mardi 13 décembre 2016

Les Francs Chevaliers de Binche


LES FRANCS CHEVALIERS DE BINCHE
                                                                                                                                          Alain GRAUX
L’Ordre de Marie de Hongrie n’est pas la première organisation de chevalerie qui fut créée à Binche. J’avais été intrigué lors de la lecture d’un extrait de l’ouvrage « L’Hermite en Belgique » édité en 1827, dont je vous livre la teneur, ici pour rappel. Un extrait parlant de Binche parut dans un bulletin de la société d’Archéologie[1], il citait une étrange société :

« …Nous descendîmes à l’hôtel du Roi d’Espagne…J’attendais en nombreuse compagnie l’arrivée du potage, lorsque frappé de l’aspect d’un groupe de panaches blancs semblables à ceux que portent les officiers de la maréchaussée, je courus à la fenêtre d’où je considérai un rassemblement de sept ou huit personnes vêtues d’habits bourgeois, mais chaussées et coiffées selon l’ordonnance de la grosse cavalerie ; ils s’empressaient autour d’un grand maigre, affublé d’une épée, d’une écharpe et d’une médaille suspendue à un ruban bleu de ciel. Qu’est-ce que cela ? Dis-je à haute voix.
C’est, me répondit un passant, l’état-major des francs chevaliers.
Peu satisfait de cette réponse, je reportai les yeux sur celui que la déférence des autres m’indiquait pour leur chef ; et soit en vérité, soit prévention, je lui trouvai l’air très chevaleresque, et plusieurs traits de ressemblance avec S.M. Charles X… »

J’ai voulu en savoir plus sur ce groupe de cavaliers, c’est ainsi que j’ai pu retrouver l’acte de fondation de cette société originale.

La fondation

C’est le 5 septembre 1821, dans les locaux de l’hôtel de la Régence  se constitua la « Société des Francs Chevaliers » par messieurs

Armand Basselier, Philippe Coppée, Maximilien Coppin, Ursmer Courtois, Auguste Debaise, François Dejardin, André Deneufbourg, Charles Depape, François Derbaix, Louis Dessars, Adrien Dewante, Victor Gaillard, Genatry, Antoine Harlez, Henri Hecq, Jean-Baptiste Hecq, Joseph Hecq, Louis Lambrez, Nicolas Lambrez, Charles Laurent, Louis Lebon, Jean-Baptiste Lechien, Hugues-Albert Leroy, Nicolas Leroy, André Maréchal, Auguste Maréchal, Théodore Maton, Auguste Milcamps, François Milcamps, Louis Milcamps, Paris, Jean-Baptiste Pollet, François Ponselet, Victor Pourbaix, Florent Thomas, Hubert Wanderpepen, et Charles Winance.

Lesquels ayant formé la garde d’honneur offerte le 2 septembre  1821 à monsieur Bonaventure de Bousies, gouverneur de la province, lors de son entrée en la ville de Binche, décidèrent de perpétuer cet événement[2].

Devoirs des Francs chevaliers

Les francs chevaliers voulant donner au roi Guillaume Ier des Pays-Bas, aux princes de son gouvernement, des marques de fidélité et de leur attachement déclarent contracter les obligations suivantes :
-          les francs chevaliers obéiront scrupuleusement aux lois de l’Etat
-           ils monteront à cheval en grand uniforme complet, tel qu’il sera ci-après déterminé, pour former une garde d’honneur et faire le service lorsque S.M. ou les princes de sa Maison honoreront la ville de Binche de leur présence, leur arrivée ayant été annoncée officiellement aux autorités locales
-           aussi pour le gouverneur de la province du Hainaut en qualité de gouverneur, et pour les grands dignitaires de l’Etat ayant mission de gouvernement. 
-          et finalement lorsqu’ils seront invités par le bourgmestre et les échevins et membres de la Régence de la ville de Binche pour une fête ou cérémonie publique.

Devoir des francs chevaliers entre eux

-          les francs chevaliers se devront entre eux, amitié, honnêteté et cordialité.
-          étant en service, pour tout ce qui le concerne, ils doivent obéissance à leur chef
-          il est expressément défendu de s’entretenir  dans les réunions de corps, d’affaires ou démêlés personnels
-          Il est également défendu hors l’enceinte des réunions de s’entretenir avec des individus non chevaliers des objets dont on s’y est occupés concernant et intéressant l’Ordre de la franche chevalerie
-          Arrivant le décès d’un franc chevalier, le drap mortuaire sera porté par quatre de ses frères désignés par le commandant. Le corps sera porté par quatre officiers de l’état major, également choisis par le commandant ; le Corps des francs chevaliers devra assister à ces funérailles en uniforme et un crêpe au bras gauche
Dans les 10 jours qui suivront le décès, il sera célébré aux       frais de la société, un service pour le repos de l’âme  du défunt, auquel devront aussi assister tous les francs chevaliers dans le même uniforme que ci-dessous.

Des officiers de la franche chevalerie

-           Les francs chevaliers auront un commandant et un état major composé de quatre officiers, quatre sous-officiers, savoir un adjudant major, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, un maréchal de logis chef, un maréchal de logis, un fourrier, un brigadier, un secrétaire trésorier et un porte-enseigne
-           tous les ordres émanant du commandant, soit qu’il les donne en personne ou qu’il les transmette par un officier d’état-major seront obligatoires pour tous les francs chevaliers.
-          les officiers et sous-officiers composant l’état-major, hors M. Nicolas Lambrez, unanimement promu commandant à vie, seront nommés en assemblée générale à la majorité des voix
-          lorsqu’il y aura lieu à remplacer un officier ou un sous-officier d’état-major, il y sera procédé  de la même manière qu’à l’article précédent
-          les nominations seront  inscrites sur un registre à ce destiné, elles seront signées par le commandant, il en sera délivré expédition aux titulaires.

Administration

-          La société des francs chevaliers sera administrée par son état-major
-          toutes les délibérations réglementaires pour des cas non prévus par les statuts seront prises à la majorité des voix
-          les délibérations seront consignées sur un registre.

L’uniforme

-          l’uniforme du commandant sera  habit bleu, gilet et pantalon de casimir blanc, bottes à l’écuyère, cravate de soie noire, chapeau français avec plumes blanches, écharpe en soie bleue avec frange en or
-          celui des officiers de l’état-major sera pour l’adjudant major, capitaine, lieutenant et sous lieutenant, un habit bleu, gilet blanc, pantalon de casimir blanc, bottes à l’écuyère, cravate de soie noire, chapeau français avec plumes blanches, écharpe en soie bleue avec frange blanche
-          celui des sous-officiers, secrétaire et trésorier et porte étendard, sera le même, hors les plumes qui seront blanches et noires et la frange de l’écharpe qui devra être bleue
-          celui des francs chevaliers, sera Habit bleu, gilet blanc, col de soie noire, pantalon de Nankin large avec sous-pieds (en été), pantalon de drap ou casimir bleu (en hiver), bottes en dessous, éperons, cravache, chapeau rond ordinaire avec cocarde ordinaire avec cocarde bleue céleste.

Réunions

-          Les francs chevaliers devront se réunir en corps, en uniforme dans le lieu qui leur sera indiqué par le commandant, tous les ans, le 2 septembre, jour anniversaire de l’entrée  à Binche de M. de Bousies
-          pour chômer ce jour, il y aura banquet entre les francs chevaliers, les frais seront réglés et le local désigné par une délibération particulière de l’état-major.
-          ils devront encore se réunir en uniforme toutes les fois  qu’ils en seront convoqués
-          Aucun chevalier ne pourra introduire qui que ce soit pour quelque cause que ce puisse être.

Admission

-          pour être admis franc chevalier, il faut notamment jouir de bonne réputation et avoir l’âge de 18 ans, accomplis
-          les demandes d’admission devront être écrites et présentée par un franc chevalier au secrétaire de l’état major. On convoquera l’assemblée afin de délibérer sur les demandes présentées. Pour être admis, il faudra réunir au scrutin  deux tiers des suffrages des francs chevaliers présents. Le résultat sera adressé au postulant, s’il accepte, il lui sera fixé jour pour se rendre au lieu ses séances de l’état-major.

Destitution

-          les chevaliers contre lesquels (Dieu ne plaise) il serait prononcé un jugement portant condamnation  à une peine infamante seront destitués par le seul fait de cette condamnation, sans qu’il soit besoin d’une délibération
-          seront encore destitués les chevaliers qui refuseront de payer les amendes qu’ils auraient encourues ; ceux dont l’insubordination ou l’inconduite seraient notoires et qui sans amendement  auraient été réprimandés par le commandant après avoir délibéré par l’état-major
-          ces cas arrivant, la destitution sera prononcée par assemblée générale convoquée à cet effet.
-          un franc chevalier renvoyé ne pourra plus être reçu.

Pénalités

-          les insubordinations, manque de service et infractions du présent règlement seront punies d’une amende de 2 à 10 francs, elles seront prononcées à la majorité des voix des officiers, sous officiers composant l’état-major. Elles seront portées à la connaissance du condamné qui devra y satisfaire dans la huitaine entre les mains du secrétaire trésorier.

Nominations des officiers

Lambrez Nicolas, commandant à vie ; Gaillard Victor, 1er lieutenant
Derbaix François, adjudant major ; Wanderpepen Hubert, Sous lieutenant.

Cette organisation de la bourgeoisie binchoise vécut jusqu’à la fin du Régime Hollandais, elle n’eut donc qu’une existence éphémère. Seules les archives peuvent encore en perpétuer le souvenir.


[1] S. GLOTZ, Binche en 1827, dans bulletin SAAMB n°4, décembre 1996, pp. 6-12.
[2] A.V.B. 01-00-02-2.

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