mercredi 4 janvier 2017

teintureries et blanchisseries binchoises


LES TEINTURERIES ET BLANCHISSERIES BINCHOISES

                                                                                                                                          Alain GRAUX



La teinturerie ne fut jamais importante dans la ville. On signale çà et là quelques mentions de teinturiers liés au développement de la draperie.

Le recensement de l’an IV (1795) renseigne trois manufacturiers (probablement des teinturiers), trois blanchisseurs de toiles et deux lavandières[1].

La blanchisserie de toiles n’est apparue que très tardivement dans les industries binchoises, probablement avec l’essor des savonneries. Les archives sont très souvent discrètes sur cette activité, nous ne pouvons retirer que de faibles traces dans des documents épars et lacunaires.

On sait qu’en 1817 les blanchisseries  de Binche s’étendaient sur 1ha 69a 50ca[2]. Du cours. Elles sont situées le long de la rivière la Samme : au faubourgs Saint-paul, Saint-Jacques et de Million. A Battignies, rue des Pastures.

Vers 1830, une teinturerie est signalée et le recensement de 1848 en renseigne deux ainsi que deux blanchisseries de toiles[3].

L’Almanach du commerce renseigne en 1857 et 1861 deux blanchisseuses : la veuve dessart et la veuve Huart. En 1867, 1868 et 1870 : A. Maréchal et B. Stalon.

En 1873 : Marlier N. et Havelette L.[4]

En 1867 le plan et matrice Popp renseigne les blanchisseries comme étant de la classe 1, évaluées 114 F. par hectare. Elles s’étendent alors à Binche sur 1ha 87a 2ca. Leur superficie n’a que très peu changé par rapport au début du siècle.

La blanchisserie de Battignies s’étand alors sur 72a 70ca.

En 1896 on compte sept blanchisseries de linge (ateliers de lessivage, lessivage et repassage, blanchissage à neuf) employant 4 hommes et 6 femmes et qui occupent 5 ouvrières[5].

Le métier de blanchisseur évolua très rapidement après 1914 grâce aux progrès de la technique dus à l’invention de machines à laver le linge. Progressivement celles-ci passeront de la traction manuelle à la traction électrique. Il ne sera plus nécessaire d’étendre le linge sur des curoirs. Tout le travail se fera dans des boutiques de teinturiers blanchisseurs.

En 1964 l’usine « Servibel » installée sur l’ancien site de la verrerie s’occupera du nettoyage des vêtements de travail pour les usines de Binche et des environs.

Actuellement il n’y a plus que des petites teintureries-blanchisseries dans la ville.



LA BLANCHISSERIE DU FAUBOURG SAINT-PAUL

Tous les vieux Binchois connaissent l’endroit nommé « el Blanchirie », il est cadastré A. 1a.

Sous le Régime français le recensement de l’an IV (1795)[6] renseigne les blanchisseurs Huart-Pêtre[7], ayant alors 64 et 62 ans

Leurs fils André[8] et Ursmer[9] leurs succèdent.

On connaît les nombreux litiges entre le brasseur André Pourbaix et la veuve Ursmer Huart :

En 1848, lors d’une enquête commodo-incommodo concernant l’installation d’une machine à vapeur, cette dernière s’opposa vivement à cette initiative. Elle craignait qu’en temps de sécheresse, les eaux de la rivière la Samme dont elle se servait pour les besoins de son établissement, ne deviennent  insuffisantes suite à l’usage que pourrait en faire André Pourbaix pour l’alimentation de sa chaudière et que les retombées  de la cheminée  ne ternissent les linges étendus sur le curoir[10].

Vers 1867, la blanchisserie appartenait à Isidore Dervergnies, greffier du tribunal, et à sa sœur Elise Devergnies, négociante. La prairie a une étendue de 55a 72ca.

Une carte postale de 1900 nous montre la blanchisserie et une partie du « curwa 
Le 11 mai 1932, Louis Houssière[11] est cité blanchisseur et maçon au faubourg Saint-Paul

                                      A l’avant plan, la blanchisserie du faubourg Saint-Paul





LA BLANCHISSERIE DU FAUBOURG SAINT-JACQUES

Cette blanchisserie se situait au lieu-dit « Pad’sous l’ville », le long du chemin des Boulevards.

Le recensement de 1795 nous fait connaître les noms des blanchisseurs : Ursmer-Joseph Carlier[12], 25 ans, arrivé à Binche en 1794, et son épouse Philippine Cambier Leur fils Nicolas Carlier[13] continua l’activité avec son épouse[14].

Cette blanchisserie appartenait à Ursmer Massard (1813-1853), propriétaire, bourgmestre de Battignies, et à son épouse Stéphanie-Emérante Lecocq.

Le 20 mai 1870, cette dernière, veuve Massard, loue par bail de 3/6/9 ans à partir du 1er juin 1870, à Emile Havelette, corroyeur, et à son épouse Caroline Dessart, blanchisseuse :

«  Une blanchisserie sise à Binche de 83a 34ca avec jardins et fossés, cadastré A. 241, 242, 243, 244, au prix de 860 Fr. l’an[15].

La blanchisserie appartient ensuite à sa fille, Delphine Massard et à son époux Victor Pennart. Bien que celui-ci soit qualifié de blanchisseur dans un acte de 1890, il n’en est que propriétaire car en fait il est maître de carrière à Feluy, bourgmestre de ce village de 1863 à 1866, Représentant de l’arrondissement de Soignies  de 1877 à 1884, administrateur de la sucrerie de Feluy et administrateur du Comptoir d’escompte de La Louvière jusqu’à sa mort survenue le 25 avril 1903[16].

Le 1er décembre 1893, les époux Pennart-Massard exigent par l’exploit de l’huissier Florent Gaillard, qu’Arthur Sebille, propriétaire du moulin Saint-Jacques, remette en état le « faux rieu » de la rivière la Samme, car une servitude d’eau existait depuis toujours et le mauvais entretien des lieux bouchait le ruisseau entravant le bon fonctionnement de la blanchisserie.

La Ville de Binche racheta ce bief, mais ne résolut pas le problème de stagnation des eaux[17].

Jouxtant la blanchisserie massard, une autre parcelle servant de blanchisserie appartenait à Louis Legendre-Ghislain, propriétaire. Ce curoir était cadastré A. 233, il s’étendait sur 45a 30ca.



BLANCHISSERIE DU FAUBOURG DE MILLION

Cette blanchisserie était située à proximité de la route de Mons et longeant la rivière la Samme, lieu-dit « rivière à k’vaux » derrière l’ancienne tannerie Coppée.

Le recensement de 1795 renseigne Antoine Goffaux, blanchisseur de 68 ans.

Le curoir est cadastré A. 2601.

De 1864 à 1870 ; les almanachs du commerce renseignent que la blanchisserie appartenait à Albert Maréchal, blanchisseur.

Vers 1900, c’est la famille Liem qui en est propriétaire. Les cartes postales de cette époque nous montrent qu’on étendait le linge sur les berges du bief Tiberghien

En 1914, le blanchisseur Gustave Fleurus[18] tenait cette blanchisserie



 LA BLANCHISSERIE DE LA RUE DES PASTURES

La blanchisserie sise à Battignies rue des Pastures est cadastrée A.170, 171, 173. Elle s’étend sur 72a 70ca[19].

Cette blanchisserie dut subir les inondations en 1816 et en 1839 « la fonte des neiges de l’hiver dernier et pendant les pluies, cette rivière (la Samme) sortit de son lit par deux fois et inonda une partie des campagnes, quelques prairies, et spécialement  la blanchisserie de Battignies occupée par le Sr Adrien Delhalle. Les caves de la maison de celui-ci furent les deux fois remplies d’eau, chose qui n’avait pas eu lieu en 1816 »[20].

Le 19 juin 1823, N. Navir vendit cette blanchisserie par acte passé devant le notaire Sebille, à Fidèle-Amand Pourbaix, brasseur à Binche et à son épouse Marie-Philippe Bury.

Lors du partage effectué le 24 avril 1851, par les héritiers Pourbaix, ils revendirent la blanchisserie à Ursmer Massard, bourgmestre de Battignies. Elle est alors occupée par Henri Legendre[21].

Le plan et matrice Popp de Battignies, la citent appartenant à la veuve Massard et enfants.

En 1914, le blanchisseur locataire était Maximilien Choquet-Carlier[22]

Le 6 février  1920, le propriétaire, Max Pennart, demeurant à Ixelles, loue à Adolphe Sebille, colporteur à Binche, la propriété dite la « Blanchisserie de Battignies » section A. 171a et 173, d’une étendue de 53 ares, pour 11.000 Fr. l’an.[23].



LES BLANCHISSERIES INDUSTRIELLES



COLLING

Le 26 février 1918, Albert Colling demande l’autorisation d’établir à Binche, 6 rue d’Hurtebise, un atelier de blanchisseur, dégraisseur, avec dépôt de naphte de 100 litres. La demande fut acceptée.

Le 13 décembre 1926, l’atelier Colling demande l’autorisation d’installer un moteur électrique d’1 ½ HP dans ses ateliers.



SECRET

Albert Secret[24], teinturier, demande le 26 novembre 1926, l’autorisation d’installer, 27 rue de Mons, un atelier de teinturerie et un atelier de dégraissage comprenant une douche à feu nu et une essoreuse à la main[25]. Il y fut autorisé le 23 avril 1927.

Le 1er novembre 1927, il sollicite l’autorisation d’établir une chaudière à vapeur ayant 5m² de surface de chauffe[26].

En août 1929, il est autorisé à installer un moteur électrique de 3 CV dans son atelier[27]

Il déclare employer en 1949, 24 ouvriers[28].

Son fils Henri-Gustave[29] lui succèda.

En 1955, Jean Wuidart, confectionneur, 12 rue Neuve, porte plainte contre les établissements secret, car les fines cendrées provenant de cette usine l’incommodent dans l’exercice de sa profession. Henri Secret déclare qu’il va remonter la cheminée de son usine mais que le charbon qu’il brûle est conforme aux prescriptions établies lors de l’enquête commodo-incommodo[30].



SERVIBEL

La société anonyme « Société belge de service aux entreprises industrielles » en abrégé « Servibel » fut créée devant le notaire  Lejeune le 3 juin 1964. Elle a pour buts la vente, le nettoyage et la location de vêtements industriels.

Son capital social est de 500.000 Fr.

Ses administrateurs sont :

- Henri Van Hoey, représentant de commerce à Mechelen, président du conseil

- Le comte Fernand de Villegas, industriel, de Jette

- Gustave Jacobs, industriel, d’Elewijt

- Paul Ardouille, négociant à Mechelen

- Marcel Lejeune, notaire honoraire, de Woluwé-Saint-Lambert

- Georges Tordoir, ingénieur chimiste, de Mont-Sainte-Geneviève, directeur

- André Huberland, licencié en sciences commerciales, de Rijmenam[31]

Le 2 octobre 1964, Georges Tordoir demande l’autorisation de pouvoir établir une blanchisserie industrielle, 2 rue de la Samme. La Députation permanente du Hainaut autorisa cet établissement le 9 avril 1965.

L’entreprise située dans le zoning « Samme-Prisches » (ancienne verrerie) a été financée par l’intercommunale IDEA à concurrence de 5 millions garantis par la Ville de Binche.

L’usine comprenait lors de son établissement :

- quatre machines à nettoyer au solvant chloré, mues par 17 moteurs électriques d’une puissance totale de 69,5 CV.

- une machine lessiveuse-essoreuse à l’eau, actionnée par deux moteurs électriques de 1 ½ CV et 5 CV

- un récupérateur de solvant actionné par un moteur électrique de 4,25 CV

- deux compresseurs d’air mus par des moteurs de 5,5 KW

- différentes pompes

- un dépôt de 10.000 litres de tri-perchoréthylène en  réservoir enfoui

- divers dépôts de fuel

- une chaudière haute pression de 12 kg et 30my de surface de chauffe[32].



Le 19 avril 1971, la S.A. Servibel adresse au gouverneur du Hainaut une demande afin d’installer une chaudière H.P. timbrée 12kg./cm et 50m² de surface de chauffe. Lors de l’enquête commodo-incommodo, les habitants de la rue de la Samme s’opposèrent à cette instllation car ils se plaignirent des retombées d’eau sur leurs façades, d’odeurs intempestives de chlore et de mazout, ils craignaient une augmentation de ces inconvénients.

Néanmoins l’installation de cette chaudière fut autorisée le 31 août 1971[33].

On nettoyait dans l’établissement les vêtements de travail des usines des environs jusqu’en 1977.

La société fut achetée par la firme anglaise Stetchley.



MEWA-SERVIBEL

En 1978, l’usine fut absorbée par la firme allemande MEWA, fondée en 1908. Cette firme de location et vente de vêtements de travail (entretien et réparation), de tapis anti-poussières, de tapis-brosses, etc.

C’est sous la dénomination Mewa-Servibel que l’usine de Binche assure la mise à disposition, le ramassage et l’entretien de vêtements de travail pour les usines métalliques, mécaniques, bureaux techniques ou services administratifs.

60 personnes étaient employées dans l’usine en 1987[34]

Les locaux situés près de la gare étaient devenus trop exigus. En 2003, le groupe allemand Mewa fit construire un nouveau site de quelque 8.000 m² pour sa filiale Servibel sur le zoning de Bray-Péronnes à Binche. La première pierre du nouveau bâtiment a été posée le 14 juin 2003. Il s'agit d'un investissement de 15,3 millions d'euros, avec à la clé 230 emplois. Cet investissement a été rendu possible grâce aux aides de l'Objectif 1 Hainaut. La Région wallonne a elle-même a débloqué en novembre dernier une aide financière correspondant à 25,55% du montant global pour permettre l'extension de Mewa Servibel à Bray-Péronnes[35].





[1] A.V.B. 2723.
[2] T. LEJEUNE, Histoire de la ville de Binche, p.10.
[3] Recensement industriel du 15 octobre 1848.
[4] H. TARLIER, Almanach du commerce et de l’industrie, 1857, p.45 ; 1861, p.64 ; 1867, p. 87 ; 1858, p. 86, 1870, p.101 et 1873, p.103.
[5] Recensement industriel du 31 décembre 1896.
[6] A.V.B. 2723
[7] Huart Jean-Antoine-Joseph dit Antoine, ° Binche 16-7-1732, y † 17 pluviôse an XIII (6-2-1805), x Pêtre Marie-Françoise, blanchisseuse, ° Ecaussinnes-Saint-Remi 1733, † 2-6-1808, blanchisseuse de toiles
[8] Huart André-Joseph, ° Binche 4-2-1764,  blanchisseur (1799), marchand mercier. X Binche 10 thermidor an VIII (29-7-1800), Despature  Amélie, ° Binche 11-8-1774.
[9] Huart Ursmer-Joseph, ° Binche 21-10-1771, y † 3-7-1856, marchand blanchisseur, propriétaire, X Binche 9 prairial an VI (28-5-1798), Debaise Marie-Thérèse Françoise-Joseph, ° Binche 26-5-1774, couturière,
[10] A.V.B. 01-04-09-968.
[11] Houssière Louis, ° Binche  27-3-1869, x Binche 2-6-1895, Derave Marie-Louise, ° Binche 21-2-1873, cordonnière
[12] Carlier Ursmer-Joseph, ° Waudrez 10-12-1773, blanchisseur, ménager, X Binche 17-2-1795, Cambier Marie-Philippine
[13] Carlier Nicolas, ° Binche 27-9-1832, x Binche 20-1-1875, Lebrun Joséphine, ° 1839env., repasseuse.
[14] A.E.M. Enr. A.S.S.P., registre 35.
[15] A.E.M. Enr. A.S.S.P., registre 158.
[16] A. GRAUX, La famille Pennart (1637-1964), dans Bulletin S.R.H.F.E.S., n° 4, 1995, pp. 15-21.
[17] M. ANTOINE, Les industries binchoises, s.d., p.33.
[18] Fleurus Gustave, ° Binche 12-7-1861, x Binche 12-1-1880, Louise Choquet, ° Binche 18-2-1860, repasseuse, fille de Maximilien, blanchisseur de la rue des Pastures
[19] Plan Popp de Battignies.

[20] A.V.B. 01-10-03-4. Lettre du bourgmestre de Battignies, Ursmer Massard au gouverneur du Hainaut, datée du 13 avril 1839.
Voir A. GRAUX, Binche et l’industrie du cuir, dans les Cahiers Binchois, n° 11, 1993, p.19.
[21] A.E.M. Enr. A.C.P. Reg. 103.
[22] Choquet Maximilien, ° Binche 1-10-1833, x Binche 22-9-1859, Carlier Désirée, ° Binche 21-11-1838, y †, blanchisseuse, repasseuse
[23] A.E.M. Enr. A.S.S.P. Reg. 71.
[24] Secret Albert, ° Binche 21-4-1899, x Houdeng-Goegnies 25-2-1920, Tailler Bertha
[25] A.V.B. 01-04-09-704.
[26] A.V.B. 01-04-09-937.
[27] A.V.B. 01-02-11-43.
[28] A.V.B. 01-04-09-705.
[29] Secret Henri-Gustave, ° Binche 5-11-1925, x Mons 25-7-1951, Koks Francine, ° Mons 28-6-1930.
[30] A.V.B. 01-04-09-938.
[31] A.V.B. 01-04-09-937.
[32] M.B.  1795. 10/1973
[33] A.V.B. 01-04-09-85.
[34] M. LORGE, Enquêtes sur l’histoire économique du Centre. Exploitation des renseignements et matériaux récoltés au cours des enquêtes  menées par le Musée de Mariemont en 1942 et 1987, I.P.S.M.A., Marcinelle, 1987.
[35] Entreprises Mewa-Servibel à Binche, 230 emplois prévus, article paru dans « La Dernière Heure », 15-6-2003.

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