DU MOULIN PAR DESSOUS-LE-MONT
A LA FERME DE LA PRINCESSE A WAUDREZ
Alain GRAUX
C’est
sous son nom actuel, toponyme récent, que nous allons étudier un des ensembles
très ancien du village de Waudrez qui se situait dans l’alleu de Binche à
proximité du site de l’antique village de Vodgoriacum, le long du chemin menant
de Binche à Péronnes.
Ces
bâtiments subirent de nombreuses
mutations qui méritent d’être connues : ils furent, moulin, manufacture de
draps, tordoir, ferme et actuellement fabrique artisanale de foie gras.
LE MOULIN PAR DESSOUS LE MONT
Le
toponyme « Par dessous le Mont » lui vient du fait qu’il se situe à
proximité du Mont de Justice, lieu où l’on pendait brigands et assassins de
l’alleu.
La
première mention du moulin se trouve dans le cartulaire des cens et rentes dus
au comte de Hainaut rédigé en 1265 [1].
« ..et
est à savoir ke as II molins deseure dis desous le Mont et à Parcegnies, là ù
li cuens ne prent ke le moitiet au blet, il ne rent au maistre carpentier ne al
abateur ne al esquareur ke III d. le ior. Et doivent tout cist molins estre
détenu par les mosniers de kevilles, de vans et de fuseaus, por les farines
k’il en portent. »
A
cette époque le meunier s’appelait Martin de Dessous-le-Mont, il avait acheté
une partie des revenus d’un moulin de
Binche appelé le moulin David.
En 1329 (a.st.), l’abbesse de l’Olive, Isabeau, conclut un échange de
propriété entre son abbaye et Guillaume, comte de Hainaut. L’abbaye possédait cinq des huit parts d’une rente
qu’elle échange avec le comte qui en possédait les trois autres ; en
échange, ce dernier leur propose
quelques terres situées sous Waudrez et
Buvrinnes :
« ..comme nous et no dite église euyssiens en hyretage à
tousiours perpétuelment sour le moulin desous le Mont, de wit vaissiaus de blet
ke li dit moulins waignoit les chiunch vaissiaus dou dit blet…que nos chuinch
parties de le waigne dou dit moulin nous estoit de petite valeur, et pour chou
que nous désirions que nos tières et hiretages chi-apriès nommet fussent
quitei, affrankit et deskierket des débittes deues à nos sire li cuens…avons
nos chuinch parties dou dit moulin, avoech un courtil et tière ki gisent devant
le dit moulin, ki contient entour demi-bonnier de tière, pau plus pau moins… »
[2]
En 1413-1414, à proximité du moulin,
un chaufour appelé
« Caufour dessous le
Mont »appartenait à Jehan le Caufournier.
Celui-ci fournit la chaux pour le rehaussement de la Tour du château de
Binche dite de Tournay [3].
Au
16e siècle on parle des « deux tournans du moulin
Dessous-le-Mont » [4].
Le
5-9-1532, l’empereur Charles-Quint confirme la charte de l’allouet de Binche,
qui entre-autre, signale que le maire héréditaire de Bruille, fief ample
dépendant du comte de Hainaut, percevra annuellement au noël, sur le moulin
Dessous le Mont, deux chapons six deniers blancs et quatre pains :
« Encore
à li maire yretaules del aluet de Binch sour le moulin desous le Mont, au noël
chacun an yretaulement et à toujours II capons VI deniers blans. Item IIII pains, desquels li IV pain doient yestre de la
valeur d’un demi muy de blé, au petit doré du milleur bled qui sera au moulin
desous le Mont, le semaine avant noël et li doit li mounier faire serment de ne
prendre de mouture et li boulangiers doient faire serment de li bien cuire et
loyaulment sans point prendre de fournaige »[5].
Les
nombreuses guerres entre la France et l’Espagne n’épargnèrent pas les villages
situés près de Binche et dévastèrent Waudrez comme tout le Hainaut, nous ne
citerons qu’un exemple de ce que subit le moulin :
En
1572, le meunier de Dessous-le-Mont obtint « une grâce » de 100 livres à cause des
pertes qu’il avait éprouvées pendant que les « ennemis estoient en la ville de Mons, dont les gens et souldars de S.M.
alloient journellement vollers et pilliers quatre ou cincq lieuwes allenthour
de ladite ville, comme aussi ont fait les gens du prince d’Orainge ayant passet
et repasset illecq venant de devant Mons, tellement qu’il avoit dû abandonner
son moulin et n’avoit pu rien sauver de ses biens meubles, fouraiges ny
bestiaulx pour avoir été surprins » [6].
LA MANUFACTURE DE DRAPERIE
En
1700, les drapiers de Thuin, ville située dans la principauté de Liège, ne
pouvaient plus écouler leurs produits vers la France, tant le transit des
marchandises sur la Meuse et la Sambre était onéreux.
Les
Pays-Bas espagnols, modifia ses tarifs douaniers afin d’attirer le trafic
marchand dans notre pays.
Le
14 juillet 1702, les drapiers de Thuin sollicitèrent les édiles binchois afin de s’établir dans la ville. Après de
longues tractations qui aboutirent et leur donnèrent divers avantages, la ville
de Binche les autorisa à s’établir près de la ville :
« ..la
ville se charge au surplus de leur fournir une foullerie bien conditionnée
prette à travailler et l’entretien à la charge desdits maîtres drappiers et la tout pour le terme de dix ans, qui sera
scituée au lieu et place du moulin d’en dessous le mont de justice. Le tout
sera sous le bon plaisir de Sa Majesté. La ville s’oblige pareillement à leur
fournir à chacun en nombre de six, une rame, et l’entretien d’icelle sera à
leur charge. Surabondamment la ville s’oblige de leur fournir deux chaudières
autrement teinture, scavoir une commune et une petite, desquels l’entretien
sera pareillement à leur charge… » [7].
Le
18 mars 1705, le Sr Pépin, receveur des octrois de la ville suivant une lettre
reçue de M. d’Onnezies décide :
« ..qu’on peut convenir avec les maistres
charpentiers de la ville de Thuin pour la construction d’une foulerie à draps à
faire au moulin d’en Dessous le Mont près Binch suivant octroy du roy pour la
manufacture desdits draps, ont convenu avec Médart Dartevelle et Nicolas
Danelys, maistres charpentiers dudit Thuin… »
Ces
ouvriers reçurent 1900
livres de monnaie courante et 12 sols d’argent pour 6
rames de 200 pieds
qu’ils réalisèrent dans l’ancien moulin aux endroits désignés par les maîtres
drapiers. Le tout fut terminé le 19 septembre 1705 [8].
C’est
ainsi que s’établirent à Binche des familles connues tels les Devergnies, les
Voituron et les Brûslé.
L’ensemble
des constructions figure sur le plan Ferraris vers 1778.
Actuellement à Waudrez (Ferme
de la Princesse)
Le
17-5-1736, les gens de la loi de
l’Alloët de Binche « ayant fait
visite des chemins en avril dernier ont remarqué que le pont de pierre qui est
sur la rivière qui conduit au moulin de Dessus le Mont est entièrement détruit
et impraticable et dans la croyance
que c’étoit aux manufacturiers de cette ville de le faire rétablir car la ditte
rivière a été construite pour l’usage du moulin auquel il a été cédé pour leur manufacture… »[9]
Le
10 juillet 1744, lors de la guerre entre la France et l’Autriche, les
installations des drapiers eurent à subir de gros dégâts.
LE TORDOIR ET LA SAVONNERIE
Le
1er ventôse an V (19-2-1797) , devant le notaire Lecocq, Florence
Gauchez, tant pour elle que pour Augustin Gauchez, son frère, et François de
Stassart, à titre de Caroline Gauchez son épouse, vente le tordoir, foulerie et
bâtiment d’habitation dits moulin Dessous-le-Mont sis sur environ un bonnier de
prairie en la commune de Waudrez, moyennant la somme de 8.400 livres d’argent
de Hainaut faisant 7.700 francs. au profit d’Emmanuel Derome et Henri
Bourgeois, tous deux résidant à Binche[10].
Philippe
Vander Maelen [11] nous apprend qu’en 1829,
un tordoir d’huile et une savonnerie y sont exploités.
Le
rapport du collège des bourgmestre et échevins au Conseil communal de Waudrez
de 1850, signale que quatre à cinq ouvriers y travaillent, tandis que celui de
1865, n’en mentionne plus que deux.
Cette
exploitation appartint ensuite en indivision à la famille Sebille, en effet, en 1830, comme le renseigne le cadastre
primitif de Waudrez, Marie-Anne Sebille[12],
veuve Henri Bourgeois, et sa sœur Marie-Thérèse[13], veuve
Emmanuel Derome possédaient les biens suivant :
Section
A.
128 Terre
56a
129 Pépinière
61a 70
ca.
130 Jardin
60 ca.
131
Terrain d’agrément 10a 30 c
132 Savonnerie 4a 60
ca.
133 Jardin 1a
134 Moulin
à l’huile 2a
135 Maison 5a 20
ca.
136 Jardin 5a 40
ca.
137 Verger
29a
En
1850, eut lieu un partage, le bien échoit à la fille d’Emmanuel Derome. Elle épousa
elle aussi un Sebille [14],
famille anoblie en 1822. La fille de ce couple Marie-Antoinette de Sebille [15],
devint propriétaire de l’exploitation.
En
1863, le moulin à l’huile tomba en ruine suite à un incendie et en 1870, la
savonnerie fut convertie en bâtiment rural. A partir de cette époque
l’exploitation devint une ferme.
LA FERME DU TORDOIR où « Tord’was »
Le
cadastre signale Hyppolite Lecocq, docteur en, médecine comme propriétaire. Le
couple Lecocq-de Sebille n’eut pas de descendance, c’est donc par un partage
qui eut lieu en 1874, que l’exploitation passe aux mains du frère de
Marie-Thérèse, Emile de Sebille [16].
Une
vente rend Gustave Abrassart, rentier à Mons, propriétaire de la ferme. On
trouve ensuite les héritiers Adolphe Baudson, maître plafonneur, qui sont
propriétaires en 1892, ils vendirent la ferme en 1895 à Arthur Joret, négociant
à Mons.
La
ferme fut louée par Gaston De Bie [17] ,
maître cultivateur qui s’y établit en août 1908, il habitait alors Péronnes.
L’exploitation passa alors aux mains de son fils Léon [18] et
successivement à sa fille Marie[19],
épouse Harpegnies. Ce sont ces derniers qui vendirent la ferme aux époux
Dooms-Dubuisson [20]. Ils s’y établirent le 29
octobre 1970.
La
ferme portait alors le n° 60, chemin de Péronnes à Waudrez,
LA FERME DE LA PRINCESSE
Avec
la fusion des communes et le changement des noms de rue, le ferme est
maintenant située au n° 120, rue de la Princesse à Binche (Section Waudrez).
Le
2 juin 1980, André Meurant [21] et
son épouse s’installèrent dans la ferme ; ils décidèrent de la transformer
en atelier et magasin de produits fermiers sous l’appellation « Ferme de
la Princesse ».
Ils
se spécialisèrent en élevage de canards destinés à la fabrication de foie gras,
de confits et produits fumés. Ils livrent leur fabrication aux restaurateurs de
la région ainsi qu’à la vente au détail.
[2] HAYEZ
F. Cartulaires de Hainaut. Monuments pour servir à l’histoire du Hainaut, Bruxelles , 1886, tome 3, pp. 221-224
[4] A.G.R. C.C. 8851
[6] A.G.R. C.C. 8930
[7] a.v.b. 00-00-01-25. Audience du 17-7-1705.
[9] A.V.B. 00-00-01-30
[10] A.E.M. Enregistrement
A.C.P. reg. 5/1.
[12] Sebille
Marie-Anne-Amélie, ° Binche 17-5-1765, x Waudrez 8-4-1808, Bourgeois
Henri-Nicolas-Jh., ° 1762±, marchand.
[13] Sebille
Marie-Thérèse-Adélaïde, ° Binche 20-3-1763, y † 4-10-1835, marchande, x Binche
27 floréal an VI (16-5-1798), Derome Emmanuel-Augustin, ° Bavay 14-11-1766,
marchand.
[14] Derome
Marie-Thérèse-Augustine, ° Binche 5-4-1796, y † 19-2-1824, x Binche 21-6-1820,
Sebille Louis-Charles-François-Jh., ° Mons 8-1-1794, † La Buissière 7-8-1837.
[15] De Sebille
Marie-Antoinette-Isabelle-Thérèse-Louise, ° Binche 23-3-1821, y † 22-1-1870, x
1°- Binche 18-9-1849, baron Théodore-Jh. de Snoy, ° Malines 30-3-1818,
rentier, mariage dissout. X 2°- 1868,
Lecocq Adolphe-Hyppolite-Jh.
[16] de
Sebille Emile-Ignace-Louis-Jh., ° Binche 15-5-1823, y † 27-3-1876, célibataire.
[17] De
Bie Gaston-Séraphin, ° Cambron-Saint-Vincent 13-5-1878, x Péronnes-lez-Binche
20-6-1901, Laveine Lydie, ° Estinnes-au-Val 19-9-1880.
[18] De
Bie Léon-Gaston-Paulin, ° Estinnes-au-Val 16-10-1900, x Fontignies Germaine °
Waudrez 26-8-1898
[19] De Bie
Marie-Lydie-Geneviève, ° Waudrez 17-6-1922, x Waudrez 30-11-1942, Harpegnies
Félicien-Joseph-Jean-Baptiste, ° Waudrez 1-5-1921.
[20]
Dooms Max-Valentin-Ghislain, ° Naast 11-11-1917, x Le Rœulx 18-2-1939,
Dubuisson Clémence, ° La Louvière 29-10-1910,
† Seneffe 16-8-1995.
[21]
Meurant André-Jean, ° Havré 13-9-1956, x Mons 21-11-1979, Demaret
Françoise-Raymonde, ° Maurage 24-8-1960.
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