A PROPOS DES SUCCESSIONS SELON LA COUTUME DE BINCHE
Alain GRAUX
Suite aux diverses
prises et sacs de la ville, les anciennes chartes de celle-ci disparurent ou n'étaient
plus d'actualité, aussi les édiles binchois furent contraints de demander au
roi d'Espagne, en l'occurrence comte de Hainaut, de leur accorder de nouvelles
chartes constitutives des lois et privilèges de la ville. Ce travail fut
accompli et promulgué le 26 août 1589. Ces dispositions seront en vigueur
jusqu'à la Révolution française.
QUI A DROIT A LA SUCCESSION ?
La coutume de 1589,
prévoit que les filles ne recevront que la moitié de la part d'héritage due aux
garçons contrairement à ce qui se passait antérieurement, en effet auparavant,
seuls les fils en ligne droite, recevaient l'héritage ou rentes de leurs père,
mère, aïeul ou grand-mère, à I’ exclusion de leurs sœurs (art.74), sauf
disposition contraire du testateur.
Exemple:
Le 31 mai 1550, devant
les jurés Plicette, Le Voet et Philippe De la Croix, Guillaume Naret, bourgeois
de Binche dispose de tous ses biens en faveur de sa femme Marie Vernoye et veut
qu'après la mort du dernier survivant d'eux deux, ils soient partagés également
entre leurs enfants tant fils que filles. D'après l'acte il n'a qu'un seul fils
et plusieurs filles
Bien que dans l'ancienne
coutume de Binche, les garçons de quinze ans et les filles de douze pouvaient
disposer de leurs biens, la coutume de 1594 édicte que dorénavant les garçons
devront avoir vingt-et-un an et les filles dix-huit ans pour vendre, aliéner ou
hypothéquer leurs héritages de main ferme, si ce n'est pour améliorer leur condition,
mais alors, avec le consentement des deux plus proches parents de la lignée
d'où vient le bien, et de deux jurés (art.76).
Le père ou la mère
pourront émanciper et (mettre hors de leur pain ) les fils ou les filles avant
l'âge de 2l ans, ou de l8 ans pour les filles, pour pouvoir passer des contrats
de ventes, locations, etc. de biens hérités (art.77').
Exemple:
Le 5 avril1548,
Piérart de Jeumont, carreleur, émancipe Jeannette de Jeumont sa fille demeurée
de feu Catherine L’hoste qui fut sa première femme.
Ce fait, le dit Pierre
se fait mort au profit de Jeannette sa fille de 100 s. de rente qu'il a sur la maison Gilbart Lhoste
qui fut son grand-père.
L'homme marié, soit
qu'il ait des enfants ou non durant son mariage, ou étant veuf, sans qu'il ait
des enfants des précédentes noces, peut déshériter ses biens, soit qu'ils lui
appartiennent de par son patrimoine ou par achat; mais étant veuf et ayant des
enfants, il ne peut aliéner ses biens ou en disposer au préjudice de ses enfants,
sans en avoir demandé la permission au tuteur ou du « mambour » des enfants (art 8l).
Les bourgeois ou manants
de Binche qui se remarient ne sont pas obligés de donner une portion de leurs
meubles aux enfants de leur précédent mariage (art.91)
LES HERITAGES DES FILLES, FEMMES OU VEUVES
La femme ou fille à
marier, pour autant qu'elle soit veuve ou sans enfants, peut disposer à sa
volonté de ses achats ou de son patrimoine, mais étant veuve et ayant des
enfants, ne peut d'elle-même disposer de ses biens (art 82).
Durant son mariage, le
mari peut vendre, déshériter ou aliéner les biens de sa femme, qu'il ait des enfants
ou non, si ce n'est par le consentement de son épouse. En ce cas il doit
prouver aux jurés la libre volonté de sa femme. En l'absence du mari, les
jurés, interrogent l'épouse sur sa réelle volonté d'aliéner ses biens. Toutefois
si la femme est d'un second mariage et avait eu des enfants de précédentes
noces, elle ne pourra effectuer cette aliénation et leur causer préjudice (art
83).
Les coutumes de Binche
prévoient que le Magistrat prend soin des biens des veuves et des orphelins.
Les jurés désignent des tuteurs ou « mambours » pour l'administration
des biens du père défunt. Ceux-ci devront rendre des comptes réguliers et devront
être entendus si le Magistrat le demande (art. l5).
Pour empêcher la ruine
des héritages appartenant aux orphelins non émancipés, les biens pourront être
mis à rente au plus offrant pour le plus grand profit des orphelins avec le
consentement des quatre parents les plus proches, deux paternels et deux
maternels (art.4l).
L'homme étant veuf,
qu'il soit remarié ou non, peut se faire « mort » d'une partie d'héritage
ou de rentes, comme bon lui semble, au profit de ses enfants, qui après son
trépas devront directement succéder, et pour qu'ils puissent en disposer, sitôt
le décès, de cette portion d'héritage (art.85).
De même la femme peut
faire une « mortification » au profit de des enfants d'un précédent
mariage. Si elle est remariée, cette « mortification » doit se faire
en présence et du consentement de son mari (art.86)
Exemples:
Le 16 novembre 1544,
devant les jurés: du Trilz, Fiefvet et
Hulin de Pret, Jehanne Le Clercq veuve de Jehan Naret demeurant à Mons,
s'est fait morte au profit de François de Ghorges son beau-fils, mari de
Jehanne Naret. Elle lui accorde l'héritage d'une tenure gisant aux Rocquettes
de Binche, tenant à Anthoine Plicette et à la veuve Collart du
Bois, à charge de 100 s. tournois par an pour tous cens. Elle adhérite Jean
Lespoix preneur à rente pour lui et ses hoirs.
Le 12 avril1545 devant
les jurés Descrolières, Gilbart, Deppe, et la Croix, Ursmer Monseur, cordonnier
demeurant à Binche a requis à Jehanne Artillois (Artillon) sa mère se vouloir
faire morte à son profit, ce qu’elle a fait, aussitôt, le dit Ursmer s'est fait
mort lui aussi au profit de Pier et Quintin Monseur, les deux fils qu'il a eu
de Marguerite Dany sa première femme. Accordant qu'ils puissent jouir de deux
maisons se jouxtant, tenant à Jean Dieudonnet et à la veuve Jean Nosfils
et de deux autres maisons et grange sur le Marché de Binche, se touchant l'une
et l'autre, tenant à Huch de Recques et aux héritiers Martin Bonne et à la veuve Frédéric Noyet.
La maison est chargée de 100 sols de rente au profit de Jehan Pitepan.
Le l2 avril1576,
Jacques Picry, époux d'Antoinette de Trahegnies, demeurant à Maubeuge, réclame
à son profit des rentes suivant la mortification faite par demoiselle Jehanne
Vigreuve, mère de la
dite Antoinette , laquelle Jehanne fut en lères noces épouse
de feu Antoine de Trahegnies.
MEILLEURCATEL
Le meilleur catel est en principe le droit du
seigneur[1] de
choisir le meilleur "catel"
meuble ou bien quelconque de celui qui trépassait sans héritiers directs.
Tous les bourgeois, ou
fils, ou filles de bourgeois de Binche et de son alleu, les serviteurs et domestiques
de la ville, non-bourgeois, et leurs enfants décédant dans la ville sont
exempts du meilleur catel à leur
décès.
Pareillement, tous les
bourgeois, et leurs enfants, provenant du Hainaut mais décédés à Binche, en
seront aussi exempts.
Tous les héritiers des
bourgeois « aubains »[2], nés
sur le territoire français, bien qu'ils soient bourgeois de Binche, payeront le
meilleur catel à leur trépas, sauf s'ils décèdent dans la ville ou dans l'alleu.
Tous les bourgeois et
manants passant par la ville ou son alleu, peuvent tester devant les jurés de
la ville, et leurs dispositions seront effectuées selon les coutumes de la
ville, excepté toutefois les serfs et les bâtards, dont les successions sont
réglées au profit du comte et de des successeurs.
Si des bourgeois,
manants, passant ou s'arrêtant en ville, qu'ils soient à pied ou à cheval,
décèdent dans la cité, sans y avoir testé de leurs meubles ou immeubles, ceux-ci
appartiendront à leurs plus proches parents demeurant dans la ville ou dans
l'alleu, ces derniers seront assurés par les jurés de la paisible possession de
ces biens.
Exemple:
Le 23-7-1562, Antoine
Deslens, demeurant à Binche se partage avec Janin de le Becque, fils feu Josse,
depuis peu mort à Binche, l'arrentement d'une masure, rue de la Haulte Cauchie.
Si une personne non
bourgeoise et n'étant ni de la ville, ni de l'alleu, vient à décéder en ville,
le meilleur catel qu'elle posséderait en ville reviendra au comte de Hainaut.
Et si les héritiers du défunt ne viendraient demander la succession des dits
meubles endéans un an, date du trépas, le comte a le droit de prendre tous les objets
laissés par le défunt (art. 95-96).
A.V.B. La coutume de Binche
[1] A Binche, c'est le comte
de Hainaut.
[2] Tout bourgeois fixé en
pays étranger sans être naturalisé
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