jeudi 22 décembre 2016

Interdits religieux à Binche


LES INTERDITS DE L’EGLISE DE BINCHE AU XIVe SIECLE
                                                                                                                                          Alain GRAUX
Le cartulaire des comtes de Hainaut[1] nous révèle qu’en 1338 l’église de Binche dut encourir un interdit.
L’interdit est une censure du droit canonique qui prive les fidèles de certains biens spirituels, tels l’interdiction de célébrer le culte, l’usage des sacrements et la sépulture ecclésiastique, sans toutefois les exclure de la communauté ecclésiale.
L’incident qui survint à Binche  n’est  pas signalé dans l’histoire de la ville de Binche[2] ni dans d’autres publications.
Le 6-8 juillet 1338, Nicolas Stuc, de Dordrecht, chanoine d’Utrecht, au nom de Guillaume[3], comte de Hainaut, de Hollande, de Zélande et seigneur de Frise, fit appel en cour de Reims  pour l’excommunication publiée par Guillaume, évêque de Cambrai contre :
·         Ceux qui, à Valenciennes, avaient condamné et fait exécuter un clerc, Jean fils de Baudouin de Résignies, coupable d’assassinat.
·         De l’interdit lancé contre l’église de Soignies, à l’occasion d’un meurtre commis dans le cimetière de cette ville et dont on ne put découvrir les auteurs.
·         De l’interdit prononcé contre l’église de Binche, à cause de deux prêtres qui s’y étaient battus.
Examinons ce dernier cas qui concerne notre ville[4].

Le procureur demanda la levée de l’interdit en compensation d’une amende en numéraire:
Item  dico ego procurator antedictus nomine quo supra, quod alia in villa domini mei de Binctio in Hanonia mandatum fuit et est cessari a divinis per ipsum episcopum vel eius subditos in suis officiis existentes, occasione cuiusdam dissensionis et rixe ac  verberationis quam habuerunt et fecerunt quidam presbiteri inter se in loco predicto. Et cum dominus meus antedictus requiri fecisset humiliter pluribus vicibus competenter dictum episcopum, ut ipse faceret ibidem organa divine laudis resumi, cum ipse dominus meus, suique officiati et inhabitantes  ibidem essent inculpabiles facti predicti, ipsique presbiteri sui non essent iusticiabiles, immo ad ipsum episcopum spectabat punitio et correctio dictorum presbiterorum, idem episcopus requisitionem et supplicationem domini mei non admisit, sed eam totaliter facere recusavit minus iuste ; nitens dominum meum et populum ibidem sibi subditum compellere ad cantum ibidem seu divine laudis organa pecunia redimenta…

De même moi, procurateur (Nicolas Stuc, procureur) dont le nom figure plus haut, je déclare ce qui suit : dans une autre ville de notre seigneur, à Binche, en Hainaut, j’ai reçu et ai, par autorité divine de  notre évêque lui-même et de ceux qui lui sont subordonnés dans ses fonctions, j’ai reçu mission  d’interdire le culte, en raison d’une dispute et rixe avec coups qu’eurent et firent entre eux certains prêtres, dans l’endroit mentionné supra. Et lorsque mon maître nommé plus haut avait demandé humblement et à plusieurs reprises selon la compétence du dit évêque  par l’organe (l’œuvre) de la louange divine, pour que lui même fasse en sorte que soit repris le culte ; et comme mon maître lui même et certains officiaux habitant là étaient innocents du fait en question et que les prêtres eux-mêmes n’étaient pas justiciables, et qu’au contraire la punition et réprimande des prêtres cités regardait l’évêque lui-même, le même évêque n’admit pas la demande et la supplique de son maître et refusa injustement de la satisfaire, s’efforçant d’amener mon maître et le peuple de l’endroit qui lui est soumis, à célébrer le chant ou les offices divins et avec la grâce divine de cette louange, de se racheter moyennant argent…
..presentibus discretis et honestis viris dominis jacobo dicto de Binctio, canonico ecclesie beate Marie ad aulam in Valenchenis, Johanne perpetuo capellano beate Marie in Capric (Caprycke) , presbiteris.
(demandes) présentées par les humbles et honnêtes hommes Jacques dit de Binche, chanoine en l’église de la bienheureuse Marie, près de la cour de Valenciennes et aussi Jean, chapelain perpétuel de Notre-Dame de Caprycke, prêtre.

Réunis en consistoire de l’église de Cambrai, l’acte se passa en présence des personnes suivantes :
-    Jehan d’Audenarde, official de la cour épiscopale de Cambrai.
-          Julien de Sart, prévôt de l’église de Nivelles.
-          Pierre de Saint-Amand,  professeur de droit, chanoine de Cambrai et de Sainte-Waudru, à Mons.
-          Arnould Laguthi, chanoine de Cambai.
-          Jean du Lart, chapelain de Cambrai.
-          Jehan de Rosoit et Jehan Tolemo, vicaires de la dite église.
-          Jehan Vallete et Gilles Bardiel, prêtres.
-          Julien et Pierre de Cambe et Jehan Coppelet, avocats.
-          Jehan de l’Etape, Jehan Petit  dit du Marché, Jacques de Basseia.
-          Jehan Vake, Jacques le Parckeminiers, Bartholdus de Morchies.
-          Guillaume de Molendin et plusieurs autres notaires et procureurs, témoins. Ad premissa vocatis specialiter et rogatis.
-          L’acte est rédigé par Jehan de Revin, notaire impérial[5].
On connaît un autre cas d’interdit de l’église de Binche, suite à la violation du droit d’asile religieux dont le prévôt de Binche Gérard d’Obies se rendit coupable en juillet 1379[6].


[1] DEVILLERS L. Cartulaire des comtes de Hainaut de l’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, t.1, Bruxelles, 1881, pp. 51-56.
[2] LEJEUNE T., Histoire de la ville de Binche.
[3] Cet épisode de l’histoire se passe à la charnière entre deux règnes : fin du règne de Guillaume Ier d’Avesnes, le comte décéda le 7-6-1337, à peine âgé de 50 ans, après 33 ans d’un règne remarquable, qui le fit surnommer Guillaume le Bon. C’est Guillaume II qui lui succède de 1337 à 1345.
[4] Je remercie Messieurs Demaret et Ménestret, pour la compétence et érudition qu’ils ont montrés, pour la traduction de ce texte du XIVe siècle, au latin extrêmement douteux.

[5] Copié sur un original sur parchemin, muni de la marque du notaire Jean de Revin – Trésorerie des chartes des comtes de Hainaut, A.E.M. (Inventaire Godefroy G.39), disparu.
[6] Sur cet incident et ses répercussions, voir : LEJEUNE, T., Histoire…o. cit. pp. 70-76.

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