mardi 20 décembre 2016

Binche, mémoire des rues: la rue Bard


LA RUE BARD

                                                                                                                                          Alain GRAUX

La rue Bard relie la rue de Mons à la rue des Archers, elle changea souvent de dénomination :

RUE DES MASURES
Au XVIe s. c‘est indirectement que l’on connaît le nom de cette rue qui n’était qu’un chemin bordé de quelques petites maisons (masures).
Les demeures érigées sur la Haute chaussée (actuelle avenue Charles Deliège) avaient des issues et/ou des jardins sur cette voie :
Le 12-11-1556, devant les Jurés St-Venant, Laigneau, Naret, de le Becq, Jehan Desmoullins, potier demeurant à Hautrage, a donné irrévocablement à Jeannette, Barbe et Catherine Desmoulins, ses sœurs germaines et à Philipotte Desmoulin fille de feu Jehan Desmoulins son père, et de Judith le Flameng sa seconde femme, une grange et jardin qu’il a près du marché aux bêtes, tenant à la rue des Masures, et à la rue allant au Jardin des Archers, à Georges de Sars et à la cense de Melyon.[1]
Le 3-4-1570, Catherine du Trieu veuve de Jehan Escouillefort demeurant à Binche, s’est fait morte au profit de Gilles Escouillefort, le fils demeuré de son feu mari, lui cédant une maison gisant à front de la Haulte Cauchie, ayant issue rue des Masures [2].
Le 10-4-1572  « On fait savoir que sur remontrance faite par Marie Lambert veuve de Mathieu Arthois, accompagnée de Andrieu Sebille, mari de Jehenne Arthois et Guillaume de Gricourt le Jeune, à cause de la génération a lui demeurée de feu Catherine Arthois qui fut sa seconde femme, ses beaux-frères, aussi de Guillaume de Gricourt l’aîné et Christophe Blommart ayant épousé Gilette de Gricourt,  ses oncles, comme la dite Marie Lambert était héritière viagère et les enfants qu’elle eut de son feu mari  Mathieu Arthois, tels que Jehan, Anthoine et Nicolas Arthois sont propriétaires d’une maison étables, jardin gisant à front de la Haulte Cauchie, qui  porte l’enseigne du Noir aigle, ayant issue sur la rue des Masures, tenant à l’héritaige Nicolas Leurent qui fut à Jehan de la Bricq et d’autre part à l’héritage Jehan Coppeye qui fut à Philippe Desmoulins. Comme cet héritage nécessite de grands frais de réparations et qu’il est chargé de lourdes rentes, la dite Marie Lambert et ses enfants ont requis de le mettre à rente par criée » [3].
Le 7-8-1572, la maison étable, cour et jardin qui  porte l’enseigne le Noir Aigle, « gisant. à front de la Haulte Cauchie, ayant issue sur la rue des Masures, tenant d’un côté à l’héritage Nicolas Leurent qui fut à Jehan Labricq, d’autre part à l’héritage de Jehan Coppeye qui fut à Philippe Desmoulins, est demeurée à nouvelle rente selon l’ancienne loi le 7-8-1572 à Andrieu le Cocq au prix de 70 L. 12 s. ». Le 25-8-1573, le partage des rentes dues sur ce bâtiment se fait par les jurés Bauduin Deppe, Godefroid de Trahegnies, Jehan Houssart, Me Jaspar Diepenbecq, Nicolas du Trieu et Cornille Ghobert. ».
Parmi les rentiers :
- Les héritiers Christophe de Pittepan et la veuve Jehan de le Tenre, par achat fait par elle à Jehan Vignon qui fut le fils de feu Catherine de Pitpan,  demandent 10 L. 6 s.
- Guillaume Prévost à cause de “ la cassine ” de Jacqueline Hoston sa femme [4].
Le 1-7-1604 « On fait savoir que Charles de la Vigne, époux Aliénor Dor, bourgeois de la Ville de Mons, est comparu devant les jurés pour faire plainte contre Jacques Bary mari de Marie Dor, son beau-frère, même contre Catherine Doret veuve Louys Dor et contre Jean Galliot mari à Marie Doret, sœurs des dits Doret, afin  d’avoir  sa part de deux pièces d’héritage gisant à Binche qui furent à Pierre Doret leur frère et beau-frère, soit une maison à front de la Haulte Cauchie, tenant à Louys Doret et à Jacques Lemaire et à une étable gisant à la rue des Masures, pour que le dit Charles de la Vigne puisse avoir au titre de sa femme une portion de ¼ en indivis, le dit Jaques de Bary ¼, Doret frère et sœurs et Jean Galliot pour les 2/4 restant, comme le bien est impartageable, il demande une mise en arrentement » [5].
27-1-1605, Aldegonde Reumont veuve de Zacharie Regnier, grand-mère du côté paternel des enfants délaissés par Jehan Regnier et Waudrud de le Fontaine, à savoir Jehenne, Catherine, Waudru, Marie, Aldegonde et Isabeau Regnier, sœurs et Jehan Bouton mari Jehenne Regnier, bel-oncle de ces enfants et François de le Fontaine et Mathieu Blondeau oncle et bel-oncle du côté maternel, tous résidant à Binche, requérant des jurés de garder et préserver de ruine l’héritage et propriété d’une maison, chambre étable et jardin appartenant aux dits enfants sis à front de la Haute-Chaussée et par derrière à la rue des Masures.
La mise en arrentement public se fit le 27-1-1605  [6].
En 1669, Gabriel du Trieu doit une rente « sur sa maison faisant coing à la rue des Masures, tenant à luy mesme de tous les costés, à l’opposite du puich de la Callerie » [7].

RUE DU MARCHE AUX BÊTES
Bien que l’appellation « rue des Masures » soit encore employée, celle de « Marché aux Bêtes » la supplante peu à peu.
Le 2-8-1546, devant les jurés Trahegnies, Troye, Gilbart et la Croix « Jehan et Ursmer Bonne, frères, enfants de feu Martin Bonne et Jehanne de Hombraine, ont vendu à Jehan le Fougnez leur beau-frère, l’héritage d’une maison gisant au marché aux bestes, tenant à Ursmer Monseur et  à Hughes Rocques »  [8].
Le 30-12-1594, Marguerite Cambier veuve Bertrand Sebille, demeurant à Binche, émancipe son fils Philippe Sebille âgé de 21 ans et sa fille Charlotte Sebille âgée de 28 ans.
Le même jour, Marguerite Cambier s’est fait morte au profit de ses dits enfants et de Jacques, Ursmer, Adrien, Anne, Catherine et Marguerite Sebille aussi ses enfants, leur laissant une maison à deux chambres, gisant au « Marché aux Bestes » tenant à Pierre Leclercq et à la veuve Quintin Poirette.
Cet acte réalisé, Philippe et Charlotte Sebille se portant fort pour leurs frères et sœurs mineurs, ont vendu cette maison à Quintin Poirette, laboureur vivant présentement près des Faubourgs de Nivelles [9].
Le 16-3-1712, Charles Laloyaux curé de Merbes-le-Château vend à son frère Hugues une rente due sur «une maison , grange, étable, cour et jardin, gisant sur le marché aux bêtes, tenant aux rues par derrière » [10].

RUE DU VIEUX MARCHE AUX BÊTES
Le 6-7-1606, devant les jurés L. Moreau, Gilles Tahon, Philippe de le Motte et Remy le Voet, se passe un arrentement public :
« Pour la maison, grange etc. et héritage qui fut Bertrand Sebille qu’on dist le Vieil hostel de Herlaimont sis dans la rue du Vieux Marché aux Bestes, aussi pour la masure sise à l’opposé, demeurés à Philippe Sebille et consorts, tenant à la veuve et hoirs Ursmer de le Tenre, on fait savoir que Philippe Sebille fait plainte tant contre les dits Jacques, Ursmer, Anne et Marguerite Sebille, frères et sœurs que contre Gilles Tahon et Remy le Voet, jurés de Binche à raison de la minorité de Andrieu Sebille aussi un frère, au sujet de 2/11e à titre de son patrimoine  et d’1/11e à titre de son achat et contre les dits Sebille pour les autres 8/11e »
Cet arrentement est demeuré à Philippe Sebille pour 170 L. et 60 L. de rentes [11]
En 1705, on cite encore « De M. Bard sur sa maison et jardin faisant coing au Vieux marché des Bestes, tenant à Louis Sebille »[12], de là vient le nom non officiel de « ruwe Bard »
Le cahier de cheminées de l’année 1715, déposé aux Archives communales de la Ville de Binche ne renseigne dans cette rue aucune maison[13].
Concurremment à l’appellation « Marché aux Bêtes », celle de « Marché aux chevaux » commence à être employée.


Le plan de Binche de 1786 nous reflète la situation juste avant la domination française

Le recensement de l’an V de la république renseigne neuf habitations cette époque :
-          Le couple de journaliers, Antoine Cambier et Marie-Thérèse Hirsoux.
-          Le couple de journaliers Philippe Bailly et Tondeur Marie-Joseph et leurs trois enfants.
-          La veuve Hiacinthe Boussart, journalière.
-          Le couple de journaliers Félix Martin et Baudoux Marie-Philippe et leur fille.
-          La veuve Joseph Dartevelle, journalière, et ses deux enfants.
-          Le couple de journaliers Barthélémy Mortier et Amélie Delmotte.
-          Le ferronnier Michel Canivez, sa femme Lambertine Ramboux et leurs deux enfants.
-          Le tailleur Pierre Delcourt
-          Le cordonnier André Delcourt et son épouse Marie-Thérèse Depret.

LA RUE NEUVE
La rue commence à être plus bâtie et à être pavée, de là vient le nom de « rue Neuve » nom qui sera officialisé par le Conseil communal du 26-10-1837 :
« La rue du Vieux marché aux bêtes, et depuis marché aux chevaux portera le nom de rue Neuve » [14].

Le premier plan cadastral de Binche nous montre que la rue est déjà plus bâtie. En haut à gauche, le puits de la rue de Mons.

En 1863, le Conseil communal décide d’installer la distribution d’eau potable à domicile, c’est à cette époque que disparurent les fontaines publiques dans la ville
La première liste des abonnés au service des eaux nous renseigne sur les personnes vivant dans la rue Neuve et leurs propriétaires, il y a quatorze habitations qui sont reliées a la distribution d’eau :
-          Lambot Ferdinand, propriétaire.
-          Laurent Ludovic, propriétaire, il  a 11 locataires :
o       Déom Xavier 
o       Fleurus Joseph
o       Malissart Charles
o       Sauvenière Philippe
o       Empain Léandre
o       Veuve Empain
o       Jenico Auguste
o       Veuve Simon
o       Rochez Alexis
o       Veuve Blondiau
o       Picart Louis
-          Legrand Désiré, propriétaire, Déom son locataire.
-          Sebille François, propriétaire, son frère Félix, locataire.

Le plan Popp nous situe les parcelles et leurs propriétaires :

Côté rue de la Régence, de la rue des Archers à la rue de Mons [15]:
Parcelle 806c  Navez Adolphe, tailleur.                                Maison
            807c    Bailly Joseph, cordonnier                              Maison
            808b    Colman André, tailleur                                  Maison
            809c    Milcamps Flore, négociante                           Maison
            810b    Labrique Victorien, menuisier                       Maison
812           Legrand Adrien-Désiré, marchand                Maison
813b    Idem                                                              Maison
814g    Ghisbain Léopold, cultivateur à Buvrinnes   Maison
814e     Idem                                                              Maison
817a    Laurent Ludovic                                            Maison
818b    Roulez Eugène, marchand de grains             Maison
818a    Idem                                                              Maison
823            Rucloux Dorothée, marchande                      Maison
824c    Hupin Ursmer, marchand                              Maison
824d    Idem                                                              Maison
825b    Hecq Henri, propriétaire à Battignies            Magasin
825a    Hecq Pélagie, propriétaire                             Magasin
833a    Blairon Charles, marchand de vins                Jardin
832a    Idem                                                              Maison
842a    Sebille Sophie et Henriette, rentières             Jardin
843            Sebille-Pollet, marchand tanneur
844            Idem
846a    Idem
Côté Grand-Rue, de la rue de Mons à la rue des Archers :
Parcelle 771    Ferain Valentin et Rupert, boulangers           Maison
            771b    Boussart-Bourgeois Ursmer, menuisier         Maison
            772a    Demaret et François, négociants                   Jardin
            773a    Lambot Ferdinand, propriétaire                    Maison
786b    Hecq Henri, propriétaire à Battignies            Cour
786a    Hecq Pélagie, propriétaire                             Jardin
787a à d  Laurent Ludovic                                        Maisons
789a    Babusiau Théodore et Eugénie, propriétairesMaison
794a    Laurent Ludovic                                            Maison
794b    Idem                                                              Maison
795a    Milcamps Flore, négociante                           Maison
805      Laurent Ludovic                                            Maison
803      Lambot Jean-Baptiste, propriétaire               Maison
Il y a donc 29 maisons, détenues en grande partie par la bourgeoisie marchande de la ville, seuls, quelques propriétaires demeurent dans leur maison dans la rue.
La majorité des habitations sont louées à des ouvriers.
A partir de 1885, on trouve des traces de la construction ou de la transformation de quelques maisons :
Flore Milcamps, rentière, déjà citée plus haut est autorisée à élever 3 maisons le 10-6-1885.
Alexandre Navez, marbrier, Grand-Rue est autorisé à transformer deux demeures en une maison le 5-8-1888.
Le 20-11-1890, Cléophas Deprez-Bailly peut modifier une écurie en magasin.
Le 30-9-1892, Modeste Mottoule peut faire bâtir une maison, il en est de même pour Zéphirin Debaise, le 20-6-1893.
Paul Lejeune fait exhausser sa maison de 50 cm le 22-6-1898.
Louis Boussart est autorisé à bâtir une maison le 24-2-1894; puis une autre le 14-7-1897.
Le 14-7-1897, Paul Dartevelle reçoit lui aussi l’autorisation d’en bâtir une.
La même année, le 21 juillet Joseph  Bailly-Voituron peut faire bâtir une maison.
Le 2-8-1912, La veuve Deprez (Bailly Eudoxie) est autorisée à démolir une remise pour y faire bâtir une maison.

Juste avant la première guerre mondiale, la rue était habitée comme suit :
Côté impair :
      1          Gilson-Sion Alfred, mouleur en sable
            3          Serrure-Trempont  Joseph, ânier
et Serrure Alfred, cordonnier
            5          Babusiaux-Serrure Victor, forgeron, et Navez-Navez Hubert, cordonnier
            15        Boussart-Lelarge Louis-Ursmer, menuisier
            27        Carena-Meunier Ernest, forgeron
            31        Hamaide-Debaise Auguste, tailleur
            37        Picart-Carlier Louis, journalier
            47        Chevalier-Gilson Adolphe, maçon
            53        Degré-Piquet Henri, journalier
            59        Hannecart Pierre, journalier
Côté pair
       6          Couturier-Delattre Maurice, ajusteur,  et Delhalle-Couturier Emile,
                        coupeur de chaussures
10                Deliège-Bailly Joseph, tailleur
20                Bizoux Alfred-Armand, tailleur et Godefroid-Hamaide Ursmer, cordonnier
26        Baudoux-Pruniaux Auguste, cordonnier
28        Lavaux-Piret Evance dit Arthur, tailleur et Lavaux-Navez Ernest, cordonnier
30        Baudoux-Hache Gustave, cordonnier
32        Navez-Gilson Henri, cordonnier
34        Godefroid-Baudoux Joseph, tailleur
38        Picart-Francq Louis-Oscar, tailleur
40        Chevalier-Dassonville Emile, tailleur
46        Leghait-Serrure Gustave, tailleur
48        Mauroy-Berthet Léopold, menuisier
50        Navez-Salm Alfred-Gustave, tailleur
54        Bailly-Boudart, Evangéliste, tailleur
56        Gressier-Petit Joseph, cordonnier
60        Stalon-Ghislain Ursmar, tailleur
62        Navez-Debaise Georges, tailleu
64        Delhalle-Lelong Adrien, tailleur et Lelong-Devergnies Joseph, jardinier
66                Hannecart-Bara Bernard, tailleur
A cette époque, c’est une rue essentiellement peuplée de quelques artisans et  surtout d’ouvriers tailleurs et de cordonniers. Cette artère reflète la vie économique de la ville.
Par une décision du Conseil communa1 prise le  14-3-1989, la rue Neuve fut renommée rue Bard, son antique appellation populaire.


[1] Embrefs reg.3, f° 66 v°.
[2] Embrefs, reg. 4 , f° 68.
[3] Criées, reg. 2 .
[4] Rentes, reg. 1 , f° 113.
[5] Criées, reg. 3.
[6] Criées reg. 3.
[7] A.V.B. 11-00-01-54. La Callerie est l’actuelle rue de Mons
[8] Embrefs, reg. 1 f° 88.
[9] Embrefs, reg. 5, f° 67.
[10] A.E.M. Notariat 15
[11] Criées reg. 3.
[12] A.V.B. 11-00-01-65.
[13] A.V.B. 00-02-02-3.
[14] A.V.B. 01-00-01-9/124
[15] Les noms soulignés sont les propriétaires de la liste des abonnés au service d’eau.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire