LE FEU SOUS LA
CENDRE
Fernand GRAUX
Désirant me remettre un peu des fêtes de fin
d’année, je me promenais seul, flânant çà et là au va comme je te pousse. Je
m’arrêtai soudain devant un café où régnait une animation propre à attirer mon
attention toujours un peu en éveil !
Je décidai d’y entrer, n’étant pas par nature
un bois sans soif ; me voilà bientôt installé près d’une table encombrée
de plusieurs magnifiques tambours aux cuivres étincelants. Je ne puis résister
d’y faire jouer les doigts sur l’un d’eux mais à ma grande déception la peau en
était flasque et sans aucun son.
Je tentai en vain d’échanger quelques propos
sur l’actualité politique ou sur la vie chère, avec quelques voisins de table.
Mais « on »
était venu pour ça ! Et qui comptait bien plus aux yeux des
« purs » de la danse ! Car je dois vous le dire, j’étais tombé
sur la présentation de batterie qui se fait, comme chacun le sait, dès le début
de l’année.
Le chef de batterie ayant jugé le temps de
s’exécuter, jetant un regard quelque peu moqueur sur l’assemblée, puis clignant
de l’œil à son équipe et, se sachant le point de mire de l’assistance, lança le
« on y va ? » tant
attendu des connaisseurs venus en nombre pour l’audition ; en un instant
l’atmosphère se remplit des crépitements
nerveux et secs des baguettes en bois d’ébène ou de frêne sur les peaux tendues
cette fois à craquer, des tambours.
Les cœurs se sont pincés de plaisir, les
sourires s’épanouirent et des « ça
va d’aller! » « y sont
s’tau point » « y sont
s’t’in orde » ou autres clichés sempiternels ; se sont depuis des
siècles les mêmes paroles qui reviennent de pères en fils et le diapason
insensiblement a monté et les pieds sous les banquettes ont commencé à battre
la mesure. Puis j’ai entendu le président de la société dire d’un ton doctoral
au « gamin d’el binde de tamboureux » (C’est-à-dire : la relève)
« en’ miette pu sec eyé moins râte
em’fi eyé ça pourra d’aller » « nos s’rons co bie montés pou s’n’année çi ».
Et de donner à toute l’assistance qui ne
demandait que cela, le signal de la danse, en virevoltant sur lui-même, le bras
droit levé tenant un ramon imaginaire !
La salle était au paroxysme de l’exaltation
après quelques raccords exécutés avec un brio sans pareil et après quelques
danses accompagnées de rasades de bière bien fraîches, on décida de commun
accord de terminer en soumonce cette première présentation dans les rues encore
décorées des attributs illuminés du gille, ravivant ainsi au cœur de la
multitude de Binchois accours dans la soirée, la flamme sacrée du carnaval.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire