mardi 13 décembre 2016

Binche, ville frontière sous Louis XIV


Binche, ville frontiere sous Louis XIV



                                                                                                                                       Alain GRAUX



Suite à une recommandation de Vauban à Louis XIV, ce dernier instaura la politique du « pré carré », c’est-à-dire la régularisation des frontières de la France. Le maréchal lui demandait de rationaliser la frontière nord, comme un propriétaire terrien, qui échange des enclaves dans des terres voisines.

Cette politique, appuyée par Louvois, fut appliquée lors des négociations de Nimègue et marque une nette évolution dans la stratégie française.

Au lieu de s’emparer de forteresses éloignées aux Pays-Bas, considérées comme têtes de pont et gages de conquêtes dans les territoires ennemis, on restituait ces places en échange d’enclaves espagnoles en territoire français, afin de rendre plus difficile d’éventuelles incursions ennemies dans les Pays-Bas français.

En fait l’optique du gouvernement royal avait radicalement changé ; lors de la guerre de Dévolution[1], il s’agissait de prendre des gages en vue du partage jugé imminent de la succession espagnole (on s’attendait au décès du roi Charles II d’Espagne), c’est pourquoi, en mai 1668, lors des négociations d’Aix-la-Chapelle, la France se fit attribuer Furnes, Ypres, Courtrai, Menin, Ath, Binche, Philippeville et Mariembourg, conquises pendant l’année 1667. Par contre, le roi d’Espagne conservait Cassel, Aire, Saint-Omer, Bouchain, Valenciennes et Cambrai.

Placée entre Mons et Charleroi, notre ville pouvait être  rapidement secourue entre ces deux importantes forteresses. L’intérêt de Garder Binche comme ville de garnison était de veiller à la conservation du domaine royal de Mariemont, c’est ce qui valut à notre cité de garder ses remparts.

Louis XIV ne négligea pas de visiter ses nouvelles conquêtes, accompagné de sa cour, il visita notre ville dans le courant du mois de mai 1667.

Après ce voyage d’agrément, Louis XIV envahit la Hollande, mais cette campagne fut infructueuse pour ses armées et le théâtre de la guerre se déroula de nouveau dans nos régions. En 1672, les Hollandais ayant à leur tête le prince d’Orange, investirent Charleroi, qui résista ; ils se portèrent alors sur Binche qu’ils prirent et rançonnèrent en guise de compensation. Notre ville subit les affres de la guerre entre la France et la Hollande jusqu’en 1678

Il fut impossible de constituer une ligne continue de places fortes protégeant Paris à distance, ce qui était la préoccupation principale du gouvernement français.

Après la guerre de Hollande, le roi adopta une stratégie défensive, il fallait empêcher l’invasion du pays par les troupes étrangères, c’est pourquoi le congrès de Nimègue en date du 17-9-1678, insista sur l’échange de forteresses pour régulariser la frontière entre les Pays-Bas français et espagnols.

En Flandre, si Louis XIV  annexa Cassel, Saint-Omer, Aire et Bailleul, restitua à Charles II, Courtrai, Audenarde et Ath.

Le roi Soleil annexa en Hainaut : Condé, Bouchain, Valenciennes, Cambrai et Maubeuge, mais restitua à l’Espagne, Binche et Charleroi. Philippeville et Mariembourg demeureront à la France jusqu’en 1814.

C’est donc par intérêt purement stratégique que la frontière fut établie entre les deux pays.

Le traité de Nimègue ne fut qu’une trêve, nos provinces ne tardèrent pas à redevenir la proie de la guerre, dès 1689, l’armée française dirigée par le maréchal d’Humières campa à Binche, de nombreuses contributions de guerres furent exigées au nom du roi de France. A partir de cette époque, jusqu'au traité de Ryswick, le 20-9-1697, la ville de Binche, que Louis XIV avait usurpée en 1691, à titre de réunion, fut occupée par ses troupes et en fit percevoir les revenus domaniaux par son intendant nommé Voisin[2].

Pendant cette période désastreuse, la ville fut complètement démantelée, les campagnes voisines ravagées, le commerce anéanti.







[1] La guerre de Dévolution s'est déroulée de 1667 à 1668. Elle est la première guerre du jeune Louis XIV. Elle prend fin le 2 mai 1668. Louis XIV, qui avait épousé l'infante Marie-Thérèse, fille aînée de Philippe IV, en 1660, forma des prétentions, en son nom, sur plusieurs provinces de la monarchie espagnole.
[2] Daniel François Voysin de La Noiraye (né en 1654, décédé le 2 février 1717), seigneur de Mesnil-Voysin. Il était conseiller au parlement de Paris à 19 ans, maître des requêtes le 3 août 1683 et fut nommé intendant du Hainaut le 5 mars 1688.

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