LES DURES CONDITIONS
DE VIE EN 1914-1918
Alain GRAUX
A Binche, comme dans tout le pays, la vie est
rendue très difficile au vu des restrictions, tant en nourriture qu’en
approvisionnement en charbon, des réquisitions de main-d’œuvre, du manque
d’hommes dans les ménages et donc du manque de ressources, du couvre-feu, etc.
Et pourtant, bien que la situation soit devenue
très préoccupante, la vie doit absolument continuer !
Les vivres se faisant rares un organisme
américain, la « Commission for Relief in Belgium » se chargea du
ravitaillement de la population civile[1].
Le comité national de Secours et d’alimentation
seconda les efforts de cette fondation et s’occupa de la répartition des vivres
et des secours. Organisation nationale, ce comité fut créé par Ernest Solvay et
le marquis de Villalobar, ministre espagnol afin de venir en aide à la
population belge. Le comité reçut l’assurance d’être exempté de réquisition de
la part des autorités allemandes
La population bénéficiaire est divisée en trois
parties :
-
Les
gens sans ressources reçoivent chaque jour gratuitement, deux fois par jour, de
la soupe, des pommes de terre et de la viande.
-
Les
petites gens paient le même repas, 15 centimes
-
Les
autres paient 25 centimes.
En août 1914, une proclamation oblige à porter
tous les pigeons dans la maison inoccupée de M. Brachot, il y en parfois 50 par
maisons, afin de régaler l’occupant.
En novembre 1914, le comité s’adjoint une
agence de renseignements sur les prisonniers de guerre afin de leur faire
parvenir des colis de nourriture, vêtements, chaussures à semelles de bois
ainsi que de quoi faciliter la correspondance entre la famille et le prisonnier
et envoi d’argent. Cette agence est dirigée par les comtesses de Mérode et
Edouard d’Assche.
En septembre 1914, l’administration communale
décida de réglementer la vente et le débit du pain. Les habitants pouvaient
disposer de 400 grammes
de pain maximum par jour. Le prix en était fixé à 28 centimes le pain d’un kg,
et de 55 centimes le pain de 2
kg .
Le pain est alors fourni sur présentation d’une
carte de famille remise à chaque chef de ménage, dans les locaux aux jours et
heures indiqués, trois distributions se faisant par semaine. Il était
recommandé de se présenter avec la somme exacte ou avec les bons du Comité de
secours
Il y avait en ville plusieurs magasins de
ravitaillement. On distribuait à heure fixe, chaque jour, du pain, rue de
Merbes, des denrées alimentaires, rue Saint-Jacques, cela se faisait par le
biais de cartes de ravitaillement ; de longues files de ménagères stationnaient
devant ces points de distribution.
Parmi les groupes les plus touchés, il faut
noter les bébés et les enfants, tant au point de vue nourriture que de soins
requis par leur âge peu avancé. La mortalité infantile reste, alors même
qu’elle l’était déjà avant la guerre, très élevée. Suite à cette situation, le
Comité National subsidia des œuvres comme « Les petites abeilles »
afin de prodiguer des soins aux nouveau-nés jusque l’âge de trois ans en leur
procurant du lait, de la phosphatine etc.
Lors du noël 1914, le Comité National distribua
en Belgique 647 caisses de jouets provenant des U.S.A.
En avril 1915, les Allemands dissolvent le
comité directeur de la « Croix Rouge » de Belgique et s’emparent de
la caisse avec l’argent, les autorités occupantes décident en juin 1915, que
les chevaux ne recevront plus que 2,5kg d’avoine par jour au lieu de 5 à 6 kg nécessaires.
En octobre 1915, le gouvernement belge en exil
à Sainte-Adresse, emprunte 25.000.000 Fr. au gouvernement anglais, afin de
pouvoir acheter de la nourriture pour le Comité National de Belgique, et de
l’expédier par bateaux sous pavillons neutres.
En mars 1916, on établit « la soupe
populaire » contre une redevance de 10 centimes, à tous les habitants qui
en faisaient la demande. Il fut distribué plus de 9.000 rations. Des repas
scolaires furent également organisés par le même organisme.
Au marché noir, le commerce des faux produits
explose, on y trouve du beurre avec de la graisse industrielle, de l’amidon
mêlé de plâtre, de la farine avec de la craie, du café avec du malt, du savon
en terre glaise, etc. des wagons entiers sont déroutés vers l’Allemagne par des
fraudeurs. Les boulangers reçoivent de la farine blanche du Comité National et
en font un pain gris médiocre ils la
volent pour la revente au noir.
L’ »Œuvre du coin de terre »
organisait une répartition de lopins de terre. La culture suppléait à
l’approvisionnement en légumes
La situation devint de plus en plus difficile,
vu que le 15 novembre 1916, plus de six cent Binchois sont déportés[2].
Au début 1917, la ration journalière de pain
passe de 400 à 300
grammes à cause de l’acheminement difficile de la farine
suite au gel intense de cette année là. Les « Boches » vendent à la
Hollande presque toute la production maraîchère belge pour obtenir des florins
pour l’effort de guerre. Les marchés publics ne sont accessibles que lorsque
les occupants allemands ont terminés leurs achats.
La « Commission for Relief
in Belgium » cesse ses activités en Belgique en mars 1917, suite à la
rupture des relations diplomatiques entre l’Allemagne et les U.S.A. En avril
1917, suite à la déclaration de guerre de ces derniers, les Allemands coulent
tous les bateaux œuvrant pour le Comité National. Vu le manque de nourriture
importée, la disette se fait jour, la ration de pain journalière diminue encore
de 100 grammes ,
des gens mangent de la viande de chien, c’est ainsi qu’en décembre 1917, tous
les propriétaires de chiens doivent les conduire à l’abattoir. Si le chien
n’est pas présenté, on risque une amende de 20.000 marks ou 5 ans de prison.
La ration de pommes de terre
passe de 300 à 190 gr. 85% de la production part en Allemagne. On ne buvait
plus de café mais de la « toréaline », les fumeurs remplaçaient le
tabac par les feuilles de rhubarbe, il en alla ainsi jusqu’à la fin de la
guerre.
Carte de
rationnement en mai 1917
[1] Voir notre article : La « Commission for Relief in
Belgium » dans bulletin SAAMB, novembre 2008, pp.9-10
[2] Voir notre article : 15 novembre 1916, la déportation des Binchois bulletin S.A.A.M.B., novembre 2009, n° 3, pp. 6-9.
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