dimanche 11 décembre 2016

Michel Coxcye, fresquiste


MICHIEL COXCYE FRESQUISTE DE MARIE DE HONGRIE

                                                                                                                                                 Alain GRAUX

Pour la décoration des salles de son château de Binche, la gouvernante des Pays-Bas, Marie de Hongrie, fit appel à Michiel Coxcye, peintre de portraits et d’œuvres religieuses, qu'elle connut parce qu'il exécuta en 1545 le portrait de sa nièce Christine de Danemark [1] , alors que cette dernière résidait alors à Malines à la cour de Marie de Hongrie.

Il exécuta à Binche de 1548 à 1550, plusieurs tableaux et fresques, comme en témoignent les comptes du receveur du domaine de Binche, Philippe du Terne [2]:

On ne peut se rendre compte de ce que réalisa M. Coxcye qu'en examinant attentivement le dessin de la salle haute dite salle aux médaillons réalisé lors des fêtes de 1549  [3].

«  A maistre Mikil Van Coxyen, painctre demorant à Bruxelles, la somme de noef cens soixante quattre livres huyt solz noef deniers, du pris de quarante gros, monnoye de Flandres, la livre, que par ordonnance de S.M. en datte du XVè jour de décembre XV C quarante noef ce receveur lui a délivret comptant pour plysieurs painctures tant à la fresque que aultrement qu'il a faict et formés aud. hostel comme il est cy dessoubs déclaré, assavoir pour les quattre figures painctes à la fresque et le lansghenuh [4] portier, avec le paysaige en la grande salle hault y comprins les cheminées, fenestres et dessaings que peust avoir faict pour lesd. ouvraiges....

C L IIIxx X livres dudit pris.. »

« ..et pour avoir painct à la fresque la gallerie haulte contenant selon la mesure de Maistre Jehan Ansseau cy joincte III c XL VI aulnes ung quartier à l'advenant de quarante-trois solz de deux gros, monnoye de Flandres, le sol, chacune aulne en quarrure font VII c XL IIII livres VIII solz IX deniers..." [5].

Il logeait dans une maison de la ville dont le loyer était supporté par la reine :

« item, pour le louaige d’une maison que pendant le temps que led. Painctre a besongnié es dits ouvraiges que sad. Majesté luy a accordé, XXX livres »



Qui était Michel Coxcye ?

Il naquit à Malines vers 1499. Elève de son père et de Bernard Van Orley, il alla avec ce dernier à Rome et dirigea avec lui la fabrication des tapisseries du Vatican. Il fut en contact avec l'œuvre de Raphaël qui l'influença notablement. Aucune oeuvre de lui n'est conservée avant son voyage à Rome.

En 1531, le cardinal hollandais Willem van Enckevoort fit appel à lui pour effectuer des fresques dans la chapelle Sainte-Barbe de l'église Santa-Maria-dell'Anima à Rome. Suite à ce travail qui exigea quelques années, il fut couronné en 1534 par l'Accadémia di San Lucca dont il devint un des membres.

Il peignit en 1532, l'histoire de Psyché.

Il retourna à Malines en 1539. Le 11 novembre de cette année, il se fit inscrire à la gilde de la ville. Il devint bourgeois de Bruxelles en 1543, il s'établit dans cette ville en 1542 pour dessiner les cartons des vitraux de Sainte-Gudule, il y travailla jusqu'en 1556. C’est dans cette ville qu’il épousa Ida van Hasselt qui lui donna trois enfants, Raphaël, Willem et Anna.

En 1554 il effectue "le portrait de l'Empreur, l'Impératrice, la Royne très chrestienne et ladite Reine Régente à raison de trente cinq escuz chacun tableau" [6].

De 1557 à 1559 il copia à Gand les tableaux de Van Eyck. En 1582, il peint à Anvers le Jugement de Salomon dans l'hôtel de ville. Philippe II lui donna le titre de peintre du roi.

Suite au décès de  sa femme Ida, survenu en mai 1569, il épousa en secondes noces Jeanne van Schelle dont il eut également trois enfants, Marie, Michel et Conrad.

Au terme d'une longue vie de travail, il meurt le 10 mars 1592. On retrouve son oeuvre peint dans les musées et les églises des villes d'Anvers, Berlin, Béziers, Bruxelles, Gand, Genève, Glasgow, Liège, Louvain, Madrid, Malines, Munich, Oberlin, Prague, Rome, Saint-Pétersbourg, Valenciennes, Vienne.



Jugement sur son oeuvre

Michel Coxcye apprit à traiter la forme du polyptique, typiquement flamande, auprès de ses prédécesseurs, en copiant les oeuvres de Van Eyck (« Agneau mystique » en 1556) et de R. Van der Weyden (« Descente de croix ») ou en adaptant celles de Gossart (« Saint-Luc peignant la Vierge ») et de Quentin Metsys (« Déploration du Christ »).

Il put associer ses talents de portraitiste à l'exécution de scènes religieuses. On retrouve de façon indéniable l'influence italienne qui lui valut le surnom de "Raphaël flamand" car il était fort apprécié de son temps, mais ne bénéficie pas de l'indulgence de la critique actuelle qui juge son oeuvre terne et son italianisme appliqué. Ses tableaux pour la plupart sont signés et datés, ne permettent pas de déceler une réelle évolution.

Il réalisa de nombreux cartons de tapisserie et ses dessins furent mis à contribution pour des vitraux. Ceci souligne la polyvalence de ce romaniste flamand.

Son travail de fresquiste est jugé sévèrement, ses oeuvres sont traitées dans un coloris vigoureux, plus flamand qu'italien, elles souffrent d'un manque de virtuosité dû au caractère de ce travail. Coxcye est le premier artiste flamand à s'être essayé à la fresque à Rome.



Bibliographie

BENEZIT E. Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Paris, Gründ, 1976, pp.245-246.

DENHAENE G. Histoire de la peinture en Belgique du XIVè siècle à nos jours, Bruxelles, La renaissance du livre, 1995, p. 127.

Encylopædia Universalis, Paris, 1990, pp.869-870.

J.V. Le dictionnaire des peintres belges du XIVè siècle à nos jours, Bruxelles-Milan, 1995, pp. 218-220.

DE SEYN E. Dessinateurs graveurs et peintres des anciens Pays-Bas. Turnhout, Brepols, 1947, p. 40.





[1] Tableau conservé à Oberlin, Ohio, The Allen Memorial Art  Museum
[2] A.G.R. C.C. 27306, fol. 275, comptes rendu  du 1-5-1548 au 30-4-1550.
[3] Dessin à la plume, intitulé  - Une mascarade dans la salle aux Médaillons du château de Binche, le 28 août 1549-, traité au lavis et à l'aquarelle, conservé à la Bibliothèque royale Albert Ier, Cabinet des estampes, F 12930 pl°. Publié en couleur dans DUMON P., Binche 1549. La joyeuse entrée du sérénissime prince Philippe, futur roi d'Espagne, Bruxelles 1985. Reproduit dans MARQUET L. et GLOTZ S. Une relation méconnue (1550) des fêtes données par Marie de Hongrie, à Binche et à Mariemont, en août 1549, dans les Cahiers Binchois , n° spécial (10), 1991.
[4] Lansquenet, mercenaire allemand.
[5] A.G.R. C.C. 27306, fol. 316.
[6] A.D.N. C.C.

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