Alain GRAUX
Les archives nous
apprennent les conflits existant entre les cabaretiers binchois et ceux de
Battignies.
Déjà en 1555, on cite Battignies,
terre franche qui "ne contient que des cabarets où il se vend plus de
bierre et du brandevin que dans toute la ville"[1].
Le 24 août 1626, eut lieu
une requête des jurés et conseil de la ville de Binche exposant aux Etats qu’en
la seigneurie de Battignies on a érigé diverses brasseries et tavernes et que
l’on y fait une consommation excessive de vin et cervoise à cause de
l’exemption dont jouit cette seigneurie située aux portes de la ville, ce qui
cause un préjudice considérable à celle-ci et à la ferme des impôts[2].
Le 23 février 1704, la
ville de Binche ayant obtenu un règlement de perception des impôts sur la
bière, le vin, le brandevin et le tabac, il fut défendu " à tous bourgeois de pouvoir aller boire hors
de la ville qu'à la distance d'un quart de lieue ».
Le 8-5-1709, le Magistrat
de Binche règle le prix des bières « Messieurs
du Magistrat de la ville de Binch ayant receu diverses plaintes sur ce que les
cabartiers de cette ville vendent leur bière d’un prix excédant dont la police
y debvroit mettre les mains, pourquoy en leur qualité de m(aît)res de police ayant meurement examiné
le prix des grains imposés et maltotes et autres despenses nécessaires, iceulx
ont apprécié la biere de cette ville à 4 patars et demy le pot et si quelquns
en ont de la forte ils debvront la rep(rése)nter et en donner à gouter, ensuite on réglera son prix.
Le dix courant on at réglé la forte à cinq
patars le lot et la petite à 7
livres la tonne de gauge qui font 6 liards le lot à
débiter[3].
Un règlement de la
gouvernante générale Marie-Elisabeth d’Autriche, du 28-4-1741 taxa la quantité
de bière qui pouvait être consommée, sans payer d'impôts, par les 183 habitants
de Battignies ; on y comptait 18 maisons, y compris 2 cabarets.
Des visites furent faites
chez les cabaretiers dans le rayon indiqué jusqu'au 1-12-1762, époque où
Charles de Lorraine interdit au magistrat de Binche de continuer à pratiquer
ces visites à Battignies. On vit aussitôt le nombre de cabarets atteindre, dans
ce hameau, le chiffre de 12 pour une agglomération de 26 à 27 maisons, dont 11
fermes.
A la suite de cet arrêté,
le magistrat de Binche se plaignit amèrement de la perte considérable que la
ville éprouvait dans la recette de ses revenus d'octroi[4].
Quelques noms de
cabaretiers émergent des archives, souvent suite à des querelles de
clients :
Le 11 février1700, le cabaretier
Evrard Boussart, reçoit
une gifle d’un client[5].
Le 20 juin 1712, « Se
représente que le 19 du courant Antoine Navez, estant en la maison de Augustin Depret, cabartier, il receut
plusieurs coups à sang à la tête, pourquoy il demande qui on députera pour
visiter la playe et tenir des informations.
A député les Sr jurés Bourgeois et Waulde
De même pour Charles Du
Massé jeune homme qui s’est rendu plaintif que le 19 courant il avoit été
blessé a le tête d’un coup de brique lui jeté par Michel Navez auquel il
requiert information.
Les jurés réglèrent le différent à l’amiable entre les
deux parties[6]
Le 11 août 1712, le
lieutenant de police, veut régler les heures d’ouverture des
cabarets « Comme il convient de
apporter remède aux désordres quy (se) succèdent et que l’on permet que les
cabarets de cette ville vend et donne à boire après 9 heures mesme jusqu’à 10
et que les placards de S.M. que on a déclaré le 29 mars 1672 et qui
permet de ne souffrir aucun buveur dans les cabarets après 9 h à penne
de 60 sols de amende. Se que a requis aux Srs du Magistrat de voloire retirer
le placart, signé Antoine Pérès »[7].
« Sur représentation faite par Mr Peres prévôt substitué ci-devant,
déclare qu’il convient d’apporter remède de que les cabartiers vendent leur
bière aux bourgeois et habitans de
cette ville après les noeuf heure en hiver et dix heure en été, conformément
aux bans politiques et contrairs aux placarts de S.M. daté du 29-3-1672 qu’il
convient de défendre de vendre aucune boisson après 9 heure et 8 heure en hiver »[8].
Le 22 août 1715, c’est
toujours le prix de la bière qui est réglementé
« Se représentent que nonobstant
les grands rabais de prix des grains à cause de la fertilité de cette année,
les cabartiers et hostellains de cette ville vendent leur bière au même prix que
pendant la cherté des grains »[9].
Le Cabaret François
Bara est cité le 27 mars 1719.
« Mrs du Magistrat
étant informés qu’aujourd’huy vers les dix heures du matin Philippe Navir se
trouvant dans la maison de François Bara,
cabartier, s’est tant oublié, en présence de plusieurs personnes, d’injurier
Mrs les Magistrats… »[10].
Le 26 juin 1721, une
ordonnance communale inters-dit de danser dans les cabarets
« Le Sr Dessars,
lieutenant de prévôt représente que nonobstant les placarts et ordonnances
émanées cy-devant, tant de S. Majesté que du Conseil souverain de Mons en
dernier lieu le 17 juin 1716 contenant deffence de compagnie de (plus de) deux personnes dans les cabarets et d’y
danser en quelque temps que le soir, à peine de 60 s. d’amende et du double à
la charge des hostelains, plusieurs y contevenent par quoy il demande ce qu’il
y a à faire.
Conclu de republier le
placart de l’an 1716 et de les faire observer ponctuellement de même que les placarts
portant déffence de boire après noef heures dans les cabarets ».[11]
Le 14 mai 1723
« Se représente
qu’il y a quelque tems il y a eu débat (rixe) entre Jacques Haine et Jacques Durant,
dans la maison de Louis Gravis, cabartier de cette ville »[12].
Le 15 mai1723, on cite :
« A la semonce du
Sr. Dessart lieutenant-prévôt, on a taxé à 24 pattar le pot de vin.
Se représente qu’il
convient de renouveller la défense d’aller boire dans les cabarets après neuf
heures en conformité des placarts et bans politiques à peine de soixante solz
d’amendes tant à la charge des contrevenans que des cabaretiers »[13].
Le 12 mai 1738, un nouvel
arrêté du Magistrat stipule :
« Item qu’étoit défendu aux bourgeois de cette ville d’aller boire dehors
icelle, il est juste de leur procurer le débit de la boisson dans la ville à un
juste prix, fixe et raisonnable, proportionné aux fraix et coutance d’un
brassin commis, pourquoy il conviendroit l’appretier et tenir la main à
l’exention de la taxe conformément aux
ordonnances politiques.
Se représente encore que par les dits bans politiques
il est deffendu à tous cabartiers d’encaver leur petitte bière afin que ceux
qui ne sont pas en étét de brasser et surtout les pauvres puissent se pourvoir
pour leur subsistance en tous tems, cependant les dits cabartiers sans avoir
égards à ces ordres encavent toutes leurs petittes bières et les pauvres gens
ont peine d’en avoir, sinon come par grâce et à un prix exhorbitant, pourquoy
il paroit nécessaire de faire exécuter les dits bans politiques tant pour le
passé que pour le futur ».
Le Cabaretier Joseph
Charles est cité le 10 juin 1738 pour des fraudes qu’il a commises
« Se représente qu’en suitte de visitte faite par Mrs. des pots des
cabartiers de cette ville le jour d’hier et continuée ce jourd’huy, il s’est
trouvé plusieurs tant pots que canettes d’une jauge trop forte et irrégulière
qu’on a apparu avoir été pratiquée par Joseph Charles dit Trompette (ce qu’il a
reconnu) malgré les deffenses luy faites à l’assemblée du 7 mars 1737…il convient
de remédier à cet abus et désobéissance »[14]
Le 3 mai 1764, Philippe
Sainte-Marie et Georges Dessars, cabaretiers, au nom de leur
société, demandent de pouvoir ériger un autel dans la collégiale Saint-Ursmer en
l'honneur de Saint-Arnould "au pilier où étoit situé le banc des
Messieurs du magistrat dont ils ont présenté le plan »[15].
Charles de Lorraine en confirmant le 20-2-1764 les exemptions dont
jouissaient les habitants de Battignies, statua qu'il ne pouvait plus y avoir
que deux cabarets et que les tenanciers n'auraient chacun qu'un brassin exempt
d'impôts, de 20 tonnes de bonne bière et de 10 de petite, la tonne de 48 lots,
mesure de Mons, quitte à payer ce qu'ils vendaient de plus aux mêmes maltôtes
et droits que ceux octroyés à Binche.. »[16].
Bien souvent se sont les
cabaretiers qui sont à la base des kermesses de quartiers, mais ils sont soumis
à la stricte observation du Magistrat, ainsi on peut lire le 23 octobre 1766:
« Sur le rapport
qui nous fut fait lundi dernier de discours qui s’estoient tenus le jour
précédent dimanche dans les cabarets de la rue St-Jacques où la ducasse que
l’on nomme de Ste-Calixte se perpetuoit depuis huit jours. Dans des endroits
aussi dangereux et dans des assemblées aussi nombreuses, nous n’avons pu les
regarder que comme des traits capables d’émouvoir les esprits, d’anéantir
l’autorité du Magistrat à qui la loi a confié la police.
On disoit que dans ces
endroits qu’on vient de demander au lieutenant prévôt la permission de faire le
lendemain les durmenés, de danser dans les rues et qu’ensuite de la permission
accordée par celui-ci avec conseil de bien se divertir, il lui a demandé s’il
falloit avertir le magistrat, à quoi il auroit répondu que non, qu’il étoit le
seul maître, que s’ils s’avisoient de le faire il révoquoit la permission
donnée et que s’il survenoit des contestations
il étoit là pour les soutenir.
Après une recherche de
la vérité, nous n’avons trouvé qu’une partie de vrai, savoir qu’il leur auroit
conseillé de se bien divertir et de ne pas avertir les Magistrats
Ce qui ne laissant pas de suffire pour
persuader les esprits que les Magistrats seroient pour rien au fait de police,
blessés, d’une manière aussi sensible et envisageant dès longtems ces ducasses
particulières des différentes rues comme très pernitieuses au bon ordre et au
repos public ; pour y pourvoir nous avons délibéré lundi, nous pouvions à
l’exemple de nos prédécesseurs faire enlever les tambours, violons, etc. mais
préférant les voies de la pacification …en
même tems d’ordonner aux huissiers et aux sergeants des ruelles de visiter ce
jour là spécialement après la retraite au moins après 9 h. du soir et d’en
faire un rapport au greff..»[17]
Au XVIIIe s., le café est
un établissement où l'on ne boit dès son origine, que du café, il est né à
Paris.
Le recensement an IV (1795)
cite l’auberge Toussaint Legendre et sa femme Marie-Thérèse Miest
, arrivés à Binche en 1784.
Le 20 mai 1794, l’assemblée
des notables instituée par le baron de Stassart, prévôt de Binche, qui vu
l’invasion des Français, préside aux destinées de la ville « Conclud de
délivrer aux citoyens françois, de la bierre, en conséquence on a ordonné de
donner premièrement un tonneau de bierre par chaque cabaret soit
N. Pourbaix,
1 tonneau
Ch. Lebrun,
1 tonneau
N. Debrulle,
1 tonneau
Joseph Massard,
3 tonneaux
Louis Dessars,
1 tonneau
N. Robert
dit Loupogne, 1 tonneau
Ensuite d’ordre du général
Raoult il nous a été enjoint de fournir 12 tonneaux de bière et 10.000 rations
de pains
Louis Dessars,
1 tonneau
Navez dit
Corbeau, André Huart, Charles Lebrun, Auguste Debruille et Charles
Lechien : 2 tonneaux
Pourbaix,
brasseur, n’a pas livré
Le 4 frimaire an 3 (24
novembre 1794), suite aux "querelles et batailles d'individus qui ne se
lassent d'être dans les caffets et cabarets à toute heure de la nuit"
un ban de police fut publié intimant défense "de se trouver dans un
caffet après la cloche de 9 heures, sous peine de 6 livres d'amende pour le
délinquant et de 12 livres
pour le cabaretier »[18].
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