désinfectation des champs de bataille et est utilisée pour les exhumations
Le 11 décembre 1928, Fernand Paris, ingénieur demeurant à Binche, 22 place Eugène Derbaix, demande l’autorisation de continuer l’exploitation  des fours à chaux Delsame, sis au Champ de la Justice, rue de Péronnes. L’autorisation est accordée.
Le papier entête de la firme indique « fours à chaux R. Delsame. Direction R. Delsame, 17 rue d’Hurtebise. Administration E. Paris, successeur. »

DELVAL-DOCQUIER
André Delval, cabaretier à Binche et Joseph Docquier, clerc de notaire exploitaient un four à chaux situé  Chaussée Brunehault. Ils l’achetèrent à la veuve Blairon.
Ils démolirent ce four à chaux et en reconstruisirent un autre en 1857[18].
Leur exploitation est reprise au plan Popp sous les cotes A.114a, terre ; A.114c, four à chaux.

DU TRILZ
De 1539 à 1543 on lit :
« Ermiel du Trilz, caufournier, pour l’allumage de son caufour… » [19]

FRONGNU
En 1559-1560 on cite : « A Jehan le Frongnu caufournier, pour avoir fourni 13 muids de chaulz pour refaire le pont Saint-Pol… ».
Il fournit aussi la chaux nécessaire à la restauration du moulin Saint-Jacques[20]
En 1572-1573, il livre de la chaux pour les réparations de la halle[21]

DU GARD
« …quant est de Jehan du Gard, caufournier, pour l’alumaige de son caufour, doit XX sols au terme Saint-Rémy… »[22]

HUBANT
Une enquête commodo-incommodo du 2 octobre 1861 nous apprend que l’ingénieur Hubant de Houdeng-Goegnies sollicita l’établissement d’une carrière de calcaire et de deux fours à chaux dans la parcelle cadastrée A. 25 au faubourg Saint-Jacques, à la limite de Waudrez.
Il y fut autorisé le 28 octobre 1861.

MAGRECHOY
Le compte de 1495 du Domaine de Binche signale que le chaufour de Jehan Magrechoy est en ruine[23]

OUTELET
Au XIXe siècle, ce fut principalement la famille Outelet qui travailla en chaufournage.
Elle possédait les fours à chaux de la rue de Péronnes ainsi que celui se situant près de la rue du Moulin Blanc[24].
Jean-Baptiste Outelet est le premier marchand chaufournier de la lignée que l’on rencontre à Battignies. Il quatre enfants de son épouse Marie-Joseph Lecat[25].il possédait également un atelier de tailleur de pierre à Binche cadastré B.669h, de 80 ca.
Adrien Outelet[26], est cité chaufournier en 1845. Sur le plan Popp, vers 1860, sa veuve et ses enfants, Augustin, Adolphe  et François et Henriette, possédaient par indivis le four à chaux cadastré A.119bis et les terres environnantes.
Augustin Outelet [27] cultivateur et fabricant de chaux, demeurant à la ferme du Cœur Dollent, possédait un four à chaux cadastré A.151b, faisant 2a 30ca (Plan Popp)
Thomas et Adolphe Outelet, fabricants de chaux à Battignies, héritiers d’Adrien Outelet leur père, et François Lefrancq, marbrier à Binche créent (verbalement) une société dont l’objet est la vente de chaux, de pierres et de marbres. Par acte passé devant le notaire Fontaine, le 4 janvier 1871, ils dissolvent cette société[28].
Le 7 décembre 1873, Thérèse-Maximilienne Brichot[29], veuve Adolphe Outelet, est citée marchande de chaux à Battignies[30].
Le 8-12-1874, eut lieu une location publique à la requête de Gustave, Julia et Adolphe-François Outelet, enfants mineurs d’Adolphe-Virgile Outelet et Thérèse Brichot, décédés, d’une maison récemment reconstruite, avec grange, écuries, étables, jardin, four à chaux et dépendances, faisant 1ha 7a 44ca, tenant à Paris, lieu-dit Champ de la Justice, formant la moitié d’une pièce cadastrée A.155a.
Elle fut adjugée au fermage de 3000 Fr. à Auguste Chevalier-Deneufbourg, négociant, et Gustave Labrique, menuisiers, tous deux de Binche[31].
Le 11 février 1875, à la requête des mêmes, on vend une terre avec four à chaux, sise à Battignies, cadastrée A.129, tenant à la ruelle du Moulin Blanc, et au four à chaux Léopold Caudron. Le bien est acquis le 14 avril 1869, pour 6000 Fr. par Alexandre Outelet et Rose-Caroline Brichot, son épouse, négociants en chaux à Binche.
Ils vendirent en outre une autre terre, qui elle, fut acquise par François-Augustin Outelet et Joséphine Plétinckx, son épouse, négociants en chaux à Battignies[32].
En 1877, on trouve une association entre François Outelet-Plétinckx et Adolphe Outelet, fabricant de chaux à Harmignies[33].
Vers 1880, la seule entreprise travaillant encore la chaux appartient à la famille Outelet, soit qu’elle y travaille elle-même ou la passe en location.
Le recensement  de cette année cite 1 chaufour, deux exploitants et trois ouvriers, produisant 2.400 m³ de chaux pour un chiffre d’affaire de 9.600 Fr.


[1] A.G.R. – C.C. 8919. Domaine de Binche.
[2] A.G.R. – C.C. 9035. Domaine de Binche.
[3] TARLIER H. Almanach du Commerce et de l’Industrie, Bruxelles 1861, p.71 ; 1868, p.74, 1870, p.86 ; 1873, p.87.
[4] Recensement du Commerce et de l’Industrie, Bruxelles du 31-12-1910, Bruxelles 1910, vol 11, p.763
[5] Liste non exhaustive.
[6] A.G.R. – C.C. 8870.
[7] A. GRAUX, Contribution à l’histoire de Battignies, Binche, 1988, p. 23.
[8] A.É.M. Enregistrement, A .C.P. 105.
[9] A.G.R. – C.C. 8902 à 8904.
[10] A.É.M. Enregistrement A .S.S.P. 105.
[11] Busquin Joseph, ° Binche 30-10-1865, x Binche 20-4-1897, Querriaux Clémentine (A.V.B. 4281)
[12] A.É.M. Enregistrement  A .C.P. 173.
[13] A.G.R. – C.C. 8856 à 8904.
[14] A.G.R. – C.C. 8860 à 8866.
[15] Journal « La Constitution » n°33, 14 août 1892.
[16] Delsame Rodolphe, ° Buvrinnes 26-1-1862, y x 20-4-1892, André Charlotte, ° Jumet 16-9-1857.
[17] A.V.B01-04-09-639
[18] A.V.B. 02-02-08-1, croquis d’arpentage, mutations cadastrales (1845-1858).
[19] A.G.R. – C.C. 8899 à 8900.
[20] A.G.R. – C.C. 8919
[21] A.G.R. – C.C. 8830, 8931.
[22] A.G.R. – C.C. 8904
[23] A.G.R. – C.C. 8856
[24] Plan Popp de Battignies, parcelles 115a, 115b, 118a, 151b.
[25] Acte de partage du 8-3-1843, aimablement prêté par Mme Leduc, que je remercie vivement.
[26] Outelet Adrien, ° Haine-Saint-Pierre 20-12-1796, † Battignies 23-8-1855, x Battignies 29-11-1827, Paris Marie-Anne, ° Morlanwelz 3-9-1798, † Battignies 15-3-1870.
[27] Outelet Augustin-Jean-Baptiste, ° Battignies 17-10-1809, x Leval Trahegnies 30-3-1842, Dubois Lucie, ° Leval 19-11-1814
[28] A.É.M. Enregistrement. Binche A.C.P. 169
[29] Brichot Marie-Thérèse-Maximilienne,  ° Binche 5-4-1838, † Battignies 21-10-1874, x Outelet Adolphe-Virgile, ° Battignies 15-11-1834
[30] A.É.M. Enregistrement. Binche A.C.P. 159
[31] A.É.M. Enregistrement. Binche A.C.P. 173
[32] A.É.M. Enregistrement. Binche A.C.P. 173
[33] A.É.M. Enregistrement. Binche A.C.P. 181

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