mercredi 21 décembre 2016

Les cafés binchois sous l'ancien Régime

PETITE HISTOIRE DES DEBITS DE BOISSONS BINCHOIS SOUS L’ANCIEN REGIME

                                                                                                                                         Alain GRAUX 

Les archives nous apprennent les conflits existant entre les cabaretiers binchois et ceux de Battignies.

Déjà en 1555, on cite Battignies, terre franche qui "ne contient que des cabarets où il se vend plus de bierre et du brandevin que dans toute la ville"[1].

 Le 24 août 1626, eut lieu une requête des jurés et conseil de la ville de Binche exposant aux Etats qu’en la seigneurie de Battignies on a érigé diverses brasseries et tavernes et que l’on y fait une consommation excessive de vin et cervoise à cause de l’exemption dont jouit cette seigneurie située aux portes de la ville, ce qui cause un préjudice considérable à celle-ci et à la ferme des impôts[2].

 Le 23 février 1704, la ville de Binche ayant obtenu un règlement de perception des impôts sur la bière, le vin, le brandevin et le tabac, il fut défendu " à tous bourgeois de pouvoir aller boire hors de la ville qu'à la distance d'un quart de lieue ».

 Le 8-5-1709, le Magistrat de Binche règle le prix des bières « Messieurs du Magistrat de la ville de Binch ayant receu diverses plaintes sur ce que les cabartiers de cette ville vendent leur bière d’un prix excédant dont la police y debvroit mettre les mains, pourquoy en leur qualité de m(aît)res de police ayant meurement examiné le prix des grains imposés et maltotes et autres despenses nécessaires, iceulx ont apprécié la biere de cette ville à 4 patars et demy le pot et si quelquns en ont de la forte ils debvront la rep(rése)nter et en donner à gouter, ensuite on réglera son prix.

Le dix courant on at réglé la forte à cinq patars le lot et la petite à 7 livres la tonne de gauge qui font 6 liards le lot à débiter[3].

 Un règlement de la gouvernante générale Marie-Elisabeth d’Autriche, du 28-4-1741 taxa la quantité de bière qui pouvait être consommée, sans payer d'impôts, par les 183 habitants de Battignies ; on y comptait 18 maisons, y compris 2 cabarets.

Des visites furent faites chez les cabaretiers dans le rayon indiqué jusqu'au 1-12-1762, époque où Charles de Lorraine interdit au magistrat de Binche de continuer à pratiquer ces visites à Battignies. On vit aussitôt le nombre de cabarets atteindre, dans ce hameau, le chiffre de 12 pour une agglomération de 26 à 27 maisons, dont 11 fermes.

A la suite de cet arrêté, le magistrat de Binche se plaignit amèrement de la perte considérable que la ville éprouvait dans la recette de ses revenus d'octroi[4].

 Quelques noms de cabaretiers émergent des archives, souvent suite à des querelles de clients :

Le 11 février1700, le cabaretier Evrard Boussart, reçoit une gifle d’un client[5].

 Le 20 juin 1712, « Se représente que le 19 du courant Antoine Navez, estant en la maison de Augustin Depret, cabartier, il receut plusieurs coups à sang à la tête, pourquoy il demande qui on députera pour visiter la playe et tenir des informations.
A député les Sr jurés Bourgeois et Waulde
De même pour Charles Du Massé jeune homme qui s’est rendu plaintif que le 19 courant il avoit été blessé a le tête d’un coup de brique lui jeté par Michel Navez auquel il requiert information.

Les jurés réglèrent le différent à l’amiable entre les deux parties[6]

 Le 11 août 1712, le lieutenant de police, veut régler les heures d’ouverture des cabarets « Comme il convient de apporter remède aux désordres quy (se) succèdent et que l’on permet que les cabarets de cette ville vend et donne à boire après 9 heures mesme jusqu’à 10 et que les placards  de S.M.  que on a déclaré le 29 mars 1672   et qui  permet de ne souffrir aucun buveur dans les cabarets après 9 h à penne de 60 sols de amende. Se que a requis aux Srs du Magistrat de voloire retirer le placart, signé Antoine Pérès »[7].

 « Sur représentation faite par Mr Peres prévôt substitué ci-devant, déclare qu’il convient d’apporter remède de que les cabartiers vendent leur bière aux bourgeois et habitans de cette ville après les noeuf heure en hiver et dix heure en été, conformément aux bans politiques et contrairs aux placarts de S.M. daté du 29-3-1672 qu’il convient de défendre de vendre aucune boisson après 9 heure et 8 heure en hiver »[8].

 Le 22 août 1715, c’est toujours le prix de la bière qui est réglementé

« Se représentent  que nonobstant les grands rabais de prix des grains à cause de la fertilité de cette année, les cabartiers et hostellains de cette ville vendent leur bière au même prix que pendant la cherté des grains »[9].

 Le Cabaret François Bara est cité le 27 mars 1719.

« Mrs du Magistrat étant informés qu’aujourd’huy vers les dix heures du matin Philippe Navir se trouvant dans la maison de François Bara, cabartier, s’est tant oublié, en présence de plusieurs personnes, d’injurier Mrs les Magistrats… »[10].

 Le 26 juin 1721, une ordonnance communale inters-dit de danser dans les cabarets

« Le Sr Dessars, lieutenant de prévôt représente que nonobstant les placarts et ordonnances émanées cy-devant, tant de S. Majesté que du Conseil souverain de Mons en dernier lieu le 17 juin 1716 contenant deffence de compagnie de (plus de) deux personnes dans les cabarets et d’y danser en quelque temps que le soir, à peine de 60 s. d’amende et du double à la charge des hostelains, plusieurs y contevenent par quoy il demande ce qu’il y a à faire.

Conclu de republier le placart de l’an 1716 et de les faire observer ponctuellement de même que les placarts portant déffence de boire après noef heures dans les cabarets ».[11]

 Le 14 mai 1723

«  Se représente qu’il y a quelque tems il y a eu débat (rixe) entre Jacques Haine et Jacques Durant, dans la maison de Louis Gravis, cabartier de cette ville »[12].

 Le 15 mai1723, on cite :

« A la semonce du Sr. Dessart lieutenant-prévôt, on a taxé à 24 pattar le pot de vin.

Se représente qu’il convient de renouveller la défense d’aller boire dans les cabarets après neuf heures en conformité des placarts et bans politiques à peine de soixante solz d’amendes tant à la charge des contrevenans que des cabaretiers »[13].

 Le 12 mai 1738, un nouvel arrêté du Magistrat stipule :

« Item qu’étoit défendu aux bourgeois de cette ville d’aller boire dehors icelle, il est juste de leur procurer le débit de la boisson dans la ville à un juste prix, fixe et raisonnable, proportionné aux fraix et coutance d’un brassin commis, pourquoy il conviendroit l’appretier et tenir la main à l’exention de la taxe conformément  aux ordonnances politiques.

Se représente encore que par les dits bans politiques il est deffendu à tous cabartiers d’encaver leur petitte bière afin que ceux qui ne sont pas en étét de brasser et surtout les pauvres puissent se pourvoir pour leur subsistance en tous tems, cependant les dits cabartiers sans avoir égards à ces ordres encavent toutes leurs petittes bières et les pauvres gens ont peine d’en avoir, sinon come par grâce et à un prix exhorbitant, pourquoy il paroit nécessaire de faire exécuter les dits bans politiques tant pour le passé que pour le futur ».

 Le Cabaretier Joseph Charles est cité le 10 juin 1738 pour des fraudes qu’il a commises

« Se représente qu’en suitte de visitte faite par Mrs. des pots des cabartiers de cette ville le jour d’hier et continuée ce jourd’huy, il s’est trouvé plusieurs tant pots que canettes d’une jauge trop forte et irrégulière qu’on a apparu avoir été pratiquée par Joseph Charles dit Trompette (ce qu’il a reconnu) malgré les deffenses luy faites à l’assemblée du 7 mars 1737…il convient de remédier à cet abus et désobéissance »[14]

 Le 3 mai 1764, Philippe Sainte-Marie et Georges Dessars, cabaretiers, au nom de leur société, demandent de pouvoir ériger un autel dans la collégiale Saint-Ursmer en l'honneur de Saint-Arnould "au pilier où étoit situé le banc des Messieurs du magistrat dont ils ont présenté le plan »[15].

 Charles de Lorraine en confirmant le 20-2-1764 les exemptions dont jouissaient les habitants de Battignies, statua qu'il ne pouvait plus y avoir que deux cabarets et que les tenanciers n'auraient chacun qu'un brassin exempt d'impôts, de 20 tonnes de bonne bière et de 10 de petite, la tonne de 48 lots, mesure de Mons, quitte à payer ce qu'ils vendaient de plus aux mêmes maltôtes et droits que ceux octroyés à Binche.. »[16].

 Bien souvent se sont les cabaretiers qui sont à la base des kermesses de quartiers, mais ils sont soumis à la stricte observation du Magistrat, ainsi on peut lire le 23 octobre 1766:

« Sur le rapport qui nous fut fait lundi dernier de discours qui s’estoient tenus le jour précédent dimanche dans les cabarets de la rue St-Jacques où la ducasse que l’on nomme de Ste-Calixte se perpetuoit depuis huit jours. Dans des endroits aussi dangereux et dans des assemblées aussi nombreuses, nous n’avons pu les regarder que comme des traits capables d’émouvoir les esprits, d’anéantir l’autorité du Magistrat à qui la loi a confié la police.

On disoit que dans ces endroits qu’on vient de demander au lieutenant prévôt la permission de faire le lendemain les durmenés, de danser dans les rues et qu’ensuite de la permission accordée par celui-ci avec conseil de bien se divertir, il lui a demandé s’il falloit avertir le magistrat, à quoi il auroit répondu que non, qu’il étoit le seul maître, que s’ils s’avisoient de le faire il révoquoit la permission donnée et que s’il survenoit des contestations  il étoit là pour les soutenir.

Après une recherche de la vérité, nous n’avons trouvé qu’une partie de vrai, savoir qu’il leur auroit conseillé de se bien divertir et de ne pas avertir les Magistrats

 Ce qui ne laissant pas de suffire pour persuader les esprits que les Magistrats seroient pour rien au fait de police, blessés, d’une manière aussi sensible et envisageant dès longtems ces ducasses particulières des différentes rues comme très pernitieuses au bon ordre et au repos public ; pour y pourvoir nous avons délibéré lundi, nous pouvions à l’exemple de nos prédécesseurs faire enlever les tambours, violons, etc. mais préférant les voies de la pacification …en même tems d’ordonner aux huissiers et aux sergeants des ruelles de visiter ce jour là spécialement après la retraite au moins après 9 h. du soir et d’en faire un rapport au greff.[17]

 Au XVIIIe s., le café est un établissement où l'on ne boit dès son origine, que du café, il est né à Paris.

 Le recensement an IV (1795) cite l’auberge Toussaint Legendre et sa femme Marie-Thérèse Miest , arrivés à Binche en 1784.

 Le 20 mai 1794, l’assemblée des notables instituée par le baron de Stassart, prévôt de Binche, qui vu l’invasion des Français, préside aux destinées de la ville « Conclud de délivrer aux citoyens françois, de la bierre, en conséquence on a ordonné de donner premièrement un tonneau de bierre par chaque cabaret soit

N. Pourbaix, 1 tonneau

Ch. Lebrun, 1 tonneau

N. Debrulle, 1 tonneau

Joseph Massard, 3 tonneaux

Louis Dessars, 1 tonneau

N. Robert dit Loupogne, 1 tonneau

Ensuite d’ordre du général Raoult il nous a été enjoint de fournir 12 tonneaux de bière et 10.000 rations de pains

Louis Dessars, 1 tonneau 

Navez dit Corbeau, André Huart, Charles Lebrun, Auguste Debruille et Charles Lechien : 2 tonneaux

Pourbaix, brasseur, n’a pas livré

 Le 4 frimaire an 3 (24 novembre 1794), suite aux "querelles et batailles d'individus qui ne se lassent d'être dans les caffets et cabarets à toute heure de la nuit" un ban de police fut publié intimant défense "de se trouver dans un caffet après la cloche de 9 heures, sous peine de 6 livres d'amende pour le délinquant et de 12 livres pour le cabaretier »[18].

 


[1] A.G.R. V.N. 1693
[2] A.E.M. Etats de Hainaut f° 212-213.
[3] A.V.B. 00-00-01-26
[4] A.V.B. 00-00-01-35, f° 10, r°-v°
[5] A.V.B. 00-02-02-7
[6] A.V.B. 00-00-01-26
[7] A.V.B. 00-00-01-26
[8] A.V.B. 00-00-01-30.
[9] A.V.B. 00-00-01-26
[10] A.V.B. 00-00-01-27
[11] A.V.B. 00-00-01-28
[12] A.V.B. 00-00-01-28.
[13] A.V.B. 00-00-01-28.
[14] A.V.B. 00-00-01-30
[15] A.V.B. 00-00-01-35, p.17 v°
[16] DEMARET P. Miettes binchoises, dans bulletin SAAMB  oct.87, pp7-8)
[17] A.V.B. 00-00-01-35
[18] A.V.B. 00-00-01-40, f°184 r°.

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