dimanche 11 décembre 2016

Le gendarme et le bourgmestre


LE GENDARME ET LE BOURGMESTRE

                                                                                                                                         Alain GRAUX



Un long conflit entre plusieurs juridictions judiciaires eut pour point de départ un fait divers qui se passa à Binche.

Jean-Joseph Damin, gendarme à cheval, se trouvait en état d’ivresse dans la soirée du 1er décembre 1864, dans un café de la ville de Binche, où il insultait d’autres personnes qui s’y trouvaient également.

Le bourgmestre de la ville étant survenu dans cet établissement, et ayant engagé Damin à rentrer à la caserne, celui-ci répondit qu’il savait ce qu’il avait à faire, réponse qu’il donna en maniant sa carabine de manière à faire croire au bourgmestre qu’il se moquait de lui.

Le bourgmestre l’ayant engagé de nouveau à sortir, en disant que si on le traitait comme il le méritait, il irait en prison de la ville.

Le gendarme rétorqua « Ah, monsieur le bourgmestre, en prison vous y iriez avant moi ! »

Sorti enfin du café en se dirigeant vers un autre cabaret, il rencontra un individu qu’il mit en joue, en lui disant que « s’il ne se retirait pas, il lui brûlerait la cervelle ».

Poursuivi devant le tribunal correctionnel de Charleroi, pour avoir à Binche le 1er décembre 1864, outragé par paroles, gestes et menaces, le sieur Wandepepen, bourgmestre de la ville de Binche, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ou tout au moins, d’avoir à Binche à la date pré mentionnée, adressé des injures audit Sr Wanderpepen et au Sr Gigonnon, et d’avoir été l’auteur de bruits et tapages injurieux de nature à troubler la tranquillité publique ; la chambre du conseil du tribunal de Charleroi, par ordonnance du 9 janvier 1865, se déclara incompétente pour statuer sur la prévention et déchargea le magistrat instructeur de l’information.

Le tribunal fondait sa décision sur ce que la gendarmerie nationale, faisant partie de l’armée, est justiciable des tribunaux militaires, sauf pour les délits relatifs au service de la police générale et judiciaire dont elle peut être chargée, service dont le prévenu n’était pas chargé lors du délit poursuivi.

L’affaire ayant été renvoyée à l’autorité militaire, le conseil de guerre du Hainaut, qui en fut saisi, rendit le 28 janvier 1865, un jugement sur lequel il se déclara lui aussi  incompétent et renvoya le prévenu devant la juridiction ordinaire étant donné que, bien que faisant partie de l’armée, les attributions des conseils de guerre ne concernent que les faits avérés en temps de conflit armé.

Il renvoie donc le gendarme Damin devant la juridiction criminelle ordinaire.

L’auditeur militaire de la province de Hainaut s’est pourvu en règlement de juges par une requête en date du 18 février 1865 suivant, qu’il a adressé à la cour de cassation.

Il motive cette requête comme suit :

« L’instruction avait constaté que les délits dont il s’agit avaient eu lieu dans un café où le gendarme Damin était entré comme simple particulier et non comme gendarme, venant poser des actes du service de la police générale et judiciaire, dont la gendarmerie est chargée ; c’est dans cette circonstance de fait que prend sa source la divergence qui s’est déclarée entre les deux juridictions devant lesquelles cette affaire a successivement été portée ».

On renvoya donc l’affaire devant la chambre du conseil d’un autre tribunal correctionnel du ressort de la cour d’appel de Bruxelles pour être procédé conformément à la loi.

La cour de cassation de Bruxelles en date du 27 mars 1865, présidée par le comte de Sauvage, en présence du rapporteur Marcq et de l’avocat général Cloquette, déclara nulle l’ordonnance du 9 janvier 1865, du tribunal de Charleroi,  renvoya les pièces de procédures devant la chambre du conseil du tribunal de 1ère instance de Mons pour être procédé aux règles du code de procédure ordinaire.


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