LE beffroi de L’hôtel de ville de BinchE
HISTORIQUE
Binche
figure parmi les premières villes du Hainaut qui jouirent de franchises
municipales. Le beffroi, symbole des libertés communales, se dresse au milieu
de la Grand-Place, en est le témoin séculaire. Il était adossé à la
« maison de ville », ancienne halle des bouchers et de lieu de
réunion du Magistrat. Par opposition au donjon (symbole des seigneurs) et au
clocher (symbole de l’Église), le beffroi, troisième tour du paysage urbain,
représentait le pouvoir des échevins. Au fil des siècles, il est devenu le
symbole de la puissance et de la prospérité des communes.
Après
le sac de la ville en 1554, Jacques Dubroeucq fit la restauration du bâtiment,
le beffroi fut conservé à cause de la solidité de sa maçonnerie.En 1623, le Magistrat envoya un messager à Trazegnies afin de « chercher Mre Pierre Leurent, pour faire visiter le thour du berfroite qui sembloit menacer ruine ». Il décida les jurés à faire placer « une ceinture de fer au berfroy de la maison de ville ».
« A Henri Lemair, pour avoir servi de gaiteur sur le berfroid de cette ville l’espace de XXI jours, XII liv. Xii sols »[1].
La restauration de 1771[2]
La
restauration de l’hôtel de ville qui est généralement présentée comme l’œuvre
de l’architecte Dewez, n’est pas tout à
fait de sa main. Sur un avis qu’il donna en septembre 1770, un groupe d’experts
fut nommé en mai 1771. Sur base de leurs constatations on transforma l’hôtel de
ville.
Pour
ce qui est du beffroi, des réparations non essentielles furent réalisées :
« …
pour ôter les cartouches de la tour et
réparer les vuides : 12
livres 6sols 6 deniers.
Pour réparer le reste de la tour
jusqu’au toit, 5¼ j. de maître et
6¼ de manœuvres 18 livres ».
On
apprend en outre que P. Ramboux, charpentier, a réparé la charpente du bâtiment
et celle du beffroi, et que Georges Godefroid
et Massard ont réparé les ardoises du beffroi.
En
1856, il fut question de démolir et de reconstruire le campanile qui menaçait par
son inclination de façon inquiétante.
1777 1899
Le beffroi engoncé dans la toiture surélevée en 1771, fut dégagé.
La restauration de l’architecte Langerock, de Louvain, refit l’assise inférieure, qui tout en gardant les anciens matériaux, n’a subit aucune modification, on remplaça les briques effritées, les cordons de pierres et les encadrements de fenêtres ont été simplement rejointoyés.
La demi-fenêtre de la tour fut débouchée.
Le campanile dont la charpente menaçait ruine, a été démoli et reconstruit à l’identique.
descriptioN
La tour-beffroi, de plan barlong est divisée par des cordons en cinq
registres inégaux. Emergeant du corps de l’hôtel de ville, les trois niveaux
supérieurs sont en briques renforcés d’angles en harpe de pierre, conçus en
style Renaissance par Jacques Dubroeucq à partir de 1554. Au premier étage la
face latérale gauche en grès est percée d’une fenêtre à croisée, la tour est
murée sur toute sa hauteur dans la moitié droite. Les autres ouvertures ont
leurs montants appareillés et leur linteau droit sous entablement.
Des
cadrans d’horloge sont encastrés dans les baies du niveau supérieur.La corniche à modillons de pierre supporte la flèche bulbeuse couverte d’ardoises, de style baroque du XVIIe siècle sur un campanile octogonal[3]
Les Armoiries de l’empereur Charles Quint ainsi que le monogramme de la reine Marie de Hongrie ornent depuis lors la tour
LE CARILLON
Le
campanile du beffroi renferme un carillon dont plusieurs cloches remontent au
16e s.
Avant
la restauration de 1896-1899, on comptait une dizaine de cloches anciennes.
Elles furent portées au nombre de 26, les anciennes au nombre desquelles les
plus importantes ayant pu être conservées.
Elles
furent fabriquées la plupart par le fondeur Nivellois Thomas Tordeur en 1596.Le 20 juin 1596, le Magistrat de Binche lui confie le travail :
« Thomas Stordeur, maistre fondeur de cloches
résidant en la ville de Nivelles, s’est convenu et accordé avec Messieurs les
Jurés et Conseils de la ville de Binch en telle sorte que ledit Stordeur a
promis furnir dix cloches pour servir dapeaux au beffroi de ladite ville si
comme de « ut, ré, my, fa, sol, ré, my fa, ré, my » et ce de bon
metall, son et ton, pour les relibver au jugement et à la voix de muzichien et
autres gens ad ce congnoissans, selon leur métode et science, léalement, en
dedans le jour St Michel pénultisme septembre prochain et ce pour le prix de
trene chinq florins à payer au jour de la susdite livrance… » [4]
La
cloche de la demi-heure, nommée « Binette », porte le blason de
Binche et l’inscription «Saint-Ursmé
notre patron priant à Dieu que toute âme fut sauvai qui sont cause de ma façon.
1596 »
Lors
du contrat on pouvait lire à propos de cette cloche :
«
…Quant à la cloche présentement servant à
la demye heure, elle sera livrée audit Tordeur pour s’en servir de lune des dix
sy faire se poelt, sinon pora en faire son proffit tant à son payement,
séduisant poix pour poix ».
Elle
annonçait les assemblées du conseil du Magistrat, de même que les incendies et
plus tard les séances du tirage au sort pour la conscription militaire.
La
cloche de l’heure, la plus importante, a été fournie par Jean Grongnart[5] de Mons,
elle pèse Chacun se garde de la mort.
Elle
porte aussi les armoiries des archiducs Albert et Isabelle, et du duc d’Aumale,
gouverneur de la ville.
Le
29-4-1599, deux ans après la livraison des dix premières cloches, Thomas
Tordeur reçut encore une autre commande de la ville de Binche, il promet de
livrer « trois petites cloches pour
servir d’appeaux à l’horloge de ladite ville pour saccorder avecq ceulx qu’il a
cy devant faict, qui debvront estre de fin métal et estoffé et les relivrer
bien accordant comme dessus, laquelle livrance il a promis faire en dedans le
XVe daoust prochain »[6]
Un
ajout à ce contrat nous apprend qu’il s’engage également à refaire une cloche
de la première commande, la dixième qui est jugée « non accordante ».L
es
comptes du massard Charles Tahon nous apprennent que ces trois nouvelles
cloches, pesant ensemble 148
livres , poids de Binche, furent fournies le 20 avril
1600 et le Magistrat paya à Thomas Tordeur la somme de 68 livres 16 sols[7].
Le
2-12-1655, le Magistrat de la ville décide que ces trois cloches du carillon de
Binche seront transportées au refuge de Bonne-Espérance à Nivelles où elles
restèrent jusqu’en 1658[8].
Lors
des guerres franco-espagnoles, les cloches
de la collégiale Saint-Ursmer et celles du beffroi furent transportées
pour plus de sécurité à Mons, ainsi, suivant le rapport qu’en fit le juré
Philippe, le 30 avril 1689, on sait qu’elles furent déposées dans la cour du refuge de Bonne-Espérance à
Mons. Il cite les cloches et leurs inscriptions :
Le
bourdon dit la grosse tribouloire : « St Pierre, nre patron prie que
Dieu nous garde du foudre du ciel, 1597 ».
La
deuxième : « Benedictus Dominus Deus Izrael, 1597 »
La
troisième : « St Pierre prie pour nous, 1596 », avec un
lion rampant.
La
quatrième : « louuaige soit pour vous Sgneur roy de gloire,
1597 »
La
cinquième : « Sancte Martine ora pro nobis » avec un écusson,
1597.La sixième : « Sancta Catharina ora pro nobis, 1597 »
La septième : « Sancta Margaritta ora pro nobis, 1597 »
La
huitième : « Sancta Anna ora pro nobis, 1599 »
La
neuvième : « Sit nomen Domini benedictum, 1599 »
La
dixième, onzième et douzième : « Pierre Grognart ma fait,
1630 »
Lesquelles
ont esté mises dans une cave dessoubz la cuisinne le longt d’une muraille de la
cour en cincq monsiaux, par Durieu, Germain Leloir, Bauduin Ramboux,
Jean-François Dugaillier, Simon Havay, Maximilien Meuguitte, Mathieu Monstrœul
et enfants Joseph Henin, tous de la ville de Binch… »[9]
En
1868 le carillon fut réduit à neuf cloches, depuis lors quelques petites
cloches sont venues s’ajouter, elles proviennent des ateliers Alphonse Beulens,
de Louvain.
Le
nouveau mécanisme du carillon est l’œuvre de Charles Demettre, carillonneur
d’Alost[10].
Le
XXe siècle a vu le développement du carillon mécanique plus perfectionné, électrifié,
et fonctionnant avec l’horloge, dépourvu de tout clavier manuel et donc
totalement autonome.
Une
remise en état du carillon (1956-1957) n’en augmenta pas le nombre, on ré
harmonisa l’ensemble en y adaptant des airs de gilles
Une
restauration eut encore lieu en 1977-1978. Le mécanisme électrique fut
modernisé et l’air de gilles « le petit jeune homme de Binche »
annonce les quarts d’heures.
En septembre 2006, la firme « Clock-O-Matic »,
de Holsbeek (Louvain) a installé dans le beffroi de Binche un système « APOLLO
II SBSI » ordinateur de carillon électronique qui
remplace l'ancien mécanisme électrique
L’HORLOGE
De temps immémorial, il existe au beffroi une
horloge pourvue de plusieurs cadrans annonçant l’heure aux bourgeois.
En
1632, le préposé à l’horloge recevait 24 livres pour ses gages, tandis que l’horloger
touchait 75 livres
du massard [11].
Suite
au règlement communal de 1766, il n’y avait plus qu’un seul employé attaché au
soin de l’horloge, ainsi qu’aux matériaux nécessaires à l’entretien, moyennant
un gage de 92 livres .
LA RECONNAISSANCE PAR L’UNESCO
Le
beffroi de Binche fait partie des 32 « beffrois de Flandre
et de Wallonie » inscrits en 1999, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Ce groupe étant désormais nommé « beffrois de Belgique et de
France ».
[2] Voir à ce sujet notre article : La restauration de l’hôtel de ville de
Binche en 1771, dans le « Mouchon d’aunia » 82e année,
n° 2, pp.3-10.
[3] Carlier F., L’hôtel de ville de Binche, dans Le
patrimoine monumental de la Belgique. Wallonie. Hainaut. Thuin, Liège, 1983,
pp. 164 et 168.
[4] A.V.B. 00-00-01-10
[5] Grongnart Jean (° Dinant 1579, † Mons 1615). On
connaît plusieurs cloches qu’il réalisées : à Grammont, église Saint
Bartholomé en 1588. A Mons (carillon,
démoli). A Nivelles (carillon, démoli). A
Chimay, à la collégiale Saints Pierre et
Paul en 1605.
[6] A.V.B. 00-00-01-11.
[7] A.V.B. 00-01-00-28.
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