DE LA «TERRE PIPINE A LA PLACE DE STATIONNEMENT
Alain GRAUX
L’espace actuel du square
Eugène Derbaix était, avant annexion, scindé en trois parties appartenant
La première au territoire de
Battignies :
Parcelle A 35a Terre de
Sebille Marie-Antoinette
39b Verger
Wanderpepen
Auguste et Gustave
39c Jardin Dessars Cécile
39d Pavillon Dessars
Cécile
La deuxième au territoire de
Buvrinnes :
parcelle A 3l Jardin Bruère Edouard
3m Jardin Bruère
Edouard
3n Maison Bruère
Edouard
La troisième au territoire de
Binche
parcelle C. 27l Terre Wanderpepen Auguste et Gustave.
27m Jardin Wanderpepen Auguste et Gustave
Les plans Popp de ces localités
nous situent ces portions de terrain :
Ces plans datent approximativement de 1872, le site offre donc un paysage rural, vergers et terres, un petit pavillon de repos et une maison formant le coin de la rue de la Station et de la rue de la gare à marchandises, face à la gare. Les Binchois appelaient une de ces terres « el terre Pipine » qui était le sobriquet de Philippine Garain, probablement la locataire d’un des jardins ci-dessus énoncés.
Rue de la Station nos22 24 14-16 18 20 22
Le quartier est promis à un bel avenir, l’annexion à Binche des portions de territoires de Buvrinnes et Battignies faciliteront les transactions établies pour la création d’habitations avec commerces qui commenceront à éclore sur ces terrains, six maisons seront bâties sur la rue de la Station (terrains 3l et 27l) et trois maisons apparaîtront face à la gare (terrain 3l et 3m)
Les deux vues qui précèdent nous restituent les maisons de la rue de La Station, mais aucune vue n’a été prise des maisons devant la gare si ce n’est cette carte postale où l’on montre l’arrière de la gare et dont on aperçoit le dessus des maisons bâties rue de la gare à marchandise dite de Versailles :
La première gare de Binche, du côté des voies de chemin de fer.
La gare érigée en 1856, devint vite vétuste et dès avant 1900, on envisagea d’en rebâtir une plus belle et plus spacieuse. Le comité directeur de la Société des chemins de fer voulut que les abords de la gare soient plus accessible, l’idée surgit de créer une place de stationnement devant celle-ci. Après plusieurs discussions avec les édiles communales on parvint à une convention.
Lors du Conseil communal du 21-1-1898, après avoir entendu le rapport de M. Ghisbain, conseiller communal, la place de stationnement en face de la nouvelle gare projetée est décidée par 11 voix sur 12. Le Conseil décide qu’il y a lieu d’acquérir les immeubles non repris dans le projet du gouvernement et de comprendre pour la dite place, l’espace situé entre la maison de M. Bastin-Neuzé[1] et la nouvelle gare. Partisan de l’achat des immeubles bâtis et autres, non compris dans le projet du gouvernement, M. Babusiaux, s’était abstenu, trouvant qu’il était indispensable de savoir à combien s’élèverait la part de la Ville, avant de déterminer l’emploi des terrains à acquérir.
Le premier août 1898, le Conseil communal autorise le bourgmestre à signer un projet de convention, celle-ci est signée le lendemain[2]:
Convention relative à l’aménagement,
l’entretien et la police d’une place de stationnement
Entre les soussignés , M. Durieux, ingénieur en chef de
l’administration des chemins de fer de l’Etat agissant sous approbation du
ministre des chemins de fer, postes et télégraphes, et M. Eugène Derbaix, bourgmestre de Binche,
il a été convenu ce qui suit :
Art.1. Il
sera créé à Binche, dans l’espace compris entre les rues de la Station et de
Versailles d’une part, les rues à ouvrir par la Ville dans le quartier de la
Station, suivant le plan général d’alignement approuvé par arrêté royal du 22
mai 1897, une place de stationnement indiquée au plan annexé à la présente
convention.
Art.2. Les
acquisitions de terrains et bâtisses nécessaires à la création de la dite place
seront effectuées par les soins et aux frais de l’administration des chemins de
fer de l’Etat.
L’administration communale de Binche se chargera
pour son propre compte du complément des acquisitions à faire, mais
l’administration du chemin de fer interviendra par l’allocation d’un subside de
40.000 fr. dans les frais d’agrandissement de la place de la Station. Ce
subside sera liquidé dès que l’administration communale de Binche aura terminé
les acquisitions de terrains et des bâtisses qui lui incombent et démoli les constructions
existantes.
Art.3. Tous
les travaux à effectuer pour la création de la place de la Station dans toute
son étendue, tels que terrassements, pavage, construction des égouts éclairage,
et toutes autres dépendances, seront effectués aux frais de la Ville de Binche.
L’administration du chemin de fer aura le droit de
déverser à ses frais dans les égouts à construire par la ville, sans aucun
paiement, les eaux provenant du railway.
Art.4.
L’entretien, le nettoyage, et la police de la place de stationnement
incomberont à la ville, laquelle ne pourra sans autorisation préalable du
département des chemins de fer, laisser établir sur cette place aucune baraque,
échoppe, square, jardin, plantation ou autre installation quelconque, même
provisoire[3].
Le 1-10-1900, le Conseil communal décide que la
nouvelle rue créée au quartier de la gare partant de la place de stationnement
et aboutissant à l’avenue Wanderpepen, portera le nom de Jules de Burlet[4].
Le 16-1-1900, sur rapport de l’échevin Babusiaux, le
Conseil décide de procéder à l’expropriation du terrain appartenant M. Laloyaux[5], vu le
prix trop élevé demandé par le propriétaire[6].
Le 24-2-1900, le Conseil prend communication d’un
projet de convention signé entre Georges Wanderpepen[7] et Jules
Meistret[8], par lequel
ceux-ci offrent à la ville de Binche le terrain nécessaire à la place de
stationnement au prix de 300.000 fr. l’ha.
Le 31-3-1900, sur rapport du bourgmestre, le Conseil
décide de conclure l’achat au prix de 262.000 fr. l’ha pour le terrain de M.
Laloyaux et au prix de 300.000 fr. l’ha pour le terrain de M. Wanderpepen et
consorts.
Le 27-10-1900, la proposition de M. Levie, échevin,
tendant à élargir d’un mètre la nouvelle rue de la gare aux marchandises en
rétrécissant le trottoir de 50
cm de chaque côté est rejetée.
Le 14-2-1901, sur proposition du bourgmestre, les
artères du nouveau quartier prennent une dénomination :
Place de la Station pour le terrain en face
de la nouvelle gare à construire.
Avenue de Burlet, pour l’artère principale
reliant la place de la Station à l’avenue Wanderpepen
Rue de Senzeille pour la rue nouvelle
partant de la place de la Station jusqu’à la rue de Merbes.
Rue de Robiano, l’ancienne rue de la
Station depuis la rue des Passages jusqu’à la rue de Merbes
Rue de la Station, elle partira de la rue
de Merbes jusqu’à la place de la Station
Rue de Sebille, la rue tournante partant
de l’avenue de Burlet à l’avenue Wanderpepen
Rue de la Samme, la rue derrière la
verrerie.
Le 3-10-1904, vu la convention du 1-8-1898, entre la
Ville et le Chemin de fer, ratifiée par le ministre le 10-12-1898. Vu l’arrêté
royal du 15-4-1899, sur rapport du bourgmestre, le Conseil communal autorise
l’acquisition moyennant le prix de
30.000 fr. payable le 1-1-1907, d’une maison rue de la Station appartenant à la
veuve Maiglet[9],
cette maison est destinée à être incorporée dans la place de Stationnement.
Le 27-2-1905, le ministre du chemin de fer fait
connaître que le gouvernement fera démolir incessamment les trois maisons
situées en face de la nouvelle gare.
Après différents pourparlers au sujet de
l’acquisition par voie amiable de trois maisons situées sur la place de
stationnement (nos 14-16, 18 et 22) et dont l’expropriation incombe
à la ville, sur proposition de M. Meunier, le Conseil charge le Collège
échevinal d’entrer en négociation avec le propriétaire M. Floribert Dejardin,
ce dernier remet son prix le 16 avril, et c’est le 9-2-1907 que le Conseil
décide d’acquérir ces trois maisons cadastrées 179z4, 179a5
et 179b5, d’une contenance de 4a 40 ca, maisons évaluées à 39.160 fr. Le Conseil
propose de les acquérir pour la somme de 39.160 fr.
La même démarche avait été effectuée le 9-2-1907
pour l’acquisition de la maison sise rue de la Station C.179c5, (n°20) d’une contenance
de 2a 40 ca. Cette maison est évaluée à 30.840 fr. L’administration communale
en propose 30.000 fr. Le propriétaire, Jean-Baptiste Chevalier[10], demande
un délai pour partir, devant vendre son matériel.
Le 14-12-1907, le Conseil décide de signifier leur
congé pour le 1er mai prochain aux locataires[11] des
maisons appartenant maintenant à la Ville[12].
Le 18-4-1908, Jean-Baptiste Chevalier écrit au
bourgmestre :
« ..Je trouve très étonnant qu’étant convenu
ensemble de rester jusque fin avril, que l’on vient me défaire le mur qui me
clôture, je dois vous avouer que je ne suis pas à mon aise, car les gamins
viennent nous jeter des pierres sur notre demeure. Le soir, entre autres, je
dois rester porte fermée pour les poussières, personne ne pratique plus mon
trottoir. Aujourd’hui se sera encore pis, on parle de défoncer les plafonds et
d’ôter des poutres, chose que je trouve encore plus risqueuse . Vu le risque à
courir par cette démolition, vous me direz peut-être que ce n’est pas quinze
jours qui font l’affaire, si je reste, c’est pour chercher à vendre mon
matériel… »[13].
Le 16 juin 1908, l’administrateur des voies et
travaux du chemin de fer écrit au bourgmestre :
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que
l’adjudication des travaux de démolition de l’ancienne habitation du chef de
station de Binche a eu lieu le 18 mai dernier…cette démolition sera entièrement
terminée dans un délai de 45 jours.. »
Le 30-11-1908, le Conseil communal décide de confier
à l’architecte Langerock, de Louvain, auteur des plans de la nouvelle gare,
l’étude de l’avant-projet d’aménagement
de la place de stationnement.
Le 6-9-1909, il est donné lecture au Conseil
communal du rapport de la Commission des monuments concernant l’aménagement de
la place de la Station, elle approuve le projet de l’architecte Langerock, de
Louvain. Afin d’agir avec prudence, la Commission conseille de faire exécuter
un essai de déblai sans rien sacrifier des rues existantes.
Le conseil décide de faire procéder le plus tôt
possible à ce déblaiement d’une partie de la place de stationnement
Le 22-10-1909, l’entrepreneur Alvir Claes propose
pour le déblaiement le prix de 1fr55 le
m³ et 0fr85 de supplément le m³ pour la démolition des vieilles maçonneries. Il
propose la construction d’un escalier en bois pour le prix de 300 fr. Ses
propositions sont acceptées.
Détail d’une carte postale, en février 1910,
les déblaiements ont été réalisés
Le 3-12-1910, décide que suite à la soumission pour l’entreprise d’aménagement de la place de la Station lancée le 28-11-1910, celle-ci a été remportée par M.M. Léopold Massart et fils pour la somme de 37.506 Fr.
L’inauguration de la place de la Station eut lieu le dimanche 1er octobre 1911. Un cortège des sociétés de la ville se forma à 14h à l’hôtel de ville, pour se diriger vers la gare où le ministre des Finances et le ministre de l’Industrie et du travail furent accueillis.
La cérémonie d’inauguration eut lieu à 15h, et une réception eut lieu à 17 h au Waux-hall, suivie d’un banquet par souscription. A 20 h. la station fut illuminée par un éclairage électrique, un bal populaire clôtura la journée. Un feu d’artifice avait été prévu mais fut reporté au dimanche suivant[14].
La gouaille binchoise fit du démantèlement de ce quartier l’« île du Diable », mais une nouvelle étape est ainsi franchie pour la réalisation de ce qui fut plus tard la place Eugène Derbaix, les maisons de la rue de la Station assises sur le futur square de l’Indépendance n’eurent donc pas la longévité qu’on pourrait attendre d’une construction, elles n’existèrent pour la plupart qu’une trentaine d’année.
[1] Maison n° 10-12, Bastin
Camille-Augustin-Joseph (° Walcourt 20-9-1862, négociant, x Leuze 25-8-1891,
Neuzé Laure-Juliette, ° Leuze 25-4-1866). Cette maison était récente car ces
époux avaient fait construire cette maison d'habitation avec magasin à partir
du 13-12-1893. En mars 1896, ils avaient fait établir une marquise de 2 m . sur la façade de sa maison
et placer une barre devant les vitrines du magasins. Approchés par
l’administration communale pour la vente de leur demeure, les époux
Bastin-Neuzé firent construire une maison au hameau
Bas-l'Enfer à partir du
22-3-1900, mais ils quittèrent Binche en février 1902. Ils eurent un locataire
à partir du 10-9-1902, Charles-Ursmer-Joseph Delwart (° Binche 24-5-1863,
marchand tailleur, x Haine-saint-Pierre 1895, Culot Elodie-marie, ° La Hestre
1-3-1871). Ils y resta jusqu’en octobre 1904. Les détails de cartes postales
datés d’environ 1905, présentés ci-dessus ne font déjà plus apparaître cette
double maison, elle était située face à
l’hôtel de la Tourelle tenu par Alex Magin (° Redu 4-10-1856, voyageur de commerce et
hôtelier, x Bruxelles 27-6-1897, Delinge Fanie-Désirée, ° Namur 29-12-1854). Ce
dernier arriva à Binche en février 1902, y vécut jusqu’en juin 1908. C’est ce
qui explique le vide entre l’hôtel et la première maison (n°14-16) du pâté de
maisons.
[2]
Nous avons repris
ici les points principaux, élaguant les dispositions techniques n’intéressant
pas le fonds de l’article.
[5] Laloyaux Louis-Edmond-Fédéric, °
Anderlues 24-11-1853, rentier, x Macon 6-5-1883, Dupont Marie-Dorothée, ° Macon
8-2-1863.
[6] Ce terrain est celui qui
appartenait en 1872 à Cécile Dessart.
[7] Wanderpepen
Georges-Henri-Arthur-Marie-Alexandre-Célestin, ° Battignies 1-3-1862.
[8] Meistret Jules, ° Liège, y x 20-7-1895, Wanderpepen
Suzanne-Marie-Madeleine-Gabrielle, ° Battignies 20-7-1895.
[9] Maison n°22, Prudente Gérard, (°
Saint-Vaast 26-4-1855, x Binche 12-9-1877),veuve Aimé-Joseph Maiglet.
[10] Chevalier Jean-Baptiste, ° Binche
6-6-1848, tailleur, x Binche 6-6-1870, Blariau Joséphine-Caroline, ° Binche
15-2-1848, négociante. Ils ont deux enfants.
[11] La maison n°14-16, était occupée
par la veuve Philippe-Joseph Wauthier (° Binche 6-11-1853, y † 28-2-1903, cordonnier-barbier, x Binche 27-7-1881,
Marlière Félicité, ° Binche 8-1-1848) cabaretière. La maison n° 18, était
habitée par Arthur-Mathieu Andrisse, ° Jumet 19-11-1845, x Binche 18-7-1870,
Lebrun Louise, ° Binche 11-1-1851, cabaretière. Victor-Emmanuel Maton, °
Saint-Ghislain 20-11-1868, géomètre du cadastre habita la maison n°24, jusqu’en
février 1903, il fut suivi par Alexandre Couvreur, ° Haine-Saint-Pierre, °
Binche 17-10-1833, y † 16-4-1916, cafetier-hôtelier, x Binche 8-9-1891, Denamur
Adolphine, ° Haine-Saint-Pierre 25-6-1861, † Binche 11-9-1918.
[14] A.V.B. 01-00-01-22.
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