jeudi 22 décembre 2016

Fête en l'honneur du duc de Brabant en 1853

La fête donnée à Binche en l’honneur du duc de Brabant en 1853
                                                                                                                                         Alain GRAUX

Le journal officiel, du mois d’avril 1853, nous apprend que les festivités patriotiques eurent lieu à Binche à l’occasion de la majorité du duc de Brabant[1], futur roi Léopold II.
Cette relation de style ampoulé, propre à l’époque, montre l’attachement des autorités communales à la jeune monarchie belge.
«Malgré l’incertitude du temps, la fête annoncée en l’honneur de S.A.R. le duc de Brabant a été très brillante ; elle a commencé sous les plus heureux auspices et comme devraient commencer et finir toutes les fêtes, par un acte de bienfaisance : des distributions de comestibles ont été faites aux indigents.
Le cortège du te Deum a prouvé combien était grand le patriotique attachement des Binchois pour le prince héréditaire pour le prince héréditaire : l’église était comble.
Après cela un banquet a été offert aux vieillards de l’hospice, et rien n’était plus touchant que la gaieté de ces braves gens à ce festin inaccoutumé. Le soir, la ville était illuminée, les plus humbles maisons avaient leurs lampions.
L’hôtel de ville ressemblait à un vaste tableau, tellement les transparents étaient nombreux ; la lanterne de la tour était ornée de huit transparents. Celui du centre représentait une couronne royale ayant pour rapport à droite et à gauche, deux lions Belgique. Un de ces transparent de grandeur colossale, placé sur le balcon de l’hôtel de ville, a été l’objet de l’admiration générale, il représentait, fraternisant en se donnant la main, un ouvrier en blouse, un soldat d’élite et un garde-civique, plus grands que nature. Sur les autres transparents étaient les armes de la Belgique, de la province de Hainaut et de la petite ville de Binche, etc.
Les établissements de bienfaisance, des orphelins, des hospices, le collège, l’école des frères et la tour de l’église étaient aussi illuminés et décorés, ainsi que les façades des diverses sociétés de musique et de chant.
Le mouvement de la population donnait à la localité l’aspect d’une grande ville.  L’entrain était général, le bal était très animé et la fête s’est terminée par un brillant feu d’artifice avec devise et couronne royale,  qui a reçu de nombreux applaudissements. Le feu d’artifice sortait des ateliers de M. Mauvy, artificier du gouvernement et de la ville de Bruxelles.
Nous ne saurions trop applaudir à la mesure qu’a prise l’administration communale d’introduire dans ses fêtes ce genre de divertissement public qui offre un coup d’œil féérique et des plus agréables et qui surtout a ce grand avantage de n’être pas réservé à quelques privilégiés et d’être la fête pour toutes les classes de la société ».

Le 10 avril 1853, à  l’occasion de l’anniversaire du prince fêtant ses dix-huit ans, le conseil communal avait adressé au prince l’adresse suivante :
            «          Monseigneur,
Le conseil communal de Binche s’associant aux sentiments unanimes du pays, salue avec allégresse cette période solennelle, où votre Altesse Royale est appelée par la constitution, à coopérer aux destinées de la patrie.
Elevé dans l’amour de nos institutions, ayant pour exemple la sagesse et la prudence du Roi, votre auguste père, dont toute la sollicitude tend au bonheur du peuple, la Belgique voit en vous, prince héritier de la couronne sur lequel repose son avenir, un appui dévoué pour la prospérité de son commerce et de son industrie, protection pour le développement des arts et des sciences, et le maintien de nos institutions, en consolidant notre indépendance et notre nationalité.
Le Conseil communal de Binche en vous présentant ses hommages, monseigneur, vous prie de recevoir l’expression de son respect et de son dévouement    
                                                                                                              (Suivent les signatures)».

[1] Léopold Louis Philippe Marie Victor, prince de Belgique, est né le 9 avril 1835, fils du roi Léopold Ier et de Louise Marie d’Orléans.

Le servage à Binche et dans l'alleu

A PROPOS DU SERVAGE ET DU MEILLEUR CATEL A BINCHE ET DANS SON ALLEU

                                                                                                                                          Alain GRAUX

Le droit domanial de l'époque carolingienne comportait l'interdiction absolue pour tous ses tenanciers de changer de résidence, mais du jour où l'organisation économique fut battue en brèche par l'attraction des villes neuves, les seigneurs permirent à leurs tenants libres ou serviles d'y habiter, droit qui pouvait être avantageux par la plus-value proportionnelle de la mainmorte, car le serf reste soumis à toutes les charges inhérentes à sa condition originelle.
Mons et Valenciennes étaient les deux seules villes du Hainaut où, pour se soustraire à leur condition, les serfs pouvaient résider, et si leurs seigneurs les réclamaient par leur droit de poursuite, les serfs après un an et un jour, devenaient libres. Cette mesure contribua largement à l'extinction de la servitude.
Les autres bonnes villes du comté (Ath, Binche, Braine, Hal, Maubeuge, Soignies) n'étaient pas capable de conférer la liberté.
Le seigneur renonçait parfois à ses droits de poursuite et de morte main et renonçât à une partie de ses droits et prélevât une somme inférieure à celle qu'il eût pu exiger, quand le produit de l'aliénation était destiné à un remploi plus avantageux, c'est ce qui arrive à Binche en 1359 :
« Rechiut de le Rousse Pau Paisus, de Waudret, serve, pour le consentement de vendre une maison estant à Binch, lequel argent dou vendaige il eut encouvent de tourner et mettre en mouteplianche, 3 moutons de 60 sols… »[1].
Il y a des exemples d'abandon par commisération de la totalité de la succession mobilière, tel à Binche en 1414:
«  De la femme Martin Artillon, serve, pour la moitiet d'une maison...; et des meubles nient comptet, car c'estoit une povre femme atout 6 petis enfans vivans d'aumosne… »[2]
On trouve aussi des traces d'affranchissements individuels de serfs, émanant du comte de Hainaut, on cite à Hal la même année:
«  De Colin Gharin, sierf de le terre de Binch, lequel Monsigneur a affrancquit doudit servage...24 couronnes de Franche en or...39 L.18 s... »[3].

A propos du meilleur catel:
Le 5-8-1200, une charte réglementant l'alleu de Binche fut octroyée par le comte de Hainaut, on y stipule que le comte prend le meilleur catel de tous les manants décédés dans l'alleu, le maire héréditaire peut prendre deux draps, sauf s'il n'y a que deux draps d'héritage.
« ...Che sont les villes del aluet de Binch: Waudret, Waudrisiel, Bruille, Li Lus, Fantegnies, Buverinnes, le Mons-Sainte-Genevire. En toutes ces villes a li cuens l'ost et le chevaucie, et toute justice, mortemain, sisainnes et douzainnes...encore a chacuns maires par le raison de se mairie les meilleurs dras, deux pièces de celui qui meurt en l'aluet à cui le cuens prent le milleur katel, mais li cuens prent avant le milleur Katel s'il n'avoit fors que ses dras… »[4]
Par acte du 16 septembre1310, la comtesse Philippine de Hainaut permit à une famille de juifs de s'établir pendant cinq ans dans le comté, sauf à Binche, pour y marchander de leur argent et leur accorda entre autres privilèges l'exemption du droit de meilleur catel.
La bourgeoisie de Binche était dotée du privilège d'exemption du droit de meilleur catel ; aucun document ne permet d'établir l'origine de ce privilège, mais il est vraisemblable qu'il existait déjà en 1265-1256, le meilleur catel n'étant pas mentionné dans « le cartulaire des rentes de Hainaut », parmi les prestations auxquels les Binchois étaient tenus, quoi qu'il en soit d'ailleurs, l'affranchissement fut évoqué en 1368 contre le seigneur de Solre[5].
Le 28 janvier1401 (1402), Guillaume de Bavière confirma le privilège des Binchois et en précisa nettement la portée: aux termes de la charte qu'il octroya, devaient seuls jouir de l'exemption de meilleur catel:
- Les bourgeois et bourgeoises natifs de Binche, et leurs enfants ainsi que les autres habitants, et leurs enfants. De même que les bourgeois et les bourgeoises natifs du comté de Hainaut ou de l'Empire, ainsi que leurs enfants.
« …premièrement, que tout li bourgois, fil et filles de bourgois et bourghoises de le nation de le ditte ville et chircuite de Binch, et ossi masuyer de la nation d'icelle non bourgois et leur enfant ne deveront et ne seront tenut de payer point de milleur catel à leur trespas, s'ils trespassent en le ditte ville et chircuite de Binch.
item, tout autre qui seroient u seront bourgois u bourgoises de le ditte ville et leur enfant, en quelconcque liu qu'ils euwissent estet net ou pays de Haynnau et en l'empire d'Allamaigne ne deveront ossi point de milleur cattel à leur trespas, s'ils trespassoient en le dite ville et chircuite… »

Les manants ou bourgeois demeurant à Binche pourront tester devant le magistrat de Binche sans qu'on leur prenne leur catel, sauf les serfs et les bâtards:
"..Item que tous li bourgois et bourgoises, li manant, demorant, habitant et passant en le ditte ville et chircuite de Binche puissent ordonner de leur biens meubles et catteux par testament u autrement deuwement par-devant le loy de le ditte ville, et les testamens et ordonnanches volons yestre acomplis seloncq leur teneur et le loy de le ditte ville de Binch, sauf et reservet en ce les sierfs et les bastars, qui demoront en leur conditions au pourfit de nous et de nos sucesseurs, seloncq l'usaige dou dit pays de Haynnau, par le manière acoutumée… »[6].
Mais le privilège était inopérant si le décès du bourgeois survenait au dehors de la ville de Binche:
En confirmation de cette stipulation, la cour des mortes mains débouta la veuve d'un bourgeois de Binche mort à Mons en 1684, laquelle prétendait que son mari « …étant sorty d'un lieu ingénu et affranchy ne pouvoit point avoir changé de condition dans un autre lieu qui jouy aussy de la liberté" et invoquait "l'exemple des citoyens romains qui, en quelque lieu qu'ils se trouvoient, jouissoient toujours de la liberté et des privilèges de cette reine nation »[7].
Des exemptions du droit seigneurial de meilleur catel fut accordé à certaines institutions religieuses:
Le 12 octobre 1412, le comte Guillaume de Bavière affranchit le chapitre de Binche du droit de meilleur catel[8].
Ce privilège est confirmé dans une charte de Philippe le Bon, du 12 octobre 1444[9].
En 1739, le receveur des mortes mains se plaint de ce que les habitants de Binche « se font bourgois dans leur dernière maladie »[10]. Cette année là, la suppression du droit de meilleur catel était à l'ordre du jour des Etats de Hainaut.
Une initiative fut prise des communautés de la prévôté de Binche qui, au mois de novembre, adressèrent aux Etats une requête dans laquelle elles se plaignent des exactions des fermiers du comte d'Egmont, seigneur engagiste des mortes mains :
« ...les fermiers adjudicataires, pour trouver de quoy payer leurs rendages respectives ont le soin de se faire fournir à la dernière rigueur dudit droit à la morte de chacun chef d'hôtel, au grand préjudice des pauvres habitans auxquels on enlève bien souvent, après la perte qu'ils ont faitte de leurs père ou mère, ce qui leurs reste de mieux, en sorte que cette double perte oblige la plupart d'avoir recours à la table des pauvres, à la surcharge de la communauté qui souvent, faute des moyens, est dans la nécessité de se cotiser en taille pour pourvoir aux besoins des dits pauvres… »[11].


[1] A.E.M. compte des mortes mains de Hainaut, 1359-1360
[2] A.E.M. compte des mortes mains de Hainaut, 1414-1415
[3] Idem
[4] L. DEVILLERS, Cartulaire des comtes de Hainaut, t.2, pp. 220-221.
[5] A.E.M. Cour des mortes mains, sentence du 24 février 1367/1368.
[6] L. DEVILLERS, Cartulaire des comtes de Hainaut, t. 2, pp. 201-207.
[7] A.E.M. Procès de la cour des mortes mains, n° 52.
[8] Charte imprimée dans DEVILLERS, Cartulaire des comtes de Hainaut, t. 3, pp. 539-541.
[9] A.E.M. Cartulaire des mortes mains de Hainaut, 1467-1468,  in fine.
[10] A.E.M. Cartulaire des mortes mains de Hainaut, 1739, Bibliothèque communale de Mons, manuscrit n°35/211.
[11] A.E.M., Etats de Hainaut, reg. 451, fol. 350.

Interdits religieux à Binche


LES INTERDITS DE L’EGLISE DE BINCHE AU XIVe SIECLE
                                                                                                                                          Alain GRAUX
Le cartulaire des comtes de Hainaut[1] nous révèle qu’en 1338 l’église de Binche dut encourir un interdit.
L’interdit est une censure du droit canonique qui prive les fidèles de certains biens spirituels, tels l’interdiction de célébrer le culte, l’usage des sacrements et la sépulture ecclésiastique, sans toutefois les exclure de la communauté ecclésiale.
L’incident qui survint à Binche  n’est  pas signalé dans l’histoire de la ville de Binche[2] ni dans d’autres publications.
Le 6-8 juillet 1338, Nicolas Stuc, de Dordrecht, chanoine d’Utrecht, au nom de Guillaume[3], comte de Hainaut, de Hollande, de Zélande et seigneur de Frise, fit appel en cour de Reims  pour l’excommunication publiée par Guillaume, évêque de Cambrai contre :
·         Ceux qui, à Valenciennes, avaient condamné et fait exécuter un clerc, Jean fils de Baudouin de Résignies, coupable d’assassinat.
·         De l’interdit lancé contre l’église de Soignies, à l’occasion d’un meurtre commis dans le cimetière de cette ville et dont on ne put découvrir les auteurs.
·         De l’interdit prononcé contre l’église de Binche, à cause de deux prêtres qui s’y étaient battus.
Examinons ce dernier cas qui concerne notre ville[4].

Le procureur demanda la levée de l’interdit en compensation d’une amende en numéraire:
Item  dico ego procurator antedictus nomine quo supra, quod alia in villa domini mei de Binctio in Hanonia mandatum fuit et est cessari a divinis per ipsum episcopum vel eius subditos in suis officiis existentes, occasione cuiusdam dissensionis et rixe ac  verberationis quam habuerunt et fecerunt quidam presbiteri inter se in loco predicto. Et cum dominus meus antedictus requiri fecisset humiliter pluribus vicibus competenter dictum episcopum, ut ipse faceret ibidem organa divine laudis resumi, cum ipse dominus meus, suique officiati et inhabitantes  ibidem essent inculpabiles facti predicti, ipsique presbiteri sui non essent iusticiabiles, immo ad ipsum episcopum spectabat punitio et correctio dictorum presbiterorum, idem episcopus requisitionem et supplicationem domini mei non admisit, sed eam totaliter facere recusavit minus iuste ; nitens dominum meum et populum ibidem sibi subditum compellere ad cantum ibidem seu divine laudis organa pecunia redimenta…

De même moi, procurateur (Nicolas Stuc, procureur) dont le nom figure plus haut, je déclare ce qui suit : dans une autre ville de notre seigneur, à Binche, en Hainaut, j’ai reçu et ai, par autorité divine de  notre évêque lui-même et de ceux qui lui sont subordonnés dans ses fonctions, j’ai reçu mission  d’interdire le culte, en raison d’une dispute et rixe avec coups qu’eurent et firent entre eux certains prêtres, dans l’endroit mentionné supra. Et lorsque mon maître nommé plus haut avait demandé humblement et à plusieurs reprises selon la compétence du dit évêque  par l’organe (l’œuvre) de la louange divine, pour que lui même fasse en sorte que soit repris le culte ; et comme mon maître lui même et certains officiaux habitant là étaient innocents du fait en question et que les prêtres eux-mêmes n’étaient pas justiciables, et qu’au contraire la punition et réprimande des prêtres cités regardait l’évêque lui-même, le même évêque n’admit pas la demande et la supplique de son maître et refusa injustement de la satisfaire, s’efforçant d’amener mon maître et le peuple de l’endroit qui lui est soumis, à célébrer le chant ou les offices divins et avec la grâce divine de cette louange, de se racheter moyennant argent…
..presentibus discretis et honestis viris dominis jacobo dicto de Binctio, canonico ecclesie beate Marie ad aulam in Valenchenis, Johanne perpetuo capellano beate Marie in Capric (Caprycke) , presbiteris.
(demandes) présentées par les humbles et honnêtes hommes Jacques dit de Binche, chanoine en l’église de la bienheureuse Marie, près de la cour de Valenciennes et aussi Jean, chapelain perpétuel de Notre-Dame de Caprycke, prêtre.

Réunis en consistoire de l’église de Cambrai, l’acte se passa en présence des personnes suivantes :
-    Jehan d’Audenarde, official de la cour épiscopale de Cambrai.
-          Julien de Sart, prévôt de l’église de Nivelles.
-          Pierre de Saint-Amand,  professeur de droit, chanoine de Cambrai et de Sainte-Waudru, à Mons.
-          Arnould Laguthi, chanoine de Cambai.
-          Jean du Lart, chapelain de Cambrai.
-          Jehan de Rosoit et Jehan Tolemo, vicaires de la dite église.
-          Jehan Vallete et Gilles Bardiel, prêtres.
-          Julien et Pierre de Cambe et Jehan Coppelet, avocats.
-          Jehan de l’Etape, Jehan Petit  dit du Marché, Jacques de Basseia.
-          Jehan Vake, Jacques le Parckeminiers, Bartholdus de Morchies.
-          Guillaume de Molendin et plusieurs autres notaires et procureurs, témoins. Ad premissa vocatis specialiter et rogatis.
-          L’acte est rédigé par Jehan de Revin, notaire impérial[5].
On connaît un autre cas d’interdit de l’église de Binche, suite à la violation du droit d’asile religieux dont le prévôt de Binche Gérard d’Obies se rendit coupable en juillet 1379[6].


[1] DEVILLERS L. Cartulaire des comtes de Hainaut de l’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, t.1, Bruxelles, 1881, pp. 51-56.
[2] LEJEUNE T., Histoire de la ville de Binche.
[3] Cet épisode de l’histoire se passe à la charnière entre deux règnes : fin du règne de Guillaume Ier d’Avesnes, le comte décéda le 7-6-1337, à peine âgé de 50 ans, après 33 ans d’un règne remarquable, qui le fit surnommer Guillaume le Bon. C’est Guillaume II qui lui succède de 1337 à 1345.
[4] Je remercie Messieurs Demaret et Ménestret, pour la compétence et érudition qu’ils ont montrés, pour la traduction de ce texte du XIVe siècle, au latin extrêmement douteux.

[5] Copié sur un original sur parchemin, muni de la marque du notaire Jean de Revin – Trésorerie des chartes des comtes de Hainaut, A.E.M. (Inventaire Godefroy G.39), disparu.
[6] Sur cet incident et ses répercussions, voir : LEJEUNE, T., Histoire…o. cit. pp. 70-76.

mercredi 21 décembre 2016

L'école industrielle de Binche


L'ECOLE INDUSTRIELLE, COMMERCIALE ET PROFESSIONNELLE  
DE LA VILLE DE BINCHE

                                                                                                                                          Alain GRAUX

A la fin du XIXe siècle, l'industrie stagne dans un marasme général, le bourgmestre de Binche, Eugène Derbaix, avec le concours de l'inspecteur Ponthot, de V. Lebon régent de l'école moyenne, ainsi que de M. Molar, chef de bureau de l'état civil, fondaient une école industrielle dans les locaux de l'ancien collège des Augustins. Ce collège était devenu l'Ecole Moyenne de l'Etat pour garçons (actuellement musée du carnaval et du masque).

Le règlement de l'école est approuvé par arrêté ministériel du 1er août1899. L'école est ouverte le dimanche 3 février 1901.

Une Commission administrative gère l'école. Elle est présidée par le bourgmestre Eugène Derbaix et est composée de Fernand Levie, Emile Labrique, Adolphe Mauroy, Léon Delplanque et Fernand Deprez. M. Ponthot devint directeur de l'établissement. Il demande l'aide de M. Fauconnier, directeur de l'Ecole professionnelle de Bruxelles qui donnera les cours de la section des tailleurs. Dans cette section, les tailleurs ayant fini leur apprentissage, peuvent assister au cours de 3è année pour suivre la technologie et la coupe. Il est secondé par messieurs Bury, Hamaide et Lebon.

L'institution comprend une section préparatoire de deux années, des cours de comptabilité commerciale, de construction civile, de confection et de coupe pour tailleurs, un cours pour géomètres-arpenteurs, un cours de mécanique et de dessin industriel, un cours de flamand et de sténo-dactylographie et un cours de comptabilité pour demoiselles. Le cycle complet d'études se fait en quatre années réparties en trois groupes:

a) la section des artisans, comprend une section de cordonnerie et une section de cours pour tailleurs.

Cette dernière section étudie uniquement le vêtement pour hommes délaissant tout ce qui touche la spécialité tels que : vêtement pour dames, militaire, religieux, la livrée, le sport et la chasse et costume de fantaisie pour enfants[1]

b) la section comptable pour garçons et pour filles,

c) la section des tailleurs.

Dès 1901 neuf professeurs s'occupent de 159 élèves. En 1904, 175 élèves suivent les cours. Ils seront 284 en 1908.

Pour être admis au cours il faut être âgé de 14 ans au moins, savoir lire et écrire couramment et connaître de l'arithmétique les quatre opérations fondamentales.

Les jeunes gens qui justifient des connaissances suffisantes sont admis directement en 2e ou 3e année.

Les tailleurs ayant cessé leur apprentissage, peuvent assister au cours de 3e année de leur section (technologie et coupe) sans avoir à se soumettre à l’examen.

En 1903 la Ville reçut un don de 500 Fr. de la Société anonyme des Verreries de Binche, et 200 Fr. de la Société anonyme "l'Alliance Populaire", en vue de l'aider à supporter les frais de premier établissement de l'école.

En 1910, les cours sont répartis tout au long de la semaine, comme suit, ils sont assez fournis et poussés :

Dimanche de 8h15 à 12h :

1ère année

Section des artisans : Arithmétique, français, géométrie dessin

Section comptables : Arithmétique, français, étude des documents commerciaux

Section des tailleurs : Technologie du tailleur, coupe

2e année

Section des artisans : Dessin, géométrie, arithmétique

Section des comptables : Arithmétique commerciale, comptabilité commerciale.

Section des tailleurs : Technologie du tailleur, coupe

3e année

Section des artisans : Eléments de mécanique et emploi de matériaux, dessin professionnel.

Section des comptables :

Arithmétique commerciale, comptabilité industrielle

Section des tailleurs : Arithmétique commerciale, technologie du tailleur, coupe

Section des géomètres : Arithmétique, algèbre, géométrie, arpentage

Section des mécaniciens et des dessinateurs : Physique et mécanique, dessin industriel

4e année

Section des artisans : Economie industrielle, constructions civiles, dessin industriel

Section des géomètres : Arithmétique, levé des plans, nivellement.

Lundi, de 4 h ½  à 8h ½

1ère année

Section des comptables : Arithmétique, français, étude des documents commerciaux

2ème année

Section des comptables : Correspondance commerciale, droit

3e année

Section des artisans : Eléments de mécanique, étude de l’emploi des matériaux, dessin professionnel.

4e année

Section des artisans : Constructions civiles, dessin d’application

Mardi, de 6h ½ soir à 9h ½

1ère année

Section des artisans : Dessin

Section des comptables : sténodactylographie

Section des tailleurs : Couture et confection

2e année

Section des artisans : Dessin

Section des comptables : sténodactylographie

Section des tailleurs : Couture et confection

3e année

Pour toutes les sections : sténodactylographie

Section des géomètres : Algèbre, géométrie, trigonométrie

4e année

Section des géomètres : Algèbre, géométrie, trigonométrie

Mercredi, de 6h ½ soir à 9h ½

1ère et 2ème année 

Section des tailleurs : Couture et confection

3e année

Section des comptables : Economie industrielle, droit commercial, comptabilité

Jeudi,  de 1h à 4h ½ et 7h ½ à 9h ½

Pour toutes les sections : sténodactylographie

1ère année

Demoiselles : Arithmétique, français, étude des documents commerciaux

2e année

Demoiselles : Arithmétique, français, droit commercial, comptabilité

Vendredi, de 7h ½ à 9h ½ soir

Pour toutes les années et sections : Langue flamande.

2e année

Section des artisans : arithmétique, géométrie, dessin professionnel

Samedi, de 7h ½ à 9h ½ soir

Pour toutes les années et sections : Langue flamande[2].

Après la 1ère guerre mondiale le directeur, M. Daloze, institua des cours pour les chômeurs et des conférences pour les tailleurs.

En 1930, la Commission administrative décida la création d'un comité composé de 4 délégués patrons et de 4 délégués ouvriers. Ils s'occuperont de la section coupe et couture. En 1931, les administrateurs de l'école créent un cours de peinture décorative et de bois et marbres.

En 1935 M. Dupuis remplace M. Daloze à la tête de l'école. Le 26-12-1935, eut lieu la manifestation organisée en l’honneur de M. Daloze, directeur de l’école industrielle qui venait de prendre sa retraite.

Le 16-12-1937, à l’initiative de l’administration communale et de la commission administrative des écoles,  une section professionnelle du jour pour l'étude de la couture est créée sous le nom d'Institut de la Confection.

En 1938, elle compte 32 professeurs et 45 cours pour une population de 603 élèves dont 325 sont inscrits dans les cours de coupe et couture.

Son budget annuel, pour l’exercice 1938, s’élève à 306.690 Fr.[3]

En 1941, 32 professeurs occupent 732 élèves.

 


[1] Commission nationale de la petite bourgeoisie. Séances d’enquête orale, Bruxelles, 1904, t.5, p.308.
[2] Rapport de l’administration et de la situation des affaires de la Ville de Binche fait par le Collège du bourgmestre et des échevins en séance publique du Conseil communal, 1910.
[3] Binche, octobre 1938 (Brochure électorale du parti catholique)

Les conditions de vie en 1914-1918


LES DURES CONDITIONS DE VIE EN 1914-1918

                                                                                                                                          Alain GRAUX

A Binche, comme dans tout le pays, la vie est rendue très difficile au vu des restrictions, tant en nourriture qu’en approvisionnement en charbon, des réquisitions de main-d’œuvre, du manque d’hommes dans les ménages et donc du manque de ressources, du couvre-feu, etc.

Et pourtant, bien que la situation soit devenue très préoccupante, la vie doit absolument continuer !

Les vivres se faisant rares un organisme américain, la « Commission for Relief in Belgium » se chargea du ravitaillement de la population civile[1].

Le comité national de Secours et d’alimentation seconda les efforts de cette fondation et s’occupa de la répartition des vivres et des secours. Organisation nationale, ce comité fut créé par Ernest Solvay et le marquis de Villalobar, ministre espagnol afin de venir en aide à la population belge. Le comité reçut l’assurance d’être exempté de réquisition de la part des autorités allemandes

La population bénéficiaire est divisée en trois parties :

-          Les gens sans ressources reçoivent chaque jour gratuitement, deux fois par jour, de la soupe, des pommes de terre et de la viande.

-          Les petites gens paient le même repas, 15 centimes

-          Les autres paient 25 centimes.

En août 1914, une proclamation oblige à porter tous les pigeons dans la maison inoccupée de M. Brachot, il y en parfois 50 par maisons, afin de régaler l’occupant.

En novembre 1914, le comité s’adjoint une agence de renseignements sur les prisonniers de guerre afin de leur faire parvenir des colis de nourriture, vêtements, chaussures à semelles de bois ainsi que de quoi faciliter la correspondance entre la famille et le prisonnier et envoi d’argent. Cette agence est dirigée par les comtesses de Mérode et Edouard d’Assche.

En septembre 1914, l’administration communale décida de réglementer la vente et le débit du pain. Les habitants pouvaient disposer de 400 grammes de pain maximum par jour. Le prix en était fixé à 28 centimes le pain d’un kg, et de 55 centimes le pain de 2 kg.

Le pain est alors fourni sur présentation d’une carte de famille remise à chaque chef de ménage, dans les locaux aux jours et heures indiqués, trois distributions se faisant par semaine. Il était recommandé de se présenter avec la somme exacte ou avec les bons du Comité de secours

Il y avait en ville plusieurs magasins de ravitaillement. On distribuait à heure fixe, chaque jour, du pain, rue de Merbes, des denrées alimentaires, rue Saint-Jacques, cela se faisait par le biais de cartes de ravitaillement ; de longues files de ménagères stationnaient devant ces points de distribution.

Parmi les groupes les plus touchés, il faut noter les bébés et les enfants, tant au point de vue nourriture que de soins requis par leur âge peu avancé. La mortalité infantile reste, alors même qu’elle l’était déjà avant la guerre, très élevée. Suite à cette situation, le Comité National subsidia des œuvres comme « Les petites abeilles » afin de prodiguer des soins aux nouveau-nés jusque l’âge de trois ans en leur procurant du lait, de la phosphatine etc.

Lors du noël 1914, le Comité National distribua en Belgique 647 caisses de jouets provenant des U.S.A.

En avril 1915, les Allemands dissolvent le comité directeur de la « Croix Rouge » de Belgique et s’emparent de la caisse avec l’argent, les autorités occupantes décident en juin 1915, que les chevaux ne recevront plus que 2,5kg d’avoine par jour au lieu de 5 à 6 kg nécessaires.

En octobre 1915, le gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse, emprunte 25.000.000 Fr. au gouvernement anglais, afin de pouvoir acheter de la nourriture pour le Comité National de Belgique, et de l’expédier par bateaux sous pavillons neutres.

En mars 1916, on établit « la soupe populaire » contre une redevance de 10 centimes, à tous les habitants qui en faisaient la demande. Il fut distribué plus de 9.000 rations. Des repas scolaires furent également organisés par le même organisme.

Au marché noir, le commerce des faux produits explose, on y trouve du beurre avec de la graisse industrielle, de l’amidon mêlé de plâtre, de la farine avec de la craie, du café avec du malt, du savon en terre glaise, etc. des wagons entiers sont déroutés vers l’Allemagne par des fraudeurs. Les boulangers reçoivent de la farine blanche du Comité National et en font un pain gris médiocre  ils la volent pour la revente au noir.

L’ »Œuvre du coin de terre » organisait une répartition de lopins de terre. La culture suppléait à l’approvisionnement en légumes

La situation devint de plus en plus difficile, vu que le 15 novembre 1916, plus de six cent Binchois sont déportés[2].

Au début 1917, la ration journalière de pain passe de 400 à 300 grammes à cause de l’acheminement difficile de la farine suite au gel intense de cette année là. Les « Boches » vendent à la Hollande presque toute la production maraîchère belge pour obtenir des florins pour l’effort de guerre. Les marchés publics ne sont accessibles que lorsque les occupants allemands ont terminés leurs achats.

La « Commission for Relief in Belgium » cesse ses activités en Belgique en mars 1917, suite à la rupture des relations diplomatiques entre l’Allemagne et les U.S.A. En avril 1917, suite à la déclaration de guerre de ces derniers, les Allemands coulent tous les bateaux œuvrant pour le Comité National. Vu le manque de nourriture importée, la disette se fait jour, la ration de pain journalière diminue encore de 100 grammes, des gens mangent de la viande de chien, c’est ainsi qu’en décembre 1917, tous les propriétaires de chiens doivent les conduire à l’abattoir. Si le chien n’est pas présenté, on risque une amende de 20.000 marks ou 5 ans de prison.

La ration de pommes de terre passe de 300 à 190 gr. 85% de la production part en Allemagne. On ne buvait plus de café mais de la « toréaline », les fumeurs remplaçaient le tabac par les feuilles de rhubarbe, il en alla ainsi jusqu’à la fin de la guerre.


 

                                               Carte de rationnement  en mai 1917

 


[1] Voir notre article : La « Commission for Relief in Belgium » dans bulletin SAAMB,  novembre 2008, pp.9-10
[2] Voir notre article : 15 novembre 1916, la déportation des Binchois bulletin S.A.A.M.B., novembre 2009, n° 3, pp. 6-9.

Les cafés binchois sous l'ancien Régime

PETITE HISTOIRE DES DEBITS DE BOISSONS BINCHOIS SOUS L’ANCIEN REGIME

                                                                                                                                         Alain GRAUX 

Les archives nous apprennent les conflits existant entre les cabaretiers binchois et ceux de Battignies.

Déjà en 1555, on cite Battignies, terre franche qui "ne contient que des cabarets où il se vend plus de bierre et du brandevin que dans toute la ville"[1].

 Le 24 août 1626, eut lieu une requête des jurés et conseil de la ville de Binche exposant aux Etats qu’en la seigneurie de Battignies on a érigé diverses brasseries et tavernes et que l’on y fait une consommation excessive de vin et cervoise à cause de l’exemption dont jouit cette seigneurie située aux portes de la ville, ce qui cause un préjudice considérable à celle-ci et à la ferme des impôts[2].

 Le 23 février 1704, la ville de Binche ayant obtenu un règlement de perception des impôts sur la bière, le vin, le brandevin et le tabac, il fut défendu " à tous bourgeois de pouvoir aller boire hors de la ville qu'à la distance d'un quart de lieue ».

 Le 8-5-1709, le Magistrat de Binche règle le prix des bières « Messieurs du Magistrat de la ville de Binch ayant receu diverses plaintes sur ce que les cabartiers de cette ville vendent leur bière d’un prix excédant dont la police y debvroit mettre les mains, pourquoy en leur qualité de m(aît)res de police ayant meurement examiné le prix des grains imposés et maltotes et autres despenses nécessaires, iceulx ont apprécié la biere de cette ville à 4 patars et demy le pot et si quelquns en ont de la forte ils debvront la rep(rése)nter et en donner à gouter, ensuite on réglera son prix.

Le dix courant on at réglé la forte à cinq patars le lot et la petite à 7 livres la tonne de gauge qui font 6 liards le lot à débiter[3].

 Un règlement de la gouvernante générale Marie-Elisabeth d’Autriche, du 28-4-1741 taxa la quantité de bière qui pouvait être consommée, sans payer d'impôts, par les 183 habitants de Battignies ; on y comptait 18 maisons, y compris 2 cabarets.

Des visites furent faites chez les cabaretiers dans le rayon indiqué jusqu'au 1-12-1762, époque où Charles de Lorraine interdit au magistrat de Binche de continuer à pratiquer ces visites à Battignies. On vit aussitôt le nombre de cabarets atteindre, dans ce hameau, le chiffre de 12 pour une agglomération de 26 à 27 maisons, dont 11 fermes.

A la suite de cet arrêté, le magistrat de Binche se plaignit amèrement de la perte considérable que la ville éprouvait dans la recette de ses revenus d'octroi[4].

 Quelques noms de cabaretiers émergent des archives, souvent suite à des querelles de clients :

Le 11 février1700, le cabaretier Evrard Boussart, reçoit une gifle d’un client[5].

 Le 20 juin 1712, « Se représente que le 19 du courant Antoine Navez, estant en la maison de Augustin Depret, cabartier, il receut plusieurs coups à sang à la tête, pourquoy il demande qui on députera pour visiter la playe et tenir des informations.
A député les Sr jurés Bourgeois et Waulde
De même pour Charles Du Massé jeune homme qui s’est rendu plaintif que le 19 courant il avoit été blessé a le tête d’un coup de brique lui jeté par Michel Navez auquel il requiert information.

Les jurés réglèrent le différent à l’amiable entre les deux parties[6]

 Le 11 août 1712, le lieutenant de police, veut régler les heures d’ouverture des cabarets « Comme il convient de apporter remède aux désordres quy (se) succèdent et que l’on permet que les cabarets de cette ville vend et donne à boire après 9 heures mesme jusqu’à 10 et que les placards  de S.M.  que on a déclaré le 29 mars 1672   et qui  permet de ne souffrir aucun buveur dans les cabarets après 9 h à penne de 60 sols de amende. Se que a requis aux Srs du Magistrat de voloire retirer le placart, signé Antoine Pérès »[7].

 « Sur représentation faite par Mr Peres prévôt substitué ci-devant, déclare qu’il convient d’apporter remède de que les cabartiers vendent leur bière aux bourgeois et habitans de cette ville après les noeuf heure en hiver et dix heure en été, conformément aux bans politiques et contrairs aux placarts de S.M. daté du 29-3-1672 qu’il convient de défendre de vendre aucune boisson après 9 heure et 8 heure en hiver »[8].

 Le 22 août 1715, c’est toujours le prix de la bière qui est réglementé

« Se représentent  que nonobstant les grands rabais de prix des grains à cause de la fertilité de cette année, les cabartiers et hostellains de cette ville vendent leur bière au même prix que pendant la cherté des grains »[9].

 Le Cabaret François Bara est cité le 27 mars 1719.

« Mrs du Magistrat étant informés qu’aujourd’huy vers les dix heures du matin Philippe Navir se trouvant dans la maison de François Bara, cabartier, s’est tant oublié, en présence de plusieurs personnes, d’injurier Mrs les Magistrats… »[10].

 Le 26 juin 1721, une ordonnance communale inters-dit de danser dans les cabarets

« Le Sr Dessars, lieutenant de prévôt représente que nonobstant les placarts et ordonnances émanées cy-devant, tant de S. Majesté que du Conseil souverain de Mons en dernier lieu le 17 juin 1716 contenant deffence de compagnie de (plus de) deux personnes dans les cabarets et d’y danser en quelque temps que le soir, à peine de 60 s. d’amende et du double à la charge des hostelains, plusieurs y contevenent par quoy il demande ce qu’il y a à faire.

Conclu de republier le placart de l’an 1716 et de les faire observer ponctuellement de même que les placarts portant déffence de boire après noef heures dans les cabarets ».[11]

 Le 14 mai 1723

«  Se représente qu’il y a quelque tems il y a eu débat (rixe) entre Jacques Haine et Jacques Durant, dans la maison de Louis Gravis, cabartier de cette ville »[12].

 Le 15 mai1723, on cite :

« A la semonce du Sr. Dessart lieutenant-prévôt, on a taxé à 24 pattar le pot de vin.

Se représente qu’il convient de renouveller la défense d’aller boire dans les cabarets après neuf heures en conformité des placarts et bans politiques à peine de soixante solz d’amendes tant à la charge des contrevenans que des cabaretiers »[13].

 Le 12 mai 1738, un nouvel arrêté du Magistrat stipule :

« Item qu’étoit défendu aux bourgeois de cette ville d’aller boire dehors icelle, il est juste de leur procurer le débit de la boisson dans la ville à un juste prix, fixe et raisonnable, proportionné aux fraix et coutance d’un brassin commis, pourquoy il conviendroit l’appretier et tenir la main à l’exention de la taxe conformément  aux ordonnances politiques.

Se représente encore que par les dits bans politiques il est deffendu à tous cabartiers d’encaver leur petitte bière afin que ceux qui ne sont pas en étét de brasser et surtout les pauvres puissent se pourvoir pour leur subsistance en tous tems, cependant les dits cabartiers sans avoir égards à ces ordres encavent toutes leurs petittes bières et les pauvres gens ont peine d’en avoir, sinon come par grâce et à un prix exhorbitant, pourquoy il paroit nécessaire de faire exécuter les dits bans politiques tant pour le passé que pour le futur ».

 Le Cabaretier Joseph Charles est cité le 10 juin 1738 pour des fraudes qu’il a commises

« Se représente qu’en suitte de visitte faite par Mrs. des pots des cabartiers de cette ville le jour d’hier et continuée ce jourd’huy, il s’est trouvé plusieurs tant pots que canettes d’une jauge trop forte et irrégulière qu’on a apparu avoir été pratiquée par Joseph Charles dit Trompette (ce qu’il a reconnu) malgré les deffenses luy faites à l’assemblée du 7 mars 1737…il convient de remédier à cet abus et désobéissance »[14]

 Le 3 mai 1764, Philippe Sainte-Marie et Georges Dessars, cabaretiers, au nom de leur société, demandent de pouvoir ériger un autel dans la collégiale Saint-Ursmer en l'honneur de Saint-Arnould "au pilier où étoit situé le banc des Messieurs du magistrat dont ils ont présenté le plan »[15].

 Charles de Lorraine en confirmant le 20-2-1764 les exemptions dont jouissaient les habitants de Battignies, statua qu'il ne pouvait plus y avoir que deux cabarets et que les tenanciers n'auraient chacun qu'un brassin exempt d'impôts, de 20 tonnes de bonne bière et de 10 de petite, la tonne de 48 lots, mesure de Mons, quitte à payer ce qu'ils vendaient de plus aux mêmes maltôtes et droits que ceux octroyés à Binche.. »[16].

 Bien souvent se sont les cabaretiers qui sont à la base des kermesses de quartiers, mais ils sont soumis à la stricte observation du Magistrat, ainsi on peut lire le 23 octobre 1766:

« Sur le rapport qui nous fut fait lundi dernier de discours qui s’estoient tenus le jour précédent dimanche dans les cabarets de la rue St-Jacques où la ducasse que l’on nomme de Ste-Calixte se perpetuoit depuis huit jours. Dans des endroits aussi dangereux et dans des assemblées aussi nombreuses, nous n’avons pu les regarder que comme des traits capables d’émouvoir les esprits, d’anéantir l’autorité du Magistrat à qui la loi a confié la police.

On disoit que dans ces endroits qu’on vient de demander au lieutenant prévôt la permission de faire le lendemain les durmenés, de danser dans les rues et qu’ensuite de la permission accordée par celui-ci avec conseil de bien se divertir, il lui a demandé s’il falloit avertir le magistrat, à quoi il auroit répondu que non, qu’il étoit le seul maître, que s’ils s’avisoient de le faire il révoquoit la permission donnée et que s’il survenoit des contestations  il étoit là pour les soutenir.

Après une recherche de la vérité, nous n’avons trouvé qu’une partie de vrai, savoir qu’il leur auroit conseillé de se bien divertir et de ne pas avertir les Magistrats

 Ce qui ne laissant pas de suffire pour persuader les esprits que les Magistrats seroient pour rien au fait de police, blessés, d’une manière aussi sensible et envisageant dès longtems ces ducasses particulières des différentes rues comme très pernitieuses au bon ordre et au repos public ; pour y pourvoir nous avons délibéré lundi, nous pouvions à l’exemple de nos prédécesseurs faire enlever les tambours, violons, etc. mais préférant les voies de la pacification …en même tems d’ordonner aux huissiers et aux sergeants des ruelles de visiter ce jour là spécialement après la retraite au moins après 9 h. du soir et d’en faire un rapport au greff.[17]

 Au XVIIIe s., le café est un établissement où l'on ne boit dès son origine, que du café, il est né à Paris.

 Le recensement an IV (1795) cite l’auberge Toussaint Legendre et sa femme Marie-Thérèse Miest , arrivés à Binche en 1784.

 Le 20 mai 1794, l’assemblée des notables instituée par le baron de Stassart, prévôt de Binche, qui vu l’invasion des Français, préside aux destinées de la ville « Conclud de délivrer aux citoyens françois, de la bierre, en conséquence on a ordonné de donner premièrement un tonneau de bierre par chaque cabaret soit

N. Pourbaix, 1 tonneau

Ch. Lebrun, 1 tonneau

N. Debrulle, 1 tonneau

Joseph Massard, 3 tonneaux

Louis Dessars, 1 tonneau

N. Robert dit Loupogne, 1 tonneau

Ensuite d’ordre du général Raoult il nous a été enjoint de fournir 12 tonneaux de bière et 10.000 rations de pains

Louis Dessars, 1 tonneau 

Navez dit Corbeau, André Huart, Charles Lebrun, Auguste Debruille et Charles Lechien : 2 tonneaux

Pourbaix, brasseur, n’a pas livré

 Le 4 frimaire an 3 (24 novembre 1794), suite aux "querelles et batailles d'individus qui ne se lassent d'être dans les caffets et cabarets à toute heure de la nuit" un ban de police fut publié intimant défense "de se trouver dans un caffet après la cloche de 9 heures, sous peine de 6 livres d'amende pour le délinquant et de 12 livres pour le cabaretier »[18].

 


[1] A.G.R. V.N. 1693
[2] A.E.M. Etats de Hainaut f° 212-213.
[3] A.V.B. 00-00-01-26
[4] A.V.B. 00-00-01-35, f° 10, r°-v°
[5] A.V.B. 00-02-02-7
[6] A.V.B. 00-00-01-26
[7] A.V.B. 00-00-01-26
[8] A.V.B. 00-00-01-30.
[9] A.V.B. 00-00-01-26
[10] A.V.B. 00-00-01-27
[11] A.V.B. 00-00-01-28
[12] A.V.B. 00-00-01-28.
[13] A.V.B. 00-00-01-28.
[14] A.V.B. 00-00-01-30
[15] A.V.B. 00-00-01-35, p.17 v°
[16] DEMARET P. Miettes binchoises, dans bulletin SAAMB  oct.87, pp7-8)
[17] A.V.B. 00-00-01-35
[18] A.V.B. 00-00-01-40, f°184 r°.