LES FRANCS
CHEVALIERS DE BINCHE
Alain GRAUX
L’Ordre de Marie de Hongrie n’est pas la
première organisation de chevalerie qui fut créée à Binche. J’avais été
intrigué lors de la lecture d’un extrait de l’ouvrage « L’Hermite en
Belgique » édité en 1827, dont je vous livre la teneur, ici pour rappel.
Un extrait parlant de Binche parut dans un bulletin de la société d’Archéologie[1],
il citait une étrange société :
« …Nous
descendîmes à l’hôtel du Roi d’Espagne…J’attendais en nombreuse compagnie
l’arrivée du potage, lorsque frappé de l’aspect d’un groupe de panaches blancs
semblables à ceux que portent les officiers de la maréchaussée, je courus à la
fenêtre d’où je considérai un rassemblement de sept ou huit personnes vêtues
d’habits bourgeois, mais chaussées et coiffées selon l’ordonnance de la grosse
cavalerie ; ils s’empressaient autour d’un grand maigre, affublé d’une
épée, d’une écharpe et d’une médaille suspendue à un ruban bleu de ciel. Qu’est-ce
que cela ? Dis-je à haute voix.
C’est, me répondit un
passant, l’état-major des francs chevaliers.
Peu satisfait de cette
réponse, je reportai les yeux sur celui que la déférence des autres m’indiquait
pour leur chef ; et soit en vérité, soit prévention, je lui trouvai l’air
très chevaleresque, et plusieurs traits de ressemblance avec S.M. Charles X… »
J’ai voulu en savoir plus sur ce groupe de
cavaliers, c’est ainsi que j’ai pu retrouver l’acte de fondation de cette
société originale.
La fondation
C’est le 5 septembre 1821, dans les locaux de
l’hôtel de la Régence se constitua la
« Société des Francs Chevaliers » par messieurs
Armand Basselier, Philippe Coppée, Maximilien Coppin, Ursmer Courtois, Auguste Debaise, François Dejardin, André Deneufbourg, Charles Depape, François Derbaix, Louis Dessars,
Adrien Dewante, Victor Gaillard,
Genatry, Antoine Harlez, Henri Hecq, Jean-Baptiste Hecq, Joseph Hecq, Louis Lambrez,
Nicolas Lambrez,
Charles Laurent, Louis Lebon, Jean-Baptiste Lechien, Hugues-Albert Leroy, Nicolas
Leroy, André Maréchal, Auguste Maréchal, Théodore Maton, Auguste Milcamps, François
Milcamps, Louis Milcamps, Paris, Jean-Baptiste Pollet, François Ponselet, Victor
Pourbaix, Florent Thomas, Hubert Wanderpepen, et Charles Winance.
Lesquels ayant formé la garde
d’honneur offerte le 2 septembre 1821 à
monsieur Bonaventure de Bousies, gouverneur de la province, lors de son entrée
en la ville de Binche, décidèrent de perpétuer cet événement[2].
Devoirs des Francs chevaliers
Les francs chevaliers voulant
donner au roi Guillaume Ier des Pays-Bas, aux princes de son gouvernement, des
marques de fidélité et de leur attachement déclarent contracter les obligations
suivantes :
- les
francs chevaliers obéiront scrupuleusement aux lois de l’Etat
- ils
monteront à cheval en grand uniforme complet, tel qu’il sera ci-après
déterminé, pour former une garde d’honneur et faire le service lorsque S.M. ou
les princes de sa Maison honoreront la ville de Binche de leur présence, leur
arrivée ayant été annoncée officiellement aux autorités locales
- aussi pour le
gouverneur de la province du Hainaut en qualité de gouverneur, et pour les
grands dignitaires de l’Etat ayant mission de gouvernement.
- et finalement lorsqu’ils seront
invités par le bourgmestre et les échevins et membres de la Régence de la ville
de Binche pour une fête ou cérémonie publique.
Devoir des francs
chevaliers entre eux
- les
francs chevaliers se devront entre eux, amitié, honnêteté et cordialité.
- étant
en service, pour tout ce qui le concerne, ils doivent obéissance à leur chef
- il est expressément défendu de
s’entretenir dans les réunions de corps,
d’affaires ou démêlés personnels
- Il est également défendu hors
l’enceinte des réunions de s’entretenir avec des individus non chevaliers des
objets dont on s’y est occupés concernant et intéressant l’Ordre de la franche
chevalerie
- Arrivant le décès d’un franc
chevalier, le drap mortuaire sera porté par quatre de ses frères désignés par
le commandant. Le corps sera porté par quatre officiers de l’état major,
également choisis par le commandant ; le Corps des francs chevaliers devra
assister à ces funérailles en uniforme et un crêpe au bras gauche
Dans les 10 jours qui suivront le
décès, il sera célébré aux frais de
la société, un service pour le repos de l’âme
du défunt, auquel devront aussi assister tous les francs chevaliers dans
le même uniforme que ci-dessous.
- Les francs chevaliers
auront un commandant et un état major composé de quatre officiers, quatre
sous-officiers, savoir un adjudant major, un capitaine, un lieutenant, un
sous-lieutenant, un maréchal de logis chef, un maréchal de logis, un fourrier,
un brigadier, un secrétaire trésorier et un porte-enseigne
- tous les ordres émanant du
commandant, soit qu’il les donne en personne ou qu’il les transmette par un
officier d’état-major seront obligatoires pour tous les francs chevaliers.
- les officiers et sous-officiers
composant l’état-major, hors M. Nicolas Lambrez, unanimement promu commandant à
vie, seront nommés en assemblée générale à la majorité des voix
- lorsqu’il y aura lieu à remplacer un
officier ou un sous-officier d’état-major, il y sera procédé de la même manière qu’à l’article précédent
- les nominations seront inscrites sur un registre à ce destiné, elles
seront signées par le commandant, il en sera délivré expédition aux titulaires.
Administration
- La
société des francs chevaliers sera administrée par son état-major
- toutes les délibérations
réglementaires pour des cas non prévus par les statuts seront prises à la majorité
des voix
- les
délibérations seront consignées sur un registre.
L’uniforme
- l’uniforme du commandant sera habit bleu, gilet et pantalon de casimir
blanc, bottes à l’écuyère, cravate de soie noire, chapeau français avec plumes
blanches, écharpe en soie bleue avec frange en or
- celui des officiers de l’état-major
sera pour l’adjudant major, capitaine, lieutenant et sous lieutenant, un habit
bleu, gilet blanc, pantalon de casimir blanc, bottes à l’écuyère, cravate de
soie noire, chapeau français avec plumes blanches, écharpe en soie bleue avec
frange blanche
- celui des sous-officiers, secrétaire
et trésorier et porte étendard, sera le même, hors les plumes qui seront
blanches et noires et la frange de l’écharpe qui devra être bleue
- celui des francs chevaliers, sera
Habit bleu, gilet blanc, col de soie noire, pantalon de Nankin large avec
sous-pieds (en été), pantalon de drap ou casimir bleu (en hiver), bottes en
dessous, éperons, cravache, chapeau rond ordinaire avec cocarde ordinaire avec
cocarde bleue céleste.
Réunions
- Les francs chevaliers devront se
réunir en corps, en uniforme dans le lieu qui leur sera indiqué par le commandant,
tous les ans, le 2 septembre, jour anniversaire de l’entrée à Binche de M. de Bousies
- pour chômer ce jour, il y aura banquet
entre les francs chevaliers, les frais seront réglés et le local désigné par
une délibération particulière de l’état-major.
- ils devront encore se réunir en
uniforme toutes les fois qu’ils en
seront convoqués
- Aucun
chevalier ne pourra introduire qui que ce soit pour quelque cause que ce puisse
être.
Admission
- pour être admis franc chevalier, il
faut notamment jouir de bonne réputation et avoir l’âge de 18 ans, accomplis
- les demandes d’admission devront être
écrites et présentée par un franc chevalier au secrétaire de l’état major. On
convoquera l’assemblée afin de délibérer sur les demandes présentées. Pour être
admis, il faudra réunir au scrutin deux
tiers des suffrages des francs chevaliers présents. Le résultat sera adressé au
postulant, s’il accepte, il lui sera fixé jour pour se rendre au lieu ses
séances de l’état-major.
Destitution
- les chevaliers contre lesquels (Dieu
ne plaise) il serait prononcé un jugement portant condamnation à une peine infamante seront destitués par le
seul fait de cette condamnation, sans qu’il soit besoin d’une délibération
- seront encore destitués les chevaliers
qui refuseront de payer les amendes qu’ils auraient encourues ; ceux dont
l’insubordination ou l’inconduite seraient notoires et qui sans amendement auraient été réprimandés par le commandant
après avoir délibéré par l’état-major
- ces
cas arrivant, la destitution sera prononcée par assemblée générale convoquée à
cet effet.
- un
franc chevalier renvoyé ne pourra plus être reçu.
Pénalités
- les insubordinations, manque de
service et infractions du présent règlement seront punies d’une amende de 2 à
10 francs, elles seront prononcées à la majorité des voix des officiers, sous
officiers composant l’état-major. Elles seront portées à la connaissance du
condamné qui devra y satisfaire dans la huitaine entre les mains du secrétaire trésorier.
Nominations des officiers
Lambrez Nicolas, commandant à vie ;
Gaillard Victor, 1er lieutenant
Derbaix François, adjudant major ;
Wanderpepen Hubert, Sous lieutenant.
Cette organisation de la bourgeoisie binchoise vécut
jusqu’à la fin du Régime Hollandais, elle n’eut donc qu’une existence éphémère.
Seules les archives peuvent encore en perpétuer le souvenir.
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