Binche, ville frontiere sous Louis XIV
Alain GRAUX
Suite à une recommandation de Vauban à Louis
XIV, ce dernier instaura la politique du « pré carré », c’est-à-dire
la régularisation des frontières de la France. Le maréchal lui demandait de
rationaliser la frontière nord, comme un propriétaire terrien, qui échange des
enclaves dans des terres voisines.
Cette politique, appuyée par Louvois, fut
appliquée lors des négociations de Nimègue et marque une nette évolution dans
la stratégie française.
Au lieu de s’emparer de forteresses éloignées
aux Pays-Bas, considérées comme têtes de pont et gages de conquêtes dans les
territoires ennemis, on restituait ces places en échange d’enclaves espagnoles
en territoire français, afin de rendre plus difficile d’éventuelles incursions
ennemies dans les Pays-Bas français.
En fait l’optique du gouvernement royal avait
radicalement changé ; lors de la guerre de Dévolution[1],
il s’agissait de prendre des gages en vue du partage jugé imminent de la
succession espagnole (on s’attendait au décès du roi Charles II d’Espagne),
c’est pourquoi, en mai 1668, lors des négociations d’Aix-la-Chapelle, la France
se fit attribuer Furnes, Ypres, Courtrai, Menin, Ath, Binche, Philippeville et Mariembourg, conquises pendant l’année
1667. Par contre, le roi d’Espagne conservait Cassel, Aire, Saint-Omer,
Bouchain, Valenciennes et Cambrai.
Placée entre Mons et Charleroi, notre ville
pouvait être rapidement secourue entre
ces deux importantes forteresses. L’intérêt de Garder Binche comme ville de
garnison était de veiller à la conservation du domaine royal de Mariemont,
c’est ce qui valut à notre cité de garder ses remparts.
Louis XIV ne négligea pas de visiter ses
nouvelles conquêtes, accompagné de sa cour, il visita notre ville dans le
courant du mois de mai 1667.
Après ce voyage d’agrément, Louis XIV envahit
la Hollande, mais cette campagne fut infructueuse pour ses armées et le théâtre
de la guerre se déroula de nouveau dans nos régions. En 1672, les Hollandais
ayant à leur tête le prince d’Orange, investirent Charleroi, qui résista ;
ils se portèrent alors sur Binche qu’ils prirent et rançonnèrent en guise de
compensation. Notre ville subit les affres de la guerre entre la France et la
Hollande jusqu’en 1678
Il fut impossible de constituer une ligne
continue de places fortes protégeant Paris à distance, ce qui était la
préoccupation principale du gouvernement français.
Après la guerre de Hollande, le roi adopta une
stratégie défensive, il fallait empêcher l’invasion du pays par les troupes
étrangères, c’est pourquoi le congrès de Nimègue en date du 17-9-1678, insista
sur l’échange de forteresses pour régulariser la frontière entre les Pays-Bas
français et espagnols.
En Flandre, si Louis XIV annexa Cassel, Saint-Omer, Aire et Bailleul,
restitua à Charles II, Courtrai, Audenarde et Ath.
Le roi Soleil annexa en Hainaut : Condé,
Bouchain, Valenciennes, Cambrai et Maubeuge, mais restitua à l’Espagne, Binche et Charleroi. Philippeville et
Mariembourg demeureront à la France jusqu’en 1814.
C’est donc par intérêt purement stratégique que
la frontière fut établie entre les deux pays.
Le traité de Nimègue ne fut qu’une trêve, nos
provinces ne tardèrent pas à redevenir la proie de la guerre, dès 1689, l’armée
française dirigée par le maréchal d’Humières campa à Binche, de nombreuses
contributions de guerres furent exigées au nom du roi de France. A partir de
cette époque, jusqu'au traité de Ryswick, le 20-9-1697, la ville de Binche, que
Louis XIV avait usurpée en 1691, à titre de réunion, fut occupée par ses
troupes et en fit percevoir les revenus domaniaux par son intendant nommé
Voisin[2].
Pendant cette période désastreuse, la ville fut
complètement démantelée, les campagnes voisines ravagées, le commerce anéanti.
[1] La guerre de Dévolution s'est déroulée de
1667 à 1668. Elle est la première
guerre du jeune Louis XIV. Elle prend fin le 2 mai 1668. Louis XIV,
qui avait épousé l'infante Marie-Thérèse, fille aînée
de Philippe IV, en 1660,
forma des prétentions, en son nom, sur plusieurs provinces de la monarchie
espagnole.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire