mardi 17 janvier 2017

Les savonneries binchoises


LES SAVONNERIES BINCHOISES
                                                                                                                                         Alain GRAUX
HISTORIQUE
L’histoire du savon est très ancienne. Les Gaulois furent les premiers à connaître les savons et à procéder empiriquement à la saponification. Les Romains ignoraient to talement le savon. Pline nous apprend qu’ils furent les premiers utilisateurs des savons gaulois mais ne tentèrent  pas de les imiter ; il fallut attendre le début du XIXe siècle pour que le chimiste français Eugène Chevreuil (1786-1889) décrive le phénomène de saponification : d’une part, une phase hydrosoluble dite « principe doux des huiles » et d’autre part une phase lipidique constituée par les acides issus des matières premières si l’apport d’alcali est faible[1].
                  Une savonnerie au XVIIIe s., extrait de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert
Le savon est donc le produit contenu par l’action d’un alcali sur un corps gras, combinaison des acides qui contiennent le suif, les graisses et huiles végétales, avec une base, soit la soude pour les savons durs ou le potasse pour les savons mous. La saponification se fait à chaud elle donne une masse qu’on n’a plus qu’à couler en moules.
L’industrie de la savonnerie ne s’implanta à Binche qu’à la fin du Régime français.
En 1833, le dictionnaire Vandermaelen[2] signale qu’il existe trois savonneries dans la ville.
Le recensement des commerces et de l’industrie de 1880 montre qu’il y a à Binche  deux usines de savon mou occupant 5 ouvriers pour un chiffre d’affaires global de 495.000 Fr.

LA SAVONNERIE SCHMIDT
Le premier industriel dans cette branche fut Pierre Schmidt. Il épousa une Binchoise N. Froignu et s’installa route de Charleroi. En 1824, il installe une machine à vapeur dans son usine, nous sommes alors sous le Régime hollandais. Il continuera régulièrement à montrer les produits de sa fabrication.
En 1825, il présente ses produits  à l’exposition  des produits de l’industrie nationale à Harlem, c’est-à-dire quatre caisses de savons blancs à l’huile d’olive  et au suif et une caisse de sous-carbonate de soude. Il obtint une médaille d’honneur[3]
Le 7 juin 1847, il demande l’autorisation, au bourgmestre de Binche, de pouvoir exposer ses savons blancs et marbrés[4].
En 1850, la savonnerie Schmidt subit de graves dégâts par suite d’inondations provoquées par le barrage établi sur la Samme par le tanneur Gaillez, de Battignies. Pierre Schmidt se plaint que depuis 1842 « il a perdu plus de huit mille francs d’huile, potasse, et autres marchandises vu les inondations répétées »[5].
A son décès son épouse continuera les activités jusqu’à sa mort en 1853. Leur fils Augustin aidé de son épouse Joséphine Huart dirigent alors l’entreprise jusqu’en 1867, année où elle échut par succession à Adolphe Leroy-Huart.
Il est à noter que ce dernier est déjà mentionné comme savonnier et électeur en 1864 dans l’Almanach du commerce et de l’industrie[6].
Le plan et matrice Popp renseignent :
Section C. parcelle 140a,  maison et magasin
                               141a, savonnerie

SAVONNERIE THOMAS
En 1833, la liste des notables renseigne Florent Thomas, fabricant de savon.

SAVONNERIE COURTOIS
Le 18 novembre 1844, Louis Courtois-Buisseret, négociant et fabricant de savon domicilié à Binche, demande l’autorisation de construire une savonnerie[7] dans les bâtiments occupés par Charles Empain et la veuve Dessars, faisant partie de la maison située Grand-rue n°338, tenant à MM. Charles Seghin (boucher), et Emmanuel Houssière (marchand) et par derrière à Alexandre Dubois et Gaillez. Cette maison appartenait à Alexandre Coppin, propriétaire à Battignies, Louis Courtois la lui louait.
Une enquête commodo-incommodo fut ouverte le 24 décembre 1844. Charles-Alexandre Dubois s’opposa à l’établissement de la savonnerie du fait des odeurs qui pourraient en résulter. Néanmoins l’usine fut autorisée à ouvrir le 14 janvier 1845.

SAVONNERIE BOU(C)QUÉAU
En 1840, A. Bouquéau-Grégoire fondait un tordoir à huile, route de Mons à Waudrez.
Jules-Joseph-Ghislain Bouquéau-Leclercq, fabricant d’huile et de savon, lui succède, il est cité savonnier en 1854.
 

Le 1er mars 1857, il demande l’autorisation de pouvoir dans l’ancien moulin et savonnerie qui lui appartiennent rue de Savoie, une machine à vapeur de 12 CV ainsi qu’un moulin à huile et un moulin à écorces[8].
A ces installations seront joints un épurateur d’huile à l’acide sulfurique et une fabrique de savon noir.
Le 22 avril 1857, il obtient l’autorisation avec pour obligation  entre autres, que la cheminée  soit construite en briques, d’une hauteur de 22 à 25m et pourvue à la base d’un pavillon avec obligation de ne faire usage que de charbon provenant des houillères du Centre.
La Députation permanente du Hainaut accorda l’autorisation le 19 juin 1857. En outre, elle spécifie que l’emploi de presses à coins est interdit pour l’extraction des huiles[9].
Le plan et matrice Popp renseigne Jules Boucquéau, négociant à Binche et propriétaire des parcelles
Section B. n° 906t, moulin à huile et à vapeur.
                 n° 906m, savonnerie.
                 n° 902  Grange
 

En 1880, l’usine Boucquéau fabrique de l’huile végétale occupant pour cette seule activité trois personnes. Ce tordoir produit 45.000 kg d’huile rendant 27.000 Fr. et 150.000 kg de tourteaux rendant 30.000 Fr.[10].
Le 11 novembre 1891, Mme veuve Jules Boucquéau-Leclercq sollicite l’établissement  dans son usine, 20 rue de Savoie, d’un dépôt de plus de 300 litres de pétrole.
L’atelier continue ses activités avec ses fils. Le 21 janvier 1922, Messieurs Boucquéau Frères, sollicitèrent de l’administration communale l’autorisation de maintenir en activité  la fabrique de savon mou et d’y établir un dépôt  2000 litres d’essence. L’inspecteur en chef, directeur du travail de la province de Hainaut remit un rapport favorable le 30 juin 1924[11], mais sous certaines conditions :
« On ne pourra employer pour la fabrication de savon que des huiles de graines de lin, de chanvre, de colza ou de palme, à l’exclusion de toute huile animale ou de graisse de cette nature.
On utilisera pour la fabrication de la soude purifiée exempte de sulfure.
La cheminée de la savonnerie aura 25 m de haut au moins… »
L’autorisation est enfin accordée le 18 juillet 1924.

SAVONNERIE GEORGES BOUCQUEAU
Le 19 août 1932, Georges Boucquéau demande l’autorisation de fabriquer du savon mou dans une dépendance de l’immeuble qu’il possède 21 avenue de Burlet ; il tient à faire savoir que cette fabrication portera sur de très petites quantités et que par des procédés nouveaux, il ne filtrera aucune odeur.
Cette fabrique fera du savon noir à raison de 500 kg par jour, nécessitant deux pompes à main mesurant l’écoulement dans une chaudière chauffée par un foyer  au charbon, de potasse caustique et d’huiles diverses[12].

CONCLUSION
L’industrie binchoise de la savonnerie est aujourd’hui éteinte, seuls les souvenirs des vieux Binchois, quelques archives éparses et une ou deux cartes postales témoignent de cette activité industrielle qui dura un siècle dans notre ville


[1] M.-T. FRANCOIS, Savon dans la Grande encyclopédie Larousse, Paris, 1976, pp. 10846-10847.
[2] Ph. VANDERMAELEN, Dictionnaire géographique de la province de Hainaut, Bruxelles, 1833.
[3] A.V.B. 01-00-02-3
[4] A.V.B. 2718. Expositions universelles industrielles 1820-1848
[5] A.V.B. 01-10-03-13. Lettres des sieurs Huart, Schmidt et Cie  au gouverneur du Hainaut datée du 20 mars 1850.
[6] A.V.B. 6277.
[7] A.V.B. 01-04-09-1042. Enquête commodo-incommodo.
[8] A.V.B. 01-10-03-12. Conseil communal
[9] A.V.B. 01-04-09-980. Enquête commodo-incommodo.
[10] Ministère de l’Intérieur, Recensement industriel de 1880.
[11] A.V.B. 01-04-09-168.
[12] A.V.B. 01-04-09-171. Rapport de M. Staquez, inspecteur du travail daté du 13 janvier 1923.

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