MICHIEL
COXCYE FRESQUISTE DE MARIE DE HONGRIE
Alain GRAUX
Pour la décoration des salles
de son château de Binche, la gouvernante des Pays-Bas, Marie de Hongrie, fit
appel à Michiel Coxcye, peintre de portraits et d’œuvres religieuses, qu'elle
connut parce qu'il exécuta en 1545 le portrait
de sa nièce Christine de Danemark [1]
, alors que cette dernière résidait alors à Malines à la cour de Marie
de Hongrie.
Il exécuta à Binche de 1548
à 1550, plusieurs tableaux et fresques, comme en témoignent les comptes du
receveur du domaine de Binche, Philippe du Terne [2]:
On ne peut se rendre compte
de ce que réalisa M. Coxcye qu'en examinant attentivement le dessin de la salle
haute dite salle aux médaillons réalisé lors des fêtes de 1549 [3].
« A maistre Mikil
Van Coxyen, painctre demorant à Bruxelles, la somme de noef cens soixante
quattre livres huyt solz noef deniers, du pris de quarante gros, monnoye de
Flandres, la livre, que par ordonnance de S.M. en datte du XVè jour de décembre
XV C quarante noef ce receveur lui a délivret comptant pour plysieurs
painctures tant à la fresque que aultrement qu'il a faict et formés aud. hostel
comme il est cy dessoubs déclaré, assavoir pour les quattre figures painctes à
la fresque et le lansghenuh [4]
portier, avec le paysaige en la grande salle hault y comprins les cheminées,
fenestres et dessaings que peust avoir faict pour lesd. ouvraiges....
C L IIIxx X livres dudit pris.. »
« ..et pour avoir
painct à la fresque la gallerie haulte contenant selon la mesure de Maistre
Jehan Ansseau cy joincte III c XL VI aulnes ung quartier à l'advenant de
quarante-trois solz de deux gros, monnoye
de Flandres, le sol, chacune aulne en quarrure font VII c XL IIII livres VIII
solz IX deniers..." [5].
Il logeait dans une maison de la ville dont le loyer
était supporté par la reine :
« item, pour le louaige d’une maison que pendant le temps que led.
Painctre a besongnié es dits ouvraiges que sad. Majesté luy a accordé, XXX
livres »
Qui était
Michel Coxcye ?
Il naquit à Malines vers
1499. Elève de son père et de Bernard Van Orley, il alla avec ce dernier à Rome
et dirigea avec lui la fabrication des tapisseries du Vatican. Il fut en
contact avec l'œuvre de Raphaël qui l'influença notablement. Aucune oeuvre de
lui n'est conservée avant son voyage à Rome.
En 1531, le cardinal
hollandais Willem van Enckevoort fit appel à lui pour effectuer des fresques
dans la chapelle Sainte-Barbe de l'église Santa-Maria-dell'Anima à Rome. Suite
à ce travail qui exigea quelques années, il fut couronné en 1534 par
l'Accadémia di San Lucca dont il devint un des membres.
Il peignit en 1532, l 'histoire
de Psyché.
Il retourna à Malines en
1539. Le 11 novembre de cette année, il se fit inscrire à la gilde de la ville.
Il devint bourgeois de Bruxelles en 1543, il s'établit dans cette ville en 1542
pour dessiner les cartons des vitraux de Sainte-Gudule, il y travailla jusqu'en
1556. C’est dans cette ville qu’il épousa Ida van Hasselt qui lui donna trois
enfants, Raphaël, Willem et Anna.
En 1554 il effectue "le
portrait de l'Empreur, l'Impératrice, la Royne très chrestienne et ladite Reine
Régente à raison de trente cinq escuz chacun tableau" [6].
De 1557 à 1559 il copia à
Gand les tableaux de Van Eyck. En 1582, il peint à Anvers le Jugement de
Salomon dans l'hôtel de ville. Philippe II lui donna le titre de peintre du
roi.
Suite au décès de sa femme Ida, survenu en mai 1569, il épousa
en secondes noces Jeanne van Schelle dont il eut également trois enfants,
Marie, Michel et Conrad.
Au terme d'une longue vie
de travail, il meurt le 10 mars 1592. On retrouve son oeuvre peint dans les
musées et les églises des villes d'Anvers, Berlin, Béziers, Bruxelles, Gand,
Genève, Glasgow, Liège, Louvain, Madrid, Malines, Munich, Oberlin, Prague,
Rome, Saint-Pétersbourg, Valenciennes, Vienne.
Jugement sur
son oeuvre
Michel Coxcye apprit à
traiter la forme du polyptique, typiquement flamande, auprès de ses
prédécesseurs, en copiant les oeuvres de Van Eyck (« Agneau
mystique » en 1556) et de R. Van der Weyden (« Descente de
croix ») ou en adaptant celles de Gossart (« Saint-Luc peignant la
Vierge ») et de Quentin Metsys (« Déploration du Christ »).
Il put associer ses talents
de portraitiste à l'exécution de scènes religieuses. On retrouve de façon
indéniable l'influence italienne qui lui valut le surnom de "Raphaël
flamand" car il était fort apprécié de son temps, mais ne bénéficie pas de
l'indulgence de la critique actuelle qui juge son oeuvre terne et son
italianisme appliqué. Ses tableaux pour la plupart sont signés et datés, ne
permettent pas de déceler une réelle évolution.
Il réalisa de nombreux
cartons de tapisserie et ses dessins furent mis à contribution pour des
vitraux. Ceci souligne la polyvalence de ce romaniste flamand.
Son travail de fresquiste
est jugé sévèrement, ses oeuvres sont traitées dans un coloris vigoureux, plus
flamand qu'italien, elles souffrent d'un manque de virtuosité dû au caractère
de ce travail. Coxcye est le premier artiste flamand à s'être essayé à la
fresque à Rome.
Bibliographie
BENEZIT E. Dictionnaire des peintres, sculpteurs,
dessinateurs et graveurs, Paris, Gründ, 1976, pp.245-246.
DENHAENE G. Histoire de la peinture en Belgique du
XIVè siècle à nos jours, Bruxelles, La renaissance du livre, 1995, p. 127.
Encylopædia Universalis,
Paris, 1990, pp.869-870.
J.V. Le dictionnaire des peintres belges du XIVè
siècle à nos jours, Bruxelles-Milan, 1995, pp. 218-220.
DE SEYN E. Dessinateurs graveurs et peintres des
anciens Pays-Bas. Turnhout, Brepols, 1947, p. 40.
[2] A.G.R. C.C. 27306, fol. 275, comptes rendu du 1-5-1548 au 30-4-1550.
[3] Dessin à la plume, intitulé - Une mascarade
dans la salle aux Médaillons du château de Binche, le 28 août 1549-, traité
au lavis et à l'aquarelle, conservé à la Bibliothèque royale Albert Ier,
Cabinet des estampes, F 12930 pl°. Publié en couleur dans DUMON P., Binche
1549. La joyeuse entrée du sérénissime prince Philippe, futur roi d'Espagne,
Bruxelles 1985. Reproduit dans MARQUET L. et GLOTZ S. Une relation
méconnue (1550) des fêtes données par Marie de Hongrie, à Binche et à
Mariemont, en août 1549, dans les Cahiers Binchois , n° spécial (10), 1991.
[4] Lansquenet, mercenaire allemand.
[5] A.G.R. C.C. 27306, fol. 316.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire