mercredi 21 décembre 2016

Les conditions de vie en 1914-1918


LES DURES CONDITIONS DE VIE EN 1914-1918

                                                                                                                                          Alain GRAUX

A Binche, comme dans tout le pays, la vie est rendue très difficile au vu des restrictions, tant en nourriture qu’en approvisionnement en charbon, des réquisitions de main-d’œuvre, du manque d’hommes dans les ménages et donc du manque de ressources, du couvre-feu, etc.

Et pourtant, bien que la situation soit devenue très préoccupante, la vie doit absolument continuer !

Les vivres se faisant rares un organisme américain, la « Commission for Relief in Belgium » se chargea du ravitaillement de la population civile[1].

Le comité national de Secours et d’alimentation seconda les efforts de cette fondation et s’occupa de la répartition des vivres et des secours. Organisation nationale, ce comité fut créé par Ernest Solvay et le marquis de Villalobar, ministre espagnol afin de venir en aide à la population belge. Le comité reçut l’assurance d’être exempté de réquisition de la part des autorités allemandes

La population bénéficiaire est divisée en trois parties :

-          Les gens sans ressources reçoivent chaque jour gratuitement, deux fois par jour, de la soupe, des pommes de terre et de la viande.

-          Les petites gens paient le même repas, 15 centimes

-          Les autres paient 25 centimes.

En août 1914, une proclamation oblige à porter tous les pigeons dans la maison inoccupée de M. Brachot, il y en parfois 50 par maisons, afin de régaler l’occupant.

En novembre 1914, le comité s’adjoint une agence de renseignements sur les prisonniers de guerre afin de leur faire parvenir des colis de nourriture, vêtements, chaussures à semelles de bois ainsi que de quoi faciliter la correspondance entre la famille et le prisonnier et envoi d’argent. Cette agence est dirigée par les comtesses de Mérode et Edouard d’Assche.

En septembre 1914, l’administration communale décida de réglementer la vente et le débit du pain. Les habitants pouvaient disposer de 400 grammes de pain maximum par jour. Le prix en était fixé à 28 centimes le pain d’un kg, et de 55 centimes le pain de 2 kg.

Le pain est alors fourni sur présentation d’une carte de famille remise à chaque chef de ménage, dans les locaux aux jours et heures indiqués, trois distributions se faisant par semaine. Il était recommandé de se présenter avec la somme exacte ou avec les bons du Comité de secours

Il y avait en ville plusieurs magasins de ravitaillement. On distribuait à heure fixe, chaque jour, du pain, rue de Merbes, des denrées alimentaires, rue Saint-Jacques, cela se faisait par le biais de cartes de ravitaillement ; de longues files de ménagères stationnaient devant ces points de distribution.

Parmi les groupes les plus touchés, il faut noter les bébés et les enfants, tant au point de vue nourriture que de soins requis par leur âge peu avancé. La mortalité infantile reste, alors même qu’elle l’était déjà avant la guerre, très élevée. Suite à cette situation, le Comité National subsidia des œuvres comme « Les petites abeilles » afin de prodiguer des soins aux nouveau-nés jusque l’âge de trois ans en leur procurant du lait, de la phosphatine etc.

Lors du noël 1914, le Comité National distribua en Belgique 647 caisses de jouets provenant des U.S.A.

En avril 1915, les Allemands dissolvent le comité directeur de la « Croix Rouge » de Belgique et s’emparent de la caisse avec l’argent, les autorités occupantes décident en juin 1915, que les chevaux ne recevront plus que 2,5kg d’avoine par jour au lieu de 5 à 6 kg nécessaires.

En octobre 1915, le gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse, emprunte 25.000.000 Fr. au gouvernement anglais, afin de pouvoir acheter de la nourriture pour le Comité National de Belgique, et de l’expédier par bateaux sous pavillons neutres.

En mars 1916, on établit « la soupe populaire » contre une redevance de 10 centimes, à tous les habitants qui en faisaient la demande. Il fut distribué plus de 9.000 rations. Des repas scolaires furent également organisés par le même organisme.

Au marché noir, le commerce des faux produits explose, on y trouve du beurre avec de la graisse industrielle, de l’amidon mêlé de plâtre, de la farine avec de la craie, du café avec du malt, du savon en terre glaise, etc. des wagons entiers sont déroutés vers l’Allemagne par des fraudeurs. Les boulangers reçoivent de la farine blanche du Comité National et en font un pain gris médiocre  ils la volent pour la revente au noir.

L’ »Œuvre du coin de terre » organisait une répartition de lopins de terre. La culture suppléait à l’approvisionnement en légumes

La situation devint de plus en plus difficile, vu que le 15 novembre 1916, plus de six cent Binchois sont déportés[2].

Au début 1917, la ration journalière de pain passe de 400 à 300 grammes à cause de l’acheminement difficile de la farine suite au gel intense de cette année là. Les « Boches » vendent à la Hollande presque toute la production maraîchère belge pour obtenir des florins pour l’effort de guerre. Les marchés publics ne sont accessibles que lorsque les occupants allemands ont terminés leurs achats.

La « Commission for Relief in Belgium » cesse ses activités en Belgique en mars 1917, suite à la rupture des relations diplomatiques entre l’Allemagne et les U.S.A. En avril 1917, suite à la déclaration de guerre de ces derniers, les Allemands coulent tous les bateaux œuvrant pour le Comité National. Vu le manque de nourriture importée, la disette se fait jour, la ration de pain journalière diminue encore de 100 grammes, des gens mangent de la viande de chien, c’est ainsi qu’en décembre 1917, tous les propriétaires de chiens doivent les conduire à l’abattoir. Si le chien n’est pas présenté, on risque une amende de 20.000 marks ou 5 ans de prison.

La ration de pommes de terre passe de 300 à 190 gr. 85% de la production part en Allemagne. On ne buvait plus de café mais de la « toréaline », les fumeurs remplaçaient le tabac par les feuilles de rhubarbe, il en alla ainsi jusqu’à la fin de la guerre.


 

                                               Carte de rationnement  en mai 1917

 


[1] Voir notre article : La « Commission for Relief in Belgium » dans bulletin SAAMB,  novembre 2008, pp.9-10
[2] Voir notre article : 15 novembre 1916, la déportation des Binchois bulletin S.A.A.M.B., novembre 2009, n° 3, pp. 6-9.

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